Fait partie du dossier : Visite d'État au Brésil.

Le Président Emmanuel Macron s'est rendu en visite d’État au Brésil du 26 au 28 mars 2024. Pour son dernier jour, il s'est rendu à Brasília.

Le chef de l'État a été accueilli par le Président Lula au Palais du Planalto, siège officiel et lieu de travail du Président de la République du Brésil.

Après un entretien et la signature d'un partenariat stratégique entre les deux pays, le Président brésilien a décoré le Président Emmanuel Macron du Grand collier de l'Ordre de la Croix du Sud, la plus haute distinction pour un étranger.

Nouveau plan d'action du partenariat stratégique France-Brésil.

Une conférence de presse conjointe entre les deux chefs d'État s'est ensuite déroulée durant laquelle le Président de la République a rappelé que la France était le premier employeur au Brésil, fruit d'échanges permanents, d'une fascination réciproque et d'une confiance économique commune.

Revoir la conférence de presse : 

28 mars 2024 - Seul le prononcé fait foi

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Visite d'État au Brésil, journée à Brasília.

Emmanuel MACRON

Monsieur le Président, cher LULA,

Madame, chère Janja,,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités,

Je veux, avant toute chose, remercier très sincèrement le Président LULA pour cette visite d'État, son invitation et la formidable organisation.

Nous avons pu ensemble goûter de cette Amazonie, partagée dès Belém. J'ai pu avoir hier un échange extrêmement fécond avec à la fois le monde économique, mais également le monde culturel, intellectuel à Sao Paulo. Nous avons hier matin pu voir la force de notre coopération en matière de défense à Rio de Janeiro. Et ce matin, à vos côtés, pour les discussions politiques et stratégiques. Et je veux vous dire que l'ensemble de ma délégation et moi-même sommes très honorés d'être aujourd'hui à vos côtés, en ce lieu, en cette Place des Trois Pouvoirs - laquelle fut attaquée, bousculée, abîmée par les ennemis de la démocratie.

Et votre élection, la manière dont vous avez restauré les équilibres institutionnels, dont vous conduisez le pays et dont vous voulez mener ces combats à l'international, forts des valeurs que nous partageons et qui sont au cœur de nos histoires constitutionnelles et politiques, signifie beaucoup pour nous. Et je veux dire ici l'admiration et l'amitié de la France à l'égard du Brésil.

Personne n'est exempt des forces les plus extrêmes qui parfois viennent bousculer la démocratie. Mais la force de votre démocratie a été d'y résister par une alternance démocratique, de restaurer pleinement et entièrement l'ensemble des équilibres qui précisément font la force de ces systèmes que nous partageons. Nous avons longuement évoqué cela et je partage votre volonté de poursuivre ce combat à l'international.

Mais je voulais, en étant, avec ma délégation, devant vous aujourd'hui en quelque sorte, vous remercier de ce combat mené, de cet esprit de résistance que vous avez porté et de la force avec laquelle vous avez restauré la démocratie dans toutes ses composantes dans votre pays.

Monsieur le Président, la France aime le Brésil et croit dans le Brésil. Par cette aventure politique, par les échanges permanents, nous fêterons l’année prochaine nos deux siècles de relation diplomatique, par cette fascination réciproque qu’il y a toujours eue entre nos chercheurs, nos intellectuels, nos artistes et par la confiance aussi économique qui nous lie.

Je le rappelais hier, nous sommes, vous l'avez dit, le troisième investisseur, mais nous sommes le premier employeur étranger ici au Brésil. Et c'est vrai que quand on regarde les fondamentaux économiques de votre pays, une croissance stable, un modèle économique qui repose sur une production d'énergie durable, une capacité à maîtriser l'inflation, il y a toutes les raisons de croire, dans la durée, dans votre pays. Et c'est pourquoi, ensemble, nous ouvrons aujourd'hui une nouvelle page, forte, en quelque sorte, de ce que nous avons appris ces dernières années.

De cette communauté de philosophie, de valeurs et de la force des relations déjà existantes et sur la base du partenariat signé en 2006, alors avec le Président Chirac, puis de ce qui a été construit ensuite avec le Président SARKOZY, en particulier en matière de défense - et nous étions hier à Itaguai pour le démontrer, -nous ouvrons aujourd'hui une nouvelle page de ce partenariat stratégique avec des décisions fortes que nous avons prises.

