Figure politique de la Creuse, serviteur de la Quatrième et artisan de notre Cinquième République, ministre de François Mitterrand et Premier président de la Cour des Comptes, André Chandernagor s’est éteint après une vie toute consacrée à ses idéaux républicains, laïques et humanistes.
Né dans la Vienne de l’entre-deux guerres, les meetings auxquels il assistait enfant sur les épaules de son père le marquèrent à jamais, lui insufflant cette farouche volonté de servir qui ne le quitta plus. Pour André Chandernagor, descendant d’un esclave d’origine indienne affranchi à la fin de l’Ancien Régime, la République était cette promesse de liberté et de progrès, dont il se fit l’inlassable défenseur. Entré au lycée Henri IV en 1940, ses années de jeunesse s’égrainèrent au rythme des privations et de la guerre, ce qui ancra encore ses idéaux de paix, de liberté et de fraternité européenne. Après la guerre, ce travailleur infatigable, fils de coutelier formé à l’école de la République, intégra l’École Nationale de la France d’Outre-mer puis fut reçu major de l’ENA, avant de rejoindre le Conseil d’État en 1957.
Au prestige d’une carrière administrative toute tracée, il préféra toutefois « le plus beau des mandats », se faisant élire maire de Mortroux dès 1953. Il resta trente années durant fidèle à cette commune de la Creuse, ce département d’adoption qui était devenu son fief. Militant socialiste de la SFIO, faisant valoir une finesse d’esprit comme son amour du droit, il servit au cabinet du Président du Conseil Guy Mollet. A ses côtés, André Chandernagor mit ses talents de juriste au service des rédacteurs de la Constitution de la Cinquième République, avant de conquérir en 1958 le premier de ses sept mandats de député. Pour autant, si investi qu’il fut dans cet hémicycle dont il occupa la vice-présidence, il ne négligea jamais sa chère Creuse. Élu président du conseil général de son département en 1973 puis du conseil régional du Limousin l’année suivante, il contribua, d’un mandat à un autre, au désenclavement de son territoire. A Aubusson, dans ce Limousin qu’il connaissait par cœur, il fonda l’actuelle Cité internationale de la tapisserie, mettant à l’honneur cette tradition plusieurs fois séculaire aujourd’hui inscrite au patrimoine immatériel de l’UNESCO.
Ce socialiste humaniste avait rejoint François Mitterrand dès le Congrès d’Epinay en 1971. Dix ans plus tard, le Président Mitterrand choisit l’ancien président du Conseil de l’Union Interparlementaire et fin connaisseur du nuancier politique du continent, comme ministre délégué aux Affaires européennes. Dans ces fonctions, André Chandernagor fit reconnaitre par la France le droit au recours individuel devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme et batailla en faveur du passeport européen. Ses éminents états de service pour notre République lui permirent, en 1983, de devenir premier « Premier », à la tête de la Cour des Comptes, institution qu’il modernisa de fond en comble, l’ouvrant tant sur l’international, grâce à une coopération renforcée avec les organismes de contrôle européens et étrangers, que sur la France entière, par la mise en œuvre des Chambres régionales des comptes. Il porta avec brio sept années durant cette mission de contrôle et d’évaluation de l’usage des deniers publics, parachevant ainsi une vie où l’amour de la patrie, la défense de la République, l’enracinement dans la Creuse tressaient le fil d’un humanisme ardent.
Le Président de la République et son épouse saluent la mémoire d’un grand serviteur de la Nation, un siècle d’engagement exemplaire, aussi admirable qu’attachant. Ils adressent à sa famille, à ses proches, aux Morterolais ainsi qu’à tous les Creusois, leurs condoléances sincères.