Le Président Emmanuel Macron a assisté ce mercredi à la cérémonie de rentrée du Conseil d’État, au Palais Royal.

Il a rappelé l'intérêt de cette Institution et a salué également la qualité et l'importance de cette étude sur la souveraineté nationale dans un contexte européen, ainsi que le travail du Conseil.

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11 septembre 2024 - Seul le prononcé fait foi

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Déplacement à l'occasion de la rentrée du Conseil d'État.

Merci Monsieur le vice-président pour ces mots. Madame la présidente de l’Assemblée nationale, Messieurs les ministres, Monsieur le président du Conseil constitutionnel, Monsieur le vice-président du Conseil d’État, Madame la défenseur des droits, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Monsieur le premier président et Monsieur le procureur général auprès de la Cour de cassation, Monsieur le premier président, Monsieur le procureur général auprès de la Cour des comptes, Monsieur le président de la Cour européenne des Droits de l'Homme, Mon général, Messieurs les préfets, Mesdames et Messieurs les Conseillers d'État, Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités.

Je tenais à être ici parmi vous pour la deuxième fois dans ce moment si singulier de la vie de la nation. Et je veux, avant toute chose, saluer chacun des membres du Conseil et à travers eux, l'ensemble des magistrats de la juridiction administrative. Et je veux dire ici mon attachement et mon engagement à défendre votre rôle et votre indépendance.

Nous avons célébré voilà quelques mois les 150 ans de l’arrêt Blanco, l'acte fondateur du droit administratif moderne. Et dans cette décision était consacrée la compétence de votre juridiction pour connaître des litiges entre l'État et les particuliers et cette recherche de conciliation entre l'intérêt général et celui de chacun qui, 150 ans plus tard, est toujours le fin mot de votre fonction. Cette décision, rendue alors par le Tribunal des conflits au moment même où s'affermissait définitivement la République, n'avait rien d'une coïncidence. En effet, en cela, l'affirmation d'une juridiction administrative est une autre proclamation de notre République, car cette juridiction permet toujours de défendre la liberté contre l'arbitraire, l'intérêt général contre les revendications catégorielles, notre contrat social contre la tentation de l'individualisme. Elle défend chaque fois, elle vise à défendre, en tout cas, l'esprit même de ce que nous sommes en République.

Dans cette perspective, je me félicite aussi du rôle plus particulier que joue le Conseil d'État dans ses fonctions consultatives et juridictionnelles. Le Conseil a une longue histoire, marquée par des évolutions qui ont élargi son office et facilité son accès. La création des référées libertés, vous l'avez évoqué, son rôle dans la question prioritaire de constitutionnalité. Chacune de ces avancées ont affermi sa place éminente et par là notre État de droit. Le Conseil d'État permet à l'action publique d'être en amont plus robuste en droit, plus accessible pour le citoyen, plus proche des enjeux nouveaux que suscite le cours du temps et, si je puis dire en aval, de trancher les litiges, de dessiner l'équilibre en perpétuelle évolution entre les droits et les libertés. Je le dis ici pour ceux qui visent à remettre en cause sa liberté intellectuelle, qui jette contre lui le soupçon. Chaque fois comme conseil ou comme juge, le Conseil agit en parfaite indépendance, sans complaisance, avec une absolue exigence. Et soyez assuré que j'en serai toujours le garant.

Je veux, plus particulièrement, avoir un mot pour saluer la qualité du travail accompli par le Conseil, mis en lumière d'une manière exacerbée au moment de l'épidémie de covid, car je n'avais eu dans cette enceinte jusqu'alors que la possibilité de le faire. Dans les conditions que l'on sait, vous avez eu à examiner tous les textes qui ont permis au Gouvernement et à la nation de traverser cette épreuve. Vous avez aussi jugé avec des décisions qui ont eu un retentissement important sur la liberté de manifester ou quant à la liberté de culte, en ne vous déportant jamais de votre rôle qui n'est pas de même nature que celui du décideur politique, qui a seule la légitimité pour in fine trancher le nœud gordien entre les contraintes sanitaires, celles des intérêts fondamentaux de la nation, les nécessités de notre vie économique et sociale. Et avec évidemment des décisions que j'assume et qui, je le crois, ont permis au pays d'être cette nation où les enfants ont manqué le moins de temps scolaire, où les entreprises ont été protégées, où les collectivités ont été soutenues.

