Le Président Emmanuel Macron et son épouse Brigitte Macron ont accueilli Luiz Inácio Lula da Silva, Président de la République fédérative du Brésil et son épouse Rosângela Lula da Silva, à l’occasion de leur visite d’Etat en France les 5 et 6 juin 2025.

Le Président de la République et Brigitte Macron ont d'abord accueilli leurs homologues brésiliens lors d'une cérémonie d’accueil à l’Hôtel National des Invalides. 

Revoir la cérémonie : 

Le chef de l'État a ensuite reçu au palais de l’Élysée le Président brésilien pour des échanges et un entretien élargi aux délégations, où ont été abordées la relation bilatérale et les crises internationales.

Revoir la conférence de presse conjointe :

5 juin 2025 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse du Président de la République et du Président du Brésil Luiz Inácio Lula da Silva.

Emmanuel MACRON

Monsieur le président, cher Lula,
Mesdames, Messieurs les ministres,
Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs, en vos grades et qualités.

Cher président, cher Lula, je suis extrêmement heureux de vous accueillir avec votre épouse à Paris pour cette visite d'État. Un peu plus d'un an après le merveilleux accueil que vous m'aviez réservé pour une visite d'État dans votre pays, et au moment même où nous célébrons le 200e anniversaire des relations entre nos deux pays.

200 ans au cours desquels tant de femmes et d'hommes, animés de la même passion pour le Brésil, ont porté des projets qui nous ont rapprochés. Nous avons décidé, c'était votre idée, à l'occasion de ces 200 ans, d'avoir cette saison croisée Brésil-France, annoncée il y a deux ans à votre initiative, et qui va, tout au long de l'année, rendre hommage à la créativité de nos artistes, de nos deux pays. Nous aurons l'occasion de visiter une des expositions phares du Grand Palais avec l'immense artiste brésilien Ernesto Neto.

C'est aussi cela, le cœur de notre relation, une amitié, une compréhension mutuelle, une fascination pour les artistes et la création qui a permis à nos ministres de refonder le partenariat culturel dans à peu près tous les domaines, du cinéma à la musique, en allant jusqu'au patrimonial, partenariat qui datait de 1948. Au fond, nous avons la même vision du monde d'un humanisme au service du progrès.

Nous avons, avec le Président et les ministres, évoqué plusieurs des dossiers qui nous occupent et le partenariat qui est le nôtre, avant toute chose au service des grands enjeux planétaires. En effet, la crise climatique est là, toujours, criante. La disparition de la biodiversité non moins alarmante. Je sais que de plus en plus sont décidés de ne pas en parler ou de ne plus en parler. Mais nous, nous sommes convaincus qu'il faut poursuivre les efforts, même les redoubler. C'est l'objectif de la déclaration commune que nous venons d'acter.

Je serai présent aux côtés du Président à Belém lors de la COP30 que vous organisez, qui est un rendez-vous important et qui va remobiliser la communauté internationale autour de ces objectifs. Je veux vous en remercier, président. Nous avons acté que, d'ailleurs, ensemble, nous aurons l'occasion juste avant cette COP30, d'organiser à Salvador de Bahia une réunion avec plusieurs collègues et amis du continent africain. 30 ans après le sommet de la terre de Rio, il revient au Brésil d'ouvrir un nouveau chemin. La France le soutient et nous serons à vos côtés, pas simplement pour être présents, mais annoncer, renforcer notre action et notre engagement au service à la fois de la lutte contre le réchauffement climatique et pour la biodiversité.

Vous serez aussi dans quelques jours à Nice, et je tiens à vous en remercier, pour les océans, ce qui est un combat inséparable de celui que je viens d'évoquer. Nous continuerons de porter la protection de 30 % des terres et des mers d'ici 2030 et nous défendrons aussi le plan d'action de Nice en faveur des océans. Je voulais vous remercier pour cette mobilisation. Nous sommes deux pays amazoniens et nous partageons une même vision pour les forêts, les puits de carbone et, justement, cette lutte contre le réchauffement climatique et la biodiversité. Je vous remercie de ce partenariat de Nice à Belém que nous allons ensemble consolider durant cette année.

