Le Président de la République et Brigitte Macron se sont rendus en Norvège pour une visite d’État les 23 et 24 juin 2025.
Il s’agissait de la première visite d’un chef d’État français en Norvège depuis 1984.
Le Président Emmanuel Macron a été accueilli à Oslo par le Premier ministre du Royaume de Norvège, Jonas Gahr Støre.
Ils ont participé ensemble à une réunion sur la défense puis à une table-ronde sur la décarbonation industrielle en présence d’entreprises françaises et norvégiennes.
La France et la Norvège ont rehaussé leur relation au rang de partenariat stratégique, avec la signature d’un accord pour structurer et renforcer des coopérations déjà denses en matière de sécurité et de défense, de compétitivité, d’innovation et de technologies avancées, de transition énergétique et écologique.

L’accord Carbon and Capture Storage (CCS) a également été signé.
Le Président de la République et le Premier ministre norvégien ont ensuite donné une conférence de presse.
Revoir la conférence de presse :
23 juin 2025 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse conjointe du Président de la République et de Jonas Gahr Støre, Premier ministre de la Norvège.
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup Monsieur le Premier ministre, cher Jonas. Mesdames et Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs.
Le Premier ministre a parfaitement retranscrit l'état d'esprit de cette visite d'État qui repose sur, au fond, l'amitié et la confiance dans un monde de plus en plus incertain, et une amitié et une confiance qui, même si nos relations diplomatiques ont 120 ans, et si on pouvait aisément convoquer notre histoire jusqu'à Guillaume le Conquérant pour trouver des liens entre nos deux pays. Elle repose en effet sur des combats profonds qui ont marqué notre histoire. Vous l'avez évoqué, au début de la Deuxième Guerre mondiale, Narvik, mais je n'oublie pas aussi vos soldats qui ont débarqué sur nos plages pour nous libérer.
Et au fond, cette histoire de bravoure réciproque pour la liberté de l'autre est sans doute à coup sûr ce qui nous lie. Et le Premier ministre l'a parfaitement dit, nous avons cette histoire commune, nous avons nos chercheurs qui travaillent main dans la main au Svalbard, nous avons à Tromsø, les nombreuses escales de notre marine nationale, au large de Bergen TotalEnergies qui peut s'appuyer sur sa connaissance du plateau continental pour travailler avec ses partenaires norvégiens, pour capture de carbone et son stockage. Et au fond, ce lien fait qu'il y a quelque chose d'évident à ce partenariat stratégique que nous venons de signer. Mais il fallait une volonté pour le faire et il fallait aussi, 41 ans après, revenir. Puisque la dernière visite d'État datait d'il y a 41 ans, ce qui paraît vertigineux. Et donc, à travers, en effet, ce partenariat stratégique que nous venons de signer, nous réhaussons nos coopérations en matière de sécurité et de défense. Et je salue nos entreprises qui ont emmené aussi des partenariats nouveaux. On a de nombreux projets ensemble et j’espère des projets des plus ambitieux possibles : la sécurité énergétique, la décarbonation de nos industries, l’intelligence artificielle, le quantique, l’innovation, les matériaux critiques, l’économie bleue, la lutte contre le changement climatique, la protection des océans, la santé mondiale. La liste est impressionnante de ce qui structure ce partenariat.
Je vais pouvoir vous dire, Monsieur le premier ministre, que la France est un partenaire fiable, et peut-être si vous le souhaitez, un partenaire essentiel pour la Norvège dans ses relations avec l’Union européenne et aussi à titre bilatéral dans tous les domaines que je viens, de manière non exhaustive, de citer. Nous sommes engagés ensemble pour trouver des solutions aussi aux défis globaux, le changement climatique et la biodiversité ; et je veux saluer ici l'engagement sans faille de votre pays et les financements impressionnants que vous avez constamment attribué aux grands projets internationaux, qu'ils soient pour la préservation des forêts primaires sur le Continent Africain ou pour la santé mondiale, qui sont des combats inséparables avec One Health et dans lesquels nous croyons profondément.