La première, elle est pour moi très importante - et je remercie les élus guyanais qui m'accompagnent dans cette délégation parce qu'ils représentent ce territoire amazonien de la République française : c'est d'acter le fait que la France est le seul pays d'Europe à partager cette frontière, la plus longue pour nous, avec vous et cette présence en Amazonie. Et par les textes que nous avons signés et les décisions prises, eh bien, nous consacrons pleinement ce statut, intensifiant les échanges de part et d'autre de l'Oyapock. Donc facilitation d’échanges, accroissement de notre lutte commune contre toutes les formes de criminalité qui affectent le quotidien des Brésiliens et des Français en Guyane.

La France va rejoindre les initiatives brésiliennes visant à s'attaquer à l’orpaillage illégal en remontant les filières de contrebande sur le marché de l'or. Et nous avons aussi bâti des solutions technologiques et opérationnelles pour mieux identifier les zones déforestées par les orpailleurs. Nous allons renforcer nos patrouilles coordonnées, construire un cadre commun, et aussi lancer un travail avec les autres partenaires de la zone, en particulier Suriname et Guyane pour agir ensemble contre les réseaux qui se déploient sur le plateau des Guyanes. C'est demandé par la population, les élus, tout le monde économique en Guyane et merci de le porter à mes côtés.

Une coordination plus étroite sera aussi mise en place pour lutter contre les flux massifs des migrants illégaux et pour lutter contre la pêche illégale dont nous sommes tous victimes. C'est littéralement le même bassin de vie qui est là.

Et c'est aussi pour cela que nous allons prendre dans les prochaines semaines et prochains mois des mesures de simplification pour la vie, les échanges transfrontières d'une rive à l'autre de l'Oyapock, pour renforcer et simplifier ces liens. Et nous aurons une commission mixte transfrontalière qui se réunira d'ici un mois pour aller en ce sens.

Au-delà de cela, nous avons aussi décidé de manière très concrète de mobiliser des financements communs - 1 milliard d'euros de financements publics et privés sur 4 ans - en soutien à la forêt amazonienne, dans le plein respect naturellement de la souveraineté réciproque, mais en intégrant pleinement toutes les composantes, y compris les peuples autochtones.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je suis venu ici avec plusieurs scientifiques et instituts de recherche, mais également une délégation d'entreprises qui déploient des projets innovants déjà dans la forêt guyanaise et brésilienne, et qui pourront ainsi mettre leurs projets aux côtés des entreprises brésiliennes et des chercheurs brésiliens au service d'une double ambition de préservation de la nature - et c'est pour cela que nous avons décidé d'un rapprochement du Parc amazonien de Guyane avec le Parc national des montagnes de Tumuc-Humac de votre côté - et en même temps de développement d'une bioéconomie qui permet des activités économiques durables - perspective nécessaire de part et d'autre - mais respectueuses de notre forêt amazonienne.

Cette croyance dans la bioéconomie, des modèles inclusifs, c’est véritablement au cœur de cet agenda commun transfrontière. C'est aussi la même approche que nous voulons suivre et c'est le cadre même de cet appel de Belém que nous avons lancé, pour nourrir l'agenda du G20 puis de la COP, que vous aurez à présider, pour remettre au cœur de la gouvernance mondiale les questions de biodiversité et de climat. Et au fond, depuis le Sommet de Paris où vous étiez présent à mes côtés jusqu'au G20, puis à la COP de Belém, c'est le même agenda que nous poursuivons : défendre le développement, la lutte contre les inégalités, lutter contre le réchauffement climatique et ses conséquences, préserver la biodiversité, avec là aussi des solutions innovantes. Et nous voulons bâtir un cadre commun pour avoir justement des financements qui permettent de préserver la forêt amazonienne et cette bioéconomie - je sais que c'est au cœur de vos projets et nous y participerons - et permettre de déployer tous les projets qui servent cet agenda.

Ensuite, nous avons sur beaucoup de sujets renforcé la coopération à travers nos échanges et un forum d'entreprise, je l'évoquais, qui a joué un rôle important.

