Le Président Emmanuel Macron s'est rendu en visite d’État en Allemagne du 26 au 28 mai 2024 à l’invitation de Frank-Walter Steinmeier, Président de la République fédérale d’Allemagne.

Dans la matinée du deuxième jour, le Président de la République et son épouse se sont rendus au Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe à Berlin avec le Président de la République fédérale d’Allemagne et son épouse. 

Il a ensuite remis les insignes de Grand-Croix de la Légion d’Honneur à Serge Klarsfeld et de Grand-Officier de la Légion d’Honneur à son épouse Beate Klarsfeld, deux militants qui ont traqué les nazis après la guerre. 

Revoir la cérémonie : 

En début d'après-midi, les deux dirigeants se sont rendus à Dresde pour déjeuner avec des personnalités locales et des jeunes talents franco-allemands de l’OFAJ, représentants de Génération Europe.

Ils ont ensuite visité l’Institut Fraunhofer et ont participé à une table ronde sur l’intelligence artificielle.

En fin de journée, ils se sont rendus à la Fête de l'Europe organisée sur la place Neumarkt. 

Le Président Emmanuel Macron s'est notamment adressé aux jeunes générations.

Revoir les discours des dirigeants : 

27 mai 2024 - Seul le prononcé fait foi

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Discours du Président de la République à l’occasion de la Fête de l’Europe.

Sehr geehrter Herr Bundespräsident, lieber Frank-Walter STEINMEIER,

Monsieur le Président, cher Frank-Walter STEINMEIER,

Sehr geehrter Herr Ministerpräsident, lieber Michael KRETSCHMER,

Monsieur le Ministre-Président, cher Michael KRETSCHMER,

Meine Damen und Herren,

Mesdames et Messieurs,

Liebe europäische Jugend!

Chers jeunes d’Europe,

Es ist mir eine Freude, hier bei Ihnen zu sein, hier auf dem Neumarkt. Vielleicht sollte ich sagen: Es ist mir eine Freude, endlich hier zu sein, nachdem ich unser Treffen letztes Jahr leider absagen musste. Aber: Aufgeschoben ist nicht aufgehoben!

C’est une joie d’être ici avec vous, sur cette belle place du Neumarkt à Dresde. Je dirais même : une joie d’être « enfin » ici avec vous, après notre rendez-vous que j’avais dû reporter l’an dernier. Mais ce n’était que partie remise.

Ich bedanke mich herzlich bei Michael KRETSCHMER, dieses Europafest erneut zu organisieren. Ich bedanke mich ebenfalls bei Frank-Walter STEINMEIER, der mich nach Dresden begleitet hat. Frank-Walter, du warst bereits letztes Jahr hier, heute sind wir gemeinsam in Dresden.

Je veux bien sûr remercier Michael KRETSCHMER pour l’organisation de cette nouvelle édition de la Fête de l’Europe. Je remercie également Frank-Walter STEINMEIER de m’y accompagner, en revenant ici, lui qui, depuis cette même scène, il y a près d’un an, vous avait fait applaudir en signe de solidarité avec tous les Français.

Meine erste persönliche Erfahrung mit Deutschland war in der französischen Schule. Ich lernte die deutsche Sprache und Kultur, und tue das immer noch. Ich tue mein Bestes, glauben Sie mir! Ich machte erste Reisen nach Deutschland, und tue das immer noch. So nahm ich zum Beispiel an einem Austausch zwischen Amien und Dortmund teil. Ich entdeckte Ihr Land, das damals noch durch die Mauer geteilt war.

Ma première expérience personnelle avec l'Allemagne a eu lieu à l'école française. J'ai appris la langue et la culture allemandes, et je continue à le faire. Je fais de mon mieux, croyez-moi ! J'ai fait mes premiers voyages en Allemagne, et je continue à le faire. J'ai par exemple participé à un échange entre Amiens et Dortmund. J'ai découvert votre pays, qui était alors encore divisé par le Mur.

Als François Mitterrand einige Wochen nach dem Fall der Mauer hier hierher gekommen war, gab es noch die DDR. Heute, als erster französischer Präsident seit der Wiedervereinigung, hier in Dresden vor Ihnen zu sprechen ehrt mich daher ganz besonders, es berührt mich sehr. Es ist eine Ehre für mich, als Franzose und Freund von Deutschland, aber auch für mich als überzeugter Europäer.

