À la veille de l’ouverture du salon VivaTech, le Président Emmanuel Macron a rassemblé les plus grands talents français de l’intelligence artificielle ce mardi au Palais de l’Elysée.
En amont de l'événement, le chef de l'État a clôturé le Sommet sur l’intelligence artificielle de Séoul en visioconférence où il a notamment annoncé les dates d'un prochain Sommet pour l’action sur l’IA qui se tiendra en France les 10 et 11 février 2025.
Seoul declaration for safe, innovative and inclusive AI.
Seoul Statement of Intent toward International Cooperation on AI Safety Science.
Revoir la prise de parole du Président :
21 mai 2024 - Seul le prononcé fait foi
Intervention du président de la République en visioconférence à l’occasion du Sommet sur l’intelligence artificielle de Séoul.
Bonjour, merci beaucoup à tous.
Je voulais d’abord remercier le Président Yoon, merci beaucoup cher président, et Rishi Sunak, M. le Premier ministre pour l’organisation de cette réunion et remercier tous les collègues, chefs d’Etat et de gouvernement et les chefs d’entreprises et experts qui ont pris le temps aujourd’hui de cet échange essentiel. Il vient prolonger en effet la dynamique du Sommet de Bletchley Park en novembre dernier et nous permet de raviver les échanges tenus lors de la fondation du Partenariat mondial pour l’intelligence artificielle à l’initiative du Canada en novembre 2018.
Vous l’avez tous dit très clairement et cela ressort très largement des interventions : l’intelligence artificielle n’est pas simplement une révolution économique et technologique – elle porte le potentiel d’un profond changement de paradigme de nos sociétés, c’est-à-dire notre rapport au savoir, notre rapport au travail, notre rapport à l’information et donc à la démocratie, notre rapport à la culture et même au langage. Et rapidement, nous devrons l’adopter au sein de nos entreprises si nous ne voulons pas perdre la bataille de la productivité, mais aussi intégrer les bons et mauvais usages dans nos démocraties.
Pour toutes ces raisons, c’est devenu clairement un enjeu politique et ça peut l’être pour la pire ou la meilleure des raisons, si je puis dire, et c’est pourquoi avoir une conversation internationale intégrée qui permette de donner une place aux leaders technologiques, aux usagers mais aussi aux gouvernants de la planète, me parait essentiel. C’est pourquoi nous avons accepté la responsabilité de prolonger la dynamique initiée par le Royaume-Uni et la Corée, en accueillant en France, les 10 et 11 février 2025, un sommet pour l’action sur l’IA, pour lequel je compte sur votre engagement.
Nous allons nous mettre au travail dès les prochains jours et mon envoyée spéciale, Anne Bouverot, réunira ce 28 mai nos principaux partenaires en ce sens, pour bâtir, au fond, un agenda autour de notre double responsabilité à l’égard de l’IA et cela correspond à ce qui vient d’être dit - celle à la fois de partager, d’innover et de continuer d’accélérer et celle de protéger face aux mauvais usages et d’intégrer aussi les conséquences directes et indirectes de l’IA.
En premier lieu, donc partager, ouvrir. C’est comment faire en sorte que l’adoption massive de l’intelligence artificielle puisse réaliser la promesse initiale du numérique, qui est l’émancipation individuelle et collective, et donc le progrès, la connaissance et derrière la croissance économique. Pour cela, il faut un agenda d’investissement pour favoriser l’innovation et éviter la concentration - ce faisant, nous renforçons les libertés d’entreprendre, de créer et d’apprendre. Il nous faut aussi encore plus fortement inciter l’innovation en faveur du bien commun et des objectifs de développement durable, qu’il s’agisse d’ailleurs de l’environnement ou de la santé, en bâtissant aussi une architecture pleinement « ouverte » de l’intelligence artificielle, je sais combien certains d’entre vous – et Yoon vient d’y faire référence – y tiennent, et pour travailler à une technologie accessible à tous.
Je ne veux pas ici être plus long mais pour moi le premier volet de notre agenda d’action pour l’IA, c’est en effet comment investir davantage, comment on peut accélérer, l’innovation, la diffusion et comment s’assurer qu’il y ait un socle d’architecture « ouverte » pour permettre le développement possible de nos objectifs principaux.
En deuxième lieu, notre rôle est clairement de protéger les citoyens des risques qui sont générés par le développement très rapide de l’IA, que les usages les plus risqués soient pleinement empêchés, ce dont il avait été beaucoup question au Royaume-Uni l’an dernier ; c’est le fil directeur du règlement européen sur l’IA adopté en mars dernier. Et très clairement apparaissent des usages impossibles de l’IA, la militarisation de l’IA et autres, cela je crois qu’il faut dès le début l’intégrer. Il faut dès le début avoir une conversation mondiale sur ce sujet si on veut être efficace et donc se dire qu’on a une forme d’ordre public international qui doit éviter certains mauvais usages de base. Et puis, il y a des choses qu’on doit aussi pouvoir intégrer très rapidement et calibrer : la protection de la propriété intellectuelle, la préservation des données de chacun, l’impact environnemental des IA, les conditions de rémunération, la prolifération des attaques cyber et de campagnes de désinformation. Donc, on voit bien que la protection va supposer aussi d’avoir une approche sans doute un peu différente d’une approche classique, c’est-à-dire d’avoir une approche par stress test, par scénario et se mettre d’accord aussi sur un agenda commun.
Pour cela et je finirai par-là, il faut une nouvelle gouvernance internationale de l’intelligence artificielle et je crois que le grand risque, ce serait qu’il y ait des gouvernances régionales et qu’au fond, il y ait une fragmentation de la conversation et des préférences parce qu’elles créeraient une forme de disparité et viendraient obérer nos capacités à investir et innover ensemble et créeraient des préférences collectives différentes, alors même que si on veut être efficace, il faut bâtir un vrai socle international commun. Je crois que cette nouvelle gouvernance internationale dont on a posé les fondements avec ce Partenariat mondial pour l’intelligence artificielle, elle repose autour du triptyque sciences, solutions et standards.
Sciences d’abord, il faut chercher en permanence à bâtir ensemble un consensus scientifique robuste. Là-dessus, je veux rendre hommage aux travaux confiés au groupe d’experts dirigé par Yoshua BENGIO et dont les résultats définitifs arriveront en février prochain mais dont les résultats provisoires ont déjà été rendus et font déjà référence, ce qui permet d’avoir une vue panoramique des risques et des opportunités. Je crois que c’est important que ce soit à chaque fois scientifiquement basé, fondé, qu’éventuellement il puisse y avoir une discussion et des désaccords mais que ce ne soit pas l’objet d’un débat de biais politique.
Le deuxième élément pour la gouvernance mondiale, c’est de pouvoir unir nos forces pour créer les solutions techniques ouvertes à tous, permettant ainsi d’auditer les modèles, de déterminer les bons standards d’évaluation de risques, d’évaluer leur impact environnemental. Je pense essentiel que nos différents instituts d’évaluation des modèles d’IA puissent partager leurs résultats, notamment avec les pays qui sont autant concernés par les enjeux mais ne sont aujourd’hui pas dotés des mêmes capacités d’analyses. Les entreprises doivent aussi pouvoir contribuer mais je pense que c’est très important d’avoir ces solutions techniques ouvertes à tous sinon, il n’y aura pas véritablement de gouvernance commune.
Et puis enfin, c’est des standards, des normes internationales de l’IA qu’il nous faut bâtir pour avoir des règles communes qui soient pleinement compatibles et qui ne créent pas de distorsion entre les espaces, de surcoût pour les entreprises. C’est aussi pour cela que je crois beaucoup à la capacité qu’on aura d’inclure tous les espaces géographiques et toutes les grandes puissances technologiques et économiques de la planète. Il ne faut pas que cette gouvernance se fasse en excluant tel ou tel, il faut vraiment éviter une fragmentation des cadres réglementaires qui ne profiterait vraiment à personne.