Au-delà de ces grandes questions, nous sommes revenus évidemment sur nos relations commerciales que nous souhaitons voir avancer. J'ai pu exprimer au président la position de la France et ce que nous voulons faire pour améliorer le texte actuel, nous partageons une vision stratégique d'un monde ouvert, respectueux à la fois du climat et du commerce.

Et nous y reviendrons dans un instant, nous avons aussi évoqué les grandes crises internationales, évidemment l'Ukraine, le proche Moyen-Orient, Haïti. Nous avons enfin évoqué l'agenda bilatéral, puisque nous avons une relation intense, mais que nous souhaitons encore renforcer. Le forum d'affaires qui se tiendra demain sera l'occasion, d'ailleurs, d'avancer dans ce sens. Des annonces que nous ferons à Nice permettront aussi de donner encore plus de contenu à cette relation, mais qu'il s'agisse du transport aérien, maritime, terrestre, de l'énergie, de l'énergie, d'ailleurs renouvelable au nucléaire civil, des minerais critiques, nous avons beaucoup de projets sur lesquels nous avançons.

Nous avons aussi consolidé lors de cette visite d'État nos relations de défense et tout ce que nous faisons ensemble pour accompagner votre marine. Nous avons également continué d'avancer sur les grands projets communs que nous avons, en particulier en matière d'hélicoptères.

Ce partenariat stratégique équilibré qui est le nôtre, a aussi, si je puis dire, un relais à travers la densité de nos liens humains. J'avais moi-même, en mars 2024, eu l'occasion de me rendre à l'Institut Pasteur à Sao Paulo, un des plus beaux exemples de coopération scientifique. Aujourd'hui, nous allons encore plus loin avec un projet de production de vaccins qui s'inscrit pleinement dans cet agenda de souveraineté sanitaire dans lequel nous croyons l'un et l'autre.

Enfin, cette relation plus étroite, c'est aussi celle, je le disais, de deux pays amazoniens, et nous n'avons jamais considéré que l'Oyapock devait nous séparer, bien au contraire. Je rappelle qu'en mars 2024, nous avons consolidé justement ce partenariat commun en matière de suivi de la biodiversité et du climat par un institut conjoint. Cette frontière, qui est la frontière la plus longue de la France avec un pays tiers, celle que nous partageons avec vous, c'est celle aussi sur laquelle nous avons décidé de renforcer le travail de coopération pour préserver nos forêts, pour lutter contre l'orpaillage illégale et le trafic d'êtres humains.

C'est aussi pour cela que nous avons, à l'occasion de cette visite d'État, scellé un accord, pour permettre les exemptions de visas et les conventions de transfèrement de détenus. Cet accord, qui a été conclu entre nos ministres, était très attendu, d'abord pour la sécurité de nos deux pays, mais également, je le sais, pour les habitants de la Guyane, également de l'Amapa, de Para et Amazonas. Je suis très heureux que nous soyons parvenus à sceller un tel accord.

Voilà, mesdames et messieurs, ce qu'en synthèse, je voulais ici résumer de nos échanges qui vont se poursuivre tout au long de la journée. Je suis très fier que le président Lula soit accueilli sous la coupole tout à l'heure de l'Académie française, où il pourra s'exprimer, ce qui est un privilège rare, mais qui dit aussi l'amitié et le respect pour votre pays que nos immortels ont, puisque c'est comme ça que nous appelons nos académiciens.

Et puis, nous nous retrouverons demain pour cette exposition, et nous nous retrouverons dimanche à Monaco pour le sommet de l'Économie bleue, et lundi à Nice pour le sommet de l'UNOC.

En quelque sorte, le Brésil est partout chez lui, en France ou chez nos voisins, et je sais que vous terminerez cette visite d'État à Lyon par une dernière étape.

Merci, en tout cas, de passer tant de temps parmi nous, de nous faire cette amitié, président, et veuillez ici à nouveau accepter toute notre amitié pour vous et votre épouse et pour votre pays que nous aimons tant.

[Intervention du président Lula]

Journaliste

Ma question aux deux Présidents, est sur le conflit en Ukraine, qu’avez-vous dit à ce sujet ? Comment voyez-vous la déclaration du Président Trump selon qui Vladimir Poutine veut se venger de la dernière attaque par drone par l’Ukraine et des discussions que la Président Lula a avec Poutine ? Monsieur Lula pensez-vous vraiment que le Président Poutine est prêt à chercher une solution de paix ? Monsieur Macron pensez-vous que le Brésil puisse jouer un rôle dans la recherche de cet accord ?

Emmanuel MACRON

Écoutez, sur ce sujet, je pense que les idées simples sont les meilleurs guides. Il y a un agresseur, c'est la Russie ; il y a un agressé qui est l'Ukraine. Nous voulons tous la paix, mais on ne peut pas traiter les deux belligérants de manière équidistante.

La deuxième chose, ce sont des faits. La proposition faite par les États-Unis d'Amérique d'un cessez-le-feu a été acceptée par le président Zelensky dès mars à Djeddah. Elle est constamment refusée par le président Poutine. Il a déclenché la guerre et il ne veut pas le cessez-le-feu.

Troisième chose, c'est que oui, le Brésil a un rôle très important à jouer. L'initiative prise avec la Chine est importante. Le président, à l'instant, vient de faire une défense du multilatéralisme. Défendre le multilatéralisme, c'est défendre la Charte des Nations Unies. Le rôle du Brésil et de la Chine, c'est de défendre la résolution de ce conflit, la paix, dans le plein respect de la Charte des Nations Unies. Cette charte prévoit le respect de l'intégrité territoriale des États. Elle a été violée par un seul pays, la Russie, pas par l'Ukraine.

Et donc, cherchons la paix, mais ne nous trompons pas de repères. Il n'y a qu'un pays qui a violé le droit international, il est malheureusement membre permanent du Conseil de sécurité. Il y a un pays qui a lancé cette guerre et il y a un pays qui refuse la paix, alors même que nous avons réussi collectivement à convaincre, encore une fois, le président Zelensky, lui, de l'accepter.

Je pense qu'il est important que nous unissions nos efforts. Nous allons en reparler avec le président Lula. J'ai eu, il y a 10 jours longuement, le président Xi Jinping pour l'inviter à réenclencher des efforts diplomatiques pour faire pression sur la Russie. Le cœur, maintenant, des efforts que nous devons tous faire, Européens, Américains, Chinois, Brésiliens, Indiens, c'est de faire pression sur la Russie pour qu'elle arrête le conflit, pour qu'une paix robuste et durable puisse être négociée, qui permette d'apporter les garanties de sécurité et qu'il n'y ait pas de reprise de cette guerre. C'est tout.

Journaliste

Monsieur le président Lula, vous venez d'évoquer votre soutien enthousiaste à l'accord de libre-échange Europe-Mercosur. Mais que dites-vous aujourd'hui aux agriculteurs français dont vous savez qu'ils craignent une distorsion de concurrence si le marché venait à s'ouvrir, notamment sur les normes ? Et vous, Monsieur le Président, vous avez déclaré que ce traité était inacceptable en l'État. Est-ce qu'il vous semble possible de rouvrir ce texte alors même que la négociation dure depuis maintenant plus de 20 ans ? Et que répondez-vous à votre homologue brésilien qui, sur ce sujet, vient de vous demander d'ouvrir votre cœur ? Merci.

Emmanuel MACRON

Merci beaucoup et merci de porter ici la parole, les intérêts de nos agriculteurs. C'est exactement la discussion que nous avons eue avec le président tout à l'heure. Stratégiquement, la France, elle est pour le commerce libre et équitable. Donc, nous sommes tout à fait favorables à négocier ces accords. J'ai moi-même défendu des accords que nous avons contribué à améliorer, par exemple avec le Canada. Je prenais cet exemple tout à l'heure. Mais précisément parce que ce sont des accords qui permettent de baisser les tarifs, d'ouvrir, mais ils le font de manière juste.

Cet accord, dans le moment stratégique que nous vivons, il est bon pour beaucoup de secteurs, mais il fait porter un risque pour l'agriculture des pays européens. Pourquoi ? Parce que l'Europe, pour des principes, d'ailleurs, que le président Lula et son gouvernement partagent et qu'il a défendus tout à l'heure admirablement, l'écologie, c'est-à-dire pour réduire les émissions de CO2, pour préserver la biodiversité, nous, on a interdit à nos agriculteurs d'utiliser des composantes. On leur a demandé de changer leurs pratiques. C’est une bonne chose. C'est la même vision de progrès qu'on partage.

Mais les pays du Mercosur ne sont pas du tout au même niveau réglementaire. Donc il y a très clairement une différence majeure, qui n'est pas une différence de compétitivité, de spécialité, mais de normes. Les contraintes ne sont pas les mêmes. Moi, je ne sais pas expliquer à mes agriculteurs, au moment où je vous demande de respecter davantage de normes, j'ouvre massivement mon marché à des gens qui ne les respectent pas du tout.

Parce que qu'est-ce qui va se passer ? Ce ne sera pas mieux pour le climat, mais on va complètement tuer notre agriculture, parce que ce ne sera pas juste. Ce n'est pas la vision que porte le président. Donc c'est pour ça que je disais tout à l'heure, on doit améliorer cet accord. Nous, on veut travailler pour qu'il y ait des clauses de sauvegarde, des clauses miroirs qui, sur ce volet-là, nous permettent justement, et on a 6 mois pour le faire, puisqu'il a cette présidence-là et qu'il a cet enthousiasme.

Donc oui, nous voulons ouvrir, oui, nous voulons plus de commerce, mais on doit respecter nos agriculteurs, respecter aussi la cohérence de nos ambitions. Parce que sinon, ça ne sert à rien que l'Europe veuille défendre le climat autant qu'elle ferme toute son industrie, toute son agriculture puisqu'elle n'importerait des choses qui sont faites avec des pratiques moins bonnes que chez elle, et elle contraindrait des producteurs qui, finalement, n'auraient plus de marché.

Donc oui, nous devons améliorer ce texte. Il doit prendre en compte, ou ce qu'on appelle des clauses miroirs, ou ce qu'on a proposé, des mesures de sauvegarde. Il y a le début de ça. Donc, nous, ce qu'on défend, c'est qu'il puisse y avoir un protocole additionnel qui intègre ce volet-là et qui permette de dire, quand on a des déstabilisations de marché qui ne sont pas justes, on peut mettre des systèmes de frein. On l'a fait dans beaucoup d'accords de commerce. Je pense qu'on peut le faire, on doit le faire sur cet accord-là. Voilà. Ça n'enlève pas l'adhésion stratégique à la défense du commerce international.

[Intervention du président Lula]

Journaliste

Bonjour, Monsieur le Président. Où en sont les discussions au niveau européen sur d'éventuelles sanctions contre Israël ? Et si jamais il n'y a pas d'accord au niveau européen, est-ce que la France pourrait envisager des sanctions unilatérales contre Israël ?

Emmanuel MACRON

Sur ce sujet, il y a une coordination européenne qui se fait entre nos ministres des Affaires étrangères, d'ailleurs avec les ministres de l'Union européenne, mais aussi britanniques, pour accroître la pression.

Comme vous l'avez dit, les prochains jours seront décisifs, et donc je préfère toujours espérer. Donc, nous allons accroître la pression, aux côtés, en coordination avec les Américains, pour obtenir le cessez-le-feu, la reprise des opérations humanitaires, en même temps que nous préparons, comme vous le savez, la conférence du 18 juin avec l'Arabie saoudite, qui a vocation à, justement, bâtir le chemin de reconnaissance de la Palestine et un mécanisme de sécurité collective pour toute la région.

Les discussions se poursuivent et nous verrons dans les prochains jours si nous devons, en effet, hausser le ton et prendre des dispositions concrètes. Je ne veux pas ici en dire davantage pour ne pas obérer la capacité qu'ont nos ministres, d'abord de finaliser l'accord, mais aussi et surtout d'avoir des résultats et d'obtenir ce cessez-le-feu qui est si important. Nous travaillons étroitement avec les autres pays européens d'une part et avec les Britanniques d'autre part sur ce sujet.

[Intervention du président Lula]

La journée s’est achevée par un dîner d’État en l’honneur du Président Lula et de son épouse. Les deux couples présidentiels se sont ensuite rendus au Trocadéro pour découvrir la Tour Eiffel illuminée aux couleurs du Brésil. 

Revoir le toast : 

5 juin 2025 - Seul le prononcé fait foi

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Visite d’État du Brésil : les mots du Président Emmanuel Macron en ouverture du dîner d'État.

Emmanuel MACRON

Monsieur le président, cher Lula, Madame, chère Janja, Mesdames, Messieurs les ministres, Messieurs les ambassadeurs, Mesdames, Messieurs les parlementaires, Mesdames, Messieurs, en vos grades et qualités, chers amis.

