Le Président Emmanuel Macron s’est exprimé lors d’une conférence de presse ce vendredi 13 juin 2025 au Palais de l’Élysée.
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13 juin 2025 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse sur la situation au Proche et Moyen-Orient.
Emmanuel MACRON
Monsieur le ministre, mon général, Mesdames et Messieurs. Merci beaucoup pour votre présence. Israël a donc conduit, ces dernières heures, des attaques contre l'Iran, son programme nucléaire et ses missiles. La France n'a pas participé à la conduite de ces frappes. Elles ont repris cet après-midi et elles devraient probablement durer. C'est une étape nouvelle dans la guerre qui se joue dans la région. Je sais l'inquiétude légitime de nos compatriotes face à ces événements.
La France a condamné depuis longtemps et à de multiples reprises l'accélération du programme nucléaire et balistique iranien. L'Iran a continué d'enrichir de l'uranium sans aucune justification civile et à des niveaux désormais très proches de ce qui est nécessaire pour un engin nucléaire, accumulant près de 40 fois plus d'uranium enrichi que ce qui lui était autorisé. Elle s'est ainsi affranchie de toutes ses obligations vis-à-vis de la Communauté internationale, rompant ses propres promesses. Cette semaine encore, l'Agence internationale de l'énergie atomique, juge de paix en la matière, a constaté l'impossibilité d'assurer qu'il s'agissait d'un programme pacifique. Parallèlement, l'Iran développe à marche forcée un programme de missiles. Certains sont en théorie capables d'emporter un engin nucléaire et d'autres ont la portée permettant d'atteindre certaines parties de notre territoire national.
L'Iran porte une lourde responsabilité dans la déstabilisation de toute la région, a soutenu le Hamas, le Hezbollah, les Houthis, s'est félicité de l'attentat terroriste du 7 octobre, à la suite duquel 50 compatriotes ont perdu la vie, et détient toujours deux otages français, Cécile Kohler et Jacques Paris. Et je veux ici redire à leur famille notre solidarité et notre détermination à obtenir leur libération. L'Iran fournit aussi des missiles à la Russie pour l'aider dans son agression contre l'Ukraine. Et donc, je le dis avec la plus grande clarté, le risque de cette marche vers l'arme nucléaire par l'Iran menace la région, l'Europe et, plus généralement, la stabilité collective. Nous ne pouvons pas vivre dans un monde où l'Iran posséderait la bombe atomique, car c'est une menace existentielle et une menace pour notre sécurité à tous. Mais nul n'est plus directement visé qu'Israël, dont l'Iran appelle sans relâche à la destruction.
Je l'ai souvent répété, Israël a le droit, comme chaque peuple, de vivre délivré de l'angoisse de l'anéantissement, du risque de l'attaque et de la menace du terrorisme. Nous restons attachés à cette exigence pour la sécurité d'Israël. Je l'ai réaffirmé ce matin au premier ministre Benyamin Netanyahou. Face au risque majeur de déstabilisation pour toute la région, la France appelle désormais toutes les parties à la plus grande retenue pour éviter l'escalade. La question du nucléaire iranien est une question grave, une question existentielle. C'est par la négociation qu'elle doit désormais être réglée. C'est pourquoi je regrette que l'Iran n'ait pas pris au sérieux les propositions avancées par les États-Unis et a refusé jusqu'alors toutes les concessions comme les gestes nécessaires. Nous appelons à la reprise du dialogue, à la conclusion d'un accord, seul chemin pour désamorcer la situation, et nous sommes prêts à mettre tous nos efforts pour atteindre cet objectif.