Quand François Mitterrand était venu ici quelques semaines après la chute du Mur, c’était encore la République démocratique allemande. Aujourd'hui, en tant que premier Président français à s'exprimer devant vous à Dresde depuis la réunification, je suis donc particulièrement honoré, cela me touche beaucoup. C'est un honneur pour moi en tant que Français et ami de l'Allemagne, mais aussi pour moi en tant qu'Européen convaincu.

Et pourtant, et pourtant, que de chemin parcouru depuis tant d’années ensemble entre l’Allemagne et la France, nous comme Européens. Aujourd’hui, ici présents, que nous venions de Varsovie ou de Prague, de Weimar ou de Görlitz, nous sommes tous parties prenantes de ce projet politique unique au monde : l’Union européenne.

Dresde, ville jumelle de Strasbourg, capitale européenne, est en quelque sorte la métaphore de ce projet. Ville ravagée par la guerre, dont la Frauenkirche, cette église bombardée en 1945 puis reconstruite en 2005, dresse vers le ciel un message d'espoir. Dresde, devenue toute entière phœnix et leçon d'espoir. Une ville d'histoire qui a su se projeter vers l'avenir et prendre le virage des temps. Dresde qui a vibré la première à chaque inflexion du siècle : des mouvements de dissidence en RDA, à l'appel à l'unité allemande lancée par Helmut Kohl en 1989 devant cette même Frauenkirche alors en ruine. Dresde et la Saxonie, qui a su prendre le défi du siècle, qui va de l'innovation, cette Silicon Saxony aujourd'hui inventée. Merci aujourd'hui de nous accueillir.

Mais si je suis devant vous aujourd'hui, c'est pour vous parler de notre Europe, de notre avenir, quelques semaines avant le 9 juin, où les citoyens, partout en Europe, auront à aller voter, se prononcer pour choisir un destin. Et le faire aujourd'hui parce que je suis profondément convaincu que sans doute plus que jamais, nous avons à choisir l'avenir de notre continent. Oui, plus que jamais, parce que l'Europe vit un moment décisif. Et je le disais à la Sorbonne, il y a quelques semaines, notre Europe peut mourir si elle prend les mauvaises décisions, parce que le continent européen qui est le nôtre, cette aventure politique inédite qui est la nôtre, c'est une histoire de paix, de prospérité et de démocratie.

Et aujourd'hui, en Europe, notre paix, notre prospérité, nos démocraties sont menacées si nous ne savons pas réagir, si nous ne savons pas prendre les bonnes décisions ! Et c'est là, oui, où l'Allemagne et la France ensemble, mais tous les Européens, ont une responsabilité inédite pour nous-mêmes et pour les générations à venir.

La paix, la paix d'abord ! Frieden ! L'Europe est un garant de la paix. Pour de nombreux parmi nous, cet argument semblait être dépassé, cela semblait être un signe du succès de ce que nous avions réussi à faire. Mais aujourd'hui, il y a à nouveau la guerre en Europe depuis la guerre d'agression lancée par la Russie contre l'Ukraine. En attaquant l'Ukraine, la Russie a attaqué les principes de la Charte des Nations Unies ; en attaquant l'Ukraine, la Russie a décidé de menacer la sécurité de notre continent tout entier.

Et je le dis, dans un endroit de l’Europe qui a vécu au fond une tout autre deuxième moitié de XXe siècle que mon pays. Parce que nous avions, en quelque sorte, abandonné cette partie de l'Europe à un rideau de fer qui soudain tomba, divisant notre continent en deux. Je parle ici avec beaucoup d'humilité à une partie de l'Europe qui a connu la domination de l'Union soviétique qui a bâti son propre chemin ; je parle ici dans une partie de l'Europe, qui a retrouvé l'unité, l'unité allemande, mais qui nous a, ce faisant, permis de bâtir, non pas un élargissement de l'Europe, non, mais qui a juste permis à l'Europe de se retrouver comme elle aurait dû toujours être unie. Je ne parle pas à l'Est de l'Europe, j'en parle en son centre, en vous parlant ici à Dresde.

Et oui, je vous le dis, la guerre d'agression menée par la Russie contre l'Ukraine est évidemment d'abord une guerre qui touche nos amis ukrainiens, leur souveraineté, leur intégrité territoriale. Et je veux ici saluer leur courage, la bravoure avec laquelle ils défendent leur sol, leur peuple, depuis maintenant dix ans et plus encore depuis un peu plus de deux ans. Nous pouvons ici les applaudir.

