Le Président Emmanuel Macron s'est rendu ce jeudi à Bruxelles pour participer au Conseil européen.

Lors de cette réunion, les chefs d’Etat et de gouvernement ont échangé sur la situation internationale, afin notamment de réaffirmer leur soutien à l'Ukraine ainsi qu’en faveur de la stabilité au Proche et au Moyen-Orient. Les discussions ont également porté sur les principales priorités de l’agenda de souveraineté européenne, en particulier les enjeux de compétitivité, de sécurité et de défense.

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27 juin 2025 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse du Président de la République à l'issue du Conseil européen .

Emmanuel MACRON

Bonjour à tous, merci d'avoir attendu jusqu'à cette heure pour que je puisse vous rendre compte de nos discussions et de ce Conseil européen. Beaucoup de sujets ont été abordés. Je vais essayer de procéder par ordre et de vous dire à la fois ce dont nous avons discuté et les positions de la France, puis répondre à vos questions.

Le premier temps d'échange a été consacré à la défense européenne. Je considère, pour ma part, j'ai pu le rappeler hier au sommet de l'OTAN, que des progrès majeurs ont été accomplis durant ce semestre, et je veux vraiment remercier l'ensemble des collègues et la Commission européenne pour le très bon travail qui a été effectué.

Ce Conseil européen, qui intervient au lendemain de ce sommet de l'OTAN, marque véritablement la consolidation d'un pilier européen de l'OTAN en nous coordonnant au sein de l'Union européenne pour mettre en œuvre cet effort inédit. Je le dis parce qu'on a tendance à ne pas voir ce qui est acquis au dernier moment, mais je me souviens qu'il y a sept ans, c'était interdit par les piliers européens de l'OTAN. C'était un gros mot pour beaucoup. En tout cas, ça ne faisait pas l’objet du tout de consensus. Aujourd'hui, c'est le cas, et l'accroissement des dépenses que nous avons actées va permettre aussi des achats européens, une consolidation d'une industrie européenne de défense, et ce parce que nous avons construit en Européens des instruments robustes de soutien à la base industrielle et technologique de défense européenne, et que cette approche fait consensus.

Nous avons vraiment une préférence européenne qui s'organise, d'abord avec le programme SAFE, qui a été parachevé en trois mois, et qui permettra à la Commission d'emprunter 150 milliards d'euros pour prêter aux meilleures conditions de marché aux États membres qui le souhaitent pour investir, produire et acheter en commun dans des domaines capacitaires clés. Je veux ici dire que c'est non seulement une très bonne chose, mais que la France y aura recours, dans le respect de sa trajectoire budgétaire, mais parce que nous souhaitons initier des programmes communs.

Nous envisageons de proposer des projets sur l'alerte avancée, les munitions, la défense solaire, l'espace, avec entre autres les constellations satellitaires, l'appui logistique, véhicules comme artillerie, et l'aviation de transport.

À côté de SAFE, l'autre programme important, c'est le programme EDIP, qui a permis, là aussi, de consolider sur la recherche, l'innovation, une vraie préférence européenne en matière de défense. Je souhaite, là aussi, qu'on puisse conclure rapidement avec le Parlement européen pour assurer cette forte préférence européenne. La discussion en matière de défense a vraiment permis de consolider une convergence de vues entre Européens et une volonté de renforcer ce pilier européen au sein de l'OTAN.

Nous avons ensuite pu évoquer, ce midi, la situation au Moyen-Orient. J'y reviendrai sans doute pendant les questions, mais nous connaissons les différences de sensibilité en la matière qui existent entre les 27. Le langage qui avait été préparé par nos ambassadeurs, je pense, reflète le point d'équilibre, et c'est un langage clair et ambitieux pour dire que nous sommes toujours attachés à la sécurité d'Israël dans la région, et nous le sommes et nous l'avons dit très clairement depuis le 7 octobre 2023.

D'une part, nous appelons au cessez-le-feu immédiat à Gaza, à la reprise de l'aide humanitaire, car cette situation est la plus dramatique sur le plan humanitaire, politique, et c'est la plus grande urgence qui soit dans la région. Elle doit ensuite permettre de déclencher la reprise d'un travail politique, et j'ai pu d'ailleurs exposer tout le travail qui a été fait avec plusieurs États membres présents autour de la table pour aller vers la reconnaissance de la Palestine, et donc une solution à deux États.