Depuis ce matin, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec le président Trump, nos alliés européens, en particulier britanniques et allemands, ainsi que nos partenaires dans la région, jusqu'à l'instant même, les dirigeants d'Arabie saoudite, du Bahreïn, de la Jordanie, du Qatar, des Émirats arabes unis, de l'Égypte ou du Liban. Nous serons aux côtés de nos partenaires dans la région, auxquels j'ai rappelé notre solidarité et notre engagement, y compris celui de nos forces pour les protéger. Ce matin, j'ai tenu un Conseil de sécurité et de défense nationale sur la situation au Proche et Moyen-Orient et ses conséquences pour notre pays. Avec les ministres concernés, nous avons pris toutes les décisions pour faire face aux évolutions de la situation et pour assurer la sécurité des Français partout sur notre territoire. Nous avons, en particulier, décidé du renforcement de notre dispositif SENTINELLE pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national. Plusieurs mesures ont aussi été actées pour garantir la sécurité de nos ressortissants, de nos troupes et de nos ambassades dans la région. Je demande à nos compatriotes de ne pas se rendre sur place, quel que soit le prétexte. Notre dispositif militaire dans la région est quant à lui en alerte.
Mesdames et Messieurs, ces événements de la nuit et ce que je viens de rappeler sont évidemment à remettre dans la perspective du conflit plus large qui se joue dans la région et l'histoire plus longue, et en particulier depuis les attaques terroristes du 7 octobre 2023 et la guerre en cours à Gaza. Et ces dernières heures ne doivent pas nous détourner de la nécessité d'établir un cessez-le-feu permanent à Gaza, assorti de la libération de tous les otages et d'une aide massive à la population palestinienne soumise à un blocus humanitaire injustifiable. Je viens ici de rappeler tout ce que nous avons à faire et la gravité de la situation depuis cette nuit, mais ceci en aucun cas ne doit nous faire oublier Gaza. Les efforts pour rétablir le cessez-le-feu, rompus depuis le 1er mars, n'ont à ce stade pas abouti. Pourquoi ? Parce que cette logique militaire, celle de l'occupation, des déplacements, du siège, ne mènent nulle part, si ce n'est à un conflit permanent. Pour arrêter la guerre, il faut redonner une perspective de paix afin de bâtir les deux États et assurer la paix et la sécurité pour tous. C'est ce que porte la France depuis le 7 octobre, fidèle en cela à son engagement historique. Et c'est aussi le rappel qu'une vie vaut une vie et que pour la France, il n'y a pas de double standard. C'est par cette exigence que seront restaurées la paix et la sécurité régionales.
Aujourd'hui, à Paris, la société civile israélienne et la société civile palestinienne étaient venues porter ce message, et je regarde leur engagement avec espérance. Elles se sont réunies au Conseil économique, social et environnemental et ont remis au ministre des Affaires étrangères un appel à l'action, l'appel de Paris, auquel je compte désormais donner suite. Ces voix soutiennent en particulier l'initiative annoncée avec le prince héritier d'Arabie saoudite pour relancer la création d'un État palestinien et la pleine intégration d'Israël au Moyen-Orient qui se traduira par une conférence internationale sous l'égide des Nations unies à New-York. Les objectifs que nous poursuivons à travers cette conférence internationale coorganisée avec l'Arabie saoudite sont les suivants. En premier lieu, sécuriser la libération des otages et permettre l'arrivée dans la bande de Gaza d'une aide humanitaire massive. Ensuite, consolider le cessez-le-feu le plus durable possible. Troisièmement, enclencher un processus politique qui se substitue aux armes et qui permette d'obtenir une réforme de l'autorité palestinienne et la mise en place d'une administration sous l'autorité palestinienne dans la bande de Gaza, excluant le Hamas, qui doit être désarmé. L'objectif, c'est donc un État palestinien démilitarisé, reconnaissant l'existence et la sécurité d'Israël, qui doit recevoir le soutien d'une mission internationale de stabilisation. C'est le préalable indispensable à l'intégration régionale d'Israël et à l'établissement de sa reconnaissance mutuelle. Si nous devons décaler la tenue de cette conférence pour des raisons logistiques et sécuritaires, dans la mesure où les dirigeants de l'autorité palestinienne ne peuvent rejoindre les Nations unies, elle aura lieu au plus vite. Et dès les prochains jours, en lien évidemment avec les dirigeants de la région et plus particulièrement avec l'Arabie saoudite, une date sera refixée. Ce report ne saurait remettre en cause notre détermination à avancer vers la mise en œuvre de la solution des deux États, quelles que soient les circonstances.