Mais je veux ici aussi dire que nous sommes alliés pour trouver des solutions concrètes par l'innovation aux défis climatiques et énergétiques. Et l'accord bilatéral sur la capture et le stockage de carbone est quelque chose d'inédit. Nous avons signé le protocole additionnel de Londres qui permet justement maintenant l'exportation hors UE de ce carbone ainsi stocké. Et nous avons des entreprises qui ont décidé de ces partenariats. L'usage des technologies va pouvoir justement accroître des solutions concrètes. Et qu'il s'agisse, en ce qui nous concerne, de renouvelables, de nucléaire, d'efficacité énergétique, et maintenant, de capture et de stockage de carbone, ce sont des solutions concrètes pour obtenir la neutralité en 2050 à laquelle nous sommes engagés. La Norvège et la France sont aussi des partenaires en matière de sécurité et de défense, je le disais, engagés main dans la main depuis le premier jour, en particulier pour réagir à la guerre d'agression russe en Ukraine. Et je veux saluer ici votre engagement constant, Monsieur le premier ministre, et le rôle clé de votre pays dans la coalition des volontaires que nous avons mise en œuvre depuis le mois de février dernier, et engagement aussi constant que nous souhaitons renforcer. J'ai eu la chance tout à l'heure d'échanger longuement et d'avoir un briefing militaire réservé. Nous voyons combien les défis aussi de cette région sont clés.
Je veux vous dire combien ils sont pris en compte avec sérieux, constance et exigence par la France, et que vous pourrez compter sur tous ces sujets-là, sur notre engagement à vos côtés pour faire face à tous les défis stratégiques de cette région. Et à cet égard, la Frégate multi-mission Normandie, qui fait actuellement escale à Oslo, ne le fait pas par hasard. J'aurai l'occasion de m'y rendre demain, après le moment que nous passerons ensemble, les honneurs rendus à vos soldats. À ce titre aussi, je veux souligner combien, au moment où l'Europe conduit un réveil stratégique indispensable, nous avons beaucoup poussé, nous avons renforcé nos mécanismes justement pour bâtir une défense plus européenne avec les mécanismes, des instruments européens SAFE et EDIP, un soutien à la base industrielle et technologique européenne. Et je veux dire ici que nous avons constamment veillé à ce que la Norvège soit associée à ces projets d'une Europe plus souveraine et que ce sera pour nous aussi un élément évidemment constant pour nous assurer de votre ancrage et de votre proximité.
La Norvège, en effet, est un partenaire clé pour la souveraineté et la compétitivité de notre Europe. Grâce à votre engagement depuis plus de 30 ans au sein de l'espace économique européen, et grâce à tous les projets que nous avons aujourd'hui signés. Sur tous les défis et les grandes transitions, comme nous venons de le voir dans cette table ronde, qu'il s'agisse d'énergie, qu'il s'agisse de défense et de sécurité, qu'il s'agisse de finances ou qu'il s'agisse de quantique ou d'intelligence artificielle, nous avons beaucoup à faire ensemble et je pourrais aussi convoquer les minerais critiques et tout ce qui permet de bâtir une plus grande souveraineté européenne.
Voilà, Monsieur le premier ministre, cher Jonas, ce que je voulais dire en parfaite syntonie avec vos propos. J'ai le sentiment ici d'être, au fond, dans un pays ami qui partage nos inquiétudes, mais qui ne regarde pas avec simplement inquiétude le monde tel qu'il va, mais avec détermination et avec une volonté de s'organiser, de prendre aujourd'hui les dispositions nécessaires pour être plus indépendants, pour faire face aux défis stratégiques que nous connaissons, et pour ne rien céder à l'esprit de défaite du temps présent. Et vous pouvez, à cet égard, compter pleinement sur la France. Sachez-le. En tout cas, merci pour l'accueil chaleureux qui nous a été fait et pour le temps passé depuis mon arrivée ce matin.