Deuxième élément clé, c'est que le Liban retrouve sa pleine souveraineté. C'est absolument nécessaire, nous y œuvrons depuis des mois, et c'est la consolidation du mandat de la FINUL. Là aussi, il y a eu une discussion claire, mais un langage clair à 27 pour dire l'importance de cette mission des Nations unies, de notre engagement commun, et du fait que la sécurité au Sud-Liban, en aucun cas, ne saurait être assurée par Israël, par des frappes successives ou des décisions univoques. Ensuite, nous avons consolidé une approche commune sur la Syrie, qui est importante pour la sécurité de la région.

Et puis, sur la question iranienne, nous sommes tous d'accord pour dire que nul ne souhaite que l'Iran puisse acquérir l'arme nucléaire. Tous, nous soutenons le cessez-le-feu obtenu il y a quelques jours en Iran, la clé étant maintenant qu'il n'y ait pas de reprise des activités proliférantes, et donc que l'AIEA puisse faire son travail dans les meilleurs délais. C'est d'ailleurs ce à quoi la France œuvre, et je pourrais y revenir si vous le souhaitez dans les questions.

Sur l'Iran, respect du cessez-le-feu, reprise des discussions et encadrement de l'activité balistique comme nucléaire de l'Iran. Voilà les quelques éléments clés sur lesquels je souhaitais revenir. Nous avons, comme vous le savez, eu aussi une discussion sur l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël. Les conclusions sont claires et soutenues par tous. Il existe des indications qu'Israël manquerait à ses obligations en matière de droits de l'homme au titre de l'article 2 de cet accord. Je cite les conclusions. En juillet, nos ministres des Affaires étrangères auront à en tirer les conséquences à la lumière de ce qui sera documenté, comme aussi en ce qui concerne les activités des colons violents en Cisjordanie.

Nous avons eu ensuite un échange avec le président Zelensky, qui a pu exposer, conformément d'ailleurs à ce que nous avions échangé avec lui hier, la situation, ses besoins, et il y a eu une confirmation claire et une consolidation du soutien financier et militaire des Européens, tout en préparant les conditions d'une paix solide et durable. Là aussi, nous aurons l'occasion d'y revenir lors d'une réunion de la coalition des volontaires. Notre priorité est d'obtenir un cessez-le-feu, de consolider ces garanties dans la durée.

L'Union européenne devrait aussi adopter dans les tout prochains jours un 18e paquet de sanctions, inédit par son ambition et les mesures qu'il contient dans les secteurs financiers et énergétiques. Il imposera un embargo notamment sur l'importation de pétrole brut russe raffiné en pays tiers, ce qui est un signal fort. Je souhaite que cet accord puisse également inclure le principe d'un abaissement du prix plafond sur le pétrole brut russe. En tout cas, ce nouveau paquet de sanctions est coordonné avec les Britanniques, les Américains, Canadiens et Japonais, et il va dans le sens aussi de ce que les sénateurs sont en train de préparer, sous la houlette du sénateur Graham, et ce qu'il est important de faire passer, parce que c'est un ensemble très dissuasif et impactant pour l'économie russe, de nature à faire revenir la Russie autour de la table des discussions.

Les discussions de cet après-midi ont ensuite porté sur les questions économiques, la compétitivité et les échanges commerciaux. Là aussi, il y a eu une forte convergence et une confirmation des conclusions qui avaient été préparées. Sur les questions de compétitivité, je ne veux pas ici être trop long, simplement redire l'unanimité autour des conclusions des rapports Draghi et Leta, et notre volonté d'accélérer pour que la Commission puisse le plus vite possible prendre les mesures, d'abord pour protéger les secteurs qui sont menacés par les désorganisations en cours. C'est la priorité des priorités. L'acier, la chimie, l'aluminium, tous les secteurs qui sont bousculés par les conséquences, même indirectes, de la politique tarifaire américaine ou des surcapacités chinoises, ces secteurs doivent être protégés. Et c'est pourquoi, entre autres, sur l'acier, nous soutenons très fortement la mise en œuvre des mesures de sauvegarde avec un déclenchement à 15 % de parts de marché maximum aux non-Européens, ce qui permettra de préserver la situation, et évidemment aussi une réforme du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. C'est exactement la même ambition que nous portons sur les autres secteurs que j'ai évoqués. Ça, c'est le premier volet : protéger.