J'ai dit ma détermination à reconnaître l'État de Palestine. Elle est entière et c'est une décision souveraine. En ces heures, l'urgence d'un Moyen-Orient en paix est d'autant plus grande. Je mettrai à profit les grandes échéances des prochains jours et notamment le sommet du G7 dès la semaine prochaine pour rapprocher les points de vue de nos partenaires, nous concerter plus avant avec les États-Unis d'Amérique et avancer dans ce sens. Chaque jour, chaque heure, la France agit pour la paix et la sécurité pour tous au Moyen-Orient. Je vous remercie et je vais maintenant répondre à vos questions.
Journaliste
Vous avez détaillé l'état d'avancement du programme nucléaire iranien. Est-ce que, selon les renseignements que vous avez, cet état d'avancement, à quel délai est-il de la fabrication d'une bombe atomique ? Est-ce que vous avez quelque chose de plus précis à nous dire là-dessus ? Et donc, si je comprends bien votre démonstration, ces renseignements que vous aviez, en tout cas cet état d'avancement, justifiaient l'opération menée cette nuit et encore aujourd'hui par Israël ? Est-ce que c'est cela votre conclusion ? Et est-ce qu'elle justifie aussi que ces opérations continuent dans la durée comme vous l'avez dit et comme l'a dit le gouvernement israélien ? Et par ailleurs, est-ce que le timing au moment où tout de même, il y avait un effort diplomatique entre les États-Unis et l'Iran, ne fait pas que cette opération vient troubler de possibles avancées diplomatiques. Merci.
Emmanuel MACRON
Les informations que nous avons et que nous partageons avec nos partenaires, ce dont nous disposons aussi des informations de nos partenaires, et je dirais plus encore les informations qui ont été partagées par l'AIEA, l'Agence internationale de l'énergie atomique, qui est en charge du suivi de ce programme, sont plus que préoccupantes. Et c'est sur la base de ces informations que nous avons d'ailleurs eu un vote majoritaire qui a, comme je le disais, qualifié le programme en cours, remis de la pression sur l'Iran et demandé des précisions nouvelles. Et donc, oui, L'Iran a poursuivi son programme ces derniers mois, a continué d'enrichir, et est proche d'un stade critique, c'est-à-dire le stade qui permet, en effet, de produire des engins nucléaires, et ensuite qui déclenche la mécanique qui permet ensuite, en effet, d'avoir des armes nucléaires.
Donc, la situation est aujourd'hui très préoccupante à cet égard, et ce programme ne répond pas aujourd'hui aux engagements qui avaient été pris, naguère, l'Iran elle-même. Pour autant, la voie que la France continue avec constance de poursuivre est une voie diplomatique, c'est-à-dire celle qui consiste à redonner la légitimité à l'AIEA de poursuivre son programme, à demander de suivre l'ensemble des sites d'enrichissement et de revenir à des seuils qui correspondaient aux engagements internationaux.
Nous avons été parmi les pays les plus exigeants et les plus constants sur la question du nucléaire iranien comme du balistique iranien, mais nous avons toujours privilégié la voie de la discussion diplomatique et des exigences techniques de l’AIEA plutôt que l'intervention militaire. C'est pourquoi la France n'était pas engagée dans une discussion avec Israël sur ce sujet, et c'est pourquoi la France ne recommandait pas des attaques de la part d'Israël.
La situation que je viens de décrire a conduit Israël à prendre cette décision. Est-ce que, pour autant, nous la soutenons, nous avons voulu l'accompagner, nous l'avons planifiée avec eux ? La réponse est non.
Je rappelais simplement un contexte qui fait que, oui, la situation dans laquelle nous étions entrés était très clairement une menace pour Israël et une menace pour nous tous. Nous, nous avions privilégié une autre voie. Les choses se sont passées comme elles se sont passées ces dernières heures. Elles ont d'ailleurs conduit à la neutralisation de responsables qui avaient eux-mêmes, par leurs déclarations, parfois par leurs actes, conduit des activités qui étaient dangereuses pour notre propre pays.