D'abord, nous avons acté plusieurs décisions en matière de défense qui vont nous permettre, des nouvelles générations de sous-marins à la question des hélicoptères en passant par d'autres sujets de coopération capacitaire et opérationnelle, d'ouvrir une nouvelle phase de la relation bilatérale en matière d'industrie de défense et de veiller à une bonne réciprocité, d'abord en continuant d'œuvrer pour la production et les sites de production que nous avons su développer ces dernières années au Brésil, mais en regardant aussi les éléments réciproques d'achats conjoints que nous pouvons faire pour nos industriels, et français et brésiliens.

Ensuite, nous avons ouvert aussi de nouveaux axes d'opportunités d'investissement, tournés beaucoup autour de la transition climatique et des solutions à apporter. Plusieurs entreprises françaises jouent déjà un rôle éminent en ce sens dans votre pays - Engie et plusieurs autres. Nous souhaitons aller plus loin et attirer aussi des investisseurs brésiliens et des entreprises brésiliennes sur les mêmes thématiques. Elles seront donc invitées dès le mois de mai prochain en France, au sommet de Choose France, pour pouvoir avancer en ce sens.

Nous avons également, avec le président, décidé d'accroître les échanges scientifiques, artistiques, d'étudiants, en passant à 8 000 le nombre d'étudiants brésiliens accueillis en France d'ici à 2026 contre 5 000 actuellement ; développer le bilinguisme avec de nouvelles filières et de nouvelles sections francophones et lusophones. Et puis surtout, il y a une chose à laquelle nous tenons beaucoup -, qui a été votre proposition dès la première fois qu'on s'est vus - qui est de renouer avec ces saisons culturelles croisées entre le Brésil et la France. On a pris cette décision, les choses avancent. Hier, j'étais en train de le préparer, justement, avec les responsables, côté brésilien, côté français et beaucoup d'intellectuels et d'artistes, et dès avril 2025, nous aurons le lancement de ces saisons. J'espère que vous serez les invités du Salon du Livre - discussions qui vont se finaliser . Je pense que ce serait une formidable ouverture. Et puis, nous allons, en France et au Brésil, avoir ainsi des artistes, des créateurs, des entrepreneurs dans absolument tous les domaines, qui vont montrer la vitalité de notre relation, les difficultés communes parfois que nous avons à traverser, mais la manière dont nos artistes, nos intellectuels nous permette d’y répondre.

Au-delà de cet agenda, et pour conclure, c’est évidemment l’agenda multilatéral dont nous avons discuté ce matin, hier et avant-hier et qui sera au cœur de notre relation puisque je reviendrai en novembre pour le Sommet du G20, je reviendrai l’année prochaine pour la COP et vous êtes invités en visite d’Etat en France en 2025 pour que nous puissions entretenir cette amitié et fêter ces 200 ans de relations diplomatiques.

Nous avons pu évoquer la crise au Venezuela et je veux saluer depuis le premier jour votre engagement sur cette crise, Président - nous avons d’ailleurs coordonné nos efforts toutes ces dernières années – saluer la position très courageuse que vous avez prise il y a deux jours sur ce sujet – nous la partageons totalement, et votre rôle est imminent pour trouver une issue à cette crise.

De la même manière, nous avons une communauté de vue sur la crise haïtienne et, sur ce sujet, nous souhaitons aussi ardemment – et je veux avoir une pensée véritablement pour ce pays et ses habitants.

Et puis je soutiens totalement les initiatives de réforme de la gouvernance mondiale du Président LULA, on l’a longuement évoqué,  j’y apporte mon soutien et la France y contribuera par ses idées mais son engagement, qu’il s’agisse du Conseil de Sécurité, ou du FMI et de la banque mondiale et d’œuvrer pour une taxation plus juste. Nous avons monté il y a quelques années un projet de taxation des entreprises et d'impôts minimaux et d'impôts digital. Malheureusement, il est bloqué par certains de nos collègues qui sont un peu trop lents. Je suis très favorable à ce qu'on le réactive et qu'il devienne pleinement effectif, et ce qu'on le complète par l'initiative que vous avez proposée d'une taxation internationale sur le plan du revenu personnel, qui viendra compléter ce dispositif et permettrait là aussi d'avancer.

