À l’invitation du Président Trump, le Président Emmanuel Macron s'est rendu à Washington ce lundi 24 février 2025.
Ce jour marquait le troisième anniversaire de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine.
Dans ce moment d’une gravité particulière, la France, les Etats-Unis et les alliés européens doivent entretenir un dialogue permanent et confiant, alors que la sécurité de l’Ukraine et de l’Europe sont en jeu.
Dans la matinée, les deux chefs d'Etat ont participé à une visioconférence avec les autres membres du G7.
Ils se sont ensuite retrouvés pour un entretien bilatéral puis un déjeuner de travail.
Revoir leurs déclarations préliminaires :
24 février 2025 - Seul le prononcé fait foi
Propos du Président de la République en amont de son entretien avec le Président des États-Unis d’Amérique Donald Trump.
Emmanuel MACRON
Thank you, Mr. President. Thank you, Donald.
I want to thank Mr. President for his hospitality. We had a good discussion this morning for the G7 here. And for the third year of this war in Ukraine, and I think our common objective clearly is to build peace and a solid and longstanding peace. And this is what we will discuss, obviously, because I have great respect for bravery and the resistance of the Ukrainian people. And we do share the objective of peace, but we are very aware of the necessity to have guarantees and solid peace in order to stabilize the situation. I'm here as a friend because, through centuries, we've been friends, and we are personal friends, as you mentioned, because we work very well together. And I think the U.S. and France always stand on the same side, the right side, I would say, of history. This is exactly what it has to take today. And this is a very important moment for Europe as well.
I'm here as well after discussions with all my colleagues to say that Europe is willing to step up, to be a stronger partner, to do more in defense and security for its continent, and as well to be a reliable partner and to be engaged on trade, economy, investment in a lot of topics. So I'm very excited by the discussion we will have, and obviously, we will follow up. And I want to thank you again, Mr. president, for your presence, for Notre-Dame de Paris. You mean a lot for French people. And I want to thank you for that.
Le Président l'a dit, je pense que c'est un moment important. C'est un moment important de la discussion. On veut bâtir la paix en Ukraine, et le bilan qui a été rappelé est une réalité. Il y a plus d'un million de morts et de blessés depuis le début de ce conflit et de cette guerre d'agression.
Notre volonté, c'est que cette paix dure, parce que nous, nous avons déjà eu un cessez-le-feu et une paix qui n'a pas été respectée. C'était les accords de Minsk 1 puis 2. Et donc, le corps de cette discussion, c'est de s'assurer d'abord qu'il y ait un cessez-le-feu, ensuite que les Ukrainiens soient impliqués. Et je pense que ce que vient de dire à l’instant le président TRUMP est très important, c’est-à-dire qu’il va rencontrer rapidement le président ZELENSKY pour signer cet accord sur les minerais critiques et les terres rares et que c’est aussi un moyen d’avoir une application américaine forte. Les Européens sont prêts à prendre leur charge sous des formes diverses, de soutien à l'armée ukrainienne, de présence, y compris pour s'assurer que la paix soit durable. Et l'implication dans la durée des États-Unis d'Amérique à travers cet accord est une bonne chose. Et donc tout est encore à construire, et je ne veux pas préempter les discussions, mais nous partageons le même objectif et ce qu'on a discuté ce matin pendant une heure après la visioconférence ensemble et ce qu'on va continuer de travailler sont pour moi des bonnes avancées.
Journaliste
Est-ce que l'intégrité territoriale de l'Ukraine est encore un objectif crédible ?
Emmanuel MACRON
Je pense que plusieurs questions de votre collègue et vous posées en français rejoignent les questions posées par les collègues américains. D'abord, cette discussion est utile et construire la paix est une nécessité. La deuxième chose, c'est qu'aujourd'hui, une capacité de dissuasion qui est restaurée — et que c'est ce que veut dire le président TRUMP quand il n'y aura plus de problèmes — je pense que la force du réengagement américain aujourd'hui, c'est en quelque sorte l'incertitude aussi pour le président POUTINE.