Mais vous avez, durant cette période, avec aussi des innovations organisationnelles profondes et beaucoup d'engagement, permis de montrer que l'efficacité, la crise la plus aigüe était compatible avec l'état de droit et l'exercice de vos missions. Nous avons traversé cette crise en assurant la protection de nos concitoyens et démontré que les démocraties pouvaient être solides et exigeantes. Ayant dit cela et en cette rentrée, je voulais partager avec vous quelques convictions. Vous l'avez dit dans votre propos et le thème que vous avez choisi n'est, à cet égard, pas un hasard. Nos démocraties occidentales, ces derniers temps, ont été profondément touchées, parfois déstabilisées, par des transitions et des chocs. La transition climatique, la transition technologique, la transition démographique, les chocs géopolitiques aussi qui sont parfois les conséquences de ces transitions mêmes, l'instabilité du monde et le retour de la guerre sur notre continent.

Tout cela fait évidemment monter les peurs, les ressentiments, les divisions ou les pertes de repères et, au fond, cette conviction qui s'installe chez nombre de nos compatriotes pour reprendre une formule célèbre et, je l'espère, la détourner, qui vient de l'autre côté de la manche, ont le sentiment de « perdre le contrôle », perdre le contrôle de leur vie et qu'au fond, les citoyens que nous sommes perdons le contrôle, ce qui est le cœur même de la question de la souveraineté. Et toutes ces transitions, tous ces chocs font vivre à nos démocraties ce sentiment profond et des réponses simples adviennent. Basculons l'état de droit, ce sera beaucoup plus simple, pour reprendre le contrôle de nos vies, répondre à ces défis avec des règles sans doute moins contraignantes. C'est ce que proposent certains pour faire face à la transition démographique ou la transition climatique aux défis géopolitiques.

Chaque jour, acceptons une forme d'inéfficacité de l'action publique et allons vers l'arbitraire puisque ce système, au fond, ne peut plus rien. Et puis, au fond, considérons que le système ainsi bâti consiste à en effet donner le contrôle à d'autres, l'Europe ou qui sais-je, justifiant des choix plus radicaux. Je crois précisément que dans votre rôle si singulier, vous êtes au cœur, avec l'ensemble de notre administration, de ceux qui la dirigent, des réponses à ces défis du temps présent. Je retrouve en cela non seulement le thème du rapport de cette année, mais peut-être des années précédentes. Oui, je crois que pour répondre à ces défis, il faut d'abord tenir l'état de droit. Il faut ensuite renforcer l'effectivité des décisions jusqu'au dernier kilomètre et parfois peut-être simplifier notre action collective. Et enfin, il nous faut consolider cette souveraineté française et européenne. Ce sont en quelque sorte les 3 remarques que je voudrais ici faire.

L'état de droit, vous l'avez dit — j'ai eu l'occasion de le défendre au Conseil constitutionnel ou ailleurs et je plaiderai ici devant une assemblée déjà conquise — n'est pas le problème, il est le garant. L'état de droit, tout particulièrement dans le contexte qui est le nôtre, est la consolidation de nos valeurs les plus fondamentales, pas simplement d'un ordre constitutionnel, mais d'un ensemble d'équilibres de pouvoir, de séparation, de bons ajustements des pouvoirs, de leur fonctionnement, mais aussi de la possibilité pour les valeurs qui se sont construites à travers les temps d’être maintenues malgré les vicissitudes des décisions ponctuelles ou de l'actualité. L'État de droit ainsi défendu ne signifie pas pour autant la conservation perpétuelle de l'État du droit et c'est souvent la confusion qui est faite par beaucoup.

Et oui, il nous faut, pour protéger l'État de droit, lui permettre de traverser les époques, ce qui suppose des adaptations, des réformes pour gagner en efficacité, pour répondre à l'exigence de résultat et pour aménager l'État du droit mais dans un cadre qui ne vient pas trahir nos valeurs, qui ne vient pas trahir, le fondement même de ce qui nous tient ensemble. Je note qu'à travers la loi de programmation de la justice, nous avons considérablement accru les moyens de cette juridiction, car la juridiction administrative est une juridiction du quotidien et ce faisant, elle a permis d'améliorer aussi la manière de rendre le droit pour le judiciaire et, je le crois, de renforcer aussi la légitimité, l'effectivité perçue par nos concitoyens de l'ensemble de notre organisation.

Avec la loi dite immigration, la juridiction administrative a été aussi modernisée, réformée pour juger plus vite le contentieux des étrangers et de l'asile, sans rien céder de l'exigence et de l'éthique et sous le contrôle des juges compétents. Aussi, j'assume parfaitement les modifications apportées, pour ne citer qu'un exemple, à la Cour Nationale du droit d'asile et j'espère que ces transformations seront le socle dont le nouveau Gouvernement pourra se saisir pour former les réponses qui seront utiles au pays. Je le dis là, parce que ces derniers mois, nous l'avons vu, notre pays a été parfois bousculé dans ce dilemme entre modifier l'état du droit pour répondre à des défis qui parfois bousculent profondément nos concitoyens, leur quotidien auxquels nous devons faire face. Et l'État de droit que nous devons préserver et les valeurs qu'il porte avec les juges compétents.