Enfin, sur le plan de la santé, je veux saluer les efforts que vous souhaitez mettre au cœur de votre G20. Et sur ce volet, vous nous trouverez à vos côtés et ce déplacement a d'ailleurs permis de consolider beaucoup de choses que l'on fait déjà ensemble en matière de santé. Nous avons ouvert un Institut Pasteur - j'y étais hier - à Sao Paulo. Nous avons ensemble lancé une plateforme de recherche internationale en santé mondiale - dite PRISME - qui va être un catalyseur pour des nouveaux projets scientifiques et avec des partenariats entre, là aussi, nos entreprises : Sanofi, la Fondation brésilienne Fiocruz et beaucoup d'autres choses.

Voilà les quelques mots que je voulais ajouter en complément, en marge et en syntonie parfaite avec ce que le président LULA a pu dire. Au-delà de cela, des minerais critiques, en passant par la recherche, la formation et de nouveaux secteurs économiques, nous avons signé beaucoup d'accords défense, civils durant ce déplacement qui vont scander les prochaines années et ce partenariat stratégique nouveau que nous avons signé aujourd'hui.

Tout cela est au service d'une amitié réciproque que nous avons rappelé l'un et l'autre. Mais tout cela est aussi au service d'une certaine idée du monde et de l'humanité. C'est celle que vous portez, c'est celle que je partage. Et c'est aussi pour cela que le moment que nous vivons est si important. C'est pour cela que vous nous trouverez à vos côtés dans les projets si ambitieux que vous mènerez pour le G20, la COP et tout ce qui nous attend pour les années à venir.

Merci Président, en tout cas, de cette formidable visite d'État et des discussions que nous avons eues aujourd'hui.

Journaliste

Bonjour. Benjamin DELILLE de Libération. Merci pour la conférence de presse.

Messieurs les Présidents, j'aimerais vous poser une question sur l'Ukraine : Président LULA, que pensez-vous du fait que le Président MACRON n'a pas exclu d'envoyer des troupes en Ukraine ? Et Monsieur le Président, j'aimerais vous demander ce que vous pensez du fait que le Président LULA n'a pas exclu d'inviter Vladimir POUTINE au G20 ? Merci.

Emmanuel MACRON

D'abord, sur ce sujet, on a une discussion extrêmement sincère et complète. Je veux ici rappeler - la discussion l’a d’ailleurs très fidèlement reflétée - le fait que le Brésil, sans ambiguïté et dès le début, a condamné l’agression de la Russie contre l’Ukraine et sur le sol ukrainien. Et c’est bon de savoir où chacun habite, les choses sont claires.

Nous sommes du même côté c’est-à-dire celui du droit international, de la souveraineté des peuples et du fait que quand un pays est attaqué dans ses frontières par une puissance tierce, nous le condamnons.

Après, nous avons pris des décisions qui peuvent être différentes. L'Europe a pris des sanctions et elle a soutenu également l'Ukraine pour l'aider dans sa résistance. Et au demeurant, je veux défendre la cohérence de ce que les Européens ont fait. Parce que n'aurions-nous pas pris cette décision il y a maintenant un peu plus de deux ans ? Compte tenu du fait que plus de 90 % des munitions et matériel militaire utilisés par l'Ukraine viennent de pays tiers, malgré la bravoure du peuple, il y a fort à croire que l'on déplorerait aujourd'hui une invasion, mais on ne serait plus dans la même situation.

Et moi, je crois que quand on défend le droit international de la démocratie, il ne faut pas être faible. Il faut être responsable, mais pas faible. Et c'est tout le sens d'ailleurs de ce que j'ai pu dire il y a plusieurs semaines en restant dans le même cadre. La France est une puissance de paix. La France veut le dialogue, le retour à la table de négociation. Mais elle veut aussi dire que nous ne sommes pas faibles et que s’il y avait une escalade sans fin de celui qui est agressé, à un moment donné, nous devrons nous organiser pour qu'on n'ait pas simplement à déplorer, mais que la démocratie et le droit international soient défendus, voilà.