Voilà, ces trois objectifs pour moi – sciences, solutions, standards – sont au cœur du projet de relance du Partenariat mondial pour l’intelligence artificielle dont, on fait tous partie, aux côtés de grands partenaires comme l’Inde, le Brésil, le Sénégal, une trentaine de pays au total, bientôt rejoints par d’autres. C’est une nouvelle étape qui s’ouvre mais c’est autour de ces principes qu’on va bâtir et donc mener ce travail en vue de février prochain.
Je crois que j’ai épuisé le temps qui m’était imparti et je ne veux pas être plus long mais l’objectif était vraiment de remercier les collègues et dirigeants d’entreprises, contributeurs qui se sont exprimés aujourd’hui et d’essayer ainsi de donner les principaux objectifs pour le sommet de février prochain. Merci beaucoup !
Depuis 2017, le chef de l’État mène une politique d’innovation qui a positionné la France dans le peloton de tête de la course à l’IA. Grâce à une stratégie nationale lancée en 2018 dotée de sa première phase d’1,5 milliards d’euros puis consolidée au sein de France 2030, le pays dispose aujourd’hui d’un écosystème de recherche et technologique en IA mondialement reconnus.
Cette stratégie a porté ses fruits et a permis de développer un réseau d’instituts interdisciplinaires d’IA, de soutenir des chaires d’excellence en la matière, de financer des programmes doctoraux et d’investir dans les capacités de calcul de la recherche publique. L’écosystème IA français est désormais composé de plus de 80 laboratoires de recherche, 600 startups en très forte croissance et représente près de 13 500 emplois dans le secteur.
De Nice à Rennes en passant par Grenoble, Toulouse, Paris, Saclay ou encore Strasbourg, partout nous investissons pour constituer des pôles d'excellence en formation sur l'IA.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) May 21, 2024
Objectifs : rester à la pointe en matière d’IA, doubler le nombre de talents et créer des emplois ! pic.twitter.com/BgwF9AXmXF
L’Europe et la France disposent donc de tous les atouts pour être fer de lance de cette révolution technologique et renforcer notre souveraineté numérique. La Commission pour l’intelligence artificielle a notamment rendu un rapport récent proposant des mesures à prendre pour accélérer sur le sujet.
Dans ce cadre, le Président de la République a présenté ses orientations pour aller encore plus loin pour faire de la France une puissance de l’IA, en attirant les plus grands talents, en sécurisant nos propres puissances de calcul et nos infrastructures et en accélérant l’adoption collective d’une IA sûre et construite avec nos valeurs, par les citoyens et l’Etat.
Avec nos talents français de l’intelligence artificielle… Il « IA » de l’avenir en France !
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) May 22, 2024
Le moment est décisif en la matière, c’est pourquoi hier devant nos acteurs, j’ai appelé à la mobilisation et à l’action : nous pouvons faire de la France un leader incontesté de l’IA.…
Cet événement s’inscrit dans la lignée de la 7ème édition du Sommet Choose France où sept projets d’investissements dans les nouvelles technologies, à l’image des 4 milliards d’euros annoncés par Microsoft, confirment la place centrale de la France en Europe.
Revoir la rencontre avec les talents français de l'IA :
21 mai 2024 - Seul le prononcé fait foi
Discours du président de la République en clôture du rassemblement des plus grands talents français de l’IA.
Mesdames et messieurs les ministres,
Monsieur le commissaire européen,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les élus,
Cher Maurice,
Mesdames et messieurs, en vos grades et qualités,
Chers amis.
Je tiens à remercier tous nos amis. Merci d'être là quelques jours après le sommet Choose France, quelques jours avant les Jeux Olympiques. Ça démontre votre engagement à la France d'être là, à l'occasion de VivaTech. Je suis heureux de pouvoir vous réunir ici. On vole un peu le départ de VivaTech, qui est un événement auquel nous tenons beaucoup et qui est un succès de ces dernières années, pour vous réunir et dire d'abord toute la fierté, en tout cas, qui est la mienne de vous avoir ici comme talents de l'intelligence artificielle française, européenne et mondiale et puis comme partenaires de cet écosystème français, que vous soyez décideurs publics, investisseurs ou dirigeants de grandes entreprises venant du continent asiatique ou américain. Ces réussites sont importantes pour évidemment le pays, pour le monde et, je crois, beaucoup des sujets qui sont au cœur de nos agendas.
Qu'on parle de santé, d'éducation, de transformation de notre efficacité publique, qu'on parle de climat, ce que l'IA va permettre de faire, permet déjà de faire, est évidemment une révolution fondamentale. Je le dis dans un moment, j'ai eu l'occasion de m'exprimer il y a quelques semaines en parlant de notre Europe, je pense que pour la France et l'Europe, réussir à former, aider à se développer, garder, attirer des talents de l'IA est une bataille absolument essentielle et, je dirais même plus, existentielle pour nous.
D'abord parce que quand on regarde les choses, notre capacité à relever les défis mondiaux, à apporter des solutions à nos compatriotes et aux générations à venir dépend aussi de notre capacité à créer de la richesse. Et quand on regarde les trois dernières décennies, la richesse créée, la valeur ajoutée créée par habitant est deux fois inférieure en Europe par rapport aux US. La principale raison, c'est que les US réussissent à innover beaucoup plus vite, plus fort. Ils ont investi beaucoup plus et ont davantage diffusé cette innovation au reste de l'économie. Je crois que cette bataille de l'IA aujourd'hui, cette compétition est absolument clé à cet égard, parce qu'elle est celle qui nous permettra de justement bousculer les choses.
Ensuite, elle est au cœur de la bataille, évidemment, du travail, on y reviendra, de l'emploi, de la productivité et donc de l'avenir de notre continent. Alors, à ce titre, vous réunir aujourd'hui, ce n'était pas simplement vous dire l'admiration que j'ai pour vous et de vous dire merci d'avoir déjà fait tout ce que vous avez fait, qu'on va continuer. Mais c'était au fond de vous dire comment je voyais ensemble notre capacité à aller un cran plus loin et bâtir justement un modèle français européen pour avancer.
D'abord, tout ça s'appuie sur des résultats qu'on a. Ces dernières années, on a réussi à avoir une politique d'innovation, d'attractivité qui a amélioré nos résultats. On a recommencé à converger, en particulier avec l'Allemagne et nos compétiteurs.
Dans nos universités en investissant davantage, en renforçant les logiques de sites, en poursuivant les rapprochements aussi avec le monde industriel, dans notre recherche, avec une loi de programmation qui a consacré un effort de financement sans précédent et un plan IA dès 2018, qui est arrivé très tôt parmi les générations d'IA, dès la réforme qu'on a lancée il y a maintenant quelques mois pour aller vers des vraies agences de programmes en renforçant l'autonomie des universités, avec aussi un très gros programme de simplification de la vie des chercheurs, qui était demandé par plusieurs chercheurs experts présents dans cette salle.
Avec un écosystème de start-ups qui a été profondément transformé par la FrenchTech, par Bpifrance, par l'ensemble des fonds Business Angels et tous les fonds de croissance aux différentes étapes qu'on a mises en place. C'est assez simple : en dix ans, on a multiplié par dix, ce qui nous met aujourd'hui en leadership européen avec France 2030, cher Bruno, qui, en deux ans et demi, a déjà engagé plus de 30 milliards d'euros pour financer les innovations de rupture, en plus de toutes nos politiques sectorielles. Et puis des initiatives pour mieux mobiliser le financement privé, comme les fonds Tibi 1 et 2 qui ont permis de rediriger une partie de l'argent des investisseurs et des investisseurs institutionnels vers l'innovation, la prise de risque.
Et puis, avec tout ça, on a mis en place une politique fiscale beaucoup plus attractive, qui est stable depuis 7 ans, avec 30 milliards de baisses d'impôts pour les entreprises, le maintien du crédit impôt recherche, une flat tax sur les gains en capitaux, des mécanismes pour que les salariés bénéficient de la valeur créée, amélioration des systèmes de BPCE et autres. Ce qui vraiment peut faire dire, certains étaient en avance de phase, que la France est un paradis pour les créateurs de start-ups et les investisseurs dans les start-ups.