Aujourd'hui, notre souhait, comme je viens de le rappeler, c'est que les discussions reprennent. Et donc, nous appelons d'une part à ce qu'il n'y ait pas d'escalade dans les représailles iraniennes, et d'autre part, à ce qu'au plus vite, Israël puisse, au contraire, aider les États-Unis d'Amérique, les Européens, à reprendre les discussions avec les Iraniens pour se remettre autour de la table et reprendre le contrôle sur ce programme.
La situation qui a été créée par ces frappes ouvre une ère nouvelle, je l'ai dit, de la guerre dans la région et doit conduire Israël à accepter enfin le cessez-le-feu, la libération des otages et une reprise des discussions politiques. Je l'ai dit tout à l'heure au premier ministre Netanyahou, parce que s'il y a une chose qui unit Israël avec tous ses voisins dans la région, c'est la menace iranienne. Puisque celle-ci est redevenue aujourd'hui la priorité, et puisqu’aujourd’hui, les heures, les jours, les semaines qui viennent seront structurées par les risques de riposte, et donc, évidemment, la sécurité d'Israël et de toute la région, plus que jamais, c'est l'intérêt même politique et sécuritaire d'Israël d'acter un cessez-le-feu, d'obtenir la libération des otages par le Hamas et de réenclencher cette dynamique.
Je pense que c'est cette fenêtre que nous devons saisir et c'est le travail que nous conduirons dans les prochains jours avec Israël, d'une part, mais aussi avec les États-Unis, le Qatar, l'Égypte et l'ensemble des négociateurs qui sont impliqués dans cette discussion.
Journaliste
Bonjour. Vous avez souligné dès ce matin le soutien de la France au droit d'Israël à se défendre. Je voulais savoir jusqu'où pourrait aller ce soutien. Est-ce qu'il s'agit, puisque les forces françaises, comme vous l'avez dit, sont en alerte dans la région, d'aider Israël en cas de riposte massive de l'Iran, dans les prochaines heures ou prochains jours ? Est-ce qu'il s'agit éventuellement d'accompagner également Israël dans ses opérations offensives sur le territoire iranien ? Ou est-ce que vous placez la frontière dans le soutien de la France donc à Israël ? Et puis vous parlez de la reprise des négociations que vous appelez de vos vœux. Sous quelle forme ? Est-ce que c'est une négociation qui doit continuer dans la forme actuelle, c'est-à-dire entre Washington et Téhéran ? Ou est-ce que les Européens doivent y être associés dorénavant, puisqu'on a vu que la première phase n'a pas tellement été concluante, les Européens, voire la Chine et la Russie, comme au temps du JCPOA ?
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. Le soutien, celui que nous avons toujours apporté, j'ai toujours été clair, ce n'est pas un soutien inconditionnel et sans limites. J'ai d'ailleurs été clair lorsqu'il s'agit de lutter contre le terrorisme du Hamas, que nous avons condamné avec force le 7 octobre dernier. Nous avons soutenu toutes les opérations ciblées d'Israël, sa volonté de, très clairement, se protéger du terrorisme, mais en aucun cas, nous n'avons soutenu les opérations qui mettaient en danger la vie des civils, et c'est pourquoi nous avons appelé, dès la fin octobre 2023, à un cessez-le-feu sur le territoire.
Pour ce qui est de l'Iran, nous soutenons la sécurité d'Israël. Si Israël devait être attaqué dans le cadre d'une représaille par l'Iran, la France, compte tenu de ses emprises, et si elle était en situation de le faire, participerait aux opérations de protection et de défense d'Israël. J'ai marqué notre disponibilité en ce sens. À l'inverse, je n'envisage aucunement de participer à quelque opération offensive que ce soit. Ce n'est pas notre rôle et ce n'est pas le chemin que nous choisissons, je l'ai déjà dit. Nous sommes pour un chemin diplomatique sur la question du nucléaire et du balistique iranien.