Mais se joue en Ukraine notre capacité à être en sécurité en Europe. Quelle paix, quelle sécurité en Europe si nous laissons la loi du plus fort l'emporter sur notre continent ? Quelle paix et quelle sécurité en Allemagne, en France, en Pologne, en Lituanie, en Roumanie, si la loi du plus fort prévaut en Ukraine ? Quelle paix, quelle sécurité si la Charte des Nations Unies est foulée aux pieds à quelques centaines de kilomètres d'ici ? Aucune.

Alors, je vous le dis, oui, en Ukraine, c'est bien notre sécurité et notre paix qui se joue. C'est pourquoi je suis si fier que, Européens depuis le premier jour, nous ayons été unis. Européens depuis le premier jour, nous avons décidé des sanctions contre la Russie pour empêcher son effort de guerre. Européens, dès les premiers jours, nous avons décidé de soutenir l'Ukraine. Nous avons décidé ensemble en Européens de lui ouvrir les bras, celle de la candidature à l'accession à notre Union. Et ensemble en Européens, aujourd'hui et demain, nous continuerons aussi longtemps et autant qu'il le faudra pour aider l'Ukraine à se défendre, à protéger son sol et à défendre notre sécurité.

Mais je le dis ici avec la même force, nous, Européens, nous ne faisons pas la guerre à la Russie ou au peuple russe. Non ! Mais nous n'acceptons pas la dérive d'un pouvoir autoritaire, révisionniste, qui a décidé de jouer avec l'avenir de l'Europe pour bâtir des rêves d'empire, divertir son peuple, nous ramener dans les pires moments du XXe siècle. Non, nous ne faisons pas la guerre à la Russie et à son peuple. Nous, Européens, nous voulons la paix, une paix durable, c'est-à-dire la paix que les Ukrainiens, parce que nous leur aurons permis de se défendre, auront choisi et négocié, une paix respectueuse de leur souveraineté, une paix respectueuse du droit international, une paix choisie et durable. La paix n'est pas la capitulation de l'Ukraine ; la paix est celle que les Ukrainiens auront choisie.

Et c'est pourquoi nous, Européens, au-delà de l'aide à l'Ukraine, avons aujourd'hui un défi : bâtir une défense et une sécurité commune. Nous en avons beaucoup fait ces dernières années, plus qu'on ne croyait, mais ce rêve de défense et de sécurité était aux prémices de notre Europe.

Et je dois bien avouer, avec beaucoup d'humilité, qu'au mi-temps des années 50, c'est la France qui l'arrêta. Mais depuis tant de décennies, nous avons en quelque sorte, nous, Européens, décidé de renvoyer la défense, la sécurité à chaque pays et parfois de la déléguer à d'autres grandes puissances, nos alliés, et en particulier nos alliés américains. Et je le dis ici avec une immense amitié, nous qui allons dans quelques jours recevoir nos alliés américains sur les plages de Normandie pour fêter les 80 ans du débarquement. Oui, nous avons eu de la chance d'avoir, durant ces décennies, des alliés comme les États-Unis d'Amérique pour nous libérer et dans cette période en Ukraine, pour nous seconder, pour être à nos côtés, pour aider les Ukrainiens avec nous. Mais nous arrivons à un moment de notre histoire où, au fond, nous avons le droit, même le devoir, de nous dire : quelle chance nous avons d'avoir ces alliés ! Mais est-ce raisonnable de leur demander toujours davantage d'efforts quand, il faut bien le voir aussi, leurs priorités sont parfois ailleurs ?

Nous sommes sur un continent que nous partageons - et la géographie, nous ne la changerons pas - avec la Russie qui, aujourd'hui, menace notre sécurité et a agressé l'Ukraine. Mais la Russie sera là demain, après-demain. Et donc, oui, nous sommes à un moment inédit de notre histoire où nous devons penser notre défense et notre sécurité par nous-mêmes et pour nous-mêmes, en tant qu'Européens. C'est-à-dire le faire comme alliés au sein de l'OTAN, le faire comme membres de l'Union européenne, mais nous dire aussi comme membres de la Communauté politique européenne : nous avons notre histoire, notre géographie. Et la vraie réunification de l'Europe sera une Europe qui sait penser son cadre commun de sécurité et de défense par elle-même et pour elle-même. C'est cela le défi des années qui viennent.

Et donc il nous faudra, dès les prochains mois, en Européens, redéfinir ce cadre. Quels sont nos risques ? Quels sont nos adversaires et nos ennemis ? Quelle est la nature des risques et des menaces ? D'où peuvent-elles venir ? La Russie ? L'Iran ? D'autres puissances ? Comment tenir notre voisinage ? Comment bâtir notre sécurité ? Dans quel cadre ? Nous devons bâtir ensemble un nouveau concept de sécurité commune. Et sur cette base, et sur cette base seulement, définir les capacités dont nous avons besoin, les projets communs à construire et les projets individuels, industriels, technologiques et d’innovation à construire ensemble en Européens.

