Elle professait ne « rien avoir fait d’extraordinaire » de son existence, et pourtant, ses exploits, ses écrits, ses poèmes avaient composé cent ans d’engagement et de liberté. Avec la disparition de Madeleine Riffaud Résistante, journaliste, figure du monde communiste français, notre Nation perd une femme dont le courage continuera d’inspirer.
Née le 23 août 1924 en Picardie, Madeleine Riffaud reçut de ses parents instituteurs ses idéaux d’émancipation républicaine, et, sans doute, cet appétit pour trouver dans la poésie, de quoi changer la vie. En 1939, la jeune lycéenne connut une succession de tragédies personnelles qui se mêlèrent au cours sans appel de l’Histoire : la tuberculose, l’exode de sa famille devant l’arrivée des troupes allemandes, le franchissement harassant de la ligne de démarcation pour rejoindre le sanatorium…De cette chape de malheur, elle décida de faire un chemin de lutte et d’espérance, en entrant dans les rangs de la Résistance. D’abord, en 1941, en Isère, puis à Paris, où elle poursuivit ses études de sage-femme. Prenant un nom de poète – Rainer – en hommage à Rilke, Madeleine Riffaud fit ses preuves dans les réseaux de combat communiste. En 1944, devenue membre des FTP, elle fut arrêtée après avoir abattu de deux balles dans la tête un officier nazi. Torturée par la Gestapo, promise à l’exécution, Madeleine Riffaud parvint le 15 août à s’évader du train devant la conduire à la déportation. Une semaine plus tard, le 23 août, Madeleine Riffaud fêta ses vingt ans en contribuant à la Libération de Paris, menant la capture de 80 soldats allemands ou prenant part aux combats autour de la place de la République.
Ayant reçu une citation à l’ordre de l’armée pour ses actes de bravoure, Madeleine Riffaud plongea, après la guerre, dans une détresse transcendée par l’écriture poétique et interrompue par sa rencontre avec Claude Roy, et à travers lui, les écrivains compagnons de route du Parti Communiste français, tels Paul Eluard, Louis Aragon, Vercors, Pierre Daix, qu’elle épousa. Parce que l’ex « Rainer » de la Résistance n’avait perdu ni cet esprit de lutte, ni cette croyance dans les mots pour transformer le monde, elle devint journaliste, à « Ce soir » puis à « l’Humanité » ou « La vie ouvrière ».
Ses chemins de liberté et d’engagement la conduisirent ensuite vers l’Indochine, où dès 1947, elle prit fait et cause pour le soulèvement mené par la guérilla communiste. Témoignant de la guerre au Nord-Vietnam, dont elle tira deux livres de reportage en 1965 puis 1967, Madeleine Riffaud couvrit ensuite le conflit en Algérie, là encore, du côté des partisans de l’indépendance, et faillit y perdre la vie, visée en 1962 par un attentat de l’OAS. Revenue en France, la journaliste toujours soucieuse d’aller rencontrer les destins en marge, toujours guidée par l’idéal de justice, retrouva son métier d’aide-soignante et fit paraître un essai sur son expérience dans un hôpital parisien, « Les linges de la nuit », en 1974.
Vingt ans plus tard, en 1994, à la demande de Raymond Aubrac, Madeleine Riffaud consentit à partager ses souvenirs de Résistance, tus jusque-là : l’épreuve de la torture, les camarades FTP du groupe Saint-Just, l’assaut contre le blindé allemand dans le tunnel des Buttes-Chaumont. Elle fit ainsi œuvre de mémoire auprès des élèves avec lesquels elle partageait ses conceptions de la solidarité et de la révolte, cette manière d’aborder le monde « poing fermé » selon le titre de l’un de ses recueils de poésie.
Le Président de la République et son épouse saluent la figure d’une héroïne qui écrivit le nom de « Liberté » dans notre Histoire, par sa bravoure, par ses poésies, par ses mots de combat. Ils adressent à sa famille, à ses proches, à ceux qui l’aimaient et ceux qui furent inspirés par ce siècle français d’humanisme, leurs condoléances sincères.