Et donc il y a une capacité de dissuasion qui est là, qui permet de sceller d'abord sans doute une trêve, la capacité à vérifier que cette trêve est respectée, et ensuite un accord de paix qui permettra de reconstruire l'Ukraine, mais qui va apporter aussi les garanties de sécurité. Dans le cadre de ces garanties de sécurité, nous pensons que nous avons notre rôle à jouer. Et donc on verra à ce moment-là de la discussion, je ne veux pas la préempter, ce qui est nécessaire pour que l'Ukraine puisse rester un pays souverain. Et d'ailleurs dans les discussions entre l'Ukraine et les États-Unis d'Amérique, il y a cette question d'une souveraineté ukrainienne qui est respectée. Et donc nous, ce que nous avons préparé, en particulier avec nos partenaires britanniques, dans le cadre d'un travail très étroit qu'on a mené ces dernières semaines, et partagé avec tous les pays européens et alliés qui sont prêts à s'y joindre, c'est l'idée de dire, on est prêt à apporter ces garanties de sécurité. Les conditions, elles doivent être définies.
Journaliste
Par l’envoi de troupes ?
Emmanuel MACRON
Elles doivent être définies par l'accord. Ça peut aller jusqu'à l'envoi, comme l'a dit le président, de troupes qui iront observer que la paix est bien respectée, qui iront se positionner, pas sur la ligne de front, pas pour justement, en quelque sorte, être dans le conflit, mais marquer une présence comme une garantie.
Il y a d'autres moyens de soutenir qui peuvent être des soutiens inclus et capacitaires à l'armée, des structures nouvelles, mais je pense aussi que l'accord qui est discuté, le président l'a dit, la crédibilité américaine qui est mise dans ce moment, c'est aussi montrer que chacun est dans son rôle, mais que nous avons une unité : européens et américains, et donc avec une forme de garantie que les Américains prennent par la discussion sur les minerais critiques qui sont en train de finaliser.
Journaliste
Is France going to lift the block on the 300 billion frozen Russian assets in Belgium ? France has opposed unfreezing it to pay Ukraine and compensate the U.S. for its support. Is France going to lift its opposition to that ?
Emmanuel MACRON
We speak about frozen assets. We already used them to back, precisely, the loans negotiated at the G7. And it's part of the sanctions. So it will depend on the follow-up of the discussions. But clearly, we respect international law. It's just frozen assets now. You can take the proceeds of the frozen assets, but you cannot take the assets themselves, because it's not respecting international law. And we want to respect international law.
Journaliste
How is one different than the other ? If you can take the proceeds from it, how can you not … ?
Emmanuel MACRON
Because it's very different. You keep the assets, you take the proceeds because they are paralyzed in a certain way. You take the proceeds during the wartime, but you keep the assets. And it's part of the negotiation at the end of the war, because, I mean, this war costs all of us a lot of money. And this is the responsibility of Russia, because the aggressor is Russia.
Journaliste
Should the U.S. be compensated ?
Emmanual MACRON
So at the end of the day, this frozen asset should be part of the negotiation, all in all.
Journaliste
Will France support the U.S. being compensated ?
Emmanual MACRON
I support the idea to have Ukraine first being compensated, because they are the ones who have lost a lot of their fellow citizens and are being destroyed by these attacks. Second, all of those who paid for could be compensated, but not by Ukraine, by Russia, because they were the ones to aggress.
Donald TRUMP
Again, just so you understand, Europe is loaning the money to Ukraine. They get their money back.
Emmanual MACRON
No, in fact, to be frank, we paid 60% of the total default. And it was through, like the U.S. loans, guarantee, grants, and we provided real money, to be clear. We have 230 billion frozen assets in Europe, Russian assets, but this is not as a collateral of a loan, because this is not our belonging. So they are frozen. If, at the end of the day, in the negotiation, we will have with Russia, they're ready to give it to us, super. It will be loaned at the end of the day, and Russia would have paid for that. This is my wish.
