Le Président Emmanuel Macron s'est rendu à Séville dans le cadre de la Conférence internationale sur le financement du développement ce lundi 30 juin 2025.

Dans un contexte marqué par des tensions géopolitiques croissantes, une érosion de la confiance dans le multilatéralisme et une aide au développement en décroissance, le chef de l’Etat a échangé avec ses homologues et la société civile sur l'avenir du financement du développement, pour :

  • porter l’aide au développement traditionnelle à un niveau plus ambitieux
  • reconstruire un nouvel équilibre respectueux des intérêts et de la souveraineté de chaque pays.

A ce titre, il est d'abord intervenu devant les Nations unies en session plénière pour partager sa vision et son ambition pour un monde plus uni face aux grands enjeux communs.

Revoir l'intervention : 

30 juin 2025 - Seul le prononcé fait foi

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Intervention du Président Emmanuel Macron en session plénière de la Conférence sur le financement du développement à Séville.

Mesdames et messieurs, dans vos grades et qualités,

Je veux remercier toutes celles et ceux qui étaient là à Nice et qui ont montré que face aux difficultés, dans des temps incertains, la mobilisation collective pouvait toujours fonctionner. C'est pourquoi je voulais aujourd'hui remercier très chaleureusement tout à la fois les Nations-Unies et leur Secrétaire général, mais également l'Espagne, son roi et son Premier ministre, mon ami Pedro Sánchez, pour leur engagement et la vision tout au long de la préparation de cette conférence qui nous réunit ici.

Cette conférence, par le nombre de délégations qu'elle a su réunir, des chefs d'État et de gouvernement et de ministres qu'elle a su mobiliser, est à cet égard, quelques semaines après Nice, une source d'espoir pour la paix et la stabilité mondiale. Car au fond, c'est bien de cela dont il s'agit. Lorsque nous parlons du financement du développement, c'est de la capacité à habiter une planète en commun, à définir des priorités, et plutôt que de construire des murs ou d'imposer des tarifs ou de fermer nos espaces numériques, de mesurer à quel point nous sommes interdépendants.

La pauvreté déplace les plus vulnérables, fait des victimes de tous les trafics et crée des flux migratoires incontrôlables engendrant conflits et désespoir. Donc, s'attaquer à la question du développement, trouver des financements pérennes, avoir une efficacité collective accrue est une nécessité qui est bonne pour chacune et chacun. C'est la raison pour laquelle la France avait organisé, en 2023, ce nouveau pacte financier mondial et qui avait conduit à créer, à l'issue du sommet tenu ensemble, le pacte pour la prospérité, les peuples et la planète, désormais abrité à l'OCDE, et qui réunit 73 pays désormais. Beaucoup de choses, je le sais, ont été dites, et vous allez multiplier les travaux. Je voulais, moi, partager quelques convictions avec vous.

Évidemment, nous nous retrouvons à un moment décisif. Et depuis Addis-Abeba, les choses sont sans doute beaucoup plus compliquées et, si on est lucide, plus dégradées. D'abord, j'essayais de lister ce qui s'était clarifié dans ces années. La vulnérabilité climatique et environnementale, concept qui avait été longtemps bousculé, s'est maintenant imposé. Je crois que la lucidité nous conduit à voir que c'est une réalité pour tous nos pays et elle continue de dégrader la situation de beaucoup d'entre eux. Je crois que, quels que soient les effets de mode, quels que soient les mots devenus interdits dans telle ou telle enceinte par telle ou telle d'entre nous, c'est un fait. Il est scientifiquement établi, il est politiquement mesuré.

Ensuite, la situation financière des pays les plus fragiles s'est dégradée. Elle s'est dégradée à la fin du Covid et encore plus après. Quand on regarde les situations d'endettement, de dépendance, la situation s'est très clairement dégradée. L'insécurité et donc l'accroissement des dépenses sécuritaires contraintes dans beaucoup de pays, pays pauvres, en voie de développement, parfois même pays à revenus intermédiaires, ces dépenses de sécurité se sont accrues et pèsent sur la capacité à financer d'autres choses. Quatrièmement, les tensions de finances publiques dans beaucoup de pays à revenus intermédiaires aux pays plus riches sont plus fortes et ont mis plus de contraintes sur la capacité à financer la solidarité internationale. Cinquièmement, la guerre tarifaire est mauvaise pour tout le monde et pèse sur la capacité à financer le développement. Sixième élément, le retrait américain des financements, évidemment, vient peser sur cette situation.