Pour ce qui est des négociations de cessez-le-feu, comme des négociations nucléaires et balistiques, je crois à l'efficacité d'impliquer les Européens, qui sont des partenaires de confiance. Nos contacts, comme notre travail, sont permanents. J'ai passé la journée à échanger avec l'ensemble des négociateurs du cessez-le-feu, comme avec tous les acteurs de la sous-région. Oui, mon souhait, c'est que nous puissions être réinclus dans ces actions et ces opérations, qu'il s'agisse du cessez-le-feu ou de la discussion sur le nucléaire iranien.
Néanmoins, la lucidité me conduit à dire que si je vois une fenêtre rouvrir sur les négociations sur le cessez-le-feu à Gaza, les prochaines heures et les prochains jours seront difficiles pour rouvrir des négociations efficaces avec l'Iran sur la question du nucléaire. Mais nous devons y travailler, nous devons nous réengager sur ce sujet.
Journaliste
Bonjour, Monsieur le Président. Vous vous êtes entretenu aujourd'hui avec un grand nombre de dirigeants régionaux et internationaux. Quel était le message que vous avez pu passer à vos partenaires au nom de la France ? Et craignez-vous aujourd'hui un conflit généralisé au Proche-Orient ? Craignez-vous des répercussions sur le Liban, qui a souvent été la caisse de résonance des conflits régionaux ? Merci.
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. J'ai d'abord voulu partager l'analyse de la situation avec tous les partenaires de la région, ensuite insister sur la sécurité de la France, de ses emprises, de nos ressortissants, de nos diplomates comme de nos troupes, et avec beaucoup de ces pays, voulu aussi apporter mon soutien et dire aussi la présence de la France en cas de riposte qui pourrait affecter la sécurité de ces derniers.
Quant au Liban, la France reste comme toujours vigilante et préoccupée par la sécurité du Liban, qui, vous avez raison, peut être menacée depuis son propre sol comme depuis l'extérieur dans ce contexte. Nous avons aussi des contacts multiples pour essayer de limiter ce risque et de tout faire pour qu'il n'y ait pas un embrasement.
La situation aujourd'hui, soyons honnêtes et lucides, est une situation à haut risque. Nul ne peut dire qu'elle est maîtrisée. Et les risques d'escalade, y compris d'escalade non contrôlée, existent. C'est pourquoi il faut la plus grande vigilance, c'est pourquoi il faut redoubler d'efforts de prise de contact et il faut garder un calme, une lucidité, un sérieux dans tout ce qui est fait. C'est ce que nous essayons de faire, mais très clairement, les heures, les jours qui viennent sont extrêmement dangereux pour toute la région et au-delà.
Journaliste
Bonjour Monsieur le Président. Je rebondis sur ce que vous disiez avec cette réunion à New York le 18 juin, donc reportée, vous l'avez annoncée. Est-ce que c'est un échec de manière globale ? Si oui, qui est responsable de cette situation aujourd'hui ? Et vous avez également évoqué tout à l'heure le risque de contagion, si je comprends bien, à d'autres conflits. Est-ce que vous pouvez nous expliquer votre point de vue ? Notamment, vous avez fait référence à la Russie, je vous remercie.
Emmanuel MACRON
C'est d'abord un choix de pragmatisme et de sécurité. Quel sens aurait une telle conférence, dans laquelle le prince héritier d'Arabie saoudite et moi-même devions être, que nous coprésidions, où le président de l'Autorité palestinienne devait prendre verbalement des engagements forts, au-delà même de la lettre qu'il a déjà écrite, et qui sont des engagements historiques et des déclarations historiques, si tous les dirigeants de la région, pour des raisons évidentes, sont tenus chez eux ? Aujourd'hui même, le prince héritier, comme le président de l'Autorité palestinienne, m'ont indiqué qu'il n'était pas en situation logistique, physique, sécuritaire et politique de se rendre à New-York. C'est juste des raisons pragmatiques et de la pure lucidité.
