Le Président de la République s'est rendu en Serbie les 29 et 30 août 2024 à l’invitation d’Aleksandar Vučić, Président de la République de Serbie.

Depuis le déplacement d'Emmanuel Macron à Belgrade en 2019, le dialogue et la coopération entre la France et la Serbie n’ont cessé de se renforcer, comme en a témoigné la visite officielle du Président Vučić en France en avril 2024.

Conformément à ses engagements, le Président de la République a effectué une nouvelle visite en Serbie dans le but de continuer à approfondir la relation et la coopération bilatérale en matière de défense, d’économie, de santé, d’énergie, et de culture.

Ce déplacement était également l’occasion pour le chef de l’État de réaffirmer le soutien de la France à l’ancrage européen de la Serbie et notre détermination à continuer d’accompagner le pays sur son chemin européen.

Revoir la conférence de presse : 

30 août 2024 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse du Président de la République et du Président Aleksandar Vučić.

Emmanuel MACRON

Merci Monsieur le président, cher Aleksandar,
Monsieur le premier ministre,
Mesdames, messieurs les ministres,
Mesdames, messieurs les parlementaires,
Madame l’ambassadrice, monsieur l’ambassadeur,
Mesdames et messieurs en vos grades et qualités.

Monsieur le président, merci pour vos mots et votre accueil chaleureux. Et c’est pour moi-même et ma délégation un bonheur sincère de revenir ici, parmi vous, après la première visite de l’été 2019 que vous venez d’évoquer, dont je garde un souvenir ému.

Je tiens aujourd’hui par ma présence à renouveler le message d’amitié entre la Serbie et la France et affirmer de manière la plus forte possible que la place de votre pays est dans notre Europe et dans l’Union européenne. Alors, depuis cinq ans, beaucoup de choses ont avancé, vous l’avez dit. Beaucoup de choses ont aussi changé, parfois malgré nous, dans le contexte international. Mais depuis cinq ans, nos relations et nos partenariats ont pris un nouvel essor. Notre coopération économique s’est renforcée, les entreprises françaises sont engagées sur la durée dans des projets structurants comme le métro de Belgrade, la modernisation de l’aéroport Nikola-Tesla et nous remarquerons demain l’achèvement réussi des travaux, la modernisation du réseau électrique, le traitement des déchets ou la coopération en matière de santé. Les missions d’entreprises se sont multipliées dans les deux sens avec un succès croissant. J’en veux d’ailleurs pour preuve les derniers échanges à Belgrade en juin dernier et à Paris au début du mois, en marge des Jeux olympiques et paralympiques.

L’Agence française de développement a engagé en Serbie depuis 2019 près de 600 millions d’euros et prévoit de continuer à développer encore ses activités. Les experts techniques sont déployés dans le soutien aux réformes, à la transition écologique et énergétique entre autres, et les accords d’aujourd'hui sont extrêmement importants et innovants.

Nos échanges culturels et intellectuels ont également repris parfois et se sont démultipliés. La France était l’invitée d’honneur il y a quelques mois du Salon du livre de Belgrade et demain, vous l’avez évoqué, j’aurais le plaisir et l’honneur de visiter l’une de vos grandes institutions culturelles nationales à Novi Sad.

Alors, évidement, tout cela progresse et comment ne pas évoquer aussi les Jeux olympiques et au lendemain de l’ouverture des Jeux paralympiques de Paris, tout ce que nos liens doivent aux sports et aux sportifs qui nous rapprochent, à commencer par Novak DJOKOVIC. Les athlètes de nos deux pays se sont particulièrement distingués, et je tiens de nouveau à les féliciter. Je crois que dans les images fortes des Jeux de cet été, le grand sportif, le héros que vous avez su célébrer à son retour a marqué tous les esprits et a touché éminemment le public français par l'émotion qu'il a manifestée en même temps que l'exploit qu'il a accompli.