Ces quelques facteurs, je ne suis pas exclusif, mais montrent que rien de ce que nous avions établi il y a deux, trois ans positivement améliorés, mais que la situation objective et notre capacité à répondre à ces défis sont plutôt détériorée. Face à ça, les constats qu'on avait pu dessiner, en particulier au cœur de ce pacte pour les progrès des peuples de la planète, certains ont été validés, d'autres sont à revoir. Le fait qu'il faut répondre à ces défis en respectant chaque pays et donc par un chemin, une approche nationale, je crois que c'est de plus en plus vrai. C'est ce que demandent tous les pays. La deuxième chose, le fait qu'il faille réconcilier l'agenda de lutte contre les inégalités de développement avec l'agenda climat-biodiversité est validé. Plus aucun pays, ni latino-américain, ni océanien, ni africain, ni asiatique, n'accepte qu'on vienne lui dicter ce qu'il faut faire pour le climat ou la biodiversité au détriment de sa croissance. Le fait qu'il faut plus d'effets de levier entre le public et le privé est encore plus vrai qu'il y a deux ans. Par contre, le fait qu'on aille vers un choc concessionnel public est fragilisé pour partie par ce que je viens d'évoquer.

Alors face à ça, il me semble qu'il y a 4 axes de travail que je veux très rapidement souligner. Le premier : il faut continuer de mobiliser des ressources nouvelles. Alors, nous avions réussi il y a quelques années, on a lancé ça ensemble avec Kristalina Georgieva à l'époque, c'était en 2021. C'est l'idée de mettre en place une augmentation de capital du Fonds Monétaire International et de réallouer pour les plus riches ces fameux droits de tirage spéciaux. Cet agenda de mobilisation a marché. On a redistribué vers les pays qui en avaient le plus besoin, plus de 100 milliards d'équivalents de dollars de ces droits de tirage spéciaux. Ça, ça a marché. Et donc, il faut continuer les programmes qui sont faits sur cette base et que tous ceux qui le peuvent puissent continuer à réallouer ces droits de tirage spéciaux. Mais mobiliser des nouvelles ressources suppose de continuer cet agenda. Il y a aujourd'hui une nouvelle voie. Je sais que beaucoup d'entre vous sont mobilisés, et je veux les en remercier, sur cet agenda.

C’est de lever de nouvelles taxes internationales sur les secteurs qui bénéficient ici de la mondialisation. Il y a tout un travail qui a été fait par l'OMI sur le transport maritime, et je veux en remercier cette organisation, les acteurs de cette organisation aussi. Il y a tout le travail qui a été commencé sur l'aviation internationale, mais il nous faut mobiliser de la taxation internationale pour faire face aux défis qui sont les nôtres et sécuriser de la capacité additionnelle à financer ces priorités. Ça, c'est le premier axe. Le deuxième, c'est qu'il faut mieux utiliser l'argent public qui nous est donné. C'était au cœur de ce que nous avions fait à l'été 2023 à Paris. Là-dessus, je veux saluer le travail qui a été fait. Le bilan des banques multilatérales est mieux utilisé. Il y a eu des gains en efficience et en impact. La réforme de MIGA, des ratios de liquidité qui a commencé à la Banque mondiale sont des bonnes choses, mais il faut absolument poursuivre ce travail.

Il ne faut pas considérer une seule seconde que nous avons amélioré les choses, loin de là. Toutes les banques multilatérales de développement qui pensent que leur objectif est de préserver une notation et que c'est une fierté de n'avoir jamais utilisé ou mobilisé un instrument de garantie, c'est simplement qu'elles ont mal calibré ces derniers, je vous le dis en toute honnêteté. Il nous faut aujourd'hui continuer à mieux mobiliser le bilan de ces institutions, à mieux mobiliser la capacité à travailler ensemble. À ce titre, ce qui a été fait par nos banques de développement, nos banques régionales, nos banques multilatérales, avec Finance in Common, est une très bonne chose. Je salue le rôle de l'AFD à cet égard. Il nous faut poursuivre ce chemin qui permet de mieux faire travailler ensemble ces acteurs, en même temps qu'on mobilise mieux leur bilan.

Évidemment, il nous faut aussi continuer d'améliorer l'effet de levier, c'est-à-dire à chaque fois, partout où on le peut, qu'on utilise un euro ou un dollar d'argent public, de déclencher la même chose dans le secteur privé. La Banque mondiale a commencé et il nous faut multiplier les initiatives, là aussi pour améliorer cet effet de levier de nos financements, mieux mobiliser le secteur privé et commencer ce travail de manière méticuleuse sur les fonds verticaux qui, aujourd'hui, doivent, là aussi, mieux mobiliser le secteur privé. Ça, c'est le deuxième axe, après continuer les nouvelles ressources, c'est mieux utiliser l'argent public. Le troisième axe, c'est, je crois, de poursuivre la logique de plateforme pays. Je m'explique.