On a continué à moderniser aussi le marché du travail avec des ordonnances, une simplification des règles, un nouveau système qui est concerté en ce moment sur le marché de l'assurance chômage. Puis France Travail, qui est aussi important pour requalifier, et pour attirer les talents étrangers avec ce système FrenchTech Visa qui est, je crois pouvoir le dire, une vraie révolution là aussi en termes d'attractivité et qui est venu compléter tout un tas de réforme. Je ne veux pas être trop long, mais celle de l'apprentissage, celle qu'on est en train de faire du lycée pro, du premier cycle universitaire, etc.
Donc, il y a une cohérence d'une politique macroéconomique sectorielle sur le marché du travail en termes de fiscalité, en termes d'investissement, qui nous a permis véritablement d'être le pays, depuis 5 ans, le plus attractif d'Europe et le plus dynamique en termes de création de start-ups et de financement de la croissance de nos start-ups dans tous les secteurs. Ça a été complété, je le disais, par une stratégie nationale pour l'IA qui a été lancée dès la fin 2017, qui a permis de structurer l'écosystème de recherche national avec l'INRIA, la création de 3 instituts de recherche de pointe en IA, les 3IA, l'arrivée du supercalculateur Jean Zay.
Puis ensuite, on a ciblé la diffusion de l'IA au sein de l'économie en faveur d'une IA frugale et de confiance. Cette stratégie a porté des fruits avec les premières grandes réussites françaises en la matière, avec plusieurs laboratoires de référence installés à Paris, Méta, figure iconique, Alphabet, Cisco, Criteo, DeepMind, Uber et merci à Xavier NIEL, Eric SCHMIDT et Rodolphe SAADE, qui va travailler à l'élaboration de nouveaux modèles de pointe, et puis beaucoup de start-ups qui se sont créées, qui se sont développées, y compris jusqu'à ces derniers mois.
Les résultats se sont accélérés ces 18 derniers mois. Plus de 600 start-ups françaises sont aujourd'hui spécialisées en IA. Nous annonçons dans les jours à venir la liste de 120 start-ups les plus prometteuses en France et plus de la moitié ont une activité dans l'IA. Le monde entier connaît désormais Mistral et demain H, ce qui est aussi un choix qui n'était pas évident il y a encore quelques mois et qui montre que cette révolution se poursuit. Donc, très clairement, la capitale des Lumières est en train de devenir une capitale de l'intelligence artificielle.
On a mis en place, pour accompagner ce travail et aller plus loin, une commission pour l'IA, justement, la Commission de l'intelligence artificielle qui a été portée par la coprésidence d'Anne BOUVEROT et de Philippe AGHION, que je remercie chaleureusement, avec des personnalités du monde académique, du monde de l'entreprise, de tous les secteurs compétents, permettant aussi de penser les usages, etc. Ils nous ont aidés à penser cette révolution technologique et, au fond, ce changement de paradigme qui bouscule en effet notre éducation, notre démocratie, notre administration et tous les secteurs, et essayer de bâtir au fond un même système, si je puis m'exprimer ainsi, de langage, de compréhension, de diffusion. Les travaux inédits de Philippe AGHION indiquent notamment que l'impact de la diffusion de l'IA dans l'économie française pourrait être massif, avec une croissance économique qui pourrait doubler, plus un point par an grâce à l'IA, une hausse du PIB qui doublerait en 10 ans notre industrie et donc des vrais leviers de transformation, très puissants sur le plan économique et de sa diffusion.
Mais très clairement, nous sommes à un moment de rupture très profonde parce que c'est aujourd'hui que le virage est pris ou pas, à la bonne vitesse ou pas. C'est pour ça que la rencontre d'aujourd'hui, tous les travaux que vous avez eus, et tout ce qu'on va faire d'ici au Sommet que la France va accueillir en février prochain est très important.
Au fond, la question qui est posée à la France, à l'Europe, c'est est-ce qu'on décide les investissements, la politique d'accompagnement qui nous permet de revenir complètement dans la compétition internationale et d'être en leadership ? Est-ce que si on se met en situation de penser cette transformation et ce nouveau paradigme avec la bonne exigence ? Parce que je pense que c'est une nécessité de le penser pour ensuite avoir la conversation internationale adaptée et du coup, les transformations qui vont bien et la régulation à la bonne échelle, c’est-à-dire, à mes yeux, mondiale qui va bien.
Donc c'est véritablement un moment de réveil stratégique que nous vivons, qui suppose des choix profonds en termes de recherche, de formation, d'investissement business, mais également de régulation et de diplomatie. C’est cet ensemble sur lequel nous devons avancer. Au fond, c'est autour de ça que je veux axer mon propos et c'est une approche française et européenne, je dirais, de manière native. La bataille pour moi, elle se fera autour de 5 grands domaines : les talents, les infrastructures, les usages, l'investissement et la gouvernance. C'est, au fond, autour de ça qu'il faut qu'on réussisse à prendre les bons virages.
Alors d'abord, les talents. Si la France veut rester une très grande puissance de l'IA au niveau européen, sans doute avec les Britanniques, mais aller encore plus loin, la question des talents est clé. Tous ceux qui sont ici dans des groupes asiatiques ou américains le savent, ô combien, eux qui recrutent tant de talents européens et en particulier français. Je dirais qu'on a une chance de départ, on est plutôt bons dans les disciplines nécessaires pour l'IA. Les très grands mathématiciens data scientist sont des ressources rares, très prisées. La France en forme beaucoup est de très bonne qualité. Bon, il y a une chose qui est sûre, vous êtes nombreux ce soir et on peut souhaiter, à horizon de 10 ans, que vous soyez plus nombreuses.
Mais je dirais qu'en termes de talent, l'un des enjeux qu'on a est clairement de favoriser et d'encourager l'accès des jeunes femmes aux filières du numérique et à tous les métiers qui sont au cœur de l'IA. Le programme TechPourToutes annoncé l'année dernière à VivaTech, est à cet égard un élément clé pour accompagner 10 000 étudiantes d'ici 2027. Mais c'est un travail sur lequel j'ai besoin de vous toutes et vous tous. C'est que très souvent, c'est un problème d'autocensure chez les très jeunes filles, puis après, c'est un problème d'orientation et ensuite c’est un problème d'opportunité. Il faut qu'on règle à chaque étape ça. Et donc je sais qu'il y en a beaucoup qui ne sont pas à convaincre, qui se sont désengagés depuis longtemps. Donc pour moi, c'est une priorité et on doit aller beaucoup plus loin.
Au-delà de cette féminisation qui est juste de se dire 1) ce n'est pas juste, 2) ce n'est pas représentatif, 3) ce n'est pas efficace parce qu'en fait on n'utilise pas juste la moitié de la ressource humaine et du capital d'intelligence de notre société, c'est idiot, avant d'aller chercher des capacités de calcul ailleurs.
Ensuite, quand je regarde les talents, on a une offre de formation qui est trop limitée, sans doute déséquilibrée, avec un monde de techniciens de la donnée et peu ou moins insuffisamment pluridisciplinaire. Donc c'est pour relever ces défis que nous souhaitons avancer avec nos universités, nos écoles, pouvoir former encore plus massivement à l'IA. Ce donc que nous puissions travailler à faire en sorte, suivant d'ailleurs les recommandations de la Commission précitée, on priorise les formations de l'enseignement supérieur à la technologie, l'IA et ses applications puissent être justement enseignées massivement. Très concrètement, ça impose d'utiliser au maximum les nouveaux leviers de contractualisation que nous sommes en train de mettre en place dans le cadre de la réforme de nos universités. Et c'est tout ce que j'annonçais il y a quelques mois, ici même, qu'on est en train de mettre en place et qui sera parachevé d'ici un an.
Je souhaite aussi que chacun des dirigeants d'organisme de recherche, plusieurs sont présents ici, sous l'égide de l'INRIA dans son rôle d'agence de programmes, me propose avant la fin de l'année avec une stratégie d'ici à 2030, des évolutions structurantes et un renforcement concret de la recherche interdisciplinaire s'appuyant sur l'IA. Tous ces domaines doivent accélérer avec l'IA, recruter davantage et faire entrer l'IA dans leur recherche et donc créer plus d'interdisciplinarité intégrant l'IA.