Si je reviens aussi en Serbie, c'est pour voir comment nous pouvons continuer à cheminer ensemble dans un contexte international et européen profondément bouleversé. Car depuis cinq ans, je le disais, beaucoup de choses se sont passées, les tensions se sont accrues, et vous l'avez rappelé, la guerre est revenue sous une autre forme sur le sol européen, avec l'agression russe en Ukraine. Alors face à ces questionnements, parfois à ces doutes, je veux dire ici ma conviction que l'Union européenne et ses États membres ont besoin dans ce contexte d'une Serbie forte et démocratique à leur côté et que la Serbie a besoin d'une Union européenne et souveraine pour défendre ses intérêts. La place de la Serbie est dans l'Union européenne et elle a un rôle important à jouer qui peut avoir valeur d'exemple et d'entraînement pour toute la région. Nous sommes déterminés à continuer d'appuyer tous les efforts en matière de consolidation à cet égard, de votre force économique, des réformes économiques, de l'amélioration de la vie au quotidien, ainsi que de l'état de droit. Je souhaite pour ma part que les négociations d'adhésion puissent avancer et que les conditions soient rapidement réunies pour l'ouverture d'un nouveau bloc de chapitre. Et la France est également disponible pour continuer à prendre des initiatives dans le cadre de la communauté politique européenne ; proposition que nous avons faite en 2022, à laquelle vous avez systématiquement participé et au sein de laquelle la voix de la Serbie est respectée et écoutée.

Comme la France, la Serbie aspire à une indépendance et une souveraineté que seule aujourd'hui une Union européenne dotée des moyens de son autonomie stratégique peut lui offrir. Et vous le savez, c’est la philosophie, la doctrine et maintenant la ligne d'action que la France porte depuis sept ans en Europe, qui depuis 2022 est assumée par tous les Européens, ce qu'on a appelé l'agenda de Versailles, qui est au cœur des boussoles stratégiques et de défense que nous avons définies et du mandat de la Commission actuelle. Cette autonomie stratégique, nous pouvons la consolider ensemble en renforçant notre sécurité, elle n'est pas l'exclusive de l'Union européenne. Elle est aussi au sein de la communauté politique européenne et avec des pays qui ont vocation à rejoindre l'Union européenne.

C'est pourquoi le choix des avions de chasse Rafale par la Serbie est, à cet égard, un choix clair, celui d'une alliance de long terme entre nos deux pays au sein d'une Europe plus forte et plus souveraine. Ce choix participe de notre autonomie stratégique et du renforcement de celle-ci, de sa base industrielle, de ses choix stratégiques, de son autonomie opérationnelle. Il nous faut bâtir aussi cette alliance en matière industrielle dans tous les secteurs où nous devons nous unir pour être encore plus résilients face à un environnement international devenu beaucoup plus incertain. Les crises géopolitiques, comme la pandémie que nous avons vécue il y a quatre ans à peine, ça n'est pas si loin, beaucoup semblent l'avoir oublié, nous ont fait toucher du doigt nos dépendances, nos vulnérabilités. C'est pourquoi les accords que nous avons scellés aujourd'hui, évidemment l'accord intergouvernemental et les 11 autres accords, dans énormément de domaines, vous venez de le voir, permettent d'approfondir nos coopérations, renforcer nos liens et améliorer notre capacité aussi à faire face aux grands changements, qu'il s'agisse des grandes infrastructures, du développement durable, évidemment de l'énergie — vous l'avez rappelé, vous avez dit combien c'était important pour votre pays et pour la région — des eaux usées, de l'innovation. Je vais ici aussi mentionner évidemment la santé, l'Institut d’oncologie qui est une avancée importante pour nous, mais également du numérique, des startups et de l'intelligence artificielle aux jeux vidéo. Nous avons beaucoup d'entreprises, qui sont ici présentes dans cette délégation, qui contribuent de l'accroissement de ce lien.

Je veux aussi vous remercier, Président, pour votre engagement tout spécifique au service, évidemment, de la langue française et les choix que vous avez faits, en particulier en termes éducatifs, et votre volonté que nous soutenons d'être un partenaire plus proche et plus actif de la francophonie. À cet égard, notre rencontre demain à Novi Sad avec des jeunes acteurs français et serbes autour des enjeux cruciaux de l'intelligence artificielle est très importante à mes yeux, alors que la Serbie préside le partenariat mondial pour l'intelligence artificielle et que la France accueillera, en février 2025, le Sommet international consacré à ce thème.

C'est vrai aussi dans les domaines des métaux stratégiques. Nous avons signé un accord important et je me réjouis de la signature de ce mémorandum d'entente entre nos deux pays sur ce sujet à propos duquel je mesure, évidemment, les passions qui parfois se réveillent, c’est un sujet majeur pour notre souveraineté, majeur pour notre transition énergétique. Nous avons aussi en France des projets importants en la matière et il est essentiel que les gouvernements coopèrent, notamment pour assurer que les projets respectent les meilleures exigences sur le plan environnemental. Nous sommes prêts ici à aider par notre propre expérience des décisions qui appartiennent évidemment à la Serbie seule, pleinement souveraine. Mais ce faisant, vous contribuez aussi à la souveraineté stratégique du continent.

Quelques mots enfin sur le dialogue avec le Kosovo. J'ai eu l'occasion de dire à de nombreuses reprises que la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina était une dimension intégrante du processus de rapprochement avec l'Union européenne. Nous avons passé beaucoup d'heures à discuter dans beaucoup de capitales d'Europe. Et c'est une question qui ne sera pas résolue sans un compromis entre les partis et, par conséquent, sans le courage politique d'y parvenir. Je félicite à cet égard les autorités serbes pour les décisions qui ont été prises en fin d'année dernière pour commencer à mettre en œuvre l'accord d'Ohrid conclu l'année dernière. Nous avons eu l'occasion, avec nos partenaires européens, de marquer nos préoccupations à l'égard des récentes actions unilatérales du Kosovo, qui ne constituent pas de bons signaux. Soyez, en tout cas, assurés que la France continuera à exercer une vigilance particulière sur les conditions de vie de la communauté serbe du Kosovo, et nous sommes particulièrement attachés dans ce contexte à la mise en œuvre de l'Association des municipalités à majorité serbe. Mais mon message aujourd'hui est avant tout un message de détermination et de confiance. Nous continuerons à soutenir les efforts de la médiation européenne pour progresser dans la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo, qui est aussi essentielle pour toute la région des Balkans occidentaux, et améliorer avec vous, avec vos principaux partenaires de la région, l'intégration de celle-ci. La libre circulation, une vie meilleure pour tous vos compatriotes.

Monsieur le Président, cher Aleksandar, je voulais terminer ce propos en vous remerciant à nouveau pour les choix stratégiques qui sont faits aujourd'hui, pour les engagements stratégiques qui sont faits aujourd'hui pour les engagements tenus. Depuis sept ans, nous avons échangé à de multiples reprises, depuis cinq ans, je suis venu ici, nous avons eu de longues discussions dans beaucoup d'endroits, nous avons partagé des analyses. J'ai beaucoup appris à vous écouter. Nous avons souvent été d'accord. Et quand il y a eu des désaccords, ils furent toujours respectueux. Mais vous avez toujours fait ce que vous m'aviez dit. Et ça a beaucoup de valeur pour moi.

C'est, à mes yeux, en droite ligne de l'amitié qu'il y a entre nos deux pays. Cette amitié s'est forgée à travers les siècles, dans des combats cruels pour nos pays, pour notre Europe. Et dans les moments importants, nos peuples se sont toujours trouvés côte à côte, sans doute parce que nos peuples, dans ce rapport à une forme d’idéal, un romantisme, un courage et le sens de l’histoire en commun. Ce faisant, je crois que les décisions prises aujourd’hui, les discussions qui se poursuivront modestement s’inscrivent dans cette histoire glorieuse et dans cette amitié solide. Soyez en tout cas assurés que je suis aujourd'hui et demain ici en ami sincère, respectueux, engagé, et qui veut continuer à écrire des pages nouvelles de l'amitié entre nos deux pays, dans un monde où tout est en bascule et où donc il est bon d'avoir des amis solides et des constances historiques. Nous les avons ensemble. Je vous remercie.