Néanmoins, la dynamique créée par cette conférence est une dynamique inarrêtable. D'abord parce que nous avons obtenu, ces dernières semaines, des engagements historiques de plusieurs. De l'Autorité palestinienne, qui a enfin reconnu et condamné les attaques terroristes du 7 octobre, qui s'est engagée, comme elle ne l'avait jamais fait, dans un processus elle-même de reconnaissance avec Israël et dans sa volonté de créer les conditions politiques sécuritaires des deux États et d'une sécurité régionale. Dans la volonté affichée et réaffichée, obtenue il y a quelques semaines lors de mon voyage en Égypte, d'avoir une implication égyptienne dans la sécurité de Gaza le jour d'après. Mais aussi dans les engagements obtenus, eux aussi historiques, il y a quelques jours à peine, en Indonésie, du président Prabowo, affirmant pour la première fois haut et fort une fois ce processus déclenché, sa capacité à reconnaître Israël et sa sécurité.
Tout ça, c'est la dynamique de cette conférence qui l'a créée. Ce que la rencontre d'aujourd'hui entre les sociétés civiles israéliennes et palestiniennes, la convergence de vues, la même détresse, les mêmes souffrances exprimées durant toute cette journée, mais exprimées depuis des mois et parfois non entendues à travers le monde, de ces deux peuples nous obligent. Donc, je vous le dis, ce mouvement est inarrêtable. Dès que les conditions sécuritaires nous le permettront, nous le ferons.
Ensuite, pour les risques, je ne vais pas ici documenter le pire, mais nous nous préparons à tout. Il est évident que selon les ripostes qui seront décidées par l'Iran, mais aussi si Israël devait continuer des opérations en Iran, sur le sol iranien qui aille au-delà des cibles jusqu'alors indiquées, nous rentrerions dans des situations dont aujourd'hui, nul ne peut totalement se figurer les conséquences.
Ensuite, nous restons très vigilants sur les solidarités qui se sont dessinées ces derniers mois. Je note que les mêmes drones iraniens sont utilisés sur le théâtre ukrainien par les Russes. Je note les propos que la Fédération de Russie a commencé à tenir dès ce matin. Je vois des solidarités inquiétantes, mais je les ai déjà dénoncées et nous avons marqué cette vigilance depuis des mois. C'est pourquoi je pense qu'il est indispensable que les discussions reprennent, sur la question du cessez-le-feu à Gaza et de la libération des otages, et sur la question d'un cessez-le-feu en Ukraine et d'une reprise de discussion sur une paix juste et durable, et sur la question du nucléaire iranien pour lui donner un cadre négocié. C'est ce à quoi appelle la France et ce à quoi elle œuvrera. Mais vous voyez les liens entre les acteurs les plus dangereux et vous voyez le risque d'escalade lorsque certains de ces acteurs ont manifesté ces derniers mois leur incapacité à calibrer leurs gestes.
Journaliste
Bonjour, M. le Président. Vous avez annoncé le renforcement de l'opération Sentinelle sur le territoire français. Ce matin, le Premier ministre François Bayrou a également réagi. Il a évoqué, je cite, « des risques qui vont impacter notre vie de tous les jours, comme la guerre en Ukraine a impacté notre vie de tous les jours ». Est-ce que vous aussi, vous considérez que ce conflit entre Israël et l'Iran aura des conséquences en France ? Et si oui, sur quel plan, on le comprend sécuritaire, peut-être économique. Merci pour vos précisions.
Emmanuel MACRON
Il est trop tôt pour les identifier, mais il y en a de manière évidente. Il y a très clairement, de toute façon, une vigilance sécuritaire. C'est pourquoi nous décidons de ce renforcement. Parce que l'Iran, par le passé, a aussi montré sa capacité dans ses ripostes ou ses actions, à mener des actions terroristes sur des sols étrangers. Ensuite, parce que l'Iran a des capacités balistiques qui peuvent toucher le sol européen, et donc elle est aussi une menace à cet égard, même si, comme je le rappelle, la France, comme d'ailleurs tous ses autres partenaires européens et comme les États-Unis d'Amérique, n'ont en aucun cas participé ni aux opérations des dernières heures ni à leur planification. Ensuite, il est très clair qu'en fonction de l'évolution de la situation, des bombardements, des cibles qui seront prises, l'économie mondiale peut être impactée. Qu'il s'agisse des routes commerciales et des menaces sur le détroit d'Ormuz, qu'il s'agisse des capacités de production pétrolière mondiales, qu'il s'agisse de tous les autres sujets pour lesquels la région a un impact très clair.