Alors pour accompagner ce mouvement, l'Etat via France 2030 va investir, en plus de ce qui est déjà prévu dans notre stratégie, 400 millions d'euros dans les 9 IA clusters, donc les 9 sites universitaires et de recherche que nous avons. Donc je veux ici féliciter ces 9 IA clusters qui sont confortés dans ce rôle. Concrètement, l'objectif, c'est de faire un peu plus que doubler le nombre de talents en IA que nous allons former. Aujourd'hui, on forme à peu près 40 000 personnes par an. L'objectif, c'est de passer à 100 000 par an, dont 20 000 en formation continue. Ces centres d'excellence de Rennes à Saclay, de Grenoble à Toulouse et 5 autres qui devront s'organiser pour faire émerger une recherche interdisciplinaire, auront ce travail. Et donc on va vraiment faire un gros effort de formation supplémentaire. Là, je compte sur tous les acteurs de l'écosystème pour donner de la visibilité, aider et donner de la visibilité pour la suite.
Ils devront assumer, tous ces sites, des priorités sectorielles de la santé au quantique, s'organiser pour aussi attirer des talents internationaux. En particulier, c'est pour cela que nous allons faire venir les meilleurs et nous lancerons en complément un nouveau programme de chaire à la main de chaque cluster pour inciter les talents déjà reconnus, les meilleurs enseignants, les meilleurs entrepreneurs aussi, qui accepteraient de se remettre à l'enseignement, les attirer, leur permettre d'avoir des semestres ou des années d'enseignement sur ces 9 IA clusters en France. Tout ça doit aller très vite.
En parallèle, on va privilégier aussi ces sites sur l'application des simplifications pour les chercheurs, avec des systèmes de gestionnaire unique, la suppression de la paperasse inutile, la simplification des autorisations de cumul d'activité, l'accélération, l'harmonisation des procédures de financement et la priorisation à l'ANR des sujets IA. Autant d'exemples où en fait, on va appliquer ce qu'on a décidé au cœur de notre stratégie de réforme de la recherche et de la recherche universitaire. Mais on va l'appliquer, si je puis dire, en avance de phase sur tout ce qui touche à l'IA. Pourquoi ? Parce que là, la course de vitesse est encore plus forte et justifie ces mesures de simplification drastiques. Ça, c'est le premier pilier de la stratégie des talents.
Le deuxième, c'est de sécuriser la puissance de calcul et les infrastructures. Là-dessus, on a énormément de défis. Ce n'est pas à vous que je vais le dire. En même temps, si on regarde les choses de manière assez objective, on a des avantages qui sont insuffisamment exploités. Là aussi, je m'explique. Quand on regarde les choses, on a un vrai avantage. Quand on regarde, je parle sous le contrôle des experts que vous êtes, les goulets d'étranglement, très rapidement, ça va être l'énergie bas-carbone, pilotable, en grande quantité. Un pays qui fournit son électricité à 75 % avec du nucléaire, qui sait donner de la visibilité sur une stratégie de production de nouveau nucléaire et de renouvelable, c'est un pays qui a l'énergie parmi la plus décarbonée d'Europe, mais c'est le pays qui a l'énergie la plus décarbonée et la plus pilotable d'Europe, by far. En plus, nous avons décidé de creuser cet avantage parce qu'on aura totalement sorti le thermique de notre stratégie, de notre mix en 2027 et qu'on va massivement augmenter et le renouvelable et donc le nucléaire. Nous avons la capacité, nous, d'accueillir de nouveaux datas centers, de développer les data centers existants et donc d'avoir aussi des capacités de calcul supplémentaires. Ça, je crois, et je le dis pour vous tous, c'est quelque chose qu'il faut — Pardon de cet anglicisme à nouveau — mais pitcher pour la place française et ce sur quoi on mobilise les efforts européens.
Parce que ce qui est en train de devenir le goulet d'étranglement mondial en développement de l'IA, c'est un énorme avantage comparatif de la France. C'est quelque chose qu'en avance de phase, on a un peu pris, la stratégie de Belfort, on l'a lancée en 2022 et je me réserve d'ici à la fin de l'année sur les nouvelles tranches de réacteur qu'on va annoncer de prendre en compte d'ailleurs la nécessité d'aller encore plus loin sur de la production. À côté de ça, on a aujourd'hui un retard en Européens, c'est les capacités de calcul. Je faisais cocorico tout à l'heure en parlant et je les défends nos supercalculateurs, on en défend un nouveau. On aura, au-delà de Jean Zay, annoncée l'année dernière, nous accueillerons le deuxième supercalculateur Exascale EuroHPC qui est le fruit d'un co-investissement européen. Merci Thierry, merci la Commission et français à hauteur de 540 millions d'euros. Donc, on va mettre une deuxième étape. Ça, c'est très important. Et donc on va avoir des capacités publiques fortes, mais elles sont très loin, si on est lucide, des capacités de calcul à l'international. Je veux dire, aussi vrai que je défends la place française, que je nous défends tous, je ne serais pas crédible une seule seconde si je vous disais qu’on est au bon étiage sur ce sujet. On a aujourd’hui 3 % des GPU mondiales déployés, ce n’est pas du tout — au niveau européen — ce n'est pas du tout à la maille de ce qu'on doit faire.
Et donc, pour moi, la course maintenant de vitesse, c'est la capacité à faire plus. Comment ? 1) Avec les infrastructures publiques et ouvertes, celles que j'évoquais, 2) En attirant des grands investisseurs qui peuvent le faire et qui vont nous mettre des capacités de calcul avec des règles d'ouverture à la place, c'est ce qu'on a fait avec Microsoft. On peut aimer ou pas aimer, mais ça nous fait 25 000 CPU. C'est quasiment l'objectif que nous avait fixé la commission pour cette année qui était de 30 000. C'est beaucoup mieux que ce qu'on a aujourd'hui. Puis, 3) Continuer d'avoir une approche avec tous les écosystèmes, et c'est là où les initiatives type Kyutai ou autres vont nous permettre, j'espère, d'aller plus loin, c'est que l'écosystème décide d'en bâtir encore davantage et qu'on monte très vite à l'échelle.
L'objectif que j'essaie de nous fixer en européen, c'est de dire qu'on doit passer d'ici à 2030-2035 à 20 % des GPU mondiaux. C'est faisable, mais c'est une mobilisation public-privé des acteurs européens et de notre capacité d'attractivité pour augmenter, justement, là-dessus. Je pense qu'on peut d'autant plus le faire que nous avons un écosystème d'utilisateurs très fort, vous, et qu'on a des infrastructures d'énergie avec des vrais avantages que j'évoquais. Maintenant, en termes d'infrastructures, on va concentrer l'effort sur la montée en charge de nos GPU et là aussi, comme toujours, en veillant à ce que ce soit au maximum en architecture ouverte et à ce qu'il y ait le moins de biais possible pour l'écosystème pour qu'on puisse permettre à tous et toutes de les utiliser. Mais on a besoin donc de continuer, comme on l'a fait à Choose France la semaine dernière, d'avoir des Amazon, des Microsoft, des Equinix qui investissent en France pour nous aider à monter en la matière et avoir encore plus de coopération internationale.
Le dernier point là-dessus, ce sont les semi-conducteurs. Et là aussi, je vous le dis, je suis tout à fait à votre disposition pour bâtir des stratégies de partenariat avec les acteurs de la place. On a eu une stratégie sur les semi-conducteurs beaucoup plus utilisée dans les télécommunications et l'automobile, sur laquelle on avait une base installée STM, Soitech, qu'on a massivement développée grâce à ce qu'on a fait en franco-allemand et avec la Commission européenne, où on a développé plus de capacités, bâti des nouvelles coopérations avec GlobalFoundries. Mais ce n'est pas le bon niveau, on le sait bien, de semi-conducteurs dont on a besoin pour développer l'IA. Là-dessus, l'Europe est très dépendante d'offres aujourd'hui américaines et asiatiques. Et donc, on a besoin d'attirer ces investissements. Quand on regarde les stratégies qui sont à l'œuvre, ce qui marche très bien, c'est des stratégies dont on a des pays, des acteurs de l'IA, LLM et autres, et des fournisseurs de semi-conducteurs pertinents. On est en train d'avoir des discussions avec plusieurs acteurs américains, taïwanais et autres.
