Le chef de l’État a présidé la conférence « Ensemble pour nourrir le monde : Mobilisation du secteur privé pour l'alimentation à l'échelle mondiale » au Quai d’Orsay, ce jeudi 27 mars 2025.
Cet événement s’inscrit dans le cadre de la 3ème édition du Sommet Nutrition for Growth (N4G), que Paris a accueilli les 27 et 28 mars 2025.
Ce sommet a réuni de nombreux acteurs internationaux, humanitaires, associatifs, philanthropes ainsi que des représentants du secteur public et privé.
L’objectif était de travailler sur les solutions et obtenir de nouveaux engagements pour lutter contre l’insécurité alimentaire et améliorer la qualité de l’alimentation.
La séquence de ce jeudi s'est concentrée sur les solutions innovantes apportées par le secteur privé et les philanthropes en faveur de la sécurité alimentaire, qui reposent notamment sur l’alimentation scolaire.
En effet, le chef de l’État a démontré ces dernières années son engagement sur ces sujets mais aussi sur la diversification des partenaires afin de mobiliser largement l’ensemble des secteurs de l’économie sur cette cause essentielle pour la réduction des inégalités et la stabilité du monde.
Revoir la clôture du sommet :
28 mars 2025 - Seul le prononcé fait foi
Discours du Président de la République au Sommet Nutrition for Growth à Paris.
Majesté,
Votre Altesse Aga KHAN,
Mesdames et messieurs les chefs d'État et de Gouvernement,
Madame la Première dame,
Chère Janja,
Mesdames, messieurs les ministres,
Mesdames, messieurs les chefs d'organisation internationale,
Chers amis,
Mesdames, messieurs les parlementaires,
Mesdames, messieurs les ambassadrices et ambassadeurs,
Mesdames et messieurs en vos grades et qualités,
Responsables de fondations, d'entreprises,
Merci d'être là.
Tout a été dit à l'instant.
D'abord, je voulais vous dire, votre Majesté, le bonheur que nous avons de vous avoir. Et quand on vous entend, on est à peu près sûr que votre pays existe et que c'est une bonne chose de lui envoyer des fonds car ils sont bien utilisés.
Ensuite, je veux remercier vraiment Son Altesse Aga KHAN de nous réserver son premier déplacement et le faire pour ce sujet et investir comme vous continuez de le faire. Et je veux dire, ici, merci infiniment.
Et, Madame la Première dame, chère Janja, merci pour ce courage, cet engagement. Et soyez une fois mon ambassadrice pour votre époux et lui dire l'amitié de la France pour le Brésil et son action.
Je voulais vraiment saluer la présence de nombreuses et nombreux dirigeants d'organisations internationales qui sont là. Je vais revenir dans un instant sur les conclusions et le fonds, mais je sais combien vous traversez un moment difficile et avec vous, vos personnels. Et je sais combien vous êtes en train de faire des transformations profondes dans ces organisations, mais je crois qu'un événement comme celui-ci, la mobilisation du secteur privé, des entreprises, des fondations, le maximum de ce que tous les gouvernements qui sont ici présents peuvent faire, sont là aussi pour vous dire combien l'action que vous conduisez est essentielle. Et qu'il s'agisse de la santé, qu'il s'agisse de l'enfance, qu'il s'agisse de l'alimentation ou de l'agriculture, je veux ici vous dire combien nous sommes convaincus.
Nous allons résister, trouver un chemin et réussir ensemble. Mais merci d'être là, joints à l'effort collectif d'aujourd'hui. Le défi a été parfaitement posé de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. C'est un défi qui touche en effet un dixième de la population mondiale, vous l'avez dit, qui empêche des vies et tue. C'est un défi qui est aussi au cœur, au fond, de problématiques croisées. C'est un nexus, le sujet dont on parle aujourd'hui. Et c'est au cœur de la géopolitique, de l'agriculture, du climat, de la santé, de la pauvreté, de la lutte contre les inégalités. Et c'est pour ça que c'est un défi si compliqué à relever. Et c'est aussi pour cela que l'action de ce sommet, je veux remercier, ici, nos prédécesseurs britanniques et japonais, aient exactement la méthode pour y répondre. C'est-à-dire que ça ne repose pas sur les seuls acteurs gouvernementaux.