Notre principale préoccupation est sécuritaire aujourd'hui, mais compte tenu de l'incapacité de qui que ce soit à se prononcer sur la durée, l'étendue des opérations et des ripostes, nous devons nous préparer aussi à des conséquences économiques. Il est trop tôt pour répondre à votre question de manière précise, mais il n'est pas trop tôt pour nous tenir groupés, unis, conscients, solidaires dans ce moment que nous avons à vivre. Et je sais que nous en avons la capacité. Le peuple français a su le faire lorsque nous avons été frappés par la crise énergétique qui était liée au conflit, à la guerre d'agression russe menée en Ukraine. Et nous avons aussi continué à mener l'effort de soutien. Donc, nous sommes aussi résistants. Simplement, il faut à chaque fois dire les choses telles qu'elles sont, de la manière la plus précise. Et donc, je vous dis aujourd'hui tout ce que je sais, je vous dis aussi tout ce que je ne sais pas, et je reviendrai vers vous dès que, évidemment, la situation évoluera pour vous en tenir informés et pour vous dire les conséquences pour nos compatriotes qui sont dans la région, qu'ils soient diplomates, militaires ou que ce soit nos ressortissants, mais aussi pour notre pays.
Journaliste
Oui, Monsieur le Président. Je voudrais demander sur l'attaque israélienne contre l'Iran, qui est en cours, est-ce qu'il y a un élément positif d'une attaque de force pareille ? Deuxièmement, est-ce que la France programme avec les Européens, une possibilité de calmer les choses ? Troisièmement, concernant vos rapports personnels, et avec Monsieur Netanyahou et avec le gouvernement israélien, est-ce que le fait que vous avez menacé Israël des sanctions peut aider dans l'avenir que vous voyez pour la région ? Est-ce que, finalement, l'attaque contre l'Iran aide à l'instauration d'une solution régionale avec un plan palestinien et vos projets que vous avez donc voulus effectuer dans votre conférence ?
Emmanuel MACRON
Écoutez, comme je vous l'ai dit, nous n'avons pas participé à ces frappes. Nous ne partageons pas cette approche et la nécessité d'une opération militaire. Néanmoins, quand je regarde les résultats de ces frappes, elles ont permis de réduire des capacités d'enrichissement, elles ont permis de réduire des capacités balistiques. Elles ont donc des effets qui vont dans le sens recherché. Maintenant, il faut reprendre la discussion et essayer d'avancer sur un terrain, je le disais, plus diplomatique et technique. Pour ce qui est ensuite des Européens, je pense qu'ils ont, je le disais, un rôle à jouer dans la mesure où les Européens, d'abord, ont la continuité du dossier nucléaire en tête et que nous avons tenu une position constante et que nous nous sommes avérés être, je dirais, pour tous les interlocuteurs de ce dossier, au fond, les seuls à être véritablement constants. C'est-à-dire que nous avons été un moment plus exigeant que les Américains à l'égard du programme nucléaire iranien. Nous avons d'ailleurs durci la position en 2015 dans les dernières étapes de cette négociation. Qu'ensuite nous, nous sommes restés attachés au JCPOA et que nous n'avons pas quitté quand les Américains, eux, ont changé d'avis, et que nous considérons que c'est toujours le même cadre qui doit préexister et que d'ailleurs les discussions qui s'étaient tenues encore cette semaine à l'AIEA se faisaient dans ce cadre. Et donc je pense que pour toutes les parties prenantes, les Européens ont à la fois la connaissance dans la profondeur du dossier, les compétences, en particulier pour la France, qui est un État doté avec des compétences techniques nucléaires fortes, et une cohérence.
