Avec sa plume, son érudition, une mélancolie aussi secrète qu’élégante, Angelo Rinaldi avait marqué l’Histoire des lettres et de la presse française. Romancier, critique, membre de l’Académie française, il fut des décennies durant un esprit reconnu pour son autorité et sa curiosité. Sa disparition est celle d’un esthète qui prit part aux débats littéraires et culturels de notre époque, défendant une conception élevée du style et des pouvoirs de la littérature.

Né à Bastia le 17 juin 1939 dans une famille modeste, orphelin d’un père Résistant et communiste assassiné par les nazis, Angelo Rinaldi s’évada par la littérature de cette enfance sombre et dévora Balzac, Bernardin de Saint-Pierre ou Miguel de Unamuno. Il manifesta adolescent son tempérament indocile et fit de sa plume une arme de liberté. Chroniqueur d’abord dans la presse locale, il quitta la Corse, emportant pour son île des sentiments ambivalents qui l’habitèrent le reste de sa vie. Puis, Angelo Rinaldi gagna Paris, où son talent, sa plume brillante, sa verve féroce comme de prestigieux parrainages, tel celui de Françoise Giroud, lui valurent une place et une réputation dans les plus grands journaux : à L’Express, de 1972 à 1998, puis au Point, au Nouvel Observateur avant de devenir directeur du Figaro Littéraire en 2002. Pendant des décennies, il contribua, d’éreintements en enthousiasmes, à façonner la vie littéraire, encensant les uns, réhabilitant les autres, œuvres oubliées ou auteurs perdus au goût du jour.  Il publia dès lors des recueils tels « Service de presse » (1979) où étaient visés non seulement les auteurs honnis, mais aussi un milieu de la critique contre lequel il ne ménageait pas ses attaques. Héritier en cela d’une veine moraliste de la littérature française, il s’imposa par son élégance comme son intransigeance auprès de ses pairs comme du grand public.

Esprit libre, il fut aussi un auteur célébré : « La Loge du gouverneur », dont il envoya le manuscrit par la poste à Maurice Nadeau, parut en 1969 et fut récompensé par le Prix Fénéon. Dans cette intrigue autour d’amours interdites, prenant place dans la grande bourgeoisie corse, Angelo Rinaldi inventait une atmosphère, tirée des romans du XVIIIe siècle qu’il affectionnait, et une langue de grand style. Il fut également lauréat du Prix Femina pour « La Maison des Atalantes » en 1971 et publia en 2016 « Les souvenirs sont au comptoir », nouvelle variation sous le signe de Marcel Proust.  Angelo Rinaldi fut élu à l’Académie française en 2001 où il retrouva Hector Bianciotti, son compagnon. Là comme ailleurs, il habitait un univers où les livres, ceux de Saint-Simon ou Borges, permettaient de maintenir à distance « le sentiment tragique de la vie »

Le Président de la République et son épouse saluent la mémoire d’un écrivain qui ne renia jamais sa liberté pour défendre ses choix, en littérature et dans son existence, et incarna avec hauteur une tradition française de style et de panache. Ils adressent leurs condoléances émues à sa famille, à ses proches, aux Académiciens français, ainsi qu’à tous ceux qui l’aimaient.

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