Dans ce rôle prééminent pour guider l'action publique, le Conseil d'État apporte également un éclairage utile par ses travaux de prospective. Et celui de l'année dernière - je faisais un clin d'œil en le citant tout à l'heure - la Première ministre l'avait alors saluée, portait sur le dernier kilomètre. C'est un thème qui m'est cher, que je revendique depuis 2017 : l'obsession pour justement l'effectivité de l'action publique et bien sûr son efficience, dont vous avez rappelé l'importance. De nombreux exemples pourraient venir à l'esprit de la réforme du prélèvement à la source, aux difficultés de nos agriculteurs ces 7 dernières années. Mais des décennies d'action publique ont été marquées par la nécessité d'avoir une action publique en effet plus effective.

Mais je crois très profondément que, par les réformes successives, la volonté mise au plus haut de l'État de suivre dans la durée ce qui est porté par les parlementaires dans les textes, ce qui est ensuite traduit dans les décrets est une nécessité pour inscrire une culture renforcée de l'efficacité de l'action publique. Celle-ci qui, par notre histoire même, s'est souvent construite à travers la norme doit avoir comme complément indispensable une culture de l'effectivité, de l'efficacité, c'est-à-dire de la vie changée en quelque sorte. Et je crois profondément que c'est ce qui est au cœur de l'engagement de tous les fonctionnaires, qu'ils agissent dans les administrations centrales ou sur le terrain. Et c'est aussi, je crois, ce qui nourrit, pour partie, la défiance que j'évoquais. Et cette crise de l'action publique et de la démocratie qui traverse nos sociétés.

C'est pourquoi je salue le travail qui a été le vôtre, mais aussi l'engagement de toutes les administrations pour améliorer cette efficacité et cette effectivité des décisions prises. Car c'est aussi, je le crois, la bonne manière de faire fonctionner une démocratie. Permettre des débats publics qui, ensuite, conduisent le Gouvernement ou le législateur à proposer, le législateur à faire son office et à voter, l’administration à l’appliquer ou à prendre elle-même les décisions dans ses compétences propres, à faire que la vie des gens en soit ainsi changée, et qu’une responsabilité s’exerce pour qu’il y ait un avant et un après. Et je profite de cette expression dans cette institution qui occupe une place très particulière pour nos fonctionnaires, pour tous ceux qui se dévouent au service public pour affirmer à nouveau cet impératif d'effectivité des réformes.

Ayant dit cela, à mes yeux, cette effectivité est indissociable de l'effort de simplification - vous l'avez aussi évoqué, je sais votre disponibilité pour cela ; et je crois savoir que vos Premiers ministres auront à cœur de porter justement des initiatives en matière de lutte contre les surtransposition ou pour la simplification. Mais oui, il y a quelque chose aussi par cette sédimentation accrue et le fonctionnement même des pouvoirs au sein de notre démocratie, d'un risque de paralysie ou d'illisibilité de l'action publique.

L'un de vos confrères, Monsieur COMBREXELLE, dans un livre récent Les normes à l'assaut de la démocratie, est même plus définitif et audacieux que moi par son seul titre, mais explique bien le chemin par lequel la multiplication des normes, la fragmentation parfois de l'action publique elle-même vient presque paralyser celui ou celle qui veut agir. Et cette sédimentation, cette multiplication des émetteurs de normes, cette culture de la norme elle-même qui s'est parfois installée au plus profond de l'action publique, la pénalisation aussi croissante de notre vie publique et de ce qui touche nos décideurs, eh bien, peut conduire notre action à être collectivement moins efficace.

C'est pourquoi je souhaite que vous puissiez aussi jouer ce rôle d'éclairer dans l'avenir pour aider à innover, peut-être inciter parfois là où on pourrait éviter de normer et nous permettre en effet de simplifier et de changer cette culture administrative qui, je crois, a besoin de plus d'innovation, peut-être de plus d'incitations et de moins de normes accumulées.

Cette année le Conseil d'État, vous l'avez dit, c'est la troisième remarque que je souhaitais faire, s'est penché sur le thème de la souveraineté. C'est, je crois, en effet celle-ci qu'il faut à nouveau revendiquer pour ne pas la laisser aux tenants d'une vision par trop restrictive. Je ne veux pas ici paraphraser vos propos et sans vouloir discuter ou arbitrer les pistes que vous esquissez, parce que ce n'est ni le lieu ni l'heure, je crois ce thème particulièrement important.