Fort de cela, je pense qu'il faut continuer à discuter. Longtemps, j'ai continué à discuter avec le président POUTINE. Je l'ai dit d'ailleurs, si sur des sujets qui permettent la paix, il y a des discussions à reprendre, moi, je le ferais.

Mais moi, j'ai de leçon à donner à personne. Mais quand le président Lula aura à inviter, il est responsable de son invitation. Je pense qu'il faut que ça se fasse comme à chaque fois - et c'est un peu le sens de ce qu'on fait pour les G7 et pour les G20 - en concertation avec tous les membres. Et donc c'est cette articulation entre la liberté de celui qui invite et le respect de toutes et tous. Et donc je pense que, Président, la diplomatie brésilienne va conduire de manière totalement souveraine et respectueuse des autres dans les prochains mois et les concertations qui se font.

Et je pense que l'équilibre… je vais vous dire, moi, je m'étais posé la même question en 2019, au moment du G7. On s'était très sincèrement posé la question d'inviter le président POUTINE. La situation était moins grave, mais enfin, la guerre avait commencé et la Crimée avait déjà été prise. Je n'avais pas eu le consensus des autres. Certains m'avaient dit : « Si tu les invites, moi, je ne viendrai pas, ça va bloquer. » Et donc, j'avais essayé ; c'est ce qui fait qu'au fond, moi, j'avais pris une décision. J'avais invité le président POUTINE à Brégançon. Vous vous en souvenez peut-être, vous dire : « je vais concerter, essayer d'avoir des résultats et puis, je ferai mon G7 quelques semaines après. » Donc, moi, je pense que c'est une question légitime. C'est toujours bien de se poser la question de savoir comment on réfléchit, on travaille avec les autres ?

Et après, le sens de ces clubs, c'est qu'il faut que ce soit consensuel avec les 19 autres. Ce sera le travail de la diplomatie brésilienne. On fera tout pour aider. S'il y a un rendez-vous qui peut être utile, il faut le faire. Si c'est un rendez-vous qui n'est pas utile et qui crée de la division, il ne faut sans doute pas le faire. Voilà. On est au service de la paix et de l'intérêt commun.

Journaliste

Bonjour à tous. Je suis Philippe RAZON du journal État de Sao Paulo. J'ai deux questions.

La première, les deux présidents se sont engagés à construire une solution pour les élections au Venezuela. J'aimerais savoir est-ce que vous vous sentez trahi ou trompé par la position de Monsieur Nicolas MADURO ? Et si vous êtes prêt à reconnaître les élections du Venezuela vu la façon avec laquelle ils ont commencé par rapport à la participation de l'opposition.

Et j'aimerais que vous commentiez les déclarations de Monsieur LULA disant que la position de la France n'est pas tellement importante dans le cadre de l'accord Union européenne, Mercosur. Et Monsieur MACRON aussi a dit que ce n'était pas possible de signer l'accord. Donc j'aimerais savoir si vous êtes d'accord à changer le texte de l'accord et d'initier de nouvelles négociations dans le but de signer un nouvel accord.

Emmanuel MACRON

Pour votre première question, je souscris à tout ce que vient de dire le président LULA sur le Venezuela. Je saluais son rôle durant ses deux premiers mandats sur cette crise et enfin sur la situation politique dans la durée et, dès son nouveau mandat, le rôle qu'il a tout de suite joué dans un contexte encore plus dégradé. Nous avons nous-mêmes, comme vous le savez, essayé d'avoir plusieurs médiations en France, en lien d'ailleurs avec tous les pays de la région qui étaient volontaires. Le conseiller du président LULA et le président LULA lui-même sont venus à plusieurs des réunions que nous avons ainsi conduites, et nous l'avons fait en lien avec le Chili, la Colombie, l'Argentine également. L'objectif étant d'essayer de rapprocher, justement, de donner une place accrue aux oppositions.

Je pense qu'il ne faut pas aujourd'hui être définitif, mais très clairement, le cadre dans lequel ces élections sont en train de s'installer ne peut pas être considéré comme démocratique. Et donc, il faut tout faire. Je sais que le président a prévu de le faire. Nous allons aussi faire nos meilleurs efforts, tout faire pour convaincre le président MADURO, son système, de réintégrer tous les candidats qui se présentent et ensuite créer les conditions les plus transparentes d'organisation de ces élections par des observateurs régionaux et internationaux.