Moi, je suis disponible pour la place, et mes équipes le sont avec les ministres, pour qu'on puisse bâtir des stratégies pertinentes. En tout cas, notre volonté dans les 12-18 mois qui viennent, c'est de finaliser des opérations pour produire en France et en Europe les semi-conducteurs pertinents pour développer l'IA. Et là, c'est vraiment un des éléments de dépendance que nous avons en termes d'infrastructures aujourd'hui.
Dernier point là-dessus, ce sont les modèles originaux de LLM. Quand on regarde donc les choses, le développement des modèles, donc je le disais, nous avons déjà des champions, je les ai évoqués, Mistral, H. Nous devons là aussi accélérer. Et je veux là aussi que nous franchissions un cap en matière de développement de modèles, et en particulier de modèles open-source. Ils sont une force sur laquelle plusieurs sont ici engagés. Mais c'est un enjeu d'autant plus important que seule la présence de champions français sera à même de véritablement intégrer la force de notre écosystème, d'éviter aussi des biais supplémentaires, d'intégrer aussi les subtilités de notre culture, de notre langue, y compris dans ces variétés francophones. Et là-dessus, nous devons être à l'initiative, et c'est un modèle que nous portons et sur lequel nous avons besoin de tenir et d'avancer.
Troisième élément, je l’évoquais : c'est le financement. Financer notre écosystème et les acteurs de la Deep Tech en IA est absolument nécessaire. Et donc, en la matière, nous avons besoin là aussi de faire de nouveaux efforts. Cet investissement massif dans l'intelligence artificielle exige des moyens considérables. On a commencé, mais il y a évidemment, comme toujours, la partie publique et la partie privée. Il y a les politiques de recherche qu'on a évoquées ; France 2030, qui consacre déjà 2 milliards d'euros en plus de ce qu'il y a dans les politiques publiques par ailleurs, et cette part a vocation à doubler avant la fin du programme - donc, l'objectif de France 2030, c'est au moins 4 milliards sur l'IA, au-delà des transdisciplinaires et de l'interdisciplinaire. Mais le cœur de la bataille, c'est de le compléter ensuite par beaucoup plus de financements européens et des financements privés.
Financements européens, je le dis d'un mot - je ne veux pas ici reprendre ce que je disais à la Sorbonne il y a quelques jours : quand on regarde le sujet climat et IA quantique, l'Europe est le continent qui régule le mieux et le plus — donc super, je pense qu'on est à maturité ; il faut mettre en œuvre — mais on est celui qui investit le moins. Ce n'est pas un business model qui peut tenir longtemps ; ça ne peut pas tenir. Et donc, il en est des clean tech comme de l'IA et du quantique. Moi, je pense que c'est une chance d'avoir régulé ; on a donné une guidance au marché, tous les éléments sont là, les rendez-vous. Je ne suis pas pour déréguler ou lâcher le green deal, je vous le dis en toute sincérité, je suis pour le mettre en œuvre avec les bonnes flexibilités. Mais là où on est en retard, c'est qu'on investit beaucoup moins d'argent public au niveau agrégé, c'est-à-dire au niveau européen, sur la transition climatique et sur l'IA et le quantique. Et quand on regarde les choses, pour faire face à ces deux défis, plus le défi sécuritaire qui est le nôtre, il faut doubler le budget européen. Le quantum est assez simple. Et en plus, ce n'est pas du tout impossible parce que c'est exactement ce qu'on a fait face au Covid. Donc, face à un choc externe symétrique, une pandémie, on a su le faire, c'était le plan de relance qu'on a fait en deux mois face au Covid. Il faut juste qu'il y ait un réveil collectif des Européens. Ce qu'on vit, c'est un choc ; c'est un choc technologique hyper accéléré. Et sur les clean tech, l'IA et le quantique, si ce choc technologique, on n'y répond pas par la bonne stratégie d'investissement publique, les facteurs iront s'allouer ailleurs et on sera dépendant de solutions qui iront se déployer en Chine ou aux US. Donc, je pense que c'est un réveil essentiel que d'avoir une stratégie d'investissement européenne qui soit à la bonne échelle.
Et puis, il y a évidemment l'investissement privé, et ceci en France comme en Europe. En France, je disais, on a eu les stratégies des fonds Tibi qu'on a européennisés avec Scale-Up Europe. Et au fond, c'est quoi ? C'est simple : c'est de se dire notre système ne marche pas parce que les règles qu'on impose aux investisseurs institutionnels - que je propose de changer dans la prochaine mandature de la Commission - Solvency et Bâle, elles les détournent de l'investissement en equity, ce qui est absurde. Or, nous, 75 % du financement de nos économies, ce sont les banques et les assurances, et ce qui va avec. Et donc, les fonds Tibi, on a diverti une partie de cet argent avec un mécanisme tout à fait légal, et on a permis de l'injecter. On a environ réinjecté 30 milliards d'euros d'investissement et co-investissement dans l'innovation allant de la santé, Deep Tech et autres. Là, on doit accélérer sur Tibi 2. Tibi 2, on était parti avec un objectif de 10 ; on est à 7 — 7 objectifs confirmés — on n'est qu'à 2,5. Je le dis parce que je ne peux pas dire qu'on doit aller très vite ; on n'est pas au bon rythme et je le dis pour tous les investisseurs institutionnels qui sont dans Tibi 2, je compte sur vous, on n'est pas au bon rythme pour la place française et européenne. Ça doit aller beaucoup plus vite et beaucoup plus fort : on doit d'abord passer de 7 à 10 en commitments, mais on doit surtout aller beaucoup plus vite sur les investissements à faire. Et je le dis alors que je sais que beaucoup d'entre vous sortent d'une période difficile où c'est beaucoup plus compliqué aujourd'hui qu'il y a deux ans de lever des tickets et des tickets au bon niveau.
En complément de Tibi 2, on a un enjeu, on le sait, du financement late stage, essentiel, surtout dans le domaine de l'IA, où les valorisations sont de plus en plus élevées. Et nos acteurs privés là-dessus doivent être en mesure de les accompagner. C'est pourquoi, en plus de Tibi 2, ce que je voulais vous annoncer aujourd'hui, c'est que nous allons lancer un nouveau fonds de fonds très significatif - donc là, c'est bien un fonds de fonds, ce n'est pas un fonds primaire - souscrit à environ 1/4 par l'Etat en se concentrant sur les secteurs les moins bien financés et les plus technologiques liés à l'IA, des puces au cloud en passant par les LLM. Et donc, ce fonds, l'Etat mettra une base de départ : l'engagement, c'est qu'on met au moins ¼ mais l'objectif, c'est que la place puisse le compléter. Mon objectif, c'est qu'on puisse aussi réussir à l'européaniser : c'est pourquoi je proposerai à nos partenaires allemands de se joindre et d'essayer d'en faire au moins un fonds franco-allemand, voire européen. Mais à tout le moins, on ne va pas tarder, on lance dès maintenant en franco-français ce fonds, ce fonds de fonds très significatif sur l'IA. Et un peu comme on l'a fait sur les métaux, les entreprises françaises, voire européennes les plus concernées, pourraient rejoindre cette initiative, en tout cas, je les y invite. Et l'objectif est d'avoir engagé cette dynamique et commencé vraiment les travaux très concrets d'ici à la fin de l'année.
Après, il y a en effet au niveau européen, et l'Europe est au fond le niveau le plus pertinent sur tous ces sujets, on a besoin de ce choc d'investissement aussi privé - public, je l'évoquais avec le budget - et là, le cœur de la bataille, c'est évidemment d'avoir cette union des marchés de capitaux et d'avoir des fonds qui structurent au niveau européen avec la transformation qu’on est en train de faire. Et là, c’est un de mes objectifs pour le Conseil des ministres franco-allemand de la fin du mois, c’est d’avoir une vraie stratégie franco-allemande qui, enfin, bouscule les choses sur l’union des marchés de capitaux et qu’on propose ensemble, eh bien, d’approfondir justement ce marché. Cette union de l’épargne et de l'investissement, c'est la clé ; c'est celle qui va permettre d'avoir des acteurs de taille pertinente en termes de financement de vos entreprises. Et donc, ça veut dire : supervision unique, des systèmes de faillites uniques, une convergence des systèmes fiscaux - et c'est tout le travail que je veux qu'on accélère dans les prochains mois. C'est aussi au niveau européen que nous serons à même de préserver notre diversité, là aussi, linguistique et culturelle, ce qui est l'objet de mise en œuvre de l'Alliance européenne pour les technologies des langues, coordonnée par la France, et que je soutiens là aussi, pour permettre l'émergence des modèles de langues vivantes qui intègrent notre corpus culturel. Ça, c'est en termes d'investissement, c'est une bataille absolument essentielle.