Je le disais en introduction, la souveraineté est au cœur de l'histoire de votre institution. Qu'est-ce qu'un pouvoir souverain face aux droits des individus ? La justice administrative procède depuis 150 ans à borner ce territoire, à l'éclairer des nouveaux enjeux. Je pense à la construction européenne, à la protection de l'environnement, au numérique, à la conservation des données, aux risques terroristes, à la bioéthique et demain, déjà aujourd'hui à l'intelligence artificielle.

En République, la souveraineté appartient au peuple. La souveraineté doit d'abord s'articuler avec ce sur quoi je suis revenu, la force de notre État de droit. Et j'ai déjà eu l'occasion de le dire lors de la célébration des 65 ans de notre Constitution, un régime qui respecterait l'État de droit mais aurait perdu le sens de la souveraineté du peuple, ne serait plus que le gouvernement des juges. Et vous avez rappelé les déformations autour de cette formule parfois rapide. À l'inverse, ne plus respecter l'État de droit reviendrait à une forme de tyrannie de la majorité sans frein contre les atteintes aux libertés publiques, contre les atteintes au pluralisme et aux droits de chacun. Une République tient toujours sur cet équilibre entre l'expression du peuple et la lumière de nos grands principes. Et en République, notre peuple choisit pour lui-même, mais au sein d’un univers de démocratiques qui l'a précédé et, lui, survivra.

Être une démocratie, être en République, c'est ce combat permanent, cette tension. Vous esquissez dans votre rapport un certain nombre d'orientations que je regarde avec un intérêt tout particulier pour renforcer l'exercice plein de la souveraineté du peuple : refaire des citoyens à l'école et ensuite dans la vie sociale, dans une vie de citoyen libre et éclairé ; retrouver une vitalité démocratique dans nos territoires et à l'échelle de la nation à travers des instruments nouveaux, certains que nous avons commencé à mettre en œuvre comme la convention citoyenne, mais aussi avec des consultations plus régulières ou encore le renforcement de la force morale de la nation dans son lien avec nos armées ; la proposition de service national universel, le plan de mobilisation civile peuvent en effet pleinement servir ce grand dessein, et je dois avouer que je ne saurai que trop partager les pistes que vous avez ainsi dessinées.

À ce titre, évidemment, le fonctionnement de la vie démocratique à l'ère du numérique ne manquera pas, dans les mois et les années qui viennent, de nous conduire à ouvrir de nouveaux chantiers, car si la souveraineté s'exerce par le peuple, l'opinion du peuple se forge chaque jour au frottement des opinions, des faits, de la manipulation de ces derniers, et elle se forge dans un espace qui, il faut bien le dire, ne vit pas aujourd'hui tout à fait avec les mêmes règles que l'espace public que nous avons progressivement poli, aménagées pour que la démocratie soit sereine.

La souveraineté ensuite, et surtout, c'est être capable d'écrire son propre destin. C'est cette indépendance dont, constitutionnellement, je suis le garant, et notre nation vit de cette ambition, porter sa voix unique, singulière et choisir pour elle-même son avenir. Et dans un monde grevé par le poids des interdépendances, parfois excessives, dans un monde de compétition, de rivalités, restaurer notre souveraineté est l'objectif que nous devons poursuivre. Vous l'avez dit et je vais utiliser les adjectifs successifs. Elle est plurielle, cette souveraineté, elle est économique, industrielle, technologique, donne force de financer nos propres choix et elle se multiplie selon les secteurs. Et en planifiant l'émergence des filières qui permettent d'assurer notre autonomie stratégique en matière de transition écologique, alimentaire, agricole, numérique, nous œuvrons à celle-ci et l'administration, aux côtés des acteurs économiques de la société tout entière, est en train de bâtir une œuvre singulière.

Notre administration a un rôle tout particulier à jouer à cet égard. Bâtir les stratégies, car la main invisible ne suffit pas, ou plutôt n'est pas faite pour répondre à cet objectif de souveraineté, trouver les règles qui permettent de voir où commence et où s'arrêtent les dépendances acceptables et les dépendances insupportables pour préserver l'autonomie d'une nation et le faire aussi par les normes et le droit. Quand on voit l'importance croissante de l'extraterritorialité du droit ou de certaines normes venant de l'autre côté de l'océan, on voit combien, là aussi, le travail qui est le vôtre, qui est aussi celui de nombre d’administrations et de nos juges, est ô combien important pour garder une souveraineté véritable dans l'action qui est la nôtre. Je ne vais pas ici faire l'inventaire de l'ensemble des politiques publiques menées. Toutes concourent ou doivent concourir par une stratégie bâtie et à poursuivre dans le temps long cette souveraineté. Car en effet, celle-ci suppose de la constance et, au-delà des oukases du quotidien, de maintenir dans la durée les stratégies ainsi définies.

