Le Président Emmanuel Macron a participé à la cérémonie du 80e anniversaire de la libération de la ville de Bormes-les-Mimosas, ce samedi.
Déclaration du Président @EmmanuelMacron depuis Bormes-les-Mimosas. pic.twitter.com/a00wqQRJ6Q
— Élysée (@Elysee) August 17, 2024
À cette occasion, le chef de l’État a rendu plus particulièrement hommage à la résistance de l’arrière-pays varois, en présence de maires des communes impliquées.
Revoir la cérémonie :
17 août 2024 - Seul le prononcé fait foi
Discours du Président de la République à l’occasion de la cérémonie du 80ème anniversaire de la libération de Bormes-les-Mimosas.
Monsieur le ministre,
Monsieur le préfet,
Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les maires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les présidentes et présidents d'associations,
Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités,
Borméennes, Borméens,
Chers amis,
Je suis heureux, monsieur le maire, une fois encore, de vous retrouver ce soir à Bormes, fidèle à un rendez-vous qui nous rassemble depuis 6 ans. Vous l'avez dit, cette année a été marquée hier par un drame. J'ai une pensée pour monsieur Berger, à mon tour pour toute sa famille et pour notre armée de l'Air et de l'Espace, car hier, c'est un ancien de cette armée qui a été touché et qui, ensuite, prenant la retraite, nous offrait les démonstrations aériennes au Lavandou, mais cette semaine aussi, ce sont deux pilotes de Rafale qui sont tombés pendant l'exercice de leur mission.
Alors, avec ces rites, se prend le pli des habitudes, les visages qu'on retrouve d'année après année, des porte-drapeaux, des présidents d'associations, dont je salue l'engagement, des Borméennes, des Borméens et de toutes celles et ceux qui font cette mémoire. Et des visages manquent. Je me souviens encore de Pierre Velsch, qui était assis ici même durant toutes ces années, ne prenant pas au sérieux son propre héroïsme et avec détachement, écoutant chaque année raconter ses propres exploits. Et comme vous, je me souviens de la petite Lana et j'ai une pensée pour elle et sa famille. Elle n'avait pu être là l'année dernière en raison de ses traitements. Et cette année, elle n'est plus.
Cette année est aussi particulière, Monsieur le maire, et vous l'avez évoqué, car elle est marquée par des rendez-vous importants pour la Nation. Nos Jeux olympiques, que vous avez admirablement évoqués à l'instant, nos Jeux paralympiques qui arrivent dans quelques jours. À la fin de l'année, la réouverture de Notre-Dame de Paris, le rendez-vous tant attendu, et en effet, les commémorations des 80 ans de nos débarquements et de ces moments si importants de libération de notre pays. Je veux vous remercier, Madame la ministre, pour le remarquable travail que vous conduisez et remercier en effet le Groupement d’intérêt public et Monsieur l'ambassadeur ainsi que toute son équipe pour tout ce qui a été conduit avec des historiens de grand renom, de la panthéonisation de Missak Manouchian, en passant par les débarquements de Normandie, les débarquements de Provence — nous y sommes — jusqu'aux libérations de Toulon, Marseille, Paris, puis Strasbourg, qui viendront scander cette année.
C'est en effet une année qui doit nous conduire à nous replonger, et vous venez de le faire, Monsieur le maire, dans ce moment d'héroïsme que chaque année, nous célébrons. Avec plusieurs d'entre vous, il y a deux jours, nous étions à Boulouris et la Nation rendait hommage à ces troupes qui partirent à l'assaut de nos rivages, l'armée B, l'armée d'Afrique, celle qui allait permettre ensuite la jonction en Bourgogne de nos deux armées et la pleine libération du pays.
Nous sommes inclinés devant la mémoire des Canadiens, des Américains, des Britanniques, venus ici pour notre liberté. Nous sommes inclinés devant la mémoire et les noms de ces Français de tous les continents, et en particulier d'Afrique, débarqués en ce petit matin et trouvant la mort sous le feu des obus, la furie des mines, les rafales des sièges, des villes de la côte, ces 230 000 soldats de tous les horizons qui firent de la France plus qu'un pays libéré, mais bien un pays vainqueur.