Je dois dire que cette semaine a commencé avec un Brésilien qui levait une coupe d'Europe. En effet, dimanche soir, Marquinhos était là, célébrant le triomphe du Paris-Saint-Germain. Elle s'achève avec un autre Brésilien et son épouse et leur délégation en cette salle des fêtes, qui viennent célébrer une amitié. Monsieur le président, cher Lula, cette visite d'État et ce dîner sont le témoignage de notre admiration, notre admiration pour votre pays et pour vous, pour ce parcours exceptionnel, votre résistance face aux vicissitudes de la vie politique qui ne vous ont pas épargné, et la sincérité de votre engagement au service du peuple brésilien. Le Brésil est de retour, grâce à vous, le Brésil que nous aimons, celui qui fait rêver les Français depuis des siècles, ce Brésil foisonnant et métissé, avec lequel les échanges n'ont jamais cessé. De Belém à Rio, de Brasilia à São Paulo, il y a à peine plus d'un an, nous étions à vos côtés pour le célébrer.

Oui, 5 siècles que les récits d'exploration du capitaine de Gonneville ont ouvert une brèche dans l'océan Atlantique et où se sont engouffrés ceux qui ont d'abord voulu fonder cette France antarctique dans la baie de Guanabara, tandis qu'un siècle plus tard, une nouvelle expédition tentait d'établir une France équinoxiale au Maranhão. Dans leurs sillages, suivirent au long des siècles une cohorte de poètes, d'écrivains, Blaise Cendrars, qui chanta de la magie du sertão, Claudel qui écrivit à Rio La Messe là-bas, ou Bernanos qui s'exila dans sa ferme des hauts-plateaux du Minas Gerais, oui, tant et tant de Français qui, en allant au Brésil, se sont mis à rêver, et tant d'autres qui, n'ayant jamais accompli la grande traversée, ont rêvé votre pays à la pointe de la plume ou du pinceau.

Votre extraordinaire Auriverde, terre précieuse et de toute beauté, ils l'ont rêvée. Montaigne y situait son âge d'or perdu, Rousseau pensait y trouver l'homme idéal, et Victor Hugo le chantait en ces termes : « ce Brésil si doré qu'il fait du reste de l'univers un exil. » C'est ce pays doré qui fait en effet du reste de l'univers un exil que nous retrouvions dans les photographies magnifiques de Sebastião Salgado à qui nous pensons ce soir et qui nous manque. Oui, nos deux pays sont ainsi faits qu'un océan n'est rien entre nous, et c'est au fond normal, car beaucoup ont oublié que la France était un grand pays amazonien, que sa plus grande frontière, devrais-je dire même la plus grande frontière de l'Europe avec un pays tiers, est entre nous, en Amazonie. Je me félicite à cet égard que nos ministres aient trouvé enfin cet accord qui était tant attendu de nos amis guyanais, mais aussi de tant de vos compatriotes, permettant les exemptions de visas et les reprises de détenus.

Oui, l'océan, l'Amazonie, c'est ce qui nous lie et ce qui fait sans doute qu'entre nos deux pays, c'est une histoire d'alchimistes, de transformation permanente. Un arracheur de dents brésilien visionnaire surnommé Tiradentes peut se nourrir de la philosophie des Lumières venues de nos rives pour y façonner l'histoire sur les vôtres. Le positivisme d'Auguste Comte peut devenir, en traversant les mers, votre devise nationale, ordre et progrès. Le surréalisme peut se réinventer chez vous sous ce nom provoquant d'anthropophagie et le structuralisme de Lévi-Strauss peut devenir l'un des leviers de création de l'université de São Paulo entre les deux guerres. C'est cela, l'histoire du Brésil et de la France, une histoire où rien n'était écrit, mais où nous inventons ensemble quelque chose que nul autre que nous deux savons faire.

Le mois dernier, c’est L’agent secret du réalisateur Kleber Mendonça Filho, issu de votre cher Pernambouc, Monsieur le Président, qui a été primé au Festival de Cannes avec les prix de la mise en scène et d'interprétation masculine pour Wagner Moura. Ces liens culturels incomparables, cher Lula, vous nous les avez rappelés vous-même aujourd'hui sous la coupole de l'Académie française, merci, monsieur le secrétaire perpétuel, honneur rare qui vous fut fait puisque vous étiez le premier Brésilien à y prononcer un discours depuis l'empereur Dom Pedro II en 1872. Ce sont ces liens exceptionnels aussi que les artistes français et brésiliens, tout au long de cette saison que vous avez voulue et que nous avons faite, cette saison croisée, célébreront.