Mais quand on a un problème aussi compliqué, il faut croiser la compétence des organisations internationales, des gouvernements, des experts et scientifiques, des fondations, des entreprises, des ONG, et réussir à bâtir une action utile sur le terrain. C'est ce que vos prises de parole et vos actions, de parfois depuis plusieurs décennies, montrent parfaitement. C'est ce que l'Alliance globale, justement, contre la faim et la pauvreté illustrent de manière parfaite, comme le 4P que nous avons lancé à Paris, d'ailleurs, avec le président LULA, là aussi. Alors, en effet, l'insécurité alimentaire est d'abord accrue par les guerres, les conflits, et nous avons besoin de continuer à nous mobiliser pour y répondre. C'est exactement ce qui s'est passé avec la guerre d'agression russe en Ukraine, nous nous en souvenons. Elle a profondément perturbé la capacité à nourrir une partie de la planète, à fournir les engrais, à libérer les céréales, et c'est au cœur de l'initiative que nous avions lancée, dite FARM , un mois, jour pour jour, après le début de la guerre d'agression, pour répondre à cette crise des céréales et réinvestir plus globalement sur la sécurité alimentaire. Et je veux ici saluer le travail extraordinaire du Programme alimentaire mondial pour répondre à cette crise avec des initiatives emblématiques comme « Grain From Ukraine ». Et dans le cadre de FARM, nous avons travaillé avec l'Organisation mondiale du commerce, ce qui nous a permis de débloquer des restrictions d'exportation sur les denrées du PAM.
L'Union européenne a aussi joué un grand rôle avec les couloirs de solidarité, laquelle Europe a investi plus de 4,4 milliards d'euros pour l'accès à la nutrition dans le monde depuis le dernier sommet de Tokyo en 2021. Et nous avions aussi, avec FARM, identifié la nécessité de mieux mobiliser le secteur privé, ce qui a été fait, et d'ailleurs, par la fondation CMA-CGM, avec des solutions innovantes. Certaines ont été évoquées. Total, Balenciaga, Airbus, Louis Dreyfus, beaucoup du secteur privé, je ne citerai pas tout le monde, ont évidemment, là aussi, contribué à cet effort. Et donc nous avons vu ce faisant combien il était nécessaire de répondre à ces défis. Et je veux remercier, en effet, tous les philanthropes qui ont répondu présent à notre grand appel dans le cadre de ce Sommet pour la nutrition. Et je ne peux que saluer l'effort immense, vous venez de l'annoncer, des contributions à hauteur de plus de 1,5 milliard d'euros annoncés par le collectif Stronger Foundations, qui rassemble plus de trente organisations, dont plusieurs sont ici présentes.
Les conflits créent la faim, et nous avons cherché à chaque fois à y répondre, mais la faim crée les conflits. Et s'il faut parfois se réarmer, ce que nous sommes en train de faire pour essayer de préserver la paix, notre objectif reste et restera toujours la paix, justement, et donc le combat que nous menons tous ensemble contre la malnutrition et contre la faim est un combat de paix. Il est complètement jumeau de ce que nous sommes en train de faire en Europe et ailleurs. Je pense, ici, aux aléas de production agricole que le changement climatique accentue, aux problèmes de transport, de stockage, d'accès aux semences et aux engrais que plusieurs d'entre vous ont évoqués. Et à cet égard, je veux saluer le travail du Fonds international de développement agricole, cher Alvaro, et je vous remercie pour cette mobilisation qui, là aussi, a été essentielle ces dernières années. Je salue aussi nos acteurs publics français de l'investissement, Proparco et BPI France, qui ont pris ce virage. Ces deux dernières années, 440 millions d'euros ont été investis par Proparco dans le secteur agricole en Afrique. Et c'est ce dont nous avons besoin, de bâtir justement plus de solidarité à travers nos financements publics, de consolider l'action de nos organisations et, comme vous l'avez d'ailleurs parfaitement dit, d'utiliser le talent et le savoir-faire de nos entreprises. Nutriset l'a démontré.
La France, c'est une grande puissance agricole, agroalimentaire, et je salue ici tous les producteurs qui sont présents : nos agriculteurs, nos grandes entreprises, nos industries agroalimentaires qui sont là, nos distributeurs, nos marchés, nos grandes places. Et donc, en mobilisant ces actions, nous avons aussi une capacité à aider à bâtir à travers le monde, et cette solution qu'on a cherché à faire dans plusieurs partenariats, c'est-à-dire travailler avec le FIDA, avec nos entreprises, avec les organisations internationales et le secteur privé, pour bâtir des capacités à produire, des capacités à de la logistique, des capacités à stocker, mais aussi de la possibilité, justement, d'exporter nos savoir-faire et ceux de nos entreprises.