Le deuxième, c'est accélérer la simplification et resynchroniser notre Europe avec les autres régions. Un accord, à cet égard, a été trouvé au Conseil sur le devoir de vigilance et la directive CS3D. C'est un bon accord. Il règle les problèmes qui étaient posés par les industriels et qui étaient de nature à obérer notre compétitivité commune et les investissements sur notre territoire. Nous devons aussi avancer sur CSRD en allégeant le contenu et la fréquence du reporting, et toutes les propositions de simplification de la législation européenne pour la défense, l'agriculture, les entreprises de taille moyenne, les Outre-mer, doivent avancer le plus vite possible. Cet agenda de simplification est essentiel parce qu'il y a une accélération, aujourd'hui, de certains mouvements économiques, et c'est clé pour nous.

L'autre volet, c'est évidemment l'approfondissement du marché commun. Nous le portons dans tous les domaines possibles, en matière énergétique, télécommunications, dans beaucoup de domaines, et évidemment en matière financière. J'ai rappelé à cet égard que notre priorité est de mettre en œuvre l'initiative de titrisation aujourd'hui soutenue par beaucoup de pays, le label d'ailleurs de produits d'épargne pan-européen que nous avons porté avec beaucoup d'autres va en ce sens, et la mise en œuvre d'une union des marchés de capitaux. Et là, je crois qu'il faut privilégier la simplicité et la rapidité sur la perfection du système. Je pourrais y revenir si vous avez des questions.

Et puis, nous sommes revenus également sur nos objectifs climatiques. Nous soutenons l'ambition climatique, et la France est constante en la matière, et nous voulons rendre cette ambition climatique compatible avec la compétitivité européenne. C'est d'ailleurs ce modèle que nous portons en France et que nous avons toujours défendu. Et là aussi, je pourrais y revenir, mais il y a eu de longs débats sur ce sujet. Nous aurons à coup sûr à y revenir, mais je crois dans la possibilité d'une Europe qui concilie un agenda climatique ambitieux et respectueux de ses engagements de l'accord de Paris, et qui préserve sa compétitivité. Ça suppose simplement de la neutralité technologique, de la capacité à investir et de la cohérence sur sa politique commerciale.

Sur, enfin, la question des négociations commerciales avec les États-Unis, je veux ici dire que nous soutenons les efforts de la Commission pour une solution équilibrée et négociée. La France défend une conclusion rapide d'un accord. Nous ne sommes pas pour que cela dure éternellement. Je ne le dis pas simplement de manière principielle, mais intéressée, parce qu'en fait, tant que l'accord n'est pas conclu, des tarifs exorbitants dans certains secteurs sont appliqués, donc ce n'est pas bon pour nous. Donc, on a un intérêt à aller vite. Ensuite, je suis pour que cet accord soit pragmatique, qu'il permette de mettre en lumière les éléments positifs de part et d'autre, et qu'il soit équilibré, c'est-à-dire qu'en aucun cas, nous n'accepterons une situation durable où nous serions taxés et où, en quelque sorte, nous ne changerions pas notre position en la matière. Je soutiens le travail qui a été fait par la Commission pour permettre le rééquilibrage de notre relation, parce qu'au total, il s'agit d'un montant cumulé de 60 milliards d'euros de droits additionnels sur un an qui nous sont imposés, et ils impliquent assez mécaniquement une réponse. Mais, très clairement, il y a un chemin pour permettre de réduire les droits sur l'acier, l'aluminium et sur l'automobile, pour clarifier la situation sur la pharmacie et l'aéronautique, et pour permettre d'avoir les tarifs les plus bas possibles. La vérité, c'est que le meilleur tarif entre les États-Unis et l'Europe, surtout dans le contexte géopolitique que nous connaissons, serait 0 pour 0. Si ça doit être 10 pour 10 ou l'équivalent de 10, ce sera le cas. En tout cas, il a été clair que l'autonomie réglementaire de l'Union européenne dans ces discussions sera préservée, et pour ma part, je considère que tous les leviers à notre disposition doivent être privilégiés.