Je me réjouis avec vous d'inaugurer demain l'exposition d'Ernesto Neto au Grand Palais, et je me réjouis qu'il y ait près de 300 manifestations culturelles qui s'organiseront dans les mois qui viennent au Brésil, et tout autant en France, célébrant l'amitié et la vitalité de ces liens. Permettez-moi de remercier ce faisant le président de la saison, l'ensemble de nos mécènes, nos deux commissaires ici présents, qui ont fait un travail remarquable, et tous les artistes qui, tout au long de cette année, permettront de montrer la force des thématiques que nous avons choisies, climat et transition écologique, diversité des sociétés et dialogue avec l'Afrique, démocratie et mondialisation équitable. Je tiens à remercier, pour conclure ce propos, les artistes qui, ce soir, sont à nos côtés, l'orchestre de la Garde républicaine et plusieurs des solistes de nos armées, mais également deux magnifiques artistes qui ont accepté de chanter, que vous retrouverez dans un instant, Mme Roberta Sá et Mme Sélène Saint-Aimé.

Merci, ce soir, de faire vivre la culture dans cette salle. Je veux ici aussi remercier les ministres, parlementaires, et les entrepreneuses et entrepreneurs qui font vivre le lien si fort entre nos deux pays. Nous avons au Brésil parmi les plus grands employeurs, et nos entreprises accompagnent la vie du quotidien, comme la transition énergétique, les transports, le ferroviaire, l'invention de la ville que vous voulez faire, tous les secteurs de votre économie sont au cœur de nos ambitions, et du luxe aux ports et aéroports, du numérique en allant jusqu'aux infrastructures, la France est là, à vos côtés, et avec le président, nous voulons faire encore davantage.

Cher Lula, nous célébrons cette année 200 ans de relations diplomatiques et d'amitié, 200 ans que le Brésil nous a appris que l'humanité pouvait s'inventer autrement, comme le constatait l'immense Claude Lévi-Strauss. Alors permettez-moi, président, Madame, cher Lula, Janja, de lever mon verre à cette notre relation unique, à ce pays de l'autre côté de l'océan et ce voisin d'Amazonie avec lequel notre ambition est au fond très simple. Nous voulons continuer de rêver, de faire et d'inventer l'humanité autrement.

Alors vive le Brésil, vive la France et vive l'amitié entre le Brésil et la France.

Lula da SILVA

Votre Excellence Emmanuel Macron, Président de la République française, Madame Brigitte Macron, Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères de la France, au nom duquel je salue les ministres ici présents. Emmanuel Lenain, ambassadeur de France au Brésil, et je salue tous les invités ici français, ma chère épouse Janja, Mauro Vieira, ministre des Affaires étrangères. Au nom duquel je salue tous les ministres brésiliens ici présents, ambassadeur du Brésil en France, Monsieur Neiva Tavares, et je salue toutes les Autorités brésiliennes ici présentes, mes amis.

Ce dîner vient conclure en beauté un programme de travail productif que le président Macron et moi avons eu tout au long de la journée. On dit que les pays n'ont pas d'amis, mais plutôt des intérêts. Mais nous, notre partenariat avec la France est profondément ancré. À chaque fois que j'étais président, mes échanges avec toutes les forces politiques démocratiques françaises ont toujours été constructifs. J'ai entretenu d'excellentes relations avec les présidents Chirac, Sarkozy, Hollande, et maintenant avec le président Macron. Nous avons tissé des liens qui vont bien au-delà des relations économiques, commerciales ou d'investissement. La France, qui a accueilli tant de Brésiliens durant les périodes difficiles de notre Histoire, a été le compagnon de la première heure du Brésil dans sa quête d'unité et de reconstruction.