Pendant longtemps, on a eu des politiques qui étaient pensées dans nos capitales et qui étaient pensées par ceux qui donnaient l'argent, plus que par ceux qui, d'ailleurs, les appelaient-on les récipiendaires. Quel mot affreux. Nous avons découvert que les pays qui ont à conduire le changement, ce sont avant tout des acteurs. Le respect de la souveraineté, des choix souverains indépendants faits par les pays, qui ont face à eux des défis immenses, est essentiel si on veut réussir ces changements. Il n'y a pas un développement qu'on penserait dans les capitales des pays riches avec de l'aide publique au développement qu'on donnerait depuis ces pays. Mais il y a des investissements solidaires et durables, et donc je crois davantage à cette terminologie, et si je puis dire, vive l'ISD plutôt que l’APD. Et donc il y a des investissements solidaires et durables qui viennent de nos capitales, mais qui doivent venir fertiliser des choix qui sont pensés et voulus par des pays qui veulent se transformer, et des pays qui, pour des raisons diverses et variées liées à l'histoire, à leur contexte économique, parfois à leur géographie, ont eu plus de retard dans leur chemin.

Je crois qu'il nous faut profondément changer de paradigme, respecter l'indépendance de ces pays, penser différemment nos terminologies et la manière de concevoir nos programmes. Nous avons commencé à le faire en matière de climat et d'énergie avec notre Just Energy Transition Program, les JETPs. Je pense qu'il faut d'ailleurs en faire l'évaluation, améliorer les choses. L'esprit est le bon, on doit leur donner plus d'efficacité. Je le dis, nos banques, nos agences, nos fonds doivent gagner en pragmatisme. Quand on arrive à tous les mettre autour de la table, ils doivent accepter, projet par projet, qu'un autre va être le coordinateur. C'est une très bonne chose de gagner en efficacité, de mettre tout le monde autour de la table pour accompagner le chemin d'un pays. C'est une très bonne chose d'avoir un coordinateur pour le titre commun. Il faut gagner en efficacité pour travailler ensemble. Je ferme cette parenthèse.

Ce qu'on a fait avec les JETPs, il faut le faire en matière de biodiversité, avec ce qu'on a appelé les « country package », et il nous faut maintenant aussi l'inventer sur les politiques de santé. Si on veut que notre investissement solidaire en matière de santé soit plus efficace, il faut accompagner les stratégies des pays. Là aussi, réussir à revoir notre approche et c'est ce que je veux qu'on puisse préparer dans la perspective, justement, du sommet de Lyon et du One Health Summit qui se tiendra au début du mois de novembre prochain. Pour ça, les pays ont aussi des responsabilités et donc, ils doivent construire des stratégies, des trajectoires qui soient soutenables pour avoir des résultats, mais pour les financer.

Je le dis ici aussi, le financement le plus soutenable, c'est souvent le financement domestique. Ce qui va avec la mobilisation de la finance internationale, avec cette taxation internationale, c'est aussi une juste taxation domestique. Dans beaucoup de pays, quand il n'y a même pas un niveau de taxation qui atteint 15 %, c'est qu'il y a un problème. C'est qu'il y a parfois des schémas d'attractivité qui ne sont pas soutenables, et pour accompagner, justement, cette trajectoire, pour continuer cette logique de plateforme pays, il faut avoir une fiscalité domestique qui soit beaucoup plus responsable et qui soit accrue, assumée, pour engager, justement, une puissance publique qui pourra financer son éducation ou sa santé, par exemple.

Le quatrième axe, et je m'arrêterai là, sur lequel je voulais insister à ce moment où on est sous pression en matière de financement du développement, c'est qu'il est indispensable de développer des chaînes de valeur, de création de richesses économiques dans les pays les plus pauvres, les pays en voie de développement, les pays à revenus intermédiaires. Partout où nous le pouvons, c'est la meilleure politique pour lutter contre les inégalités. C'est pourquoi, qu'il s'agisse de santé, c'est tout ce que nous avons bâti dès le Covid avec l'Union africaine, avec ces plateformes de production de solutions sur le continent africain, avec ACTA. C'est ce que nous devons faire en matière d'agriculture. C'est ce qu'on a voulu faire avec l'initiative FARM ces dernières années. C'est ce qu'on veut pouvoir faire quand on parle de minerais critiques et de ressources premières. On ne doit pas simplement être sur des logiques extractives dans les pays d'Océanie et d'Amérique latine ou d'Afrique qui ont ces ressources, mais dans des logiques de transformation, de création industrielle dans ces pays. Donc, il nous faut progressivement, là aussi, changer de doctrine pour développer des chaînes de valeur. Si on veut y arriver, il faut faire 3 choses.