Un dernier point que j'ai pu évoquer avec la présidente de la Commission, et je veux ici le dire pour mémoire, c'est la question de la protection des mineurs en ligne. Vous savez que j'ai annoncé il y a quelques semaines la volonté de la France de protéger nos enfants et nos adolescents des réseaux sociaux, à la lumière d'un rapport scientifique qui m'a été présenté, de travaux qui maintenant font de plus en plus consensus. Plusieurs États membres nous ont rejoints dans cette initiative, et nous souhaitons avancer avec ces derniers, notamment avec la future présidence danoise du Conseil. J'ai pu demander à la Commission qu'elle puisse clairement établir une obligation pour les plateformes, dans le cadre du DSA et de ses dispositions sur la protection des mineurs, de vérifier l'âge de leurs utilisateurs pour l'accès aux réseaux sociaux. C'est ce que prévoit, de mémoire, l'article 28 de la directive. Et sur cette base-là, les lignes directrices que la Commission aura donc à finaliser dans les prochaines semaines, nous aurons de notre côté à avancer sur la définition d'une majorité numérique, ce qui nous permettra de protéger les moins de 15 ans en France des réseaux sociaux.

Voilà, mesdames et messieurs, je vais maintenant répondre à vos questions.

Journaliste

Bonsoir, M. le Président. Une question sur les droits de douane. Vous avez évoqué le sujet. Je voulais savoir quel était le contenu de la contre-proposition américaine qui a apparemment été présentée par Ursula Von der Leyen aujourd'hui. Vous avez dit que vous souhaitez une réponse rapide. Jusqu'à où la France est prête à aller ? Vous avez évoqué, enfin, dit que vous préfériez 0 % de droit de douane, mais est-ce que 10 % seraient acceptables, si j'ai bien compris vos propos à l'instant ? Et donc, quel est le contenu de cette contre-proposition américaine qui a été faite ?

Emmanuel MACRON

Merci beaucoup. Je n'ai pas ce contenu parce que la présidente de la Commission ne nous l'a pas présenté. Elle l'a reçu aujourd'hui, et donc elle n'en avait pas fait l'analyse. Elle nous a présenté l'état de ces discussions en cours et chacun a pu réagir et donner ses lignes à une très grande convergence.

Mon souhait, c'est que nous concluons rapidement, ce qui marque, et je peux le dire ici, il y a une vraie volonté des Européens et une bonne volonté de conclure. Cette bonne volonté ne doit pas être vue comme une faiblesse.

Nous voulons conclure rapidement parce que c'est notre intérêt collectif, et c'est bon pour la stabilité du commerce international et pour nos entreprises, mais on ne veut pas conclure vite à tout prix. Si, à la fin, le choix des Américains était de garder 10 % de tarifs sur notre économie, il y aura immanquablement une compensation sur les biens et produits qui sont vendus par les Américains sur le marché européen de ces tarifs. Le prélèvement qui est fait sur nos industriels donnera lieu à un même prélèvement qui sera fait sur leurs industriels, parce que sinon, nous serions naïfs ou faibles ou les deux à la fois, et nous ne sommes ni l'un ni l'autre.

Je ne peux pas vous donner plus de détails parce que je n'ai pas le détail de cette proposition, mais j'ai eu l'occasion d'échanger avec le président Trump encore aujourd'hui. Je lui ai redit notre volonté de trouver un accord, et un accord entre alliés, dans le moment géopolitique que nous vivons, c'est un accord qui est respectueux et juste, parce qu'il n'y a pas de bon accord qui blesse l'autre. Encore une fois, le déficit commercial américain n'est en aucun cas lié à un élément structurel avec l'Europe. Il a des composantes sectorielles, en particulier l'automobile, on le sait. Et le déficit commercial américain, plus largement, est lié aussi à la politique chinoise de surcapacité, qui est plutôt notre gros sujet à régler ensemble.