Aleksandar VUČIĆ

Merci beaucoup.

[Applaudissements]

Animatrice

Je remercie le Président MACRON. Nous avons le temps que pour deux questions. Je vous en prie.

Journaliste

Bonsoir. Sur la vente de Rafale, Monsieur le Président, pourriez-vous nous dire quelle garantie vous avez obtenue de votre homologue ? Êtes-vous sûr qu'aucun transfert de technologie n'aura lieu avec la Russie ? Et que la Serbie ne fera pas pression sur d'autres pays de la région comme le Kosovo ? Président VUČIĆ, doit-on comprendre qu'avec ces achats, la Serbie compte prendre ses distances avec Moscou et suivra la politique de sanctions européennes ? Enfin, je me retourne vers vous, Monsieur le Président, sur un tout autre sujet. Selon nos informations, lors de sa garde à vue, Pavel DUROV, le patron de Telegram, a déclaré qu'il était venu en France pour vous rencontrer. Première chose : était-ce le cas ? Et par ailleurs, son dossier de naturalisation a fait l'objet de refus de nombreux services français avant une validation finale de l'Élysée. Qu'est-ce qui a justifié cela ? Je vous remercie.

Emmanuel MACRON

Bien, je l'ai dit, pour moi, l'accord qui est signé aujourd'hui est un accord historique important. Il l'est parce que, je l'ai dit dans mon propos, nous croyons dans l'importance de la Serbie dans la sécurité du continent européen et que la Serbie rejoigne le club Rafale et nos partenaires les plus stratégiques en la matière est clé. Je vois tant de gens qui reprochent à la Serbie d'avoir des partenariats avec la Russie et la Chine. Ce que ne se félicite-t-on quand le partenariat est fait avec la France ? Formidable, c'est un vrai changement.

Moi, je suis respectueux de la souveraineté, évidemment, de la Serbie. Elle a d'autres partenaires, une histoire de ces partenariats, mais c'est une ouverture, un changement stratégique, malgré beaucoup de pression, qu'il faut souligner, parce que c'est un vrai courage stratégique et une chance pour l'Europe. C'est une vraie démonstration d'esprit européen.

Pour ce qui concerne la France, ses industriels, et évidemment le groupe Dassault et Dassault Aviation, toutes les garanties sont toujours prises pour préserver notre propriété intellectuelle, notre savoir-faire, et avoir un partenariat respectueux aux meilleurs standards, mais évidemment qui protège notre savoir-faire et ce que nous avons développé dans nos entreprises. Donc faites confiance et à l'industriel et à la délégation générale de l'armement et le ministère des Armées pour avoir fait tout dans les règles de l'art, comme nous l'avons fait dans tous les pays où des contrats similaires ont été faits. Voilà. Donc les garanties sont pleines et entières et surtout, ce qui a été défini ensemble est suivi. Mais c'est une formidable nouvelle parce que c'est un changement. Et ce faisant, cela participe de la paix en Europe. Car quand vous avez dans ce club Rafale la Croatie ou la Grèce qui, ces cinq dernières années, ont rejoint celui-ci, c'est une formidable chance d'intégration régionale, au-delà des autres pays, évidemment de la France qui, en Europe, font partie de ce club. Et donc, vous voyez l'aspect stratégique. Je pourrais citer, au-delà de cela, évidemment, tous les pays non-européens, des Émirats arabes unis, à l'Inde, en passant par l'Indonésie, et j'en oublie, qui ont rejoint notre partenariat, évidemment, l'Égypte, et qui montrent, en quelque sorte, la carte aussi de coopération possible. Mais ça contribue à la paix pour l'Europe parce que ça fera coopérer des armées de l'air, et ça permet à l'industrie française de se développer.