Et puis, enfin, je le disais, le quatrième élément, c'est l'appropriation collective de l'IA, les usages, qui est au moins aussi essentielle. Pourquoi ? Parce qu'au fond, c'est notre capacité à diffuser l'IA dans le reste de l'économie et je le dis avec beaucoup d'ambition, sans fausse naïveté, mais en sachant d'où je parle. Et là, il faut qu'on soit lucide sur nous-mêmes. La France a plus désindustrialisé et moins réussi que d'autres pays il y a 30 ans parce qu'elle a mal emmanché le débat public et le débat des usages sur les robots. Rappelez-vous, il y a 30 ans, dans notre pays, on avait exactement le même débat sur le travail qu'on a aujourd'hui sur l'IA avec le robot. Il y a plein de gens qui me disaient : « Ça va être l'horreur, terrible, affreux, c'est déshumanisant, ça va mettre tout le travail en l'air ». Il y a eu un échec de la diffusion et des usages. Ce qui fait que le résultat, ce n'est pas tellement qu'on a préservé les emplois, c'est qu'on les a supprimés plus vite que les voisins. Parce que tous ceux qui ont robotisé leur économie, parce que ça a été bien intégré, que l'usage a été pensé, ont eu une robotisation au service d'un usage industriel, a permis d'enlever des tâches pénibles mais a maintenu, dans nos pays à coût du travail élevé, de l'emploi industriel - là où nous, nos entreprises, du coup, on était beaucoup plus vite sur des délocalisations vers les pays à bas coût. Ça a été une mauvaise stratégie et c'est une mauvaise stratégie qui s'est faite par des erreurs de choix de politique industrielle, mais au fond aussi un débat collectif qui s'est mal engagé, une forme de défiance de la société à l'égard de l'innovation.
Et il est absolument clé que, aujourd'hui, on ne laisse pas s'engager de cette même manière le débat. Et pour moi, c'est très important parce que ça veut dire que vous qui êtes par définition l'avant-garde, la pointe avancée, j'ai aussi besoin de vous pour que vous nous aidiez à ce que, en quelque sorte, tous les bons débats se fassent au sein de la société de la manière la plus inclusive, la plus partagée, pour ne pas que ce soit des fake news ou des complotistes qui emportent le débat ou le structurent, mais aussi pour qu'on resynchronise les choses à chaque fois que c'est nécessaire. Et on a besoin de l'innovation, de rupture de pointe pour continuer d'être les meilleurs, d'avoir des champions. Mais si on veut bien diffuser l'IA et en tirer tous les bénéfices, eh bien, il faut un bon usage partagé, et donc il faut en quelque sorte un modèle d'IA ouvert, équitable, transparent, ce qui est d'ailleurs proposé par la Commission dans ses recommandations et ce que je souhaite qu'on mette en place.
Pour ce faire, on va d'abord défendre un principe d'accès équitable et massif à l'IA sur tout notre territoire. C'est pourquoi je vais confier au Conseil national du numérique, Virgile, une mission d'acculturation des citoyens à l'IA. Vous y avez beaucoup travaillé - on en a parlé au moment de la restitution des travaux de la commission IA - au travers de l'organisation de cafés IA, de débats démocratiques, de partage de ressources pédagogiques partout sur le territoire. Et là, je souhaite qu’il y ait vraiment une forme de grand débat généralisé qui se mette en place et que vous aurez à structurer et j'appelle tous les réseaux déconcentrés à mettre en place des actions de sensibilisation locales, de valorisation des solutions IA et nous donnerons à ces réseaux les moyens de le faire avec un investissement spécifique en la matière. Et là-dessus, je le dis aussi très clairement, tous les élus qui sont là ont un rôle très particulier à jouer - parlementaires, élus locaux - en la matière parce que ça doit se faire au contact des territoires et de tous ces écosystèmes.
Ensuite, l'appropriation collective de l'IA passe également évidemment par l'école et je souhaite que nous puissions proposer des formations dès la sixième, des tests d'évaluation des compétences numériques qui soient agrémentées d'une brique IA. La plateforme PIX pourra être un de ces outils et en cohérence avec les recommandations de la commission d'experts sur l'impact des écrans sur les enfants, qui vient en parallèle de votre commission. Il s'agit de donner aux élèves les conditions d'une appropriation éclairée de l'IA. Mais on a là aussi à accompagner nos enseignants, les élèves et les familles dans un bon usage des écrans, mais également une capacité à former à l'IA. Ils doivent prendre conscience des enjeux d'éthique, de rapport à la vérité, du caractère aussi potentiellement enfermant de certains algorithmes pour qu'ils soient libres de se servir de cette technologie en ayant conscience de ses limites. L'école doit être le lieu de l'autonomisation. C'est aussi le choix d'un modèle - je reviendrai sur la régulation - mais sauf à tout fermer ou avoir des systèmes de contrôle étatique complets - ce qui est le choix de certains autres - nos démocraties ne pourront pas tout contrôler en totalité. Et donc, la bataille de l'éducation et de l'information, elle est absolument clé, si on veut une IA éthique, transparente, ouverte, loyale. Parce qu'en fait, chaque citoyen doit être bien formé pour pouvoir être un acteur et pas simplement un consommateur et pouvoir aider à réguler.
Après l'école, ce sera le lieu de travail. La massification de la diffusion de l'IA dans les entreprises est cruciale. On est aujourd'hui un peu en retard quand on regarde les chiffres de diffusion qui sont disponibles - et ça aussi, ça va être un des objectifs de pouvoir avoir une vision complète, publique - mais quand on regarde les chiffres, on est plutôt à 4 % ; là, d'autres sont à 10 ou 12 déjà. Et donc, l'augmentation en tout cas de la diffusion de l'IA dans les entreprises est cruciale dans tous les domaines. Et donc, là, le ministre, je souhaite que nous mettions à disposition des entreprises françaises un référentiel des cas d'usage testé et approuvé pour qu'elles aient une vision claire des solutions disponibles, notamment françaises, d'ici la fin de l'année. Et parce que je connais les inquiétudes légitimes sur l'impact de l'IA sur l'emploi et les conditions de travail, parce qu’aussi, nous ne devons pas les craindre, je souhaite que ce sujet puisse faire partie du dialogue social. Beaucoup d'entreprises l'ont entamé et que nous puissions justement accompagner ce travail au niveau des entreprises, des branches et de la nation. Nous allons aussi accompagner les entreprises pionnières pour des usages clés de l'IA en droit, comptabilité, génération, documentation, produits, etc ; l’objectif aussi, qu'elles diffusent ces retours d'expérience, incitent les entreprises similaires à imiter et qu'il puisse y avoir aussi des retours éclairés. L'objectif est que ce soit un sujet de dialogue social, que ce soit un sujet éclairé par la science, par des études objectives ad hoc qui permettront ainsi l'acculturation dans les entreprises, les branches et en interprofessionnel, mais qui aide à accompagner ce changement professionnel qui ne doit pas être du tout naïf, mais qui doit être lucide, éclairé et pas défiant.
Il s'accompagnera évidemment aussi d'un travail de préfiguration des besoins de requalification qui seront les nôtres et ceux de la nation. Et alors même que nous sommes, avec France Travail, en train, et avec plusieurs d'entre vous, de travailler à requalifier plusieurs de nos compatriotes qui sont loin de l'emploi depuis plusieurs années, eh bien, nous avons un travail d'anticipation à faire pour préparer la requalification des secteurs qui seront le plus impactés dans leur quotidien par l'IA. Et je crois que les changements seront d'autant plus acceptables, qu'ils seront préparés, que les personnes seront accompagnées, que des perspectives nouvelles soient dans les mêmes secteurs ou dans d'autres, seront apportées.