Animatrice
Now we will open up for questions.
Marie MOLEY
Monsieur le Président, estimez-vous que les frappes américaines constituent une violation du droit international, comme l'a reconnu le premier ministre norvégien quelques heures avant votre arrivée à Oslo ? Ou est-ce que vous estimez qu'il n'y a aucune raison de critiquer les frappes américaines, comme l'a affirmé le chancelier allemand il y a quelques heures ? Où se situe la France ? Est-ce que vous pourriez clarifier la position de la France sur ce point ?
Deuxième petite question, Donald Trump a évoqué hier le fait que le régime en Iran pourrait être renversé. Vous disiez vous-même que l'usage de la force pour renverser le régime mènerait au chaos. Est-ce que le président américain est en train de mener la région au chaos ?
Emmanuel MACRON
Écoutez, je l'ai dit dès le début, si on peut considérer qu'il y a une légitimité à neutraliser des structures nucléaires en Iran compte tenu des objectifs qui sont les nôtres, il n'y a pas de cadre de légalité. Non. Et donc il faut le dire tel que c'est, il n'y a pas de légalité à ces frappes. Même si la France partage l'objectif de ne pas voir l'Iran se doter de l'arme nucléaire, nous considérons avec constance depuis le début que c'est par la voie diplomatique et technique que cela peut se faire. Et je le dis parce que j'entends beaucoup de commentateurs qui au fond vous renvoient à une forme d'inefficacité quand vous défendez la voie diplomatique sur ces sujets. Mais quand on a de la constance, on peut prétendre avoir de l'efficacité. Nous avons participé aux négociations en 2015, du traité du dit JCPOA. La France, d'ailleurs, a contribué à le renforcer avec des mécanismes dont on parle beaucoup qui sont encore sur la table, comme celui du « snapback ».
Les Etats-Unis ont décidé de sortir du JCPOA, trois ans plus tard. La France l'a regrettée. Je me suis d'ailleurs constamment battu pour renégocier ce cadre, l'élargir, organiser des rendez-vous. Mais ce cadre n'étant plus respecté, nous avons pu moins bien suivre le programme nucléaire iranien. Et nous, nous continuons de penser que c'est par en effet la négociation, le réengagement que nous pouvons l'obtenir. Votre deuxième question... C'était le changement de régime. Je suis constant et je l'ai toujours dit, et donc je continuerai de le dire. Je crois à la souveraineté des peuples et à l'intégrité territoriale. J'y crois en Ukraine et d'ailleurs, je constate que nous y croyons tous puisque nous le défendons. Donc ça vaut partout dans le monde. Il n'y a pas de double standard. Et les Européens, parce qu'ils défendent un universalisme du droit international, parce que c'est justement ce qui est au cœur de nos principes et de notre engagement de le défendre partout. Et donc je ne pense pas qu'on puisse se substituer à un peuple pour changer ses dirigeants. Et quand je regarde l'histoire contemporaine récente, je pense qu'à chaque fois qu'on a fait ce choix, quelle que soit la légitimité de l'approche initiale, et il pouvait y en avoir parfois, on a commis une erreur pour ne pas dire une faute et on n'a jamais conduit à plus de stabilisation. J'ai eu tous les dirigeants de la région hier, je n'en ai pas entendu un rassuré par ce qui était en train de se passer. Et donc je pense que si changement de régime il doit y avoir en Iran, il doit être le fruit du peuple iranien lui-même. Pas de bombes.
Journaliste
Mr President, welcome to Oslo in my hometown. We would like to ask you about the possibility of a widening of the conflict. Do you see any scenario where France can be pulled into this conflict, either if it's through NATO solidarity or outside of NATO? Thank you.