Et donc, en effet, je partage totalement ce qui a été dit. Nous condamnons très fermement l'exclusion d'une candidate très sérieuse et crédible de ce processus. Nous appelons à sa réintégration, et j'espère très vivement qu'on pourra avoir un cadre ainsi rebâti dans les prochaines semaines, prochains mois. Il ne faut pas aujourd'hui désespérer, si je puis dire, mais la situation est grave et elle s'est dégradée par cette décision qui a été prise. Et là-dessus, nous avons aussi une communauté de vue parfaite et une volonté d'agir ensemble.

Pour ce qui est de l'accord du Mercosur, le Président a eu raison de rappeler la nature de ce cadre. Ce sont les États membres du Mercosur qui discutent entre eux et avec leurs négociateurs et les États membres de l'Union européenne qui discutent avec leurs négociateurs. Ce n'est pas une relation bilatérale.

C'est d'autant plus vrai que toutes ces dernières années, ce sont plutôt des accords entre les pays du Mercosur eux-mêmes qui ont fait qu'on n'a jamais signé - vous l'aurez noté - parce que chacun tire plutôt de son côté. Et donc, ce n'était pas un problème entre le Brésil et la France.

Moi, j'ai posé une question, pas une question, j'ai pris une position qui n'a rien à voir avec la relation bilatérale, qui est principielle, et qui a beaucoup à voir, d'ailleurs, avec ce que le Brésil va porter au G20 et à la COP de Belém, qui est de dire : nous sommes fous collectivement si on fait des accords de commerce aujourd'hui comme on les faisait il y a 20 ans, parce que je vous rappelle que le texte entre l'Union européenne et le Mercosur est un accord qui a été négocié et préparé il y a 20 ans. On fait juste des amendements sur quelque chose qui est très vieux. Et on est fous de continuer dans cette logique d’accord et à côté de ça, de faire des grandes réunions en G20, en faire des COP pour dire : nous, le climat, la biodiversité, on va faire des super trucs si en même temps, ces accords entravent les efforts que nous sommes en train de faire pour la décarbonation de nos économies ou la lutte pour la biodiversité.

Nous, Européens, on a pris les textes les plus exigeants au monde en matière de déforestation, en matière de décarbonation. On demande à nos agriculteurs et à nos industriels des transformations historiques, des efforts incroyables, ce qui parfois les mécontentent - vous l'avez peut-être vu pour ce qui est de nos agriculteurs - donc on essaie de les accompagner. Si au moment où nous on fait ça, on dit : par nos textes, on ouvre à des produits qui ne respectent pas du tout ces accords, il n’y a plus de tarifs, on est des fous. Bah ça ne marchera jamais.

Et vous, vous êtes un pays qui a un modèle extraordinaire. Vous avez une énergie décarbonée, vous avez un Président qui est courageux, qui a dit : « moi, je mets fin à la déforestation ». Il faut plutôt qu'il soit encouragé dans ses efforts plutôt que d'aller encourager des secteurs économiques ou des initiatives qui vivent sur ces vieux modèles. Donc moi, je dis là, où on a un rôle clé, c'est d'inspirer ces accords de nouvelle génération qui seront cohérents avec l'agenda de Rio de Janeiro et de Belém. Vive les accords commerciaux qui favorisent l'industrie décarbonée, qui favorisent la protection de la biodiversité ! Et plutôt non aux accords commerciaux qui nous font mener deux pas en arrière et qui ne seraient pas cohérents.

Voilà, c'est principiel, mais ce n'est pas la relation bilatérale. C'est ça ce que je dis à mes négociateurs. Et c'est pour ça que la France se bat pour ce qu'on appelle les clauses miroirs. Et je pense que ce serait quelque chose de formidable pour le Brésil dans ces accords commerciaux, les clauses miroirs parce que vous avez un formidable modèle sur le plan de l'énergie par exemple, et vous êtes en train de bâtir un modèle sur la bioéconomie qui est très fécond. Voilà la position de la France. On ne peut pas être plus transparent. Merci beaucoup. 

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