Comment faire de l'accord franco-allemand un succès pour une Europe solidaire et souveraine ? En mobilisant nos partenaires pour obtenir un accord au mois de juillet, au moins 500 milliards d’euros de subventions tournées vers les régions les plus touchées.
(Re)voir la conférence de presse conjointe :
29 juin 2020 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse conjointe du Président Emmanuel Macron et de la Chancelière Angela Merkel à Meseberg.
Merci Madame la chancelière, chère Angela, pour ces mots et pour votre accueil aujourd'hui.
Je suis extrêmement heureux et honoré d'être le premier dirigeant à vous rendre visite depuis le début de la pandémie et très heureux de me retrouver à vos côtés deux ans presque jour pour jour après le sommet que nous avions tenu ensemble ici même.
Je ne vais pas répéter ce que vous venez de dire. Vous l'avez parfaitement décrit, le monde dans lequel nous nous trouvons était inimaginable il y a deux ans : les transformations profondes, le choc que nos sociétés ont subi, les traumatismes pour nos peuples, le choc sanitaire et maintenant économique et social. Mais je mesure aussi l'importance de tout ce que nous avons fait ensemble, en particulier ces dernières semaines.
Je crois pouvoir dire que durant cette crise nous avons montré notre force, notre résilience. Et l'accord historique que nous avons scellé le 18 mai avec Madame la Chancelière ne résulte pas simplement de 3 semaines de négociations intensives. Il découle de 3 années de travail confiant, patient, fructueux, conduit ensemble et aussi du moment de Meseberg vécu il y a 2 ans. Nous avions avancé sur un budget commun et beaucoup de choses qui étaient alors déjà vues comme très difficiles. Je mesure tout ce que nous avons fait durant ces dernières années et qu'en quelque sorte, durant cette crise, nous avons su ensemble accélérer.
Nous sommes arrivés à un moment de vérité pour l'Europe. Avec cet engagement franco-allemand résolu, celui du 18 mai dernier, nous pouvons faire de ce moment de vérité un moment de succès. Nous sommes à 2 jours du début de la présidence allemande du Conseil de l'Union européenne et un an après la fin de votre présidence commencera début 2022, comme vous l'avez dit, la présidence française. Le calendrier lui-même montre combien nos volontés, nos destins sont entremêlés. Et c'est ce dont nous avons commencé à parler et ce sur quoi nous allons poursuivre ensemble.
Comment faire de cet accord franco-allemand un succès pour l'Europe et pour une Europe plus solidaire et plus souveraine ? D'abord en faisant tout, avec le président Charles MICHEL et la présidente Ursula VON DER LEYEN, avec l'ensemble de nos partenaires, pour obtenir un accord budgétaire au mois de juillet sur un cadre financier commun 2021-2027 et sur le plan de relance. Je ferai très simple. Il faut que nous arrivions à consolider ce que nous avons ensemble décidé : un emprunt commun, au moins 500 milliards de subventions budgétaires et vers les régions les plus touchées. Nous l'avons écrit noir sur blanc avec la chancelière, c'est notre priorité absolue.
C'est ce qui permet d’être à la hauteur et de répondre au défi qui est aujourd'hui le sien. Car attendre ne rendra pas les choses plus simples compte tenu de l'agenda européen ambitieux que devra porter la présidence allemande, et nous avons aussi évoqué tous ces autres dossiers, le Brexit et la future relation avec le Royaume-Uni, qui doit être coopérative mais juste. Jamais nous ne pourrons accepter qu'être à l'extérieur de l'Union européenne permette d'accéder à notre marché sans respecter nos règles, ce serait l'inverse d'une Europe souveraine.
Nous aurons aussi à traiter de l'enjeu du climat, vous l'avez rappelé. Nous devrons d'ici la fin de l'année rehausser nos objectifs de réduction d'émissions pour 2030 et faire en sorte que les plans de relance européens et nationaux respectent ces objectifs. Et à cet égard, il me semble indispensable que l'argent qu'apportera l'Europe aux pays qui font leur transition écologique soit strictement conditionné à des engagements climatiques précis, à commencer par la neutralité carbone 2050. Et nous savons que nous aurons ce rehaussement des ambitions en 2030, à confirmer pour tous la neutralité carbone 2050 avec des instruments (prix minimum, taxes aux frontières) qui seront à développer. C'est cet agenda dont nous avons commencé à parler et que nous poursuivrons.
A cet égard, j'aurai l'occasion, Madame la chancelière, de vous remettre le rapport qui m'a été remis par la Convention citoyenne pour le climat que nous avions installée il y a 9 mois et qui, pendant 9 mois, ces 150 citoyens tirés au sort, ont travaillé d'arrache-pied pour faire des propositions. Certaines sont européennes, beaucoup sont françaises et sont attachées à une coopération franco-allemande forte et un modèle européen fort.