Sur votre deuxième question, et donc la garde à vue de Monsieur DUROV, je vais être ici très précis, très clair, parce que j'ai lu aussi beaucoup de fausses informations. La France est un pays qui protège la liberté d'expression, la France est un pays qui protège et aime l'innovation et les entrepreneurs. Mais nous sommes un pays où il y a une séparation des pouvoirs et où aussi nos règles, notre État de droit est contrôlé par des juges indépendants, c'est une bonne chose.

En ce qui me concerne, je n'étais absolument pas au courant de la venue de Monsieur DUROV en France, et c'est bien normal, d'ailleurs, parce que je n'ai pas à être au courant des allées et venues de ressortissants du monde entier, qu'ils aient la nationalité française ou pas. Il est faux que j'avais procédé à quelque invitation que ce soit. C'est totalement faux. Je n'étais pas supposé voir Monsieur DUROV, ni en fin de semaine dernière, ni dans les jours à venir. Je n'étais pas au courant qu'il allait arriver en France.

C'est une action indépendante de la Justice française en la matière, et ce sont les juges et les organismes indépendants qui ont procédé à ces actions qui auront à en donner la transparence. Enfin, pour ce qui est de la naturalisation, c'est en effet une décision que nous avons prise en 2018, de mémoire, et que j'assume totalement, et qui a été prise dans une stratégie totalement assumée, de permettre à des femmes et des hommes, qu'ils soient artistes, sportifs, entrepreneurs, lorsqu'ils font l'effort d'apprendre la langue française et qu'ils développent, justement, de la richesse, de l'innovation, qu’ils rayonnent dans le monde, quand ils le demandent de leur donner la nationalité française. Et je l'ai fait pour Monsieur DUROV qui, d'ailleurs, a pris la peine d'apprendre le français, comme je l'ai fait pour Monsieur SPIEGEL, entrepreneur américain, comme je l'ai fait pour des acteurs, des sportifs. Et je pense que c'est bon pour notre pays, c’est une très bonne chose et je continuerai de le faire à chaque fois avec justement ces règles que je viens d’évoquer. Voilà ce que je peux vous dire. Je n’en sais pas davantage, mais c’est aussi normal que je n’en sache pas davantage dans un État de droit où la justice opère de manière indépendante.

[Aleksandar VUČIĆ]

Emmanuel MACRON

Alors, vous m’avez demandé de qualifier la position géopolitique de la Serbie, de la qualifier, de la commenter. La bonne géopolitique de la Serbie, c’est celle qui sert les intérêts du peuple serbe. Et il y a une personne qui a la légitimité pour le faire, c'est le Président serbe. Pardon d'être direct et un peu simpliste, je dis ça parce que c'est la même chose pour la France. Ce que je veux dire par là, c'est que le rôle de chef d'État et de gouvernement n'est pas de commenter les politiques des uns des autres ou de donner des leçons, c'est juste de rappeler qu'une politique étrangère, une géopolitique, est avant tout au service du peuple. Les intérêts de ce peuple, qu’ils vivent mieux, que sa sécurité soit mieux assurée dans un environnement, et les environnements diffèrent selon qui nous sommes. Et donc, moi, je ne suis pas là pour qualifier ce que fait le Président serbe, c'est lui qui a la confiance de son peuple pour le faire. Les choses vont mieux en le disant.

Je pense qu'il y a une habitude qui a été prise un peu partout à travers le monde qui consiste à donner des leçons les uns aux autres pour savoir ce qui est bon et ce qui ne l'est pas. Je pense que ce n'est pas ça la politique. Maintenant, vous l'avez dit, il y a plusieurs visites. Le Président XI Jinping est venu. Il est venu ici, il partait de la France. Donc je pense que c'est une bonne idée de recevoir le Président chinois. J'ai fait pareil. J'ai fait une visite d'État il y a quelques mois. Il quittait les Pyrénées pour aller en Hongrie, puis à Belgrade. D'abord à Belgrade, puis à Budapest. Donc, bonne idée. C'est un grand partenaire stratégique. Et que votre Président, la Serbie, souverainement décide avec qui elle veut discuter, faire et avancer. Ce n'est pas à la France de commenter cela. Donc moi, je ne me positionne pas dans cette affaire.

Maintenant, je vais vous dire quel est l'intérêt de la France. L'intérêt de la France, c'est que la Serbie travaille le plus possible avec l'Europe. Parce que quand je regarde une carte, c'est assez simple. Je vois qu'on n'est pas si lointain, et que si je veux une Europe plus souveraine, plus autonome, plus forte, qui contrôle mieux sa politique énergétique, qui contrôle mieux ses migrations, qui a une sécurité mieux assurée, qui a moins de dépendance et de vulnérabilité en matière de minéraux critiques et autres, bah il faut qu'elle construise des partenariats structurés avec celles et ceux qui partagent sa géographie. Parce que beaucoup de choses peuvent bouger, mais on ne bougera pas sur une carte, ni la Serbie, ni la France. Et donc, dans ce contexte, ce que la France souhaite, ce à quoi elle doit œuvrer, c'est de tout faire pour ancrer la Serbie dans l'Europe et l'ancrer d'une bonne manière. Alors, ça peut être par les partenariats bilatéraux, c'est ce qu'on fait aujourd'hui. Tout ce qu'on fait qui permet de renforcer nos liens de défense industrielle, éducative, intellectuelle, est bon, parce que ça renforce une vision commune des problèmes que nous avons, des créations d'emplois de part et d'autre, de l'intelligence commune et de l'indépendance réciproque. Je veux dire par là, plus d'indépendance pour l'un, plus d'indépendance pour l'autre, par ces partenariats. Ce faisant, on dépend moins des autres, qui sont plus loin.

Deuxième élément, on peut renforcer ce lien par la communauté politique européenne. C'est pour ça qu'on l'a proposé, c'est-à-dire des liens intergouvernementaux entre une quarantaine de pays qui partagent cette géographie. Et c'est très important. On a des valeurs communes, mais on a aussi et surtout cette géographie, ces problématiques en partage. Et donc, je souhaite que dans la communauté politique européenne, on puisse avancer, structurer maintenant des partenariats plus concrets, en particulier sur les sujets que je viens de mentionner, migration, sécurité, énergie, défense. Et puis, il y a l'Union européenne. C'est le souhait de votre pays de rejoindre l'Union européenne. Nous, on a d'abord dit « non » parce que les règles ne nous allaient pas. On a changé et modernisé les règles et le processus pour le débureaucratiser. Et on a dit, stratégiquement, l'intérêt de l'Union européenne, c'est de s'élargir et de se réformer.

Les deux en même temps. C'est ma spécialité, le « en même temps ». C'est-à-dire, parce que je crois que c'est vrai, l'Union européenne, elle doit simplifier ses règles, elle-même se débureaucratiser, revenir à plus de subsidiarité, être beaucoup plus efficace, et dans le même temps, s'élargir à ces partenariats, et en particulier aux Balkans occidentaux, au premier chef, la Serbie. Est-ce que ça se fera demain, puisque c'était votre question subsidiaire ? Je ne vais pas vous mentir ou vous faire des promesses ou de Gascon ou bruxelloise. C'est un processus, il y a des préconditions. La question, en particulier, entre Pristina et Belgrade, en est une dans un processus.

Par contre, moi, je pense qu'on désespère tout le monde si on est trop lent et qu'on ne donne pas de perspective. C'est pour ça que 1) il faut plus d'investissements, 2) il faut plus de partenariats concrets, exactement ce qu'on fait aujourd'hui, 3) il faut des rendez-vous réguliers, la communauté politique européenne, 4) il faut être clair, on doit réformer l'Union européenne et on doit élargir. Donc la réponse est oui. Ça, c'est ce que je crois, bon, moi. Ma compréhension, c'est que la République serbe le croit aussi, la Serbie le croit aussi, et qu'elle souhaite avancer sur ce chemin. Eh bien, faisons-le ensemble. Et par rapport à ça, à la question de votre consœur, juste avant, sur les sanctions. Nous, on n'a pas de leçons à donner. Les sanctions, on les coordonne en européen. La Serbie serait-elle en Europe ? Je dirais que ce n'est pas bien de ne pas faire les sanctions. Elle n'est pas dans l'Union européenne, donc elle est souveraine sur sa politique de sanctions ; et c'est une bonne chose. Déjà, veillons, nous, à bien les appliquer, tous. Par contre, j'ai noté aussi que le Président avait pris des décisions courageuses, qui le rapprochaient géopolitiquement de nous, industrielles, qui lui ont coûté, et qui ont marqué sa volonté de s'engager avec les Européens sur plusieurs points. Il a pris des décisions humanitaires, il a pris des décisions sur les munitions, l'équipement à l'égard des Ukrainiens, il a endossé la déclaration que nous avons faite pour la paix en Suisse ensemble. Ça, c'est des choses qui comptent pour moi. Voilà.

Mais pour moi, tout ça repose sur un principe simple que je veux ici rappeler, la souveraineté. Et on fera une Europe plus forte, si on renforce nos liens, mais en reconnaissant et en respectant la souveraineté de chaque État et de chaque peuple.

Journaliste

Bonsoir, Monsieur le Président. Permettez-moi une question nationale, mais qui intéresse aussi beaucoup à l'étranger, notamment les pays alliés de la France. Lundi matin, c'est la rentrée pour des millions de Français. Pouvez-vous leur garantir qu'ils auront à ce moment-là un nouveau Premier ministre ? Et plusieurs forces politiques que vous avez reçues ces derniers jours ont jugé décevantes les consultations que vous menez. Vous ont-elles permis, à vous, de trouver une solution que vous jugez viable ? Et si oui, pouvez-vous nous en donner ?

Emmanuel MACRON

Alors, merci pour votre question et vous faites évidement votre travail et c’est tout à fait normal. Vous comprendrez bien qu’à la fois par respect pour nos amis serbes, je ne vais pas parler de politique française ici. Et par respect pour nos compatriotes devant lesquels je ne me suis pas exprimé ces derniers jours alors que je menais ce travail, je ne vais pas à l’occasion, au détour d’une conférence de presse à Belgrade, leur expliquer comment on va faire, ça paraîtrait désinvolte.

Donc, croyez bien que je fais tous mes efforts, et les jours et les nuits, et que je le fais depuis des semaines, même si vous ne l'avez pas forcément vu, pour aboutir à la meilleure solution pour le pays. En tout cas, la France a un Gouvernement qui gère les affaires courantes, qui a permis d'avoir des Jeux olympiques qui ont émerveillé le monde et j'en félicite vraiment nos athlètes, nos organisateurs et le Gouvernement et les services de l'État et les collectivités, de faire l'ouverture hier de nos Jeux paralympiques qui vont aussi illuminer le monde, qui en même temps fait face aux défis et aux crises du moment. Donc, je ne voudrais pas qu'on laisse s'installer l'idée que voilà, les affaires ne sont pas suivies. Après, je ferai mes meilleurs efforts et je parlerai aux Français en temps voulu et dans le bon cadre.

Journaliste

Tout d'abord, une question pour le Président MACRON. Vous avez beaucoup parlé de Communauté politique européenne, mais ce qui m'intéresse, c'est que les Balkans occidentaux attendent dans l'antichambre de l'Union européenne. On a entendu beaucoup de promesses dans les années précédentes. Quelles sont les chances d'accélérer les intégrations des Balkans occidentaux ? Est-ce que vous attendez la finalité et les résultats des guerres en Ukraine pour évaluer la future architecture de sécurité en Europe, et après, décider le destin des intégrations ?

Et une question pour le Président serbe : vous avez changé au niveau de l'énergie nucléaire. Comment vous réagissez au niveau de cette campagne plutôt négative ? Perception négative dans les médias concernant l'énergie nucléaire ? La France bénéficie la majorité de son énergie électrique des centrales nucléaires. Est-ce que vous pouvez nous dire quand est-ce qu'on peut s'attendre aux premiers Rafales et quelle version de Rafale va venir en Serbie ? On a vu une campagne plutôt négative dans les médias russes. Par exemple, Sputnik était très contre la visite MACRON en Serbie. Merci beaucoup.

Emmanuel MACRON

Juste en deux mots. D'abord, ce n'est pas choquant que Sputnik soit contre la visite de votre serviteur en Serbie et c'est une marque d'estime. En tout cas, je le prends comme tel et je m'en félicite. Et ensuite, ça montre que c'est efficace et que c’est surtout un instrument de propagande plus qu’une presse libre.

La deuxième chose, je l'ai dit à votre consœur juste avant, moi, ma volonté, c'est qu'on avance avec la Serbie parce que chaque pays a son processus, son calendrier. Il y a des pays qui sont rentrés après vous dans le calendrier. Donc je ne voudrais pas donner le sentiment que les Balkans occidentaux, c'est un grand tout. Mais je pense qu'il y a trois choses importantes à faire. 1) la communauté politique européenne, ce n’est pas un substitut, mais c'est un rendez-vous régulier entre États qui se respectent et dirigeants qui se respectent. Moi, c'est très important, parce que, je vais vous le dire, en tant que Président, je n'ai pas aimé les débats qu'on a eus à Bruxelles avec beaucoup de dirigeants, votre Président et d'autres, parce qu'on donnait le sentiment qu'on recevait devant un collège de professeurs des étudiants qui venaient dire s'ils avançaient ou pas sur le dossier. On ne faisait pas aimer l'Europe à faire ça. Et donc la communauté politique européenne, d'abord, on se retrouve régulièrement, ce qui n'était pas le cas avant, au moins une fois tous les 6 mois.

2) on est entre pairs. Et c'est comme ça que ça doit fonctionner. C'est-à-dire, on est des égaux. Il n'y a pas de statut, pas de taille, ce sont des chefs d'État et de gouvernement qui se respectent. C’est très important. La deuxième chose, c'est que les Balkans occidentaux, pour moi, il y a un chemin, et le Président l'avait avancé avec le Premier ministre d'Albanie il y a quelques années, il y a plusieurs initiatives qui avaient été prises, mais il y a un chemin d'intégration de la région des Balkans occidentaux que la France soutient. Et je pense que tout ce qui est fait pour que vos compatriotes, compatriotes serbes et tous ceux de la région puissent vivre mieux, mieux circuler, mieux échanger, créer plus de richesses, est une très bonne chose que la France soutient.

Et la troisième chose, il y a le processus d'intégration européenne qui suppose d'intégrer l'acquis communautaire. Et ça, c'est un travail des deux côtés. Ce n'est pas un travail facile, parce qu'il faut intégrer des décennies de règles, qu'elles soient sur les biens et services, qu'elles soient sur l'État de droit, etc., dans des pays qui ont chacun leur histoire. Il faut être respectueux. Donc, ça prend un peu de temps, c'est normal. Par contre, il est clair que, ça n'est pas lié à l'Ukraine, pour répondre très précisément à votre question. Chaque pays est regardé selon ses mérites propres, et c'est un processus méritocratique, qui est regardé et qui est un vrai dialogue politique. Et ensuite, ce qui est vrai, c'est qu'il y a des difficultés, parce que dans ce chemin, il y a des questions très sensibles et très politiques, comme celles que j'évoquais tout à l'heure en parlant de la relation Pristina-Belgrade, qui sont là et qu'on doit réussir à résoudre collectivement. Et on sait qu'elles sont sur ce chemin de l'intégration. Voilà les éléments que je voulais ajouter à la réponse que j'ai faite à votre consœur tout à l'heure.

[Aleksandar VUČIĆ]

Les deux dirigeants ont aussi rencontré des jeunes chercheurs du secteur de l’intelligence artificielle, alors que la Serbie assurera la présidence du partenariat mondial pour l’IA et que la France accueillera le Sommet de l’IA en 2025.

Revoir la rencontre : 

Enfin, les deux dirigeants ont assisté à l'inauguration du terminal de l’aéroport Nikola-Tesla de Belgrade, opéré par Vinci. 

Revoir l'inauguration : 

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