Emmanuel MACRON
Trois remarques. Premièrement, nous avons plusieurs risques d'escalade et d'escalade incontrôlée, en ce qui concerne la prolifération nucléaire et la possibilité que d'autres pays de la région soient visés par des frappes ou des représailles. Je ne veux pas ici établir une sorte de scénario différent ou spéculer, mais le risque d'escalade est clairement là. Et deuxièmement, la situation en Iran, clairement, ne devrait pas détourner notre attention et notre engagement sur Gaza. La situation n'est certainement pas réglée. La situation humanitaire est insupportable et c'est une des toutes premières priorités pour nous que d'obtenir un cessez-le-feu, de reprendre l'aide humanitaire, et de relancer un processus politique. Et troisième remarque sur l'OTAN, c'est qu'il nous faut rester concentrés sur ce qui menace la sécurité de l'OTAN, c'est-à-dire la guerre engagée par la Russie contre l'Ukraine. Et il faut que nous soyons concentrés pour aider les Ukrainiens à résister, pour renforcer nos sanctions, afin que la Russie revienne à la table des négociations pour une paix solide et durable. Voilà quelles sont mes trois observations.
Journaliste
Merci. Je vais tenter une question à tiroir. Israël a procédé ce matin à une frappe sur la prison d'Evin à Téhéran. Quel jugement portez-vous, Monsieur le Président, sur cette frappe ? Et que pouvez-vous dire du sort des deux Français qui sont détenus ? Et très rapidement, le Parlement iranien s'est aussi prononcé pour le blocage du détroit d'Ormuz. Quelle serait la réaction de la France si ça devenait le cas ? Est-ce qu'on pourrait envisager une réaction militaire de la part de Paris ? Merci.
Emmanuel MACRON
Sur la frappe, en effet, ce matin, je pense qu'elle n'a rien à voir avec les objectifs officiellement affichés. Elle ne réduit en rien le programme nucléaire iranien, et elle a mis en danger la vie de civils iraniens et étrangers. Le ministre des Affaires étrangères iranien a pu échanger avec notre ministre des Affaires étrangères et l'a assuré que nos deux otages n'avaient pas été touchés. Pour ce qui est des risques, en effet, d'escalade, et la fermeture du détroit d'Ormuz peut en faire partie, c'est un comité du Parlement, hier, qui, à un moment, a émis une option comme celle-ci. Donc, je ne pense pas que... En tout cas, ça n'est pas une décision formelle. Donc, je me garderais bien, aujourd'hui, d'élaborer sur des scénarios. La conséquence, de toute façon, pour l'économie mondiale, la Chine au premier chef et beaucoup d'autres, serait massive et, je pense, ferait réagir beaucoup de monde. Et la pression sur l'Iran serait alors importante. Mais je pense qu'aujourd'hui, la bonne méthode n'est pas de spéculer sur des scénarios possibles. Et je le redis, nous, nous gardons… nous avons la conviction très profonde et nous gardons la disponibilité pour qu'une voie diplomatique et technique soit réouverte.
Journaliste
Monsieur le Président, bienvenue en Norvège. I will ask my question in English. You are here to probably promote the French frigates for the Norwegian navy. What arguments have you presented to the Prime Minister? Or will you present to the Prime Minister if you haven't talked about it yet, in order to convince him to choose French for the Norwegian navy ?