L'autre enjeu central c'est notre souveraineté, climatique justement, numérique vous l'avez rappelé, alimentaire, sanitaire, industrielle et sécuritaire. Et la crise, je crois pouvoir le dire, a accéléré la prise de conscience collective car elle a révélé nos fragilités, parfois nos dépendances. Comment accepter à l'avenir que des médicaments de base ou demain des vaccins contre le Covid et d'autres maladies soient produits dans leur immense majorité hors d'Europe ?
L'année 2020 a commencé avec un débat sur la 5G, elle se poursuit avec les médicaments, l'organisation dont nous avons décidé d'ailleurs de concert pour pouvoir produire dans nos pays et pour nos peuples le vaccin une fois trouvé. Mais c'est toujours le même débat : non pas nous replier, nous refermer mais, à l'échelle européenne, être capable de protéger et renforcer nos valeurs, nos intérêts, nos biens essentiels, nos entreprises stratégiques. Et sur ce sujet, les lignes bougent. L'action commune que nous menons avec l'Allemagne et quelques partenaires pour produire le vaccin contre le covid en Europe, les récentes propositions de la Commission que nous avions appelées de nos vœux pour sanctionner les entreprises étrangères qui investissent en Europe en étant massivement subventionnées par leur pays d'origine, tout cela témoigne d'un changement de modèle, d'une fin de naïveté.
Nous discuterons dans cet esprit dans quelques instants de nombreux dossiers internationaux, notre relation avec la Chine mais aussi notre présence ensemble dans plusieurs zones de conflit ou de tension et je finirai sur ce point.
C’est ce modèle européen que nous devons réformer, protéger et promouvoir. Parler de modèles ne veut pas dire que tout est parfait, que nous sommes exemplaires ou infaillibles mais il y a une identité européenne et il doit donc y avoir une souveraineté européenne et la crise l’a montré. Elle a touché différemment les pays d’Europe. Partout il y a eu des manques, sans doute des erreurs mais partout en Europe aussi, il y a eu de la solidarité en accueillant les malades par-delà les frontières et je remercie encore l’Allemagne et nombreux Länder qui ont accueilli des malades français. Partout en Europe, il y a eu des mesures sociales massives de soutien à l’emploi, au pouvoir d’achat. Partout en Europe, nous avons eu un débat libre, permanent, transparent et je crois qu’il faut que l’ensemble de nos concitoyens mesurent ce que cela représente. Dans beaucoup d’autres endroits du globe qui ont été parfois aussi sévèrement touchés que nous, les aides sociales aux entreprises comme aux citoyens n’ont pas été si massives, loin de là. Dans beaucoup d’endroits, l’épidémie a parfois été synonyme de la suspension de la vie, pas dans notre Europe. Il n'y a pas un endroit au monde qui soit un tel alliage de solidarité et de liberté et c'est cette identité que nous voulons défendre.
Vous l'avez rappelé, madame la Chancelière, nous vivons dans une époque qui est encore extrêmement incertaine. Le virus est là et continue à circuler. La crise sanitaire n'est plus totalement à son pic mais nous avons encore de nombreux foyers d'infection qui nous conduisent à être vigilants et à agir. Nous avons une crise sociale et économique qui est là et va continuer de s'amplifier à l’automne et en hiver avec encore beaucoup d'incertitudes. Mais nous avons ce modèle européen et je crois pouvoir dire que nous avons l'un et l'autre chevillé au corps la volonté de le défendre et de le rendre plus fort.
C'est ce qui a présidé à nos décisions le 18 mai dernier à la rencontre de ce jour, aux décisions que nous serons amenés à prendre dans les prochaines semaines et les prochains mois et c'est ce qui fait pour une Europe plus forte et plus unie que nous serons à vos côtés pour la présidence allemande qui commence.
Merci encore pour votre accueil, madame la Chancelière.
« À Meseberg hier, j’ai retrouvé Angela Merkel pour avancer sur le plan de relance européen que nous portons ensemble. Ce plan va permettre de surmonter la crise économique et sociale que nous traversons. L’Europe en a besoin !
Notre objectif est simple : mobiliser au moins 500 milliards d’euros de subventions tournées vers les régions les plus touchées.
Pour réussir, nous devons obtenir un accord à 27 lors du prochain Conseil européen mi-juillet. Nous allons poursuivre les négociations et tout faire pour convaincre nos partenaires.
Pour réussir, nous devons faire en sorte que les plans de relance respectent les engagements climatiques, à commencer par la neutralité carbone 2050. Cela passe par une plus grande ambition : nous devons rehausser nos objectifs.
Pour réussir, nous devons être capables de protéger et de renforcer nos entreprises stratégiques. La crise a révélé nos fragilités, parfois nos dépendances. Les lignes bougent.
Nous sommes arrivés à un moment de vérité pour l'Europe. Nous pouvons faire de ce moment un succès. On continue ! »
Emmanuel Macron, Instagram.
➜ Initiative franco-allemande pour la relance européenne face à la crise du coronavirus
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