À cet égard, parlant de projets concrets et consolidant ce que vous venez d'annoncer, je veux dire combien la bataille pour la sécurité alimentaire et la capacité à servir des repas sains à l'école à tous les enfants de la planète est essentielle dans ce cadre. C'est ce pari fou que nous avions pris avec, justement, le programme, chère ambassadrice MCCAIN, au moment même de la pandémie, avec votre prédécesseur, nous avions lancé ce programme pour garantir un repas par jour à l'école à tous les enfants d'ici 2030. Et je veux saluer votre mobilisation, la mobilisation du Brésil, de la Finlande et de plusieurs autres pays dans cette aventure.
Pour ne citer qu'un pays, la France, et vous partager quelques chiffres, la cantine est un fait, chez nous, de société. 60 % des 13 millions d'élèves scolarisés déjeunent au moins 4 fois par semaine à la cantine. Et donc, c'est ce qui nous a conduit à lancer des programmes permettant de garantir à des enfants de famille défavorisés l'accès à la cantine pour un euro et consolider l'action de beaucoup de maires, de beaucoup d'établissements, parce que c'est un élément clé à la fois pour leur croissance, pour leur santé, mais aussi pour leur capacité à apprendre et à se développer. Alors, quatre ans après sa création, cette coalition pour l'alimentation scolaire avance à grands pas. Avec l'appui du Brésil, chère Janja, ce sont plus de cent pays engagés dans cette coalition. Et j'ai le grand plaisir de confirmer que nous sommes en bonne voie pour atteindre le pari que nous nous étions fixés pour 2030. Ce, grâce aussi à la mobilisation formidable de tous ceux parmi vous qui ont souhaité que leur pays réinvestisse dans leur propre cantine scolaire.
Et je salue aussi la mobilisation de groupes comme Sodexo et d'autres qui sont particulièrement engagés dans cette action, et salue aussi plusieurs pays qui ont rejoint cette initiative, pour n'en citer qu'un, l'Indonésie, qui a eu l'audace de lancer un grand plan d'accès gratuit aux repas scolaires, ciblant ainsi près de quatre-vingt-cinq millions d'écoliers. Mais c'est aussi grâce à l'engagement de tous les soutiens de la coalition, notamment les philanthropes, et la contribution de cent millions de dollars ciblée sur l'alimentation scolaire annoncée aujourd'hui par la Fondation Rockefeller permettra d'accélérer grandement nos travaux, et merci d'ajouter des forces à ce pari. De notre côté, nous allons poursuivre sur cette tendance. Et ce sont plus de 750 millions d'euros d'investissements dans des projets favorisant la nutrition portée par l'Agence française de développement ou nos programmes d'aide alimentaire qui viendront consolider tout ce travail. Et donc, nous resterons là aussi en soutien, évidemment, à la sécurité alimentaire et à ce travail pour nos enfants.
Et puis, la nutrition, enfin, c'est pouvoir se nourrir aussi avec qualité. Et c'est là où il y a ce nexus entre nutrition et santé. Alors même que nous progressons dans la lutte contre la faim, mais que ce combat, vous l'avez montré, suppose de continuer à mobiliser des solutions, des financements, nous devons lutter. Et ça, c'est une bataille qui est plus dans beaucoup de pays développés, mais aussi de beaucoup de pays à revenus intermédiaires et qui dépendent d'ailleurs des géographies, des habitudes alimentaires. Mais il y a une épidémie rampante, qui est l'épidémie d'obésité, en particulier, chez nos enfants et nos adolescents. Et c'est un problème, là aussi, de nutrition et de santé. L'obésité touche de nombreux pays, dont la France. Elle ne fait que croître, en particulier, depuis le covid, chez nos adolescents. Et donc, comme nous l'avions lancé en marge des Jeux olympiques et paralympiques, en nous battant pour une alimentation plus saine dans le cadre d'une nation sportive, je souhaite, là aussi, que nous renforcions l’action collective pour permettre d'améliorer la qualité de notre alimentation. Et c'est quelque chose qui est faisable pour tous les portemonnaies. Si nous arrivons à nous mobiliser entre producteurs, industriels, distributeurs, artisans, à respecter des seuils maximaux en sel, en sucre, en acides gras saturés ou des seuils minimaux en fibres.
Pour être très concret, c'est ce que nous avons fait, et je veux saluer, par exemple, l'engagement de nos producteurs de céréales et de nos boulangers. On avait lancé cette mobilisation il y a quelques années, lors d'une galette des rois à l’Élysée pour tout vous dire. Eh bien, nos boulangers, mais toute la filière céréalière l'a fait, entre 2018 et 2023, on a baissé de 25 % la teneur en sel dans le pain courant. Ça a été un très gros travail pour tout le monde. Ça ne coûte pas un centime de plus, mais ça améliore la santé de tous ceux qui mangent ce pain. C'est exactement la même chose qu'on doit faire sur le sucre, et c'est là aussi, pour continuer à vous motiver dans les actions très concrètes de tout le secteur privé, c'est par des choses ainsi très, très concrètes que nous pouvons avancer. Et en vrai, toutes nos sociétés ont un peu fait le contraire ces dernières décennies en allant beaucoup trop vers la transformation excessive de l'alimentation.
Il faut parfois transformer les aliments, mais il faut à chaque fois regarder si on peut transformer moins, et si on peut, par une action collective, justement, améliorer cette qualité, parce que, je le dis, l'industrie des plats transformés a aussi créé une société un peu transformée. Et donc, on peut faire mieux. Et la qualité de notre alimentation, je finirai par-là, c'est finalement le fruit d'un cycle complet, celui d'une seule santé, cher docteur TEDROS, parce que notre santé dépend, en effet, de ce que nous mangeons, et donc de la santé aussi des sols, des plantes, des animaux. Et on voit combien ce combat pour la nutrition est jumeau de notre combat pour la santé, mais aussi pour la biodiversité et l'écologie. Je salue les organismes de recherche qui sont là et qui nous aident partout à améliorer, justement, la capacité à mieux produire. Et donc, à l'heure où nous avons des inquiétudes qui émergent et qui sont légitimes sur la pollution de l'eau, la présence de microplastiques, de perturbateurs endocriniens, notre devoir est aussi de regarder la question de la nutrition sans tabou et comme vous l'avez très bien dit, Votre Majesté, sans silo.
C'est fondamental si on veut réussir ce pari. Et donc c'est aussi, dans nos sociétés, revenir sur parfois des habitudes ou des pratiques de production, veiller à la qualité des sols, de l'eau pour avoir une bonne qualité de l'alimentation, et réussir aussi à accompagner dans leur transition agricole et leur production, ce que vous faites admirablement, des pays en développement, des pays à revenus intermédiaires pour qu'ils, en quelque sorte, profitent de ce qu'on a collectivement appris et parfois des erreurs que nous avons commises pour nous améliorer. Et ce sujet-là, je souhaite que nous puissions le traiter avec tous les acteurs prêts à s'engager à l'occasion d'un One Health Summit qui tirera le bilan de ces dernières années et que, dans les prochains mois, nous organiserons pour, là aussi, remobiliser toute la communauté.
Enfin, je voulais vous dire que le sujet que nous sommes en train d'évoquer, donc ce nexus, au fond, de l'alimentation qui va de l'agriculture à la santé, en passant par les questions de logistique, de mobilisation, nous allons continuer à le porter à l'issue de ce sommet Nutrition for Growth dans le cadre du G7 que la France présidera l'année prochaine. Et donc, ce que je vous propose, c'est qu'on ait un segment de suivi de ce sommet d'aujourd'hui, l'année prochaine, en marge du G7 français, pour continuer à mobiliser tous les acteurs.
Voilà. Je ne serai pas plus long. Je voudrais simplement conclure en vous disant que vos engagements, votre présence disent beaucoup, dans ce moment que nous vivons, d'abord du caractère essentiel de ce sujet de l'alimentation, de l'insécurité alimentaire et nutritionnelle, de la nécessité de ce combat croisé, jumeau, partenarial, entre tous les acteurs que vous êtes, ça a été parfaitement dit, par la dirigeante d'Action contre la faim, mais on a en effet besoin de réussir à mobiliser toutes les énergies dans un moment où il y a de l'incertitude sur certains financements. Et au fond, ce que vous avez démontré par votre présence et vos engagements dit tout : ce sont près de quatre cents engagements qui ont été pris sur la plateforme, et ce soir, ce seront plus de 27 milliards de dollars qui seront mobilisés autour de ces engagements.
Donc, bravo à vous ! Merci infiniment pour votre énergie, votre mobilisation. Et nous allons tous ensemble continuer ce combat, ce combat pour la paix, ce combat pour l'alimentation, ce combat pour notre planète, ce combat pour une action collective, respectueuse et responsable.
Merci à toutes et tous.