Emmanuel MACRON
Le dossier est ouvert et je ne vais pas créer de difficulté pour votre Premier ministre. Néanmoins, je suis chargé de les vendre, donc je vais élaborer un peu. Pour nous, cette discussion sur les frégates n’est pas simplement commerciale, c'est une discussion stratégique. Elle fait partie, selon moi, du renforcement de notre relation et de ce partenariat très vaste que nous venons de signer qui couvre énormément de sujets. Et nous sommes absolument convaincus que notre sécurité est en jeu dans cette région également. Et lorsque l'on regarde les câbles, le pétrole, le gaz, la liberté de la souveraineté dans la région, ce n'est pas simplement votre pays qui est en jeu, mais tout le continent. Et c'est la raison pour laquelle nous souhaitons agir et nous comporter conformément à cette approche et travailler de plus en plus avec votre pays et votre gouvernement. Alors, s'agissant de nos frégates en tant que telle, je dirais que, premièrement, c'est le meilleur produit. Pourquoi ? Parce que nous les produisons, nous les utilisons, et si vous comparez à tous les autres, ils sont en retard dans tous leurs programmes, ils travaillent dur, mais ils ont beaucoup de retard. Alors que nous, nous livrons à temps des bateaux, des frégates tout à fait fiables que nous utilisons et nous les livrons toujours à l'heure à nos clients. Deuxièmement, elles sont disponibles dès cette année. Troisièmement, elles ont le meilleur système de défense aérienne. Et cette capacité d'avoir une offre de défense générale est proposée par cette brigade. Et puis également, en termes de ressources humaines, elles sont beaucoup plus économes, adaptées. On compte quelque 50 marins de moins pour des frégates de taille comparable. Et comme vous l'avez vu, je mentionnais des critères objectifs pour soutenir notre offre et nous sommes prêts à livrer et très enthousiastes, comme vous pouvez le voir.
Journaliste
Will you benefit politically as well?
Emmanuel MACRON
Absolument, je l'ai dit en introduction. Premièrement, grâce à ces échanges et au contexte général, nous sommes entrés dans une approche stratégique d’ensemble et une sorte d'intimité, comme votre Premier ministre l'a dit justement au début, qui est exceptionnelle à cette période. Donc ce n'est pas simplement un projet commercial, c'est clairement un projet stratégique qui présenterait des avantages pour les deux pays. Pardon, si je dois être plus explicite sur ce sujet, Naval Group et d'autres ont également construit des partenariats industriels avec des partenaires norvégiens, avec véritablement un apport économique pour votre pays.
[Traduit de l’anglais]
En fin de journée, Le Président Emmanuel Macron et son épouse ont eu une audience avec S. M. le Roi Harald et S. M. la Reine Sonja, en présence de la famille royale, avant de se rendre au dîner officiel offert par le Roi et la Reine.
Le mardi 24 juin, le chef de l'État a eu un entretien avec Nicolai Tangen, directeur du fonds souverain norvégien et le Premier ministre norvégien.
Puis il s'est rendu au Monument Orlogsgasten au Port d’Oslo avec S.A.R. le Prince Haakon pour déposer une gerbe en hommage aux marins norvégiens ayant participé au Débarquement de Normandie.
Il a ensuite visité la frégate multi-missions Normandie avant de répondre aux questions des journalistes puis de quitter la Norvège pour se rendre au sommet de l'OTAN à La Haye.
Revoir le point presse :
24 juin 2025 - Seul le prononcé fait foi
Point presse du Président Emmanuel Macron depuis la frégate Normandie.
Emmanuel MACRON
Bonjour, heureux de vous retrouver. Merci beaucoup d'être là. Avant de quitter la Norvège pour retrouver l'OTAN, je voulais vous dire quelques mots ici avec le ministre depuis cette magnifique frégate Normandie, qui est en train de poursuivre ses missions, pour dire d'abord l'importance de la visite d'État que nous venons d'effectuer en Norvège, qui est un partenaire de plus en plus stratégique et de plus en plus important pour la France.
Cette visite nous a permis de conclure plusieurs accords, en particulier sur la capture et le stockage de carbone, ce qui, dans notre stratégie de neutralité carbone, est évidemment une technologie indispensable et avec, ici, des investissements et des innovations auxquelles nous participons.
Ensuite, nous avons signé hier un partenariat stratégique très robuste qui couvre à peu près tous les champs possibles de la coopération, de la stratégie énergétique et climatique, en passant par l'intelligence artificielle, le quantique, nos stratégies industrielles et, évidemment, les approches stratégiques et de défense.