La souveraineté française s'écrit aussi en Europe, c'est pour moi une conviction du premier jour. Bâtir notre souveraineté européenne, jadis un tabou pour nos partenaires, a été le fil rouge des dernières années. Et je ne peux que me féliciter que lorsqu'il y a 7 ans, en Sorbonne, j'évoquais une souveraineté européenne, on disait partout ailleurs en Europe que c'était une lubie française articulant le terme d'autonomie stratégique pour le même continent, on disait folie depuis Paris et qu'aujourd'hui, dans nos textes même, ces termes sont retenus. Car oui, la souveraineté européenne est ce qui permet le chemin de puissance et de prospérité, de défense aussi de nos valeurs humanistes.

Il nous faut l'affirmer dans ce moment d'accélération et de vents mauvais d’illibéralisme. C'est aussi par l'Europe, celle de l'Union européenne et de la CEDH, que nous pouvons continuer de défendre et de rendre plus effectif les principes et droits, et la défense aussi des intérêts de nos entreprises comme de nos compatriotes. Car c'est à l'échelle du continent européen que nombre de ces combats souvent se mènent.

Quelle souveraineté numérique véritable si elle n'est européenne ? Elle est très difficile à articuler à l'échelle du simple pays et sur beaucoup de questions, de l'énergie à la recherche en passant par les partenariats stratégiques. L'échelle européenne est indispensable pour renforcer la souveraineté nationale, pour lui donner là aussi plus de force, sans rien renier de la capacité nationale à être pleinement souverain. Vous l'avez rappelé, qui plus est, sur chacune des compétences qui sont exercées, c'est le peuple souverain lui-même, conformément à notre Constitution qui, par ses représentants, parfois en ayant à s'exprimer directement, l'a acceptée. Et c'est en contrôlant à chaque instant le respect de notre Constitution et dans cette hiérarchie des normes que vous venez à nouveau de décrire. Et donc, tous ceux qui voudraient expliquer qu'en quelque sorte, l'Europe est ce qui rendrait la nation française moins souveraine ou l'empêcherait, oubli de rappeler le chemin par lequel elle s'est construite et oublie sans doute aussi de regarder le monde tel qu'il va et les contraintes qui sont les nôtres.

Voilà les trois remarques que je souhaitais faire. Je ne peux pas dire, là, que vous ayez pu lire en ces propos, quelques pensées dissidentes à vos propos de présentation et je me félicite que vous ayez choisi pour l'année prochaine le temps long et l'indispensable esprit stratégique qui doit présider, en effet, à beaucoup de nos décisions. Nos institutions sont solides et c'est une chance et une force. Et je pense qu'au-delà de la réponse indispensable au quotidien aux préoccupations de nos compatriotes, chacune et chacun dans les compétences qui sont les nôtres, l'attachement au temps long et aux intérêts de la France est la mission la plus haute.

Alors, en ce jour de rentrée du Conseil d'État, je veux à nouveau saluer les nouveaux auditeurs, maîtres des requêtes qui font là une nouvelle rentrée et tous les membres à travers eux de la juridiction administrative, si dans nos tribunaux, nos Cours administratives d'appel et à travers, eux aussi, l'ensemble des fonctionnaires de l'État qui assurent aux Français la continuité de nos services publics.

Affirmer aussi que nous agissons tous au nom de la souveraineté du peuple français. Souveraineté conquise, précisée par les siècles tout au long de notre histoire et qui, de génération en génération, donne en quelque sorte ce palimpseste sur lequel veille le Conseil, le peuple d'aujourd'hui, souverain, qui s'exprime par le suffrage qu'il faut toujours prendre en compte parce que c'est le fait premier en toute démocratie.

La souveraineté du peuple, ce sont cette exigence et ce combat et la place qui est la mienne, conformément à mes devoirs, je veillerai toujours à notre souveraineté dans ces aspects évoqués, corollaires de l'indépendance de notre nation. Je sais pouvoir compter sur vous pour en prendre votre part comme chacun doit s'y employer dans l'unité, la responsabilité, la fermeté sur nos principes démocratiques et républicains.

Je vous remercie une fois encore. Bonne rentrée.

Vive la République et vive la France !

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