L’égalité femmes-hommes vient de perdre une de ses fidèles avocates. Celle qui fut Secrétaire d’état à la justice et ministre déléguée à la condition féminine, femme forte du septennat VGE, Monique Pelletier, nous a quittés à 99 ans.

Un siècle n’aura pas suffi à éteindre sa soif de justice, vaste comme la mer qui l’avait bercée. Née à Trouville, elle passa ses années de lycée à Deauville, puis à Paris. Munie d’une licence de droit, elle s’inscrivit à 19 ans au barreau de Paris, et se consacra dès lors à défendre les vulnérabilités, quelle que soit leur forme, et à traquer l’injustice, quelles que soient leurs cibles. Pendant trente ans, elle fut juge assesseur au tribunal pour enfants de Seine, puis à Nanterre. Et parce qu’elle voyait les ravages d’une enfance abandonnée à elle-même, elle dirigea de 1972 à 1977 l’association « l'École des parents et des éducateurs ».

Elle fit en parallèle ses premières armes politiques sur le terrain municipal :  élue en 1971 sur la liste UDR d'Achille Peretti, légendaire maire de Neuilly-sur-Seine, elle devint son adjointe en 1977.

Dans la prise de conscience du fléau de la drogue, elle fut également pionnière. Chargée en 1977 par le président Valéry Giscard d'Estaing, dont elle était proche, d'un rapport sur ce sujet, elle y invita les décideurs publics à mieux prendre en charge les toxicomanes.

L'année suivante, le Premier ministre Raymond Barre la choisit comme secrétaire d'État auprès du garde des Sceaux Alain Peyrefitte, dans gouvernement qui comptait vingt-huit hommes, et deux femmes. Quelques mois plus tard, elle devint ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de la Condition féminine, portefeuille bientôt élargi aux questions familiales. On lui doit la reconduction de la loi Veil en faveur de l'interruption volontaire de grossesse, en 1979, et la loi de 1980 qui définit juridiquement le viol : cette loi marqua une rupture en offrant enfin au juge des outils clairs, et en reconnaissant des formes de violence sexuelle auparavant ignorées par la loi. Elle souligna la nécessité de reconnaître le viol conjugal, et de durcir les peines infligées aux agresseurs. Son plaidoyer de décembre 1980 à la tribune de l’assemblée nationale fit date : face à la France, l’avocate de jadis plaidait cette fois pour toute un peuple, pour une réelle égalité entre les femmes et les hommes, ancrée dans la loi.

Les mesures d’encouragement de l’égalité par les quotas étaient à ses yeux nécessaires. Elle fit adopter au conseil des ministres en janvier 1979 « cinq mesures en faveur des femmes » pour expérimenter les quotas de femmes sur les listes de candidats aux élections, projet qui ne fut cependant jamais adopté, faute de soutien politique suffisant au Sénat.

Emblématique d’une nouvelle génération féminine en politique, elle rejoint l'Union pour la démocratie française (UDF) après sa création en 1978, où elle se distingua des libéro-conservateurs par une sensibilité davantage sociale-libérale : « sociétale de gauche, économiquement de droite », ainsi aimait-elle à se décrire.

Revenue à sa vocation d’avocate après l’élection de François Mitterrand, elle fut membre du Conseil Constitutionnel de 2000 à 2003, et consacra les dernières années de sa vie à se battre en faveur de la dignité des conditions de vie dans les EHPAD, et à défendre les personnes porteuses de handicap.
Souvenirs irrespectueux d’une femme libre, le titre de ses mémoires rend justice à cette personnalité alerte, vive, drôle, qui ne s’embarrassait d’aucun faux-semblant ni d’aucun obstacle quand étaient menacées les valeurs des Lumières auxquelles elle était profondément attachée.

Le Président de la République et son épouse saluent ce parcours de cette avocate universelle, femme de tête et femme d’État, qui défendit une vision de la France dont nous sommes aujourd’hui tributaires. Ils adressent à ses sept enfants, à ses nombreux petits-enfants et arrières petits-enfants, à ses proches, leurs condoléances émues.

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