Les deux dirigeants ont échangé sur la guerre en Ukraine mais également sur les coopérations stratégiques entre nos deux pays ainsi que sur les crises internationales où nous devons agir pour la paix.
Le Président Emmanuel Macron a souligné la nécessité de bâtir une paix solide et durable.
Une paix qui n’est ni la capitulation de l'Ukraine ni un cessez-le-feu sans garanties.
Revoir la conférence de presse conjointe :
24 février 2025 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse du Président de la République avec Donald Trump, Président des États-Unis d'Amérique.
Emmanuel MACRON
Thank you. Thank you Mr. President. Thank you dear Donald. Ministers, ladies and gentlemen. Mesdames et Messieurs et je veux dire quelques mots en français. Merci beaucoup, Monsieur le Président, cher Donald, pour votre hospitalité et cette visite. Vous l'avez rappelé, nous avons eu l'occasion, ces dernières années, lors de nos premiers mandats, de pouvoir échanger à plusieurs reprises à Paris, ici, à la Maison-Blanche et à travers le monde et ça a toujours été un bonheur et je dois dire que j'ai, en effet, ici des souvenirs encore vibrants. Et je vous remercie à nouveau, Monsieur le Président, d'avoir fait l'amitié à la France, de vous joindre à la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris que vous venez d'évoquer à l'instant. Ça a été une très grande fierté pour les Françaises et les Français de pouvoir ouvrir la cathédrale au reste du monde, et votre présence a signifié cette amitié.
Cette amitié qui vient de loin, le Président l'a rappelé, qui est aux origines, au fond, de l'indépendance américaine et de sa construction, et qui, à chaque fois que l'histoire a sonné, nous a ramenés ensemble du bon côté de celle-ci, c'est-à-dire comme étant unis pour défendre la paix et la souveraineté. Et je pense évidemment aux deux Guerres mondiales qui ont scandé le XX siècle. Au Lafayette, nous voilà, de Pershing jusqu'aux vétérans américains que nous célébrions il y a encore quelques mois sur la plage d'Omaha Beach. Et j'étais très heureux de revoir d'ailleurs tout à l'heure, lorsque vous m'avez laissé quelques minutes entre deux de nos rendez-vous, l'un d'entre eux qui est venu me visiter. Je veux ici dire le grand respect que nous avons pour tous nos anciens combattants et les vétérans américains.
Cette histoire nous oblige et c'est celle qui nous lie dans le contexte du monde qui est le nôtre. Et le Président l'a rappelé, le monde dans lequel nous vivons ne manque pas de défis. Alors, cette visite que nous avons décidée ces derniers jours avait évidemment un objectif premier, qui est la situation géopolitique. Et je dois dire que, Monsieur le Président, je me dois de vous remercier tout particulièrement d'avoir accepté d'aménager votre agenda pour que nous puissions nous voir si vite. Et je considère que nous avons véritablement eu des avancées substantielles lors de nos échanges. Et c'est pour moi une étape très importante de ce que nous vivons. Nous avons ensemble partagé une visioconférence avec l'ensemble des dirigeants du G7, qui nous a permis, 3 ans après le début de la guerre d'agression, de la deuxième phase de la guerre d'agression russe en Ukraine, de dire évidemment notre soutien au président ZELENSKY, au peuple ukrainien, mais aussi de partager notre volonté d'avoir une paix durable. Et je crois que c'est ce que vous avez, ces dernières semaines, rappelé avec beaucoup de force.