L'usage aussi doit se faire au sein de l'État et l'appropriation de l'IA par l'État est un élément clé de notre efficacité publique, du bien-être aussi de nos fonctionnaires et d'une appropriation par tous nos concitoyens. Et je dirais que la question de la confiance est là aussi encore plus essentielle. Il n'y a pas d'appropriation collective de l'IA sans un État exemplaire en la matière. C'est une affaire d'innovation, d'efficacité de la puissance publique, une affaire d'éthique, de bien-être des fonctionnaires également. Alors l'État doit utiliser l'IA pour faciliter la vie des Français ; plusieurs choses ont commencé. Il a été évoqué le modèle Albert - je rassure les uns et les autres, l'idée n'est pas que l'État crée son propre modèle - ce sont des briques en open source qui ont été ici prises, mais que l'État puisse avancer main dans la main.
Et concrètement, je souhaite qu'au moins 4 fonctions essentielles de l'État puissent s'équiper progressivement avec tout l'écosystème, de manière transparente, de l'IA générative. Et on va investir pour cela. L'hôpital, la magistrature, l'éducation nationale et la défense sur laquelle un plan dédié a déjà été présenté. Il y a des solutions spécialisées développées par les entreprises françaises qui pourraient être adoptées rapidement et c'est l'objectif de cette stratégie. Dans la santé, nous avons beaucoup progressé avec, entre autres, le Health Data Hub, les entrepôts de données.
Mais ces données peuvent et doivent maintenant être partagées beaucoup plus largement en acceptant une mutualisation sans réserve entre l'Inserm, programmes de cohorte, hôpitaux et chercheurs. Je me permets de faire ce petit rappel parce que c'est une stratégie à laquelle je crois. Je pense qu'on a bâti un modèle robuste en France, protecteur des données individuelles et justement protection de chacun. Elle est très légitime et j'y tiens beaucoup et c'est vraiment le modèle français. On a un modèle en même temps qui est une force parce qu'il est assez centralisé, mais on a encore dans le domaine de la santé, permettez-moi de dire cela, trop de querelles de chapelles. Et elles créent de la fragmentation dans le partage des données et du coup de l'inefficacité collective. C'est un gâchis collectif d'opportunités. C'est un gâchis d'opportunités pour nous et pour les entreprises et les chercheurs du secteur. Donc, je demande, là, qu'on ouvre entre eux. La loi de simplification prévue à l'été contient des premières avancées en renforçant le mandat de la CNIL.
Mais nous devons dépasser justement ces querelles de chapelles et avoir une politique d'ouverture entre les acteurs légitimes, beaucoup plus opérante. Et ça, nous y veillerons avec les ministres. Dans la justice, c'est l'équipement de l'ensemble de la magistrature d'outils d’IA générative qui pourrait permettre de répondre aux besoins d'investissement, grâce en particulier à des analyses prédictives élaborées, à l'extraction d'informations clés, à l'aide à la rédaction de jugements et là aussi, à des tâches qui sont définies au service des magistrats, des greffiers et du personnel, comme d'ailleurs plusieurs autres pays européens, ont commencé à le faire en avance de phase. Je pense à l'Estonie. Et donc qui permet de dégager du temps utile pour du jugement où les tâches qui sont les plus importantes pour nos magistrats, nos greffiers. Et je veux ici aussi dire, en étant clair, transparent, sur la place que prendra l'IA pour éviter tout débat qui inquiéterait nos compatriotes. Enfin, des cas d'usage générique commun à plusieurs administrations, comptes rendus de réunion, générations de notes, de mail, etc., doivent être déployés sous le pilotage de la direction du numérique de l'Etat.
Au fond, Monsieur le ministre, chaque administration doit expérimenter l'IA et c'est bien notre volonté.
Et l'IA dans l'Etat, c'est aussi l'opportunité d'accélérer et de faire bénéficier nos start-ups françaises de la commande publique. Ce sujet, on le sait, progresse encore trop lentement et je souhaite que chaque administration double la part de ses achats publics consacrés aux start-ups de la tech française d'ici 2027. Les budgets sont prévus. C'est un objectif ambitieux, mais atteignable. Je rappelle que le code des marchés publics intègre des critères d'innovation, des critères qui permettent totalement, dans le cahier des charges, de faire en sorte que des solutions européennes et françaises soient les plus légitimes pour être retenues. Et là aussi, ne soyons pas plus naïfs. Bon courage pour l'un d'entre vous d'être adopté par l'Etat américain ou l'Etat chinois.
Et donc, ce n’est pas du protectionnisme, c'est juste de dire : on fait la même chose que nos grands compétiteurs internationaux, on donne des programmes, des projets, de la perspective à nos start-ups avec une vraie logique d'achats publics. Je propose d'ailleurs d'étendre cette démarche d'achat vers les start-ups françaises d'ici 2027, vers le secteur privé. Et c'est tout le programme « Je choisis la French Tech » pour atteindre plus d'un milliard d'euros d'achats entre 2024 et 2027, et donc que nos grandes entreprises françaises et européennes puissent avoir cette logique. Je veux ici remercier les grands groupes qui sont déjà engagés dans cette dynamique Orange, SNCF, FDJ, ADP, EDF, CMA-CGM et plusieurs autres qui ont déjà adopté cette logique de « Je choisis la FrenchTech » et qui doit nous permettre de donner, en quelque sorte, du potentiel commercial aux start-ups et aux ETI de notre écosystème.
Et puis tout ça va, et je finirai là-dessus, par évidemment la gouvernance. C'était le dernier point auquel je m'étais engagé. En la matière, je vais vous le dire très simplement, pour aller droit au but, la seule bonne gouvernance pour moi est mondiale. Nous avons commencé à avoir un AI Act. Alors, j'ai eu des mots très positifs dans mon discours sur l'AI Act. J'ai un peu du mal à les dire tels qu'ils sont écrits là parce qu’avec les moyens maintenant en usage, il serait trop facile de retrouver le fait que quand c'était en débat au Parlement européen, j'ai plutôt dit que ce n'était pas le bon moment pour le faire. Donc, je ne vais pas devenir un avocat zélé de... Je pense que c'est beaucoup mieux. Et Thierry est là, qui a beaucoup aidé à redresser ce texte, et je l'en remercie, et avec le Gouvernement français. Il y a un travail qui a évité, si je puis dire, le pire. Je pense qu'on a un socle qui est là. Maintenant, il est là. Donc comme il est là, il est bon. Vous voyez comme je suis pragmatique, je suis comme vous. Mais en tout cas, il donne des systèmes de garantie. C'est une bonne chose. Il a envoyé un système qui, à l'époque, était compliqué, c'est qu'on n'était pas les premiers en termes d'innovation et de création de géants, mais très largement les premiers en termes de régulation. Et moi, j'ai toujours une crainte en la matière, c'est qu'en fait, on se presse à réguler des espèces qu'on n'a plus, ce qui marche moins bien aussi. Et donc, je n'ai pas envie de devenir l'espace de consommateur le mieux régulé pour avoir des producteurs de l'autre côté de l'océan ou de l'autre côté de l'Oural.
Là, je pense qu'on a un socle. Il est solide, il a été amélioré dans ces négociations grâce, je crois vraiment pouvoir le dire, à plusieurs de nos parlementaires européens, au Gouvernement français et aux commissaires.
C'est aujourd'hui le texte qui constitue un socle de garantie des droits des citoyens, en particulier contre la désinformation, contre les biais qui étaient induits, donc c'est une bonne chose. Maintenant, la clé, c'est comment on arrive à avoir une vraie régulation. En la matière, je pense qu'il faut éviter absolument la fragmentation de la conversation internationale. Et le danger, c'est qu'au fond, on ait une régulation européenne qui aille beaucoup plus loin toute seule et qu'on ait, au fond, une Europe qui régule beaucoup en étant très en retard sur l'innovation, des États-Unis qui vont être très agressifs en termes d'attractivité et d'innovation et très peu régulatoires, et au fond qui, diront, régulent les acteurs en place, ce qui, au fond, s'est passé sur les plateformes et est toujours valable, et ensuite, un modèle qui régule, enfin qui régule par des choix de gouvernement non démocratiques, si je puis dire, un modèle à la chinoise où on le voit apparaître un peu à la golfique, qui sont des modèles d'IA très statocentrés, avec des objectifs, des préférences collectives qui ne sont pas les nôtres.