Enfin, je considère qu'au fond, notre responsabilité, notre rôle, notre position est toujours la même. Nous sommes attachés à la paix et la sécurité pour tous. Eh oui, parfois, nous avons des désaccords avec Israël, et nous les assumons. Ou plutôt, nous avons des désaccords avec le Premier ministre Netanyahou et son gouvernement, et nous les assumons. Parce que parfois, nous considérons que les décisions qu'il prend sont mauvaises pour la sécurité d'Israël elle-même. Et lorsqu'il mène une opération massive, terrestre, qui fait tant de victimes civiles à Gaza, nous considérons que c'est à la fois une trahison de ce qu'est l'histoire même et l'identité d'Israël et dangereux pour la sécurité d'Israël aujourd'hui et demain. Voilà. Et donc si je devais vous résumer les choses et la position française, elle est assez simple. Nous sommes pour la paix, la sécurité et la stabilité pour tous dans la région. Nous ne voulons pas d'un Proche et Moyen-Orient avec un Iran qui soit doté de l'arme nucléaire. Nous ne voulons pas d'un Proche et Moyen-Orient où Gaza soit durablement occupée, des civils maltraités. Et nous croyons que la solution est la stabilité, c'est un Israël vivant en paix à côté d'un État palestinien, vivant en paix et en sécurité, et ayant reconnu l'existence et les droits d’Israël à se défendre dans la région. C’est ça ce que nous poursuivons. Et je crois que c’est honnêtement une perspective honnête, cohérente, et j’espère, réaliste.
Intervenant
I'm the grandchild of Oded and Yocheved Lifshitz. My question will be behalf of the forum of the hostages and Amos Gitaï as well. My question is for you. Who will govern Gaza? Who can we trust not to be preoccupied with returning to terror or turning it into a haven for Hamas? And I want to appreciate your sensibility for the people of Israel and Gaza as well, your unwavering support for the families of the hostages. Thank you, Mr. President.
Emmanuel MACRON
Thank you very much. Let me just reiterate the fact that the release of all the hostages, the demilitarization of Hamas and the ceasefire are clearly the three preconditions we see in this process and our key objectives on the short run. But they are as well to be taken into consideration with the administration of Gaza the day after as a step towards a full-fledged Palestinian state. But this is why the conference is so important. And the recognition of a Palestinian state is the trigger of everything and should be, I mean, is inseparable from the release of hostages, clearly the demilitarization of Hamas and this stage in Gaza and this is all interlinked. But as for your very precise question, our objective is to get a long-term ceasefire, the release of hostages and a civilian administration of Gaza in which the Palestinian Authority will have a preponderance role which will involve some key people of the region with the vetting of Israel and excluding obviously any Hamas leader.
This transitory period will be accompanied by military presence and military forces of the region. And we would like to have a monitoring and a UN framework for such a deployment. And we got the commitment from many leaders of the region to be part of such a security with a permanent deconflicting process with Israel. In parallel, I want to insist on the fact that we have absolutely to stop the daily attacks against Palestinian people in West Bank. And on the very short run, we have to be clear on the fact that we will refuse any action which could jeopardize the possibility of two states. And especially, there is no justification of what is happening in the west bank today. But our willingness clearly is to trigger a political process to bring with us several countries from our continent and other continents to recognize a Palestinian state with us and to have a step-by-step approach towards a full-fledged recognition and all the capacities which go with a full-fledged member of the United Nations going step by step and delivering the objective I just mentioned. I hope I was clear. But obviously, you know, during month and month, I did hope that we could get ceasefire and release of hostage before any move. I hope because of the situation triggered by the recent strikes, everything will change, and we can reopen and deliver, but we cannot conditionate the process and the recognition to a ceasefire on the release of hostage. We have to get them in the process, but we have to trigger something new in order not to be captured by the absence of willingness to move forward of all parties being involved today.
Animateur
Ceci clôture la conférence de presse. Merci beaucoup Monsieur le Président, merci à tous.
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup à toutes et à tous. À bientôt.
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