Nous nous sommes souvenus, et nous nous souvenons aujourd'hui, des 60 fusillés marins qui posèrent le pied aux Trayas dans un champ de mines, tous tués, blessés ou faits prisonniers. Ces hommes, venus du Maroc, d'Algérie, de Tunisie, de nos Outre-mer, d'Afrique et du Pacifique, hommes du général de Lattre de Tassigny, évadés de Montlouis et de Rion, qui atteignent Alger en 1943.
Accueilli par le général de Gaulle, qu'il n'avait pas vu depuis le début de la guerre, De Lattre de Tassigny s'entendit dire par ce dernier : « Vous n'avez pas vieilli. » Et de lui répondre « Mon général, vous avez grandi. »
Oui, l'épreuve de la guerre avait grandi les hommes de Londres, d'Alger, de la métropole, des mouvements, des Maquis, des réseaux. La France est grande toujours aux proportions de la force d'âme, de la soif de liberté, de l'esprit de résistance de notre peuple ; grandie par les épreuves, aux rendez-vous de l'histoire, grandes, comme le courage de cette armée d'Afrique et de ces commandos d'Afrique que nous venons d'honorer, mais des courages, aussi, des résistants de France, et tout particulièrement des résistants de Provence. Rien n'aurait été possible sans eux, sans leur refus de l'esprit de défaite et de l'amnistie signée par le maréchal Pétain.
Ils furent ces héros des Maquis du Var, terres républicaines dont la majorité des Parlementaires refusèrent le vote des pleins pouvoirs, pays des insurgés de 1851 et de Georges Clémenceau, vibrants de l'idéal des Lumières. Les résistants furent, ici comme ailleurs, ces humanistes. Georges Cisson, le syndicaliste chrétien, son camarade Henri Michel, socialiste et laïque, et avec eux, ceux qui permirent à la Résistance de s'implanter dans toute la Provence.
La Résistance, ce furent ces femmes qui, les nuits durant, imprimaient les tracts ou défilées à visage découvert pour le ravitaillement et contre le service du travail obligatoire. Ces ouvriers, entrés en grève à l'arsenal de Toulon, sur les chantiers navals de la Seyne, là où était passé 20 ans plus tôt le même Missak Manouchian que j'évoquais tout à l'heure, ouvriers et marins émus par le même idéal de justice et d'humanité que le poète traqué des rues de Paris. Ces réfractaires ou militants prenant le chemin du massif des morts et des Maquis. Ces adolescents ou anciens combattants dissimulés sur les sentiers des plateaux, encadrés par les officiers et sous-officiers des écoles militaires d'Aix-en-Provence. Ces équipes de réception de parachutage, balisant des terrains sûrs pour les aviateurs alliés, comme celles que dirigeaient René Char, alias le Capitaine Alexandre, dans les Alpes-de-Haute-Provence, protégé par le refus des habitants de Céreste de livrer son nom et sa cache à ceux qui le recherchaient.
Oui, cette histoire que j'évoquais sur cette même place il y a 6 ans déjà. « Tous s'unir dans ce temps », dit Char lui-même, « démons révoltés et des amitiés fantastiques ». Unis, guettant ensemble le grand jour de la libération, soulevés après le signal d'insurrection générale lancé au moment du débarquement du 6 juin, et sévèrement réprimés, traqués, arrêtés par la milice ou la Gestapo, comme les 85 exécutés entre Lambesc et la Roque-d'Anthéron, comme les 10 du Maquis de Siou-Blanc près de Toulon, comme ce fusil assignant juillet et en août dans le Vallon des Martyrs, ces résistants étaient là.