Et arrêtons, au fond, sur cette question d’être parfois ou totalement transatlantiques ou totalement nationalistes ; soyons résolument franco-allemands, soyons résolument européens. Oui, c'est une révolution copernicienne qu'il nous faudra faire pour réussir à construire ce cadre de sécurité, de défense et donc de paix commun, le faire en Européens.

Mais ce moment est le bon. Cette époque nouvelle, Monsieur le Président, que vous avez nommée, est celle qui doit nous permettre de le faire. Les concepts, la stratégie, les capacités militaires, les armements et les équipements, mais aussi l'énergie, la technologie, tout ce qui fait une Europe plus indépendante, plus souveraine, une Europe qui peut se défendre, se tenir elle-même, une Europe qui peut survivre face à toutes les menaces, c'est cela ce que nous devons bâtir maintenant. C'est cela l'Europe possible de la paix, de la sécurité commune.

Le deuxième défi pour nos générations et pour les plus jeunes qui sont là, c'est la prospérité.

Je le disais, le rêve européen, ça a été celui d'un marché unique où nous avons d'abord, entre Français, Allemands et d'autres nations de l'Europe, mis en commun ce par quoi nous nous faisions la guerre, le charbon et l'acier. Puis, nous avons bâti un marché commun qui a permis une croissance inédite. L'Europe est un rêve de prospérité qui a permis de bâtir la croissance, mais aussi le modèle social le plus généreux du monde. C'est ça notre Europe. C'est ce qui fait sa force, c'est ce qui nous tient ensemble, ce qui a permis de bâtir cette Europe de la protection, de la culture, de l'avenir, cette Europe de l'Erasmus, de l'éducation, parce qu'il y a un modèle de prospérité qui a tenu.

Et là aussi, soyons lucides, regardons les trois dernières décennies. Quand on compare les États-Unis d'Amérique et l'Europe, la valeur ajoutée par habitant que nous avons créée est deux fois moins importante que celle créée aux États-Unis d'Amérique, deux fois moins importante. Et donc le risque qui est le nôtre, est tout simplement que nous ne sachions plus créer notre croissance. Et sans croissance, plus de modèle social, et dans un continent qui vieillit, qui a ce modèle-là, c'est la crise assurée. Et c'est la crise de la prospérité européenne qui nourrit tant d'angoisses, tant de divisions, tant de déchirements qui parfois fait monter les extrêmes. Et notre Europe qui s’est tant concentrée sur la compétitivité, qui parfois divise, qui a tant fait mais qui a aussi été, il faut bien le dire, trop lente à régler la crise financière, a aujourd'hui un problème de modèle de croissance. Alors oui, je le dis aujourd'hui à Dresde, notre Europe doit rebâtir ou plutôt bâtir un nouveau paradigme de croissance pour les générations à venir.

Et ce modèle de croissance, ce n'est pas choisir entre la croissance économique et la décarbonation ou plutôt le climat - certains voudraient au fond poser aujourd'hui cette opposition. Non, ce serait une erreur terrible. Et je vous le dis, ma spécialité, c'est connu pour les Français qui sont là, c'est le « en même temps ». Et le « en même temps » n'est pas une ambiguïté, ce n'est pas un mauvais compromis ; c'est le fait de dire qu'il y a des choses parfois qu'on oppose artificiellement qui, quand on les réconcilie, permettent de bâtir un chemin de progrès. Eh bien oui, ce nouveau modèle de croissance européen, c'est un modèle qui assume totalement des investissements massifs dans le climat et la décarbonation de nos économies. C'est ce qu'il nous faut faire aujourd'hui, plus vite et plus fort. Nous avons bâti le Green Deal en Europe. C’est la bonne régulation. Il ne faut pas réguler davantage ou mettre plus de règles, il faut plutôt simplifier parce que nous avons face à nous les Américains, les Chinois qui, eux, investissent sans mettre de règles.

Mais nous maintenant, il faut investir beaucoup plus d’argent public et d’argent privé. L’investir dans la décarbonation de nos économies, dans une énergie plus propre, renouvelable comme nucléaire, surtout préservation et efficacité énergétique. Il nous faut investir pour décarboner nos transports, nos villes, nos habitations. Il nous faut investir pour croître, inventer, ces technologies vertes qui sont l’avenir de notre continent. Et le faