Avec la disparition de Victor Perahia, Président de l’Union des Déportés d’Auschwitz, la France perd un passeur de mémoire, l’un des visages du souvenir de la Shoah pour la Nation.
Né le 4 avril 1933, Victor Perahia vit le jour dans une famille de marchands-forains. Dès son enfance, puis pendant l’Occupation, l’enfant d’un père d’origine turque et d’une mère française fut confronté à l’antisémitisme de ses camarades de classe. Le 15 juillet 1942, à Saint-Nazaire, Victor et ses parents furent arrêtés par des SS, puis conduits à Angers. De là, son père fut déporté à Auschwitz ; Victor Perahia et sa mère vers Drancy. Dans le camp, surpeuplé par l’arrivée concomitante des prisonniers de la rafle du Vél’ d’Hiv du 16 juillet, ils survécurent à la faim, à la violence et au froid, et évitèrent la déportation grâce à la ruse de sa mère. Cette dernière en effet prétendit être une femme de prisonnier de guerre et le démontra en récitant inlassablement le récit d’une vie qui n’était pas la sienne. Le 20 mai 1944, ils furent déportés au camp de concentration et de travail de Bergen-Belsen où, pendant un an, Victor Perahia accompagna sa mère dans la tragédie, avec une force de vie qui le rendait certain de s’en sortir. Le 22 avril 1945, cette fois, exsangue, atteint du typhus, Victor Perahia sentit ses forces le quitter : « Victor, si tu m’aimes, ne meurs pas », lui intima sa mère. Le lendemain, le camp était libéré par l’armée russe. Orphelin de son père Robert et en deuil de son grand-père maternel, morts à Auschwitz, toujours malade, le jeune survivant passa deux ans dans un sanatorium.
Victor Perahia rebâtit sa vie après-guerre en reprenant ses études, en fondant une famille avec son épouse Rosette, en laissant au silence et à l’oubli pendant des décennies cette « enfance volée » selon le livre qu’il publiera finalement en 2015. Ce livre, fruit de six ans d’écriture, fut le premier jalon dans un travail de mémoire et de transmission que Victor Perahia poursuivit, en témoignant pour les jeunes générations dans les écoles de Paris ou au mémorial de la Shoah. Avec son humanité, ses mots sans appel, sa connaissance vive du camp de Drancy, il transmettait son expérience de la déportation. A Drancy, racontait-il, au spectacle des immeubles, des voitures, des autobus aperçus à travers les barbelés, il se demandait « mais pourquoi moi je suis derrière des barbelés, gardé par des gendarmes, alors que ces gens au loin peuvent rentrer chez eux ». Cette question d’enfant, ce cri universel de la conscience, cette intransigeance face au racisme et à l’antisémitisme le taraudaient encore et guidaient sa force pour éveiller les esprits. En guise de leçon ou de testament pour les générations à venir, il estimait sans limites « la cruauté humaine », et imprescriptible, le devoir de lutter contre « toute forme d’intolérance et toute atteinte aux droits élémentaires de l’homme ».
Le Président de la République et son épouse s’inclinent devant une vie guidée par la volonté de ne cesser de croire en l’humanité, en l’espérance de justice et de liberté. Ils adressent à sa famille, à ses proches, aux femmes et hommes porteurs comme lui de la mémoire de la Shoah, leurs condoléances émues.