Au moment où Le Grand Nord redevient un théâtre d'influence, d'interférence, de contestation entre puissances, la Norvège joue un rôle tout particulier. En effet, 10 jours après le déplacement que j'ai pu faire au Groenland avec la première ministre du Danemark, je souhaitais être là pour redire la volonté de la France d'être aux côtés de ses grands alliés européens pour maintenir leur souveraineté, leur indépendance, et pour participer aux opérations de sécurité collective dans la région.
Notre marine y joue tout son rôle, et la présence ici de la Normandie et de son équipage, et je les en remercie, je les remercie de leur accueil d'une part, mais aussi toutes les opérations depuis plusieurs semaines qu'ils conduisent et qu’ils vont continuer de conduire dans la région. La France est un partenaire de confiance et, je crois, un partenaire qui contribue à la stabilité de cette région. Voilà ce que je voulais vous dire avant de retrouver le sommet de l'OTAN à La Haye dans quelques heures.
Journaliste
Monsieur le Président, justement, comment est-ce que vous qualifiez ces événements de ces dernières heures ? Ce cessez-le-feu annoncé par Donald Trump très rapidement violé ces dernières minutes, comment est-ce que vous qualifiez ces événements, cette escalade ?
Emmanuel MACRON
Écoutez, la situation, on le voit bien, reste volatile et instable. Je pense que c'est une très bonne chose que le président Trump ait appelé à la cessation du feu. Vous savez, c'est ce que nous plaidons depuis le début. Et donc je pense qu'il y a eu des déclarations importantes et tout à fait positives pour appeler chacun à revenir à la table des discussions et à ce que le feu cesse.
Mais les dernières minutes ont montré que la situation demeurait très fragile, donc il faut la suivre avec beaucoup de vigilance. Il faut que chacun mette le maximum de poids pour que le feu cesse, que les discussions reprennent. Il en va de la stabilité de la région, des vies qui sont en jeu, mais également du sérieux avec lequel on peut collectivement reprendre le suivi du dossier nucléaire iranien.
Je le rappelle, notre objectif à tous, c'est que l'Iran ne se dote pas de l'arme nucléaire, c'est donc qu'on puisse reprendre le contrôle et la transparence sur le suivi de leur programme civil. Et c'est aussi qu'on retrouve de la stabilité dans la région. C'est pourquoi, au-delà de ce qui se passe sur l'Iran, je redis ici la nécessité d'obtenir un cessez-le-feu à Gaza et de reprendre l'aide humanitaire à Gaza. C'est absolument prioritaire.
Journaliste
Est-ce que vous avez échangé avec le président Trump ou est-ce que vous allez le voir dans les prochaines heures en face à face lors du sommet de l'OTAN ?
Emmanuel MACRON
J'ai eu l'occasion d'échanger ces derniers jours. Je n'ai pas échangé ces dernières heures depuis que je suis ici en Norvège avec lui, y compris parce que je le fais rarement depuis l'étranger. Je le verrai tout à l'heure, normalement en fin d'après-midi. J'aurai comme toujours l'occasion d'échanger avec d'autres et en tête-à-tête avec lui à l'occasion de ce sommet.
Journaliste
Monsieur le Président, est-ce que le fait que l'Iran soit prêt à accepter un cessez-le-feu, est-ce que ça veut dire que les frappes américaines ont fonctionné ?
Emmanuel MACRON
Il est trop tôt pour le dire. En tout cas, le fait que les États-Unis d'Amérique, après avoir mené ces frappes contre les centrales nucléaires, aient appelé à un cessez-le-feu est une très bonne chose.
Journaliste
Monsieur le Président, est-ce que vous redoutez un enrichissement clandestin, en quelque sorte, de l'uranium iranien, en dehors de tout regard international et de tout regard de l'AIEA désormais, et peut-être une fuite en avant de l'Iran dans cet enrichissement clandestin ?