La première, de la part des pays riches et de leurs entreprises : changer de logique. Les pays les plus pauvres, les pays les plus modestes ne sont pas simplement des proies. Ce sont des pays dont on doit être les partenaires. Il y a des opportunités économiques, mais il faut aussi qu'elles créent de la richesse et des emplois dans ces pays. C'est, par exemple, ce que j'avais expliqué, ce que nous portons en RDC avec beaucoup de force.

La deuxième, c'est qu'il nous faut accélérer sur tout le travail que nous devons collectivement faire sur le coût du capital. Il faut être très conscient, très lucide. Ces dernières années, nous avons tous, avec les meilleures intentions du monde, rendu de plus en plus difficile les investissements des institutions internationales, du secteur privé, de nos banques, de nos assurances, dans les pays en développement et les pays à revenus intermédiaires. On l'a fait en disant : il faut dérisquer ceci ou cela, il faut créer telle ou telle contrainte. Donc, la surrèglementation de ces instances a simplement créé de l'éviction. En parallèle, l'évaluation du coût du risque de ces pays a créé du sous-investissement privé. Simplification réglementaire pour permettre de réinvestir dans les pays qui en ont le plus besoin, et mobilisation d'instruments de prise en charge des premières pertes et de mécanismes de garantie plus efficaces pour mobiliser du financement dans ces pays qui en ont le plus besoin. Travailler sur le coût du capital est indispensable, et je salue la Présidente sud-africaine du G20 qui a décidé de mettre au cœur de son agenda ce sujet.

Avec la révolution culturelle et le coût du capital, il y a le commerce. Je le dis de manière très simple, c'est l'inverse que nous sommes en train de faire : remettre de la guerre commerciale et des tarifs à ce moment de la vie de la planète est une aberration surtout quand je vois les tarifs qu'on est en train de mettre sur des pays qui sont en train de commencer leur décollage économique. On a besoin de repenser, et donc, de réembrasser, ce que je veux qu'on puisse faire lors du Forum de Paris sur la paix dans quelques mois, à la fin du mois d'octobre prochain. On a besoin de repenser, de soutenir l'Organisation mondiale du commerce, mais de la remettre en cohérence avec nos objectifs en matière de lutte contre les inégalités, nos objectifs climatiques. Mais nous avons besoin de remettre de la liberté, de l'équité dans le commerce international, bien plus que des barrières et des tarifs qui sont pensés par les plus forts et qui sont souvent d'ailleurs utilisés comme des instruments de chantage, pas du tout comme des instruments de rééquilibrage. À ce titre, avoir un commerce qui rééquilibre les flux, c'est une des conditions pour permettre de développer des chaînes de valeurs et de la création de valeurs économiques dans les pays les plus pauvres et les pays en voie de développement.

Voilà les 4 axes sur lesquels, je voulais insister, mais je ne serai pas plus long. Aujourd'hui et je veux simplement vous encourager toutes et tous à garder cette ambition. En tout cas, je souhaite que le G20 qui arrive piloté par l'Afrique du Sud, soit l'occasion en particulier, sur le coût du capital, d'avancer, que l'agenda des Nations Unies soit soutenu sur ces différents points. Vous l'avez compris, en fin d'année, à la COP 30 de Belém, nous aurons à poursuivre notre agenda climatique. Nous aurons, avec le One Health Summit de Lyon, à renforcer les choses en matière de santé.

La France aura l'honneur, l'année prochaine, de prendre la présidence du G7, et nous poursuivrons, avec beaucoup de pays présents dans la salle, ce travail pour, au fond, accélérer la refonte de notre architecture internationale, mais le faire de manière très pragmatique autour des quelques ambitions que je viens ici d'évoquer, lever l'argent là où il est pour financer nos priorités, mieux utiliser l'argent public, avoir plus d'effet de levier sur l'argent privé, poursuivre la logique de respect des souverainetés des pays et des plateformes pays sur les grands sujets, et développer des chaînes de valeur et de la création de richesses dans tous les pays en voie de développement et les pays les plus pauvres qui en ont besoin.

Merci pour votre attention, Mesdames et Messieurs. Merci une fois encore au gouvernement espagnol pour cette mobilisation.

Deux ans après le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial qui s’était tenu en juin 2023 à Paris, le chef de l’Etat a ensuite présidé avec le Président du Kenya William Ruto un événement de haut niveau avec les membres de la coalition du « Pacte pour la Prospérité, les Peuples et la Planète » (4P), rassemblant 73 pays, afin de partager les avancées permises par la coalition depuis deux ans et renouveler l'engagement commun : « aucun pays ne doit avoir à choisir entre combattre la pauvreté et la préservation de la planète ».

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