Dramaturge de génie, metteur en scène hors norme, acteur et plasticien, Robert Wilson s’est éteint ce jeudi 31 juillet 2025, à l’âge de 83 ans. La scène internationale perd l’un de ses plus éminents artistes, et la France un ami de ses arts et de ses lettres.
Celui que le public connaissait sous le nom de Bob Wilson, naquit au Texas le 4 octobre 1941, et vit son destin se dessiner sur les bancs du Pratt Institute de Brooklyn, dans les années 1960. Enfant terrible et chéri de son siècle, pétri du génie de Balanchine et de Martha Graham, Robert Wilson s’imposa rapidement comme un génie de l’avant-garde artistique new-yorkaise. Ses deux œuvres les plus révolutionnaires pour la scène dramatique et lyrique, Le Regard du sourd (1970) et Einstein on the Beach (1976) furent l’occasion de rencontres historiques avec le public français, aux festivals de Nancy et d’Avignon.
« Je n'ai jamais rien vu de plus beau en ce monde depuis que j'y suis né. Jamais. Jamais aucun spectacle n'est arrivé à la cheville de celui-ci, parce qu'il est à la fois la vie éveillée et la vie aux yeux clos, la confusion qui se fait entre le monde de tous les jours et le monde de chaque nuit (...). C'est le rêve de ce que nous fûmes, c'est l'avenir que nous prédisions. » Par ces mots éblouis, Aragon partagea avec Breton son émerveillement face au Regard du sourd, où il reconnaissait un surréalisme authentique.
L’œuvre inouïe et protéiforme de Bob Wilson contestait les lois de gravité de notre monde. Démiurge, il élargit l’espace et ralentit le temps, allant jusqu’à donner en 1972 avec Ka Moutain and Gardenia Terrace une représentation de sept jours et sept nuits, du haut de la montagne iranienne.
Quand il n’exploitait pas les mille nuances du silence, il décortiquait et réemboîtait autrement le langage, domptait les formes et les couleurs, se faisait chorégraphe pour sculpter le mouvement. Son goût de l’épure faisait surgir des tableaux scéniques saisissants, au Met comme à la Scala, en France à l’Opéra Bastille et au Théâtre de la Ville.
Au long de cette quête formelle insatiable, il réinventa Shakespeare, Brecht et Büchner, se saisit de nos grands mythes, de Médée et Salomé à la Tétralogie, dialoguant autant avec Debussy et Puccini qu’avec Marguerite Duras et Virginia Woolf.
Celui qui lia son nom dans nos mémoires au théâtre d’ombres et de lumières de Madame Butterfly, à la symphonie en rouge et noir de Turandot, à la silhouette en clair-obscur d’Isabelle Huppert dans Mary Said What She Said, nous laisse aussi son œuvre d’architecte et plasticien, installations, portraits vidéo ou sculpture. Un élan croisé que perpétuera le Watermill Center, laboratoire d’art et de sciences humaines qu’il a créé en 1991 à New York.
Le Président de la République et son épouse regrettent la disparition d’un artiste total, géant de la scène internationale et visage familier des salles françaises. Leurs pensées émues vont à sa famille, à ses proches, ainsi qu’à son public de toujours.