Journaliste

J'ai un petit follow-up sur ce que vous venez de dire sur les droits de douane américains. Vous avez dit que si les 10 % devaient rester, il faudrait qu'il y ait une compensation. Vous avez également dit qu'il y a un large consensus là-dessus, mais il y a plusieurs chefs d'État ou de gouvernement qui se sont exprimés dans un autre sens. Madame Meloni, hier, a dit que les 10 %, finalement, ça ne ferait pas trop de mal à l'Italie. L'Allemagne a sous-entendu qu'un accord rapide, asymétrique, ça pourrait lui aller à certaines conditions. Donc, le consensus, en fait, ne semble pas si évident que ça.

Après, c'est sur le Mercosur. Le chancelier Friedrich Merz vient de dire : « On est au bord d'un accord. » Tous les États ont l'air à peu près Ok là-dessus. La Commission doit présenter sa proposition législative suite aux négociations qui ont été entérinées en décembre, en début de semaine. Qu'est-ce que vous en dites ? Est-ce qu'effectivement, vous avez obtenu ou vous pensez que vous allez obtenir d'ici à lundi un protocole additionnel ou je ne sais quoi qui vous satisfait ? Qu'est-ce qu'il y a dedans ? Est-ce qu'on est près d'un consensus ?

Emmanuel MACRON

D'abord, c'est la Commission qui est en charge de la politique commerciale. Elle est éclairée par nos positions. Vous avez raison de dire que peut-être, certains sont plus enclins à... Je me méfie des 50 nuances de gris. En tout cas, la présidente de la Commission a préparé une liste de rééquilibrage. Elle l'a fait sur la base d'une consultation large, et il n'a jamais été question qu'il n'y ait pas de rééquilibrage.

En vérité, c'est notre intérêt qu'il y ait un rééquilibrage, c'est-à-dire une réponse, parce que sinon, il n'y aura jamais d'incitation du côté américain à démanteler les 10 % de tarifs. Pour beaucoup de nos entreprises, c'est beaucoup 10 %. Moi, j'étais il y a quelques semaines dans une entreprise des Deux-Sèvres qui fait de la construction, de la menuiserie. Ils ont 2 % de tarifs aujourd'hui. Les 10 %, c'est huit points de moins de leur marge, parce qu'ils n'arrivent pas à les passer aux clients. Vous voyez, ce n'est pas vrai que ça n'a pas d'effet. La Commission travaille bien là-dessus, et oui, il y aura un rééquilibrage avec.

Je ne désespère jamais pour dire qu'à un moment donné, on pourra convaincre en dynamique les Américains et le président Trump de revenir à quelque chose, au fond, de plus intégré. Mais ça, c'est pour vous répondre. Je ne dis pas qu'il y a l'unanimité, mais je dis qu'il y a une certaine clarté, que la Commission, en tout cas, travaille là-dessus, et c'est une bonne chose.

Sur le Mercosur, j'ai été clair il y a quelques mois. L'accord tel qu'il a été conclu, nous ne pouvons pas le soutenir en l'état. Pourquoi ? Parce que je considère qu'il n'est pas cohérent avec ce qu'on porte depuis des années, et je le dis en ayant soutenu l'accord de libre-échange avec le Canada, parce que dans l'accord de libre-échange avec le Canada, nous avions des clauses de sauvegarde, nous avions des clauses miroirs qui permettaient de dire : « Quand j'ai demandé un effort à mes producteurs, s'ils sont déstabilisés par des producteurs du Canada qui arrivent et qui n'ont pas les mêmes contraintes, on a des mécanismes d'alerte, on peut stopper. » Donc, je suis pour faire des accords commerciaux, mais je veux qu'ils soient justes et qu'ils soient cohérents. On ne peut pas dire, on a des objectifs climatiques et nous, on pousse nos producteurs à bouger, mais on signe des accords qui sont complètement incohérents avec ça. Aujourd'hui, en l'état, il n'y a pas ça. Nous, ce qu'on pousse, ce n'est pas de modifier l'accord tel qu'il est, c'est de l'enrichir avec une discussion supplémentaire, et on est plusieurs États à soutenir cette idée, cette volonté, et de dire qu'il faut qu'on ait des mécanismes qui permettent de protéger certains marchés agricoles clés s'ils venaient à être totalement déstabilisés par cet accord commercial, ce qu'on appelle un peu des clauses de sauvegarde. Donc, c'est le travail qu'on est en train de mener.

Il y a des discussions supplémentaires entre nous, il y en aura avec eux. Voilà. Exactement.

