Avec la mort du général Georgelin, la Nation perd un de ses plus grands soldats, l’État un de ses plus grands serviteurs, et Notre-Dame de Paris celui qui, chaque jour, pierre après pierre, depuis quatre ans, restaurait sa beauté blessée, pour rendre à la France l’héritage de ses bâtisseurs.
Pour qui le connaissait, sa disparition en montagne est à l’image d’une vie tournée vers les cimes, toujours. Lui qui était entré très jeune sous nos drapeaux, au prytanée national militaire de La Flèche, s’éleva sous l’uniforme aux plus hautes responsabilités, comme chef d’état-major des armées, de 2006 à 2010, donnant à cette fonction une ampleur inédite, et assurant le commandement des opérations extérieures de la France notamment en Côte d’Ivoire, en Afghanistan, dans les Balkans ou au Liban, pour garantir la paix, la défense de nos valeurs et l’équilibre international. Dans l’ordre de la Légion d’honneur, il accéda au plus élevé des services, celui de grand chancelier.
Partout, il laissait l’image d’un homme de devoir, unanimement respecté pour sa droiture sans concessions ni calcul d’intérêts, pour sa radicale liberté. Des générations d’officiers, en particulier la promotion de Saint-Cyriens qu’il avait formés, les « cadets de la France Libre », se souviennent de sa verve, de sa trempe, de sa voix tonitruante où résonnait un sens profond de la patrie qu’il savait leur transmettre.
Il était une force qui va. Mais cette force imposante cachait une sensibilité et une culture d’une finesse hors norme. Toute sa maîtrise de lui-même n’avait pu l’empêcher d’avoir les larmes aux yeux quand les voûtes du transept de Notre-Dame avaient été posées, l’hiver dernier, si grande était l’émotion. Cette mission de reconstruction lui avait été confiée, au lendemain de l’incendie d’avril 2019, et il l’avait empoignée avec son ardeur de toujours, sans se laisser intimider ni par les 42 000 m2 de voûte et de murs à restaurer, ni par les 1200 chênes destinés à la nouvelle charpente, ni par les délais serrés.
Il y consacrait toute son énergie, tout son être, pour que le lieu soit restauré dans son histoire incomparable et dans sa beauté spirituelle. Relancer vers le ciel la flèche de Notre-Dame prenait, pour son âme d’homme de foi, pour son cœur de Français, une double importance, une urgence décuplée.
« Vivre en surface vous punira en son temps d’avoir ignoré l’avenir qui toujours hérite ». Il aimait répéter cette formule de Sertillanges, et avait fait de la reconstruction un chantier à part, exemplaire, aussi exceptionnel dans sa tonalité que dans son objet, empreint d’une fierté et de joie qu’il savait faire partager aux Français : grâce à lui, chacun peut déambuler sur le parvis au milieu d’une fantastique galerie des sculptures, où le patrimoine vivant des artisans au travail se mêle au patrimoine de pierre. Il avait exhumé les savoir-faire enfouis des siècles passés, valorisé le trésor de savoir-faire de nos petites entreprises pour retravailler le plomb, le bois, la pierre et le verre tel que les pères de la cathédrale l’avaient fait en leur temps.
Le Président de la République et son épouse, avec une peine profonde, adressent leurs condoléances à sa famille, à ses proches, à ses frères d’arme, à tous les reconstructeurs de Notre-Dame qu’il savait fédérer et galvaniser.
Le général Georgelin ne verra jamais de ses yeux la réouverture de Notre-Dame aux Français, dont il aura été l’incomparable artisan. Mais le 8 décembre 2024, il sera présent avec nous, à sa réouverture, d’une autre manière, dans l’émotion que nous lui devrons, dans la gratitude que nous ressentirons envers son œuvre, dans cette communion aux mêmes idéaux, contre laquelle la mort ne peut rien.
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