Emmanuel MACRON
C'est évidemment un risque qui existe, que nous redoutons depuis que le JCPOA a été fragilisé et contre lequel nous avons toujours cherché à lutter, et cela, depuis maintenant 7 ans, que le cadre du JCPOA a été fragilisé. Et ce risque est accru, en effet, avec ce qui s'est passé récemment.
J'ai eu l'occasion d'échanger avec le Directeur général de l'AIEA, Monsieur Grossi, je le verrai à mon retour. Je pense que c'est un des risques principaux pour la région et la Communauté internationale. C'est pourquoi il nous faut garder le contact, ce que j'ai veillé à faire pendant tous ces jours et ces semaines. Il nous faut absolument éviter que l'Iran aille sur ce chemin. Ce serait un chemin irresponsable, à la fois pour la sécurité régionale, pour la prolifération nucléaire internationale, mais également pour les dirigeants eux-mêmes. Je pense qu'il y a un autre chemin possible, mais ce que vous évoquez est un véritable risque.
Journaliste
Votre ministre des Affaires étrangères hier a estimé que l'Iran était une menace existentielle pour la France, est-ce que vous reprendriez ses mots ? Est-ce que si c'est le cas, la diplomatie, à un moment donné, peut ne plus suffire ?
Emmanuel MACRON
Écoutez, aujourd'hui, en tout cas, nous considérons que pour faire face au risque qui est en fait le cumul du risque des capacités balistiques de l'Iran et de la possibilité de passer les seuils d'enrichissement et d'avoir à la fois un engin nucléaire et de le vectoriser, pardon de rentrer dans la technique, mais c'est ça dont il s'agit, c'est un risque réel. C'est un risque réel pour la région, pour Israël et pour tous les pays qui seraient à portée de tels missiles, ce qui serait le cas de la France.
Et donc, ce risque est là, c'est un risque potentiel. C'est pour ça que nous considérons depuis le début que la discussion exigeante avec l'Iran est la bonne voie. Nous allons continuer de suivre ce chemin. À chaque jour suffit sa peine et je me garderai bien de faire de la politique fiction sur ce sujet.
Journaliste
Est-ce que la voix des Européens porte depuis le début de ce conflit, vous diriez ?
Emmanuel MACRON
Je pense que la voix des Européens est constante. J'ai bien conscience que quand les armes frappent, quand on ne participe pas à ces frappes, on peut avoir le sentiment d'être marginalisé, ce que j'entends parfois dans les commentaires des uns et des autres. Moi, je pense que quand on a décidé de ne pas frapper, mais qu'on est constant sur ses positions, stratégiquement et à long terme, on gagne.
Je veux simplement dire que la France, et avec elle les grands pays européens, sont constants depuis 10 ans sur la question iranienne. Nous avons participé à la fin de la négociation sur le JCPOA, nous avons défendu une grande exigence à l'égard d'un enrichissement possible par les Iraniens. Nous avons été les plus exigeants, c'est la France qui a porté le mécanisme du snapback. Ensuite, nous n'avons jamais quitté le cadre de cet accord. Et quand d'autres ont changé, l'ont fragilisé, nous, nous n'avons jamais cédé.
Je rappelle qu'ensuite, en 2018-2019, c'est la France qui s'est activée pour reprendre une discussion qui puisse toucher la question de balistique et des activités régionales et réengager un dialogue direct entre l'Iran et les États-Unis. C'est la France qui reste fidèle à ce cadre et à son exigence. Je crois que c'est une garantie de confiance, de lisibilité, ce qui a de la valeur dans ce monde.