Journaliste

Est-ce que vous pouvez nous éclairer sur vos discussions sur les ambitions climatiques de l'Union européenne ? Ce qu'on comprend, ce qu'on entend, c'est que vous avez proposé de découpler la discussion sur 2035 avant la COP Belem, des discussions sur les ambitions climatiques de l'Union européenne à l'horizon de 2040. C'est un point un peu technique, mais cela voudrait peut-être dire que les ambitions seraient moindres pour 2035. Est-ce que vous pouvez nous en parler ?

Emmanuel MACRON

Alors, dans un moment où vous voyez beaucoup de grands pays, d'économies, revenir en arrière et des débats, même chez nous, qui sont en train d'être menés là-dessus, j'ai toujours tâché d'être cohérent, en tout cas depuis huit ans. Nous, nous fondons nos décisions sur la science. La science nous dit qu'il faut décarboner nos économies pour revenir vers une trajectoire le plus proche possible des 1,5 degré. Nous n'y sommes pas.

Forts de cela, ensuite, on cherche, secteur par secteur, à trouver des voies et moyens pour améliorer les choses, baisser nos émissions et donc trouver soit des incitations économiques, soit des compensations budgétaires à ce moment-là, et de bâtir des filières industrielles derrière ces réponses. C'est ça, la stratégie qu'on poursuit, ce qui fait que depuis huit ans, en France, quand j'ai été élu, on baissait d'1 % par an les émissions de CO2. Aujourd'hui, on les baisse de 4,5 % par an. Ça ne s'est pas fait tout seul. C'est un travail et c'est cet engagement.

Cet engagement s'est décliné au niveau européen. La France a soutenu, porté, sous sa présidence, les ambitions que nous avons et pour la neutralité carbone 2050 et pour les objectifs 2030, ce qui était ce que nous devions faire, donc on est au rendez-vous. Nous, nous sommes le seul grand espace, parce que si on compare l'Union européenne avec Inde, Chine, États-Unis, on est les seuls à assumer, à avoir dans nos textes une trajectoire neutralité carbone 2050. Ne nous voyons pas moins bons que nous ne sommes. On est les seuls.

On a des objectifs 2030. Quand je vois tant et tant de pays reculer sur leurs objectifs 2030, je dis que la priorité, c'est de les tenir. Ensuite, on a mis des objectifs sectoriels 2035, l'automobile ou autre. Ce qui nous est demandé pour Belem, ce sont des trajectoires nationales pour 2035, c'est tout. On le fera, et tous les Européens doivent le faire. Maintenant, il y a une volonté d'avoir des objectifs en 2040, ce qui est un point de passage.

Je suis favorable à avoir ces objectifs en 2040, mais j'ai dit, au fond, des choses toutes bêtes. Première chose : si on veut ces objectifs en 2040, il faut nous donner les moyens de le faire et de les rendre compatibles avec notre compétitivité. Qu'est-ce que ça veut dire ? Neutralité technologique, flexibilité, investissement. Neutralité technologique, ça veut dire renouvelable comme nucléaire. Arrêtons les taxonomies qui nous rendent inefficaces collectivement. Les choses sont claires maintenant. D'ailleurs, on va dans ce sens. L'accord, le très bon accord qui a été trouvé hier sur les aides d'État et qui donne une place au nucléaire va dans ce sens. Parfaite illustration. On a raison de jouer cette partition. Ça donne des résultats.

Je dis, flexibilité, investissement, neutralité technologique et cohérence commerciale, c'est-à-dire que si on fait des objectifs 2040, on veut une politique commerciale qui nous protège. Sinon, on va avoir les mêmes débats qu'aujourd'hui avec le Mercosur. On va demander à nos industriels de baisser, puis on ne les protégera pas. C'est ce qu'on a aujourd'hui avec l'acier. Aujourd'hui, il faut que vous mesuriez. Si on ne fait pas ce que je vous ai dit tout à l'heure sur l'acier, on a demandé à nos aciéristes de ne plus polluer, et on est en train d'importer de l'acier qui vient de pays qui polluent massivement. On est des fous furieux. Je dis : 2040, oui, si on a ça d'abord. Aujourd'hui, on ne l'a pas dans le paquet.