Et donc je pense que c'est une très bonne chose d'essayer d'avoir une conversation internationale et d'aller vers une régulation mondiale. Pourquoi ? Parce que je pense que nous, on a quand même des préférences collectives qu'on veut continuer à avoir développées et qui sont d'ailleurs portées dans le cadre de la Commission. Je pense qu'on croit à l'innovation à l'IA, mais on veut pouvoir développer un modèle d'affaires équitable pour toutes les parties prenantes. On veut pouvoir continuer à défendre la propriété intellectuelle, les artistes, les créateurs, les ayants droit. Et on ne veut pas vivre dans un monde où on ne saura pas qui a créé quoi. Je voyais que la polémique faisait jour à Cannes, où les voix des actrices seront quasiment des voix d'IA, et où les scripts des prochains scénarios seront des productions d'IA, et où en quelque sorte tout ce qui était la quintessence d'une sensibilité, d'un goût, sera substitué par de l'IA. Je crois que la créativité est importante. En tout cas, c'est le modèle qu'on défendra. Et je pense que c'est important que les créateurs, les artistes puissent être défendus dans leur propriété intellectuelle. C'est dans la conversation mondiale qu'il faut le défendre. Et je crois que tous les interdits aussi qu'on veut, par exemple la militarisation de l'IA, les limites qu'on veut porter, ça doit faire l'objet d'un dialogue international, parce que si on ne les applique qu'à une géographie, ce sera inopérant.
C'est pourquoi, d'abord, nous allons continuer de mettre en œuvre de manière intelligente l'AI ACT, parce qu'il pose les bases de ce qui nous permet de faire ça. Et c'est dans ce cadre que nous avons lancé deux missions au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique qui visent à faire émerger un modèle d'affaires équitable pour toutes les parties prenantes et les ayants droit. Et je vous invite d'ailleurs à vous saisir du sujet et à contribuer. Et nous allons aussi créer un lieu profondément nouveau, l'Usine IA, qui accueillera un nouveau centre d'évaluation en IA et aura vocation à devenir l'un des plus grands centres d'évaluation mondiaux des modèles d'IA. Et ça, c'est en application de, justement, l'AI Act. Ce centre accueillera une antenne de l'AI Office de la Commission européenne, et plus particulièrement pour fournir une expertise technique en lien avec les surveillances des modèles. Et il se connectera évidemment aux grands réseaux mondiaux d'évaluation des modèles, les AI Safety Institutes britanniques et américains. Et donc l'idée, c'est qu'on applique l'AI ACT, qu'on le fasse intelligemment avec ce que je viens de dire là, qu'on défende notre modèle, qu'on ait une discussion aussi de ces acteurs avec leurs partenaires et qu'on nourrisse ainsi la conversation internationale et l'objectif qui est le nôtre.
Et l'objectif, c'est justement notre Sommet de février 2025, l’AI Action Summit en février 2025, que la France va accueillir le 10 et 11 février 2025 avec des acteurs du monde entier : entreprises, chercheurs, étudiants, innovateurs, institutionnels, Etats - le logo apparaît - organisations internationales, sociétés civiles dans toutes ses composantes. Je remercie beaucoup Anne BOUVEROT qui a accepté d'être l’envoyée spéciale pour ce Sommet et qui, avec les équipes du Quai, justement, notre ambassadeur en numérique, nos différents acteurs, avec toute la plateforme qui a été créée aussi en lien avec le Forum de Paris sur la paix, tous les laboratoires et les académiques qui ont beaucoup contribué, va préparer ces travaux. Et je leur ai demandé de travailler sur la manière dont l'IA peut servir le bien commun, notamment à travers des infrastructures ouvertes, sur son impact sur le marché du travail, sur le modèle économique que nous voulons promouvoir, concurrence, propriété intellectuelle, sur les enjeux de sécurité, et sur la gouvernance mondiale à mettre en place. Et comme je le disais, je la crois la plus mondiale, la plus globale possible. On a le partenariat mondial pour l'intelligence artificielle qui a été décidé en G7, mais qui est logé à l'OCDE, ce qui est une bonne plateforme pour bâtir des solutions internationales. Et l'objectif ensuite, c'est que cette architecture mondiale puisse reposer sur 3 piliers, les 3S qu'on a défendus tout à l'heure au sommet avec les Coréens.
La science, c'est-à-dire que tout ce qu'on va définir là, sur les usages, les opportunités qu'apporte l'IA, toute la conversation mondiale, on dit : on se donne une règle commune, c'est la science qui est la base de la discussion. La science ouverte, académique, reconnue entre pairs. 2) C'est des solutions communes et ouvertes, c'est-à-dire que ce sont des solutions qu'on doit apporter pour pouvoir réguler, corriger. Et donc ces solutions, elles doivent être ouvertes et partagées. Et 3) ce sont des standards. Et donc l'idée, c'est qu'on puisse émerger sur des standards internationaux reconnus par tous dans ces enceintes et qu'on évite d'avoir justement une approche multistandard dans laquelle, sinon, on va se perdre et on va jouer sur, quelque sorte un dumping régulatoire, on sait très bien comment ça va se passer, si le dossier est pris de la sorte. Et donc ce sommet réunira les meilleurs du monde dans l'IA, structurera la discussion de cette manière et je souhaite dès aujourd'hui leur lancer d'ailleurs un grand défi, comme les Américains ont su le faire avec la DARPA, les challenges ou des programmes qui permettent d'attirer les tout meilleurs.
Je souhaite qu'à l'occasion de ce Sommet pour l'action sur l'IA, on ait en quelque sorte aussi un très grand sommet de l'attractivité des talents dans tous les domaines, des projets entrepreneuriaux, et en quelque sorte un Choose France de l'IA à cette occasion, et qu'on ait des lauréats qui soient communiqués et invités lors de ce sommet. Et donc que les meilleurs chercheurs en IA, toutes les start-ups, grands groupes qui veulent conclure pour apporter les meilleures solutions et il y aura tout un cahier des charges qui sera donné, détection des fake news, contenu synthétique, santé, écologie, etc., puissent faire partie de ce concours dont les lauréats seront dévoilés à cette occasion et qui donnera lieu aussi à des investissements exceptionnels du côté public pour accompagner et accélérer les choses. Voilà. Je ne veux pas être plus long, mais c'était, au fond, les axes sur lesquels je voulais dessiner, en quelque sorte, un peu des objectifs de la France et de l'Europe pour aujourd'hui et pour demain : des talents, des infrastructures, de l'investissement, des usages et une gouvernance. Et je crois qu'autour de ça, si on apporte les réponses adaptées, nous avons les capacités à être véritablement, au-delà de ce qu'on est aujourd'hui, l'un des grands pays champions de l'IA d'aujourd'hui et de demain, et d'un IA au service de l'humanité, d'un IA ouvert qui correspond à nos valeurs et nos préférences, et d'être, ce faisant en capacité collectivement, de le faire accepter à notre pays, parce que ce sera au service de nos objectifs, et de structurer la régulation pour la planète car ce sera au service de l'humanité.
Voilà Mesdames et Messieurs. En tout cas, merci d'être là aujourd'hui et merci de ce que vous faites chaque jour dans vos entreprises, vos laboratoires, vos universités, vos organisations parce que vous ne le faites pas simplement au service d'un objectif qui est le vôtre, mais d'une bataille collective qui est sans doute l'une des plus grandes transformations de l'époque contemporaine, et donc l'un des moments les plus intimidants et vertigineux, mais les plus excitants pour nos générations. J'y crois comme vous, j'ai envie qu'on réussisse comme vous, et que la France soit un très grand pays de l'IA et que l'Europe soit un très grand continent de l'IA. Merci à tous. Vive la République ! Et vive la France !
Sommet pour l'action sur l'IA 2025.
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