Depuis 2021, année où j'ai entrepris de regagner la confiance du monde en notre pays, j'ai eu plusieurs échanges et rencontres avec Monsieur le Président Macron. En fait, peu de pays ont eu un impact aussi fort sur la culture, l'éducation et le développement scientifique et technologique du Brésil que la France. Cet impact, on le retrouve dans notre administration publique, notre législation, mais également, il est inscrit sur la devise de notre drapeau. L'Institut Pasteur a contribué à la création de la Fondation Oswaldo-Cruz, devenue aujourd'hui une référence mondiale en matière d'infectiologie. Également la contribution d'universitaires français comme Lévi-Strauss aux universités brésiliennes et notoires.

Le Brésil s'est inspiré de la France et a apporté au monde sa contribution originale, dont plusieurs domaines que les Français ont toujours su reconnaître et valoriser. Parmi lesquels le 14-bis de Santos-Dumont, la musique de Villa-Lobos, l'architecture d'Oscar Niemeyer et les photographies de Sebastião Salgado. Des stars de foot comme Raí et Juninho Pernambucano ont enchanté les supporters français. Aujourd'hui, cet échange poursuit sa vitalité chez des milliers d'étudiants brésiliens dans les établissements français et vice-versa, ainsi que dans le cadre de notre collaboration pour la promotion des langues portugaises et françaises. Les saisons culturelles croisées que nous avons lancées en avril dernier visent à garder la flamme de la collaboration et des échanges humains vivantes. Le Brésil et la France sont unis dans leur défense intransigeante de la démocratie.

Cette même démocratie est en proie à une extrême droite qui prône l'autoritarisme, le négationnisme, la haine et l'intolérance. Ensemble, nous pouvons prévenir l'érosion des droits si durement acquis en garantissant la protection des travailleurs et des migrants, ainsi que la promotion de l'égalité des sexes et des races et de la liberté du culte. Nous souhaitons également œuvrer pour un ordre international multipolaire en préservant notre autonomie face à des rivalités géopolitiques croissantes. Tels sont, Monsieur Macron, les objectifs communs qui animent notre partenariat. Ce partenariat revêt aujourd'hui un caractère encore plus stratégique que lorsqu'il a été établi en 2008. Nous sommes fiers de nos projets bilatéraux dans des domaines de la défense, de la science et de la technologie.

La France et le Brésil sont des voisins amazoniens et partenaires naturels dans la lutte contre le changement climatique. À Nice, lors du troisième sommet des Nations Unies sur les océans, nous allons réaffirmer la nécessité de prendre soin de ce biome avec le même soin que nous accordons à nos forêts tropicales. Ensuite, à la COP30 à Belém, je sais que je pourrai compter sur votre engagement pour que la communauté internationale tienne ses promesses pour un avenir durable et sobre en carbone. Mon ami Macron, mesdames et messieurs, la mémoire affective la plus récente chez nos populations de peuples a également été marquée par les défaites douloureuses, entre guillemets, infligées au Brésil par la France lors des coupes du monde de 1986, 98 et 2006. Cela ne nous empêche pas du tout de reconnaître le mérite de la récente et inédite victoire du PSG en Ligue des champions.

Au nom de Janja et en mon nom personnel, je tiens à remercier une fois encore le président Macron et la première dame Brigitte Macron pour leur accueil chaleureux. Avec la ferme attention de continuer à travailler main dans la main, je vous invite à porter un toast à nos deux peuples à qui je souhaite un avenir commun et partagé. Merci beaucoup.

Le vendredi, le Président Emmanuel Macron et son homologue brésilien ont découvert l’exposition « Nosso Barco Tambor Terra » d’Ernesto Neto au Grand Palais, un artiste plasticien brésilien. Cet évènement s’inscrit dans le cadre de la Saison Brésil-France 2025, programmation culturelle faisant la part belle aux artistes, intellectuels, auteurs et créateurs brésiliens en France pour renforcer les échanges artistiques entre les deux nations.

Cette rencontre a confirmé l’engagement partagé de la France et du Brésil en faveur de la coopération économique, culturelle et environnementale.

Cette visite d’Etat s’inscrit dans la continuité du nouveau plan d’action du partenariat stratégique entre la France et le Brésil, lancé lors de la visite du chef de l’Etat au Brésil en mars 2024. Le but : approfondir la coopération bilatérale entre nos deux pays dans des domaines clés tels que :

  • la défense,
  • l’économie,
  • la protection de la biodiversité,
  • la transition énergétique,
  • la culture,
  • la lutte contre la désinformation.

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