Deuxième chose : pas en catimini. Moi, j'ai mené des discussions très dures sur neutralité carbone 2050 et objectif 2030. Elles sont nécessaires pour qu'il y ait une appropriation politique. C'est ça, l'Europe. Ça ne peut pas être, les objectifs 2040, un débat technique fait en quelques semaines. Ça doit être un débat démocratique à 27. Je le dis parce que j'aime l'Europe, et je le dis parce que moi, dans deux ans, je ne serai plus en responsabilité dans mon pays, mais je serais inconscient de laisser à mon successeur une situation qui aurait été débattue hors du cadre des 27. Ce n'est pas sérieux.

Et la troisième chose sur l'objectif 2040, je dis juste, c'est formidable si on l'a pour Belem, mais ce n'est pas ça qui est attendu de nous pour Belem, la COP à venir. C'est les NDC 2035. Ce n'est pas d'avoir des objectifs européens en 2040. Donc, ne nous surcontraignons pas, parce que je vois déjà le scénario. Vous allez être plusieurs d'entre vous à écrire : « Formidable échec des Européens pour Belem, ils n'arrivent pas à avoir un objectif 2040 ». La belle affaire, il n'y en a plus un autour de la table qu'il y en a pour 2035 déjà. Nous, on l'a, donc on va arrêter de se tirer une balle dans le pied. Ce n'est pas un objectif pour Belem. Si on l'a pour Belem, super. Si ça doit prendre plus de temps, prenons plus de temps pour bien le faire. La réalité, c'est que moi, je veux d'abord bien exécuter mon objectif 2030, réussir sur l'automobile et autres mes objectifs de 2035, et prendre le temps démocratique et politique pour convaincre les autres de venir sur 2040. Voilà. J'ai essayé d'être le plus précis possible.

Journaliste

Vous avez parlé aujourd'hui, je pense, avec le président Trump, notamment du Proche et Moyen-Orient. Tout d'abord, sur l'Iran, est-ce que vous vous êtes concordés ? Est-ce qu'il y a une possibilité que le processus de discussion des États-Unis, indirectement avec l'Iran, qui avait lieu avant les frappes et dont il a annoncé qu'il reprendrait, a-t-il dit, la semaine prochaine, et le processus de discussion entre les trois pays européens, dont la France, directement avec les Iraniens, est-ce que ces deux processus peuvent converger ? Comment concilier vos efforts pour reprendre une négociation sur le nucléaire iranien ? Et sur le côté palestinien, tout d'abord, est-ce que le président Trump vous semble déterminé, engagé à utiliser la pression qu'il a pu utiliser sur ce dossier iranien pour faire aboutir un cessez-le-feu à Gaza ? Et d'autre part, vous-même, maintenant qu'il y a un apaisement à nouveau dans la région, êtes-vous prêt à réorganiser en juillet la conférence sur l'État palestinien et à reconnaître en juillet l'État palestinien ? Merci.

Emmanuel MACRON

Merci beaucoup. Sur Gaza, j'ai senti le président Trump très déterminé, très volontaire, conscient de l'importance d'un cessez-le-feu. Je pense que son engagement est essentiel sur cette question, et je sais son équipe engagée sur des discussions en cours. Vu le drame qui se joue là-bas, je pense que c'est absolument essentiel. Mais la discussion que j'ai eue, j'ai vu un président qui était vraiment conscient de cela et avait envie d'aboutir à un résultat, et ma volonté, c'est le plus vite possible.

Comme vous le savez, nous co-dirigeons avec l'Arabie saoudite, et donc j'aurai, dans les tout prochains jours, le prince héritier d'Arabie saoudite pour pouvoir échanger avec lui sur une date possible. L'organisation, à nouveau, du sommet, mon souhait, c'est de le faire le plus vite possible, je l'espère, mais la réponse est donc oui sur ce sujet.

Sur la question iranienne, notre volonté de converger dans les discussions, j'ai fait part des échanges que nous avions eus avec les Iraniens ces derniers jours, y compris ces dernières heures, il y a une coordination très étroite entre nos équipes.

