Louis Schweitzer incarnait une certaine idée de la République, mariant l’industrie et le progrès social, le sens de l’Etat et l’humanisme, le patriotisme et l’ancrage européen, l’intransigeance des principes à la générosité des engagements. Sa disparition est celle d’un haut-fonctionnaire, d’un grand dirigeant d’entreprise, d’un idéaliste du concret qui voua toutes ses forces à la France.
Louis Schweitzer vit le jour en 1942 dans une famille d’hommes d’idéaux et d’engagement, avec un père, Pierre-Paul Schweitzer, ancien Résistant, directeur du Fonds monétaire international, et un grand-oncle, Albert Schweitzer, Prix Nobel de la Paix. Brillant, aussi épris de théâtre que d’humanités classiques, Louis Schweitzer s’éleva dans la méritocratie républicaine : diplôme de Sciences-Po, énarque, inspecteur des finances. Militant socialiste en même temps que serviteur de l’Etat, il prit la direction de cabinet de Laurent Fabius, ministre du Budget en 1981. Se scella ainsi une relation de travail et de confiance, poursuivie au ministère de l’Industrie en 1983. Ce compagnonnage politique se resserra davantage quand Laurent Fabius fut nommé Premier ministre en 1984. Pendant deux ans, Louis Schweitzer, directeur de cabinet à Matignon, apporta élégance, flegme et hauteur de vue à la conduite des affaires de l’Etat, à travers les tempêtes politiques, médiatiques et judiciaires. Après la victoire de la droite aux élections législatives de 1986, Georges Besse, nouveau patron de Renault proposa à Louis Schweitzer de le rejoindre. Ce dernier accepta, et entreprit de tout connaître à l’entreprise, dans laquelle il passa presque vingt ans, et de laquelle il gravit tous les échelons : directeur du contrôle de gestion, directeur financier, et enfin président directeur général en 1992.
Louis Schweitzer prit les rênes du groupe dans un moment de tumulte : privatisation, concurrence européenne et internationale, concentration du secteur, désaffection de la clientèle. Le grand patron se distingua bien vite par son audace, sa capacité à déléguer et faire confiance, et son flair stratégique. Les efforts de restructuration, qui imposèrent des fermetures d’usines, finirent par payer. En 1999, Renault scella une alliance avec Nissan, et prit le contrôle de Dacia, donnant naissance à un géant mondial. Après avoir cédé la place à son numéro deux de longue date, Carlos Ghosn, Louis Schweitzer ne voulut pas pour autant cesser d’œuvrer pour le progrès industriel en même temps que l’espérance républicaine.
En 2005, le Président Jacques Chirac le nomma président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE). Le temps d’un mandat de cinq ans, Louis Schweitzer fit beaucoup pour inscrire cette institution dans la vie de la Nation, comme un recours supplémentaire à tous ceux victimes de la haine et des préjugés. Parce qu’il avait sauvé et rebâti un fleuron français dans une économie sans cesse mondialisée, Louis Schweitzer fut l’une des voix d’un capitalisme conscient des enjeux contemporains et fut élu président du MEDEF international en 2005. Commissaire général à l’investissement de 2014 à 2017, membre du conseil d’administration de grandes entreprises, Louis Schweitzer offrait à ceux qui le sollicitaient le témoignage d’une expérience éclatante mais aussi d’une conscience dans le siècle. Cet esprit libre, épris de toutes les belles choses de la vie, présida aussi le Festival d’Avignon, en 2005, consécration d’une passion ancienne. Louis Schweitzer enfin dévoua son temps à aider des œuvres d’intérêt général, signe de l’empreinte ineffaçable chez lui de l’espérance laïque et spirituelle. Il s’engagea aussi dans la défense de la cause animale aux côtés de plusieurs fondations.
Le Président de la République et son épouse expriment leur chagrin et la reconnaissance de la Nation pour une vie faite de progrès, de devoir, de fraternité. Ils adressent leurs condoléances sincères à sa famille, ses proches, et tous ceux qui l’aimaient.