Et en célébrant le débarquement, ne l'oublions pas, car ils étaient le prélude du débarquement de Provence. Pour le long repérage des installations du mur de Rommel sur les plages et les collines, chemin visité en secret, passage furtif en avion le long des côtes, vol de nuit sur la Terre des hommes, et voilà 80 ans aussi qu'un aviateur de la France libre, Antoine de Saint-Exupéry, s'abîmait près de Marseille. Pour préparer aussi l'atterrissage, dans la nuit du 15 août, des troupes du général Fredérick près de Draguignan, guidées et accueillies par les Maquisards locaux.
Pour favoriser l'avancée si rapide des troupes alliées dans les villes de la côte et jusqu'à Marseille, chaque fois, l'insurrection populaire précéda ou fortifia le progrès des bataillons de tirailleurs, de spahis, de tabors, de Français libres, de soldats venus d'Afrique. Chaque fois, l'armée des ombres de la résistance accompagna l'armée des premiers soleils de Provence. Ils étaient là, ici même.
Les résistants de Bormes et du Lavandou, qui se dressèrent contre les soldats de la Kommandantur. Et ces derniers firent en représailles 300 otages promis à l'exécution dans les carrières de Bormes, heureusement délivrés quelques minutes avant leur fatidique par les troupes américaines. Là aussi, sur les chemins de Mandelieu, pour permettre l'évasion des quelques rescapés de l'assaut du Trayas, conduits par les Allemands vers la prison de Grasse. Les Résistants de Provence étaient là.
A Draguignan, avec la jeune Hélène Vidal, qui prévint les alliés que les gendarmes et les Maquisards avaient pris la préfecture et qu'il était dès lors inutile de la bombarder ; à Fayence, où la résistante Germaine Michel-Jaffard obtint à la seule force de sa conviction la reddition de la garnison allemande. Là, à Bormes et au Lavandou, villages qui accueillaient des Allemands et des Autrichiens antinazis, tel Emil-Alphonse Rheinardt, résistant en mort en déportation, ou Julius Munk, devenu médecin des Maquis FTP de Provence au prix de sa vie.
Là, à Hyères, à Toulon, où la résistance lança l'insurrection et où on entra le premier Jean Ayral, 22 ans, homme de confiance de Jean Moulin, au courage éprouvé dans tant de missions héroïques, à la vie emportée, sitôt foulé les rues du port en ruine.
A Marseille, où le commissaire de la République Raymond Aubrac remonta la Canebière alors même que les Allemands tenaient encore la ville. A Nice, où les résistants lançaient les combats à la fin du mois d'août, chacun, chacune, prit sa part, à sa mesure, à cette grande aventure française de courage et de liberté. Chacun consenti au sacrifice suprême.
Notre jeunesse, les jeunes maquisards qui s'inventaient pistiers, contrebandiers, soldats. Leurs chefs, comme le légendaire lieutenant Vallier, alias le Gleb Sivirine, cet enfant d'Odessa en Ukraine, réfugié en Provence, et qui, voilà 80 ans, libéra avec ses hommes la presqu’île de Giens. Tous, Français prêts à donner leur sang et leur songe, leur sève et leur rêve, pour cette idée universelle de notre Nation, pour son espérance d'humanité et de progrès en Europe et dans le monde.
René Char écrivait « Notre héritage n'est précédé d'aucun testament ». Leur héritage, c'était celui-là, notre héritage, une histoire de bravoure, de dépassement. Ce souffle de Provence, cette injonction a demeuré fidèle à cet esprit de fraternité et d'engagement, aux monts révoltés et aux fantastiques amitiés. Promesse de l'aube du 15 août.
Alors oui, vous l'avez parfaitement dit, Monsieur le maire, cet héritage nous oblige. Ne cédons rien à la division. Demeurons ce peuple toujours capable de renverser la fatalité du destin. Cette Nation, solidaire de toutes celles qui veulent demeurer libres, consciente de ce qu'elle doit aux enfants d'Odessa et de l'Europe, du Maghreb et de l'Afrique, des Antilles et du Pacifique. Un grand pays, notre plus bel héritage, un grand pays, un grand peuple que nous transmettrons plus fort et plus unis.
Vive la République.
Vive la France !