Nous verrons ce que les prochains jours permettent d'avancer, mais notre souhait à l'un et à l'autre, c'est qu'il y ait une vraie convergence de vues, parce que l'objectif, c'est le résultat. Le résultat, c'est qu'il n'y ait pas de reprise d'activités proliférantes et qu'il y ait un encadrement aussi des activités balistiques. En soi aussi, et je l'ai échangé avec le président Trump, il y a une convergence de vues entre nous, et je continuerai de faire le tour des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies dans les prochains jours, parce que c'est notre responsabilité, c'est que le traité de non-prolifération demeure, c'est que l'Iran n'en sorte pas et c'est que l'Agence internationale de l'énergie atomique puisse reprendre son travail en Iran le plus vite possible. Et ça, je considère que c'est une responsabilité particulière de la France, mais à ses côtés, des États-Unis d'Amérique, de la Chine, de la Russie et du Royaume-Uni, et donc nous allons travailler de concert.

En tout cas, c'est ce que j'ai décidé de faire dans les prochains jours, d'appeler chacun pour avancer sur ce sujet, créer la convergence de vues et, en tout cas, permettre d'éviter des situations du pire. J'ai déjà eu l'occasion de le dire : pour moi, le pire scénario serait celui où on laisserait l'Iran, après ces frappes, qui ont eu une efficacité réelle… Les frappes américaines ont eu une efficacité réelle sur Natanz, Ispahan et Fordo, mais le pire, ce serait que derrière, la conséquence soit une sortie du traité de non-prolifération de l'Iran et donc, au fond, une dérive et un affaiblissement collectif. Et donc, ce que je veux faire dans les prochains jours, c'est d'engager notre diplomatie et notre action pour préserver le traité de non-prolifération et engager tous ensemble les cinq membres permanents du Conseil de sécurité. J'ai commencé avec le président Trump aujourd'hui, je vais poursuivre avec chacun d'entre eux.

Journaliste

US and Iran are saying that they will restart negotiation regarding Iran's nuclear program. Where do France and the EU stand in this regard ?

The second question is very important for Kurdish people. Sorry. Kurdish and Druzes and Alawites are decertified with Syria's current constitution, and Damascus does nothing to certify them. How do we want Kurdes and other minorities in Syria to be certified, especially since the court, the national congress, has demanded autonomy ? That's so important. Thank you so much.

Emmanuel MACRON

Thank you. We have a very clear position on the Iranian nuclear programme. There is unanimity in Europe, clearly not to see this programme resuming, and clearly to avoid in any way the access to nuclear weapons by Iran. This is why I mentioned first the efficiency of these strikes, but the importance now to start again diplomatic ways and negotiations in order to build a new framework, but as well a new monitoring. And this is why the importance of the international nuclear watchdog, I mean the IAEA, is absolutely critical as well as to keep inside the non proliferation treaty Iran. So, there is total unanimity and clarity on that, and we want to work very closely with the US and others, but as well the international agencies to do so.

As for the Syrian situation, part of the top priorities we put on the table with a new Syrian leader is precisely the respect of all components of Syrian civil societies. And I've been very clear, and all my colleagues as well, precisely to underline this point. So, I have a new conference call scheduled with the president of the transition precisely to insist on this point, but we have a list of key topics and they justified by the way the lifting of our sanctions a few weeks ago : fight against Captagon, he delivered ; clarity against Daesh and terrorist groups, and he's clear and we want him to be more engaged with the coalition ; respect of all components of Syrian civil societies, and clearly, we have to improve the situation. The situation today is unacceptable, especially after the terrorist attacks, but as well vis-a-vis some minorities and the political process in order to deliver this agenda. So, we will be very careful. And you know the clear attention that French Republic has for Kurdish people in Iraq, in Syria and everywhere, and we will follow up very carefully the situation, you can count on us.

Merci beaucoup, Mesdames et Messieurs. Nous allons maintenant repartir vers Paris. Merci beaucoup.

Journaliste

(Question Moldavie)

Emmanuel MACRON

We have full support for Moldova, you know that, from a political and security point of view, Moldova is at the forefront of the situation.  And let me tell you that especially after what happened during the past few weeks in different elections, we will be very careful for the elections in October. We have full support for President Maya Sandu, because she's delivering great agenda for Moldovan people, and we will remain very committed, and France will remain very committed.

Journaliste

When ?

Emmanuel MACRON

As soon as possible for me.

Je dois filer. Merci beaucoup.

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