Ensuite, quand je regarde les dernières années, pour tous les partenaires de la région, du Proche et Moyen-Orient, la France est aussi un partenaire de confiance. Quand ils sont attaqués, nous sommes là. Nous sommes là même quand ils ne le demandent pas. Et nous n'avons pas de double standard. Je crois aussi que c'est une spécificité de la voie de la France. C'est-à-dire que partout où la souveraineté, où l'intégrité territoriale, où le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes sont attaqués, nous nous exprimons et nous prenons des décisions cohérentes, de l'Ukraine à Gaza, en allant jusqu'à la question iranienne. Je pense que c'est une bonne chose d'avoir de telles positions, parce que dans la durée, c'est ça qui paye.
Journaliste
Monsieur le Président, nous sommes presque sur le sol français. Vous avez forcément vu passer cet échec des négociations avec le conclave. Est-ce que vous appelez les partenaires sociaux à tout de même trouver un accord à faire bouger leur position ? Ils doivent être reçus par le Premier ministre aujourd'hui.
Emmanuel MACRON
Je pense que le Premier ministre a tout à fait raison de s'engager et d'insister sur l'importance d'un accord. Moi, je veux saluer tous les partenaires sociaux qui sont encore autour de la table et qui ont décidé que discuter, négocier était important. Au fond, vous voyez l'état du monde. Quand on vit de telles bascules, c'est-à-dire une guerre sur le sol européen qui dure depuis plus de 3 ans, qui bouleverse tous les équilibres, quand on voit des équilibres qui se sont ajoutés ces dernières semaines, ces dernières années, et encore une fois ces dernières semaines, quand on voit les défis qui sont les nôtres, quand vous voyez que, dans quelques heures, le débat qui sera celui de l'ensemble des alliés à l'OTAN, c'est d'aller vers un effort de 3,5 points de PIB sur la défense. On est aujourd'hui à 2,1. Et une perspective de 5 points de PIB, on ne peut pas considérer qu'on peut vivre dans un monde clos.
Donc, nous, Français, nous devons porter cette voie d'indépendance, nous la portons, mais nous devons en tirer les conséquences pour nous-mêmes. La discussion, la négociation qui est en cours, je crois, est celle de femmes et d'hommes responsables, conscients de l'état du monde et de la nécessité pour notre pays d'aller de l'avant. Je les encourage ardemment à savoir aller au-delà des désaccords qui persistent et à trouver ensemble une solution qui soit bonne pour le pays. Je leur suis très reconnaissant d'avoir en tout cas mené ces discussions avec beaucoup de courage et d'intégrité depuis le début.
Journaliste
Est-ce que vous appelez solennellement les oppositions à ne pas censurer ce Gouvernement ? On sait que la censure avait coûté 12 milliards d’euros à la France.
Emmanuel MACRON
Vous avez raison de rappeler le coût de la censure et de l'instabilité politique. Et donc mon souhait, c'est la stabilité. Je l’ai dit.
Journaliste
C'est un appel à la responsabilité ?
Emmanuel MACRON
Oui, mais il faut le faire de la manière la plus cohérente qui soit. Oui, c'est un appel à chacun à regarder l'état du monde et à rester stable, à avancer ensemble et à trouver des bonnes solutions pour le pays.
Il nous faut de la stabilité ambitieuse, de la stabilité institutionnelle, et de l'ambition, c'est-à-dire la stabilité ne doit pas nous coûter l'immobilisme. Nous devons avancer, nous devons continuer de mener les réformes pour le pays, pour continuer d'améliorer la création d'emplois, l'industrialisation, une plus grande force productive, qui est le seul moyen de continuer de financer un modèle social qu'on doit moderniser, rendre plus efficace, et de financer nos efforts à la fois militaires et stratégiques, et de décarbonation de notre économie.
Journaliste
Et ça passe par un Gouvernement qui reste en place le plus longtemps possible ?
Emmanuel MACRON
Ça passe par, en effet, de continuer à avancer et à trouver les bons accords et apporter des lois ambitieuses et des accords politiques et syndicaux ambitieux.
Merci à vous. Nous nous retrouvons à La Haye. Merci beaucoup, en tout cas. Et merci à nos marins. Merci à tous.