Depuis le 22 février 2022, où on nous annonçait une opération spéciale qui allait durer quelques semaines, chacun admire la bravoure du peuple ukrainien, qui a résisté. Et vous avez raison de le dire, Monsieur le Président, nous avons aidé, et je crois que nous avons eu raison d'aider, c'était notre responsabilité. Et je veux ici dire que l'Europe n'a pas ménagé ni minoré ses responsabilités. Nous avons, en effet, investi 138 milliards de dollars dans l'aide à l'Ukraine et aux Ukrainiens. Et je dis bien investi, parce qu'au fond, l'Ukraine a tenu ce front avancé de notre sécurité collective. Elle s'est battue durant ces années, elle continue de se battre pour son indépendance et sa souveraineté, mais aussi pour notre sécurité collective, parce que je crois que personne dans cette salle n'a envie de vivre dans un monde où la loi du plus fort peut s'imposer et où les frontières internationalement reconnues peuvent être du jour au lendemain violées par qui que ce soit. Alors, je considère que ces dernières heures, et vous l'avez d'ailleurs dit tout à l'heure, plusieurs choses se sont cristallisées et nous avons pu avancer sur plusieurs points. D'abord, je veux saluer votre décision de voir le président ZELENSKY, et de finaliser, en effet, cet accord qui est important pour les États-Unis d'Amérique et pour l'Ukraine sur les minerais critiques et les terres rares. Mais d'avoir cet échange de substances avec le président ZELENSKY dans cette phase est très important, et de pouvoir finaliser cet accord qui aussi acte votre engagement pour une Ukraine souveraine est, à mes yeux, un point très important et souhaitable.
Ensuite, votre volonté de bâtir la paix, nous la partageons. Et je veux dire ici qu'en responsabilité, plus de 10 ans après le début de la guerre et l'agression en Crimée, et 3 ans jour pour jour après l'agression russe dans le Donbas, et je le rappelle aussi dans le nord du pays à l'époque, la paix est une nécessité pour sauver des vies, pour aussi faire revenir des prisonniers chez eux, faire revenir des familles et des enfants, car je n'oublie pas ce drame humanitaire qui touche aussi le peuple ukrainien. Nous en avons longuement discuté avec le président et notre souhait est qu'il puisse y avoir, en effet, des conflits qui s'arrêtent, une trêve qui soit pleinement mesurable, vérifiable et qui permette la négociation d'une paix durable dans laquelle il y aura la question de la reconstruction de l'Ukraine, la question de ses territoires et la question des garanties de sécurité, c'est-à-dire du maintien de la paix dans la durée, car, je le redisais au Président, nous avons déjà connu des accords de paix qui n'étaient que des cessez-le-feu sans prévoir ces garanties de sécurité. Cela s'est appelé Minsk I, puis Minsk II. Et nous savons d'expérience que cela ne tient pas. Et je sais la volonté du président d'être un acteur durable, justement, de la paix dans la région, de vouloir cesser dans la durée cette paix. Et je crois pouvoir dire, après avoir consulté une trentaine de dirigeants européens et alliés ces derniers jours pour bâtir cette unité et pour venir vous voir, que tous partagent la même vision des choses. Nous voulons la paix. Cette paix ne peut pas signifier la capitulation de l'Ukraine. Cette paix ne peut pas être un cessez-le-feu sans garanties. Cette paix doit prévoir les conditions d'une souveraineté ukrainienne, permettre à l'Ukraine de négocier avec les parties prenantes toutes les questions qui la touchent et pour lesquelles elle est seule légitime à négocier. Et c'est une paix dans laquelle nous devons prendre nos responsabilités pour maintenir dans la durée sécurité et stabilité pour l'Ukraine et pour toute la région. Et pour nous, Européens, c'est une question existentielle.
Nous avons longuement discuté de cela avec le président. J'ai pu lui dire tout ce que nous avions travaillé avec le président ZELENSKY. On est rentrés dans le détail, justement, des différentes étapes d'une telle négociation, et nous avons pu aussi évoquer tout le travail qui a été fait avec nos partenaires britanniques pour concevoir, justement, ce que pourraient être des déploiements de forces de paix sur le sol ukrainien, qui constitueraient une part de ces garanties de sécurité, à laquelle d'autres pays, d'ailleurs, sont prêts à se joindre, et pour laquelle, évidemment, la solidarité et le soutien américain sont indispensables. Et je vous remercie, monsieur le Président, d'avoir commencé le travail avec nous sur ce point. Je crois pouvoir dire que l'accord que vous vous apprêtez à signer avec l'Ukraine et la discussion très claire que nous avons eue à cet égard, pour moi, sont des garanties solides, que nous nous sommes compris et que notre volonté est la même : la paix le plus vite possible, une paix solide et durable pour tout le monde et la reprise, en quelque sorte, d'une vie internationale qui permette d'offrir à tous des responsabilités, donc, dans ce cadre, des Européens qui prendront leurs responsabilités aux côtés de leur allié américain qui prendra les siennes.
À cet égard, je suis venu aussi ici porter un message, Président, de très grande clarté de l'engagement européen. Nous sommes engagés pour bâtir une paix durable. Nous sommes engagés comme Européens pour être partie prenante, justement, de ces garanties de sécurité. Et plus largement, nous sommes engagés, conscients que nous sommes, que les Européens doivent encore faire davantage pour la sécurité de l'Europe, sa défense, et en quelque sorte un partage plus juste du fardeau sécuritaire que votre pays porte depuis plusieurs années. Et au fond, pas simplement, monsieur le Président, vous savez l'amitié que je vous porte, parce que vous le demandez, vous le demandiez déjà avec force à votre premier mandat, mais parce que je crois que tout le monde maintenant en Europe est lucide sur le fait que c'est notre devoir pour nous-mêmes, en tant qu'Européens, compte tenu du risque qui nous entoure et de la responsabilité qui est la nôtre. Et donc le président Costa, ce matin, a rappelé cet agenda de Versailles de mars 2022, qui a déjà conduit les Européens à augmenter de manière historique leurs investissements. Les Européens sont prêts à faire davantage pour cette sécurité, beaucoup plus et beaucoup plus fort. Et plusieurs m'ont redit cela avant de venir vous voir.
Monsieur le Président, cher Donald, vous l'avez compris, cette paix par la force à laquelle vous croyez, c'est celle à laquelle nous sommes engagés par conviction et parce qu'en ce jour, je pense au peuple ukrainien, à ses sacrifices et à ce que nous lui devons. Nous avons également avec monsieur le Président évoqué les sujets économiques et, au fond, notre volonté de voir plus de prospérité aux États-Unis et en Europe. Nous avons eu des discussions, elles seront poursuivies par nos ministres, nos équipes, pour clarifier les sujets qui doivent l'être, mais, au fond, notre volonté, c'est qu'il y ait une concurrence juste et, au fond, pas de biais dans la concurrence de nos industries pour pouvoir échanger. Mais je veux ici dire combien les économies américaines et européennes sont liées. Ce sont les économies les plus imbriquées au monde. Ce sont 1 500 milliards de dollars d'échanges de produits, de services physiques et digitaux chaque année. Et je sais votre attachement à rétablir la balance des paiements. Oserais-je dire qu'en tant que Président de France, j'ai la même, puisque nous avons aussi un déficit commercial. J'essaye aussi de faire valoir qu'il fallait regarder pas simplement les biens et produits, mais les produits numériques pour lesquels vous êtes un très grand exportateur. Et, au fond, la solution, c'est de nous réengager sincèrement vers une concurrence justement qui soit équitable et la volonté d'avoir des échanges plus fluides et encore davantage d'investissements.
Vous êtes un très grand investisseur en France. Nous sommes le cinquième investisseur, nous, France, pas simplement l'Europe, dans votre pays. Et je souhaite qu'on fasse davantage de part et d'autre. Et je veux saluer d'ailleurs tous les investisseurs américains qui ont fait partie des grandes annonces pour l'intelligence artificielle il y a quelques jours à Paris, où 120 milliards de dollars d'investissements ont été annoncés en intelligence artificielle pour notre pays. Au-delà du lien transatlantique, c'est notre volonté d'avoir, en effet, plus de prospérité. Et je suis convaincu qu'il y a au fond un agenda positif derrière tout cela.
Enfin, nous avons ensemble évoqué plusieurs sujets sur le Proche et Moyen-Orient. Et je crois pouvoir dire que nous partageons la même volonté de ne jamais voir l'Iran obtenir l'arme nucléaire, notre volonté de revenir à, au fond, une approche avec les partenaires de la région en qui nous avons confiance, qui permette, et bien justement, de cantonner les activités nucléaires iraniennes, de pouvoir limiter ces capacités balistiques et de réduire ses déstabilisations régionales. Et sur la Syrie et l'Irak, nous partageons la même volonté aussi de ne pas voir les groupes terroristes islamistes reprendre de la force, retrouver de l'activité, parce que depuis des années, nos armées sont, avec courage, engagées dans ces pays, dans l'opération Inherent Resolve, dont vous avez le commandement et à laquelle nous contribuons, qui est une mission forte et importante, qui a contribué à la stabilité de la région. Et je le dis avec ici beaucoup de sincérité, de force et d'engagement, puisque la France a été touchée par un attentat terroriste en 2015 qui avait été préparé en Syrie par ces mêmes groupes. Et donc, nous ne cèderons rien dans cette région à vos côtés pour plus de sécurité.
Voilà, Mesdames et Messieurs. En tout cas, nos échanges ont été extrêmement fructueux, à la fois ce matin à l'issue de notre visioconférence et à l'instant avec le vice-président, les ministres et nos conseillers. Et je veux vous dire combien, après ces échanges avec le Président TRUMP, je suis convaincu qu'il y a un chemin. Nous avons partagé nos convictions, nos exigences. Nous savons tout le travail qui reste à faire et donc dans les prochaines semaines, nous avancerons ensemble et nous aurons l'occasion, nos équipes puis nous, de nous revoir dans des formats différents pour faire de cette paix solide, durable, je l'espère avec beaucoup de force, une réalité de court terme. En tout cas, Monsieur le Président, permettez-moi de vous remercier pour votre accueil, vous remercier pour la qualité de nos échanges et pour votre engagement. Merci, cher Donald.
Journaliste
Monsieur MACRON, vous êtes un des derniers leaders de l'Occident à avoir communiqué avec POUTINE avant l'invasion. Quel conseil, quelle recommandation pouvez-vous faire au président TRUMP pour vous assurer que, cette fois-ci, on puisse avoir des garanties suffisamment fortes de la part de POUTINE pour arriver à un accord de paix durable ?
Emmanuel MACRON
Je n'ai pas de conseils à donner au président TRUMP. Nous avons une relation de confiance. Mais mon impression, c'est qu'avec le président POUTINE, je pense que c'est toujours une bonne chose que d'avoir des conversations, même quand vous n'êtes pas d'accord. J'ai arrêté les communications après Boutcha et les crimes de guerre, parce qu'à mon sens, on n'avait rien à obtenir de sa part, à l'époque. Il y a une grosse modification qui s'est apportée parce qu'il y a une nouvelle administration, un nouveau contexte, donc il y a de bonnes raisons pour un réengagement de la part du président TRUMP. Mais mon expérience est la suivante. C'est quelque chose que j'ai partagé avec le président Trump et son équipe. En 2014, nos prédécesseurs ont négocié la paix avec le président POUTINE. Mais du fait du manque de garanties, particulièrement des garanties de sécurité, le président POUTINE a enfreint cet accord de paix. Et j'ai eu beaucoup de discussions, particulièrement au début 2022, plusieurs heures à la fois avec le président POUTINE, 15 jours, disons, avant le lancement de cette attaque. Et il a tout nié. Mais on n'avait pas de garanties de sécurité. C'est pourquoi le fait d'être fort et d'avoir des capacités de dissuasion, c'est la seule manière de faire en sorte que cela soit respecté. Et j'ai insisté là-dessus. Et c'est pourquoi je suis convaincu que les États-Unis ont la capacité d'y arriver.
C'est pourquoi je pense qu'on ne doit jamais dire « je n’enverrai pas de troupes sur le terrain », parce que là, c'est donner un chèque en blanc de violation des engagements. Je pense que c'est une bonne chose de discuter. Je pense que c'est utile de négocier. Je pense que c'est particulièrement important de travailler sur la paix. Mais ce qui est important pour moi, c'est de dire qu'il faut essayer d'obtenir quelque chose en premier lieu qui peut être évalué, vérifié. Assurons-nous d'avoir les garanties nécessaires à court terme, nous sommes disposés à être engagés. Beaucoup de mes collègues européens le sont également, mais nous avons besoin de ce soutien américain parce que ça fait partie de l'aspect garantie de sécurité et ça fait partie de la dissuasion également. J'ai le sentiment que cette capacité existe ici.
Journaliste
Pour le Président MACRON, est-ce que vous estimez que l'accord sur les minéraux critiques pour l'Ukraine est une garantie de sécurité de fait par les États-Unis, car les États-Unis souhaitent protéger ces réserves ?
Emmanuel MACRON
C'est une discussion très importante, non seulement pour les États-Unis, mais aussi parce qu'il y aura une première réunion très importante entre le président TRUMP et le président ZELENSKY. En deuxième lieu, je pense qu'il y a beaucoup d'avantages économiques de part et d'autre. Et troisièmement, on reconnaît la souveraineté de l'Ukraine et les intérêts de l'Ukraine, et en fait, c'est un alignement très important. Il y aura une négociation et des garanties de sécurité dans le cadre d'un paquet de mesures sécuritaires, la paix qui sera mise en place, et cette réunion représente un pas très important pour un accord de la paix.
Journaliste
Monsieur le Président MACRON, quelle est pour vous la principale avancée de votre entretien avec Donald TRUMP ? Et pouvez-vous nous confirmer qu'il y a effectivement un accord pour envoyer des troupes européennes de maintien de la paix ? Est-ce que la France va le faire ? Combien d'hommes ? Pour faire quoi ? Est-ce que ce n'est pas un grand danger d'envoyer des troupes françaises ou européennes en Ukraine ? Merci.
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. Pour revenir à votre question, je considère que la discussion d'aujourd'hui a été marquée par plusieurs avancées. D'abord, la confirmation, c'était une des choses importantes pour nous, ça fait partie de tout le travail qu'on a mené aussi avec le président ZELENSKY pour essayer de bâtir une proposition d'action qui soit acceptable pour l'Ukraine. Le fait que le président TRUMP a confirmé qu'il allait rencontrer rapidement le président ZELENSKY pour finaliser l'accord sur les minerais critiques et les terres rares, et pour avoir une discussion d'ensemble dans ce contexte. Ça, je pense, c'est un point très important.
La deuxième chose que nous avons dans le cadre de la discussion, nous sommes rentrés dans le détail de la proposition d'action que nous venions de faire, de comment la paix, ou en tout cas une trêve, des éléments concrets, mesurables, pouvaient être organisés, et comment ensuite on pouvait structurer la discussion. Et donc, la France, plusieurs autres pays européens, l'Ukraine, sont évidemment maintenant au travail pour pouvoir bâtir ce qui est cette paix durable avec des éléments très concrets dans lesquels il y aura justement les garanties de sécurité, les questions territoriales qui appartiennent totalement à l'Ukraine, la question de la reconstruction, la question du potentiel économique et des minerais rares. Et donc, là-dessus, on a pu discuter en détail de ces propositions d'action.
Et puis, la troisième avancée qui est pour moi vraiment un des acquis de notre discussion d'aujourd'hui et qui marque un tournant, c'est la précision avec laquelle nous avons parlé des garanties de sécurité. Et je pense que le président a eu lui-même tout à l'heure et encore aujourd'hui à l'instant des mots très clairs. Il veut la paix, nous voulons la paix, on est totalement d'accord. Nous voulons un deal rapide, mais pas un accord qui soit fragile. Et le fait qu'il y ait des Européens qui soient prêts à s'engager pour apporter leurs réponses à ces garanties de sécurité, et qu'il y ait une clarté maintenant du message américain sur le fait que les États-Unis d'Amérique comme alliés étaient prêts à apporter justement un soutien, une solidarité à cette approche, est pour moi un tournant. Et c'était un des acquis de ce déplacement et de notre discussion.
Pour ce qui est des troupes, je veux ici clarifier les choses. On a pu, par le passé — en particulier il y a un an, à des fins qui étaient, à mes yeux, pleinement légitimes — évoquer la possibilité d'envoi de troupes dans un contexte de guerre. C'était pour recréer de l'incertitude stratégique. Là, quand on parle de troupes, on en parle le lendemain de la négociation d'une discussion de paix durable. Et donc, une fois qu'il y a une paix solide, durable, négociée, signée par l'Ukraine et la Russie, dont nous serons collectivement les garants, la France a travaillé avec le Royaume-Uni ces dernières semaines pour dire, nous, on est prêt à contribuer. Et donc on a eu un plan qui a été discuté entre nos entités militaires pour dire, nous, on est prêt ; pas d'aller sur le front, pas d'aller dans des territoires contestés ou occupés, mais à marquer notre soutien pour nous assurer que la paix, telle que négociée, signée par les deux parties, est bien préservée. Et donc ce sont des déploiements, si je puis dire, totalement pacifiques, non engagés dans des combats, mais qui sont, si je puis dire, des déploiements de force de garantie. Elles seront, par définition, limitées, mais elles marquent une solidarité. J'ai échangé, je vous l'ai dit, avec tous nos alliés. Il y a plusieurs pays européens et non européens qui sont prêts à participer à cet effort. Les uns en continuant à aider l'armée ukrainienne, à maintenir ses capacités, à être dans la durée en termes de nombre de soldats ou en termes d'équipement. Les autres par la logistique ou les capacités sur le terrain, d'autres aussi à venir à nos côtés. Leur question à tous, c'était est-ce que c'est d'accord avec les États-Unis d'Amérique ? Et le Président a eu des mots très forts tout à l'heure pour dire oui, et pour même d'ailleurs nous apprendre que dans les discussions qui étaient en cours avec la Russie, c'était acceptable dans les échanges qu'il y avait eus avec la Russie. Et donc ça, c'est une avancée très forte. Et donc ça veut dire que les Européens prennent dans ce contexte leur part du fardeau puisqu’on s'engage, on avance, qu'on garde ce qui est la force de notre alliance à travers les décennies, qui est notre solidarité, et du coup la capacité de dissuasion que nous avons ensemble. Et donc non, ce n'est pas dangereux, parce qu'en fait, qu'est-ce que ça signifie ? Qu'il y a un accord qui va être signé par l'Ukraine et la Russie, qui a été déclenché par le Président TRUMP, dont nous sommes les garants, et qu'en quelque sorte, si la Russie venait à le violer, elle rentrerait de facto en conflit avec tous ceux qui se sont engagés dans un processus de paix. Et ça, c'est un changement. Ça n'a jamais existé ces dernières années. Ce n'est pas ce qu'on avait fait en 2014. Et donc c'est ça la vraie rupture, c'est d'avoir quelque chose de solide avec la capacité de dissuasion américaine, la capacité d'engagement des Européens et quelque chose qu'on va justement organiser ensemble.
Voilà. Donc ce n'est pas dangereux, mais c'est crédible. Et ça nous semble moins dangereux que des choses qui iraient beaucoup plus loin en termes juridiques. Et ça nous semble ce que nous devons faire pour garantir la sécurité. Et je veux le dire ici très clairement, c'est la sécurité aussi des Européens dont il s'agit. Et moi, c'est ce que je dis depuis des semaines. Si on ne garantit pas la sécurité de cette partie du territoire de l'Europe, comment garantir notre propre sécurité à tous ? Nous, nous vivons à 1 500 kilomètres de l'Ukraine, nous, Français, et c'est encore plus près quand on est évidemment Polonais ou Allemands. Donc c'est notre engagement pour la sécurité collective. Et en quelque sorte, c'est répondre aussi à l'appel qui nous est fait : « Vous devez, vous, entre Européens, être davantage engagés ; mais nous, Américains, nous restons en solidarité. On le fait en Ukraine et on doit le faire aussi pour notre sécurité collective. » Mais la clarification qu'on a eue aujourd'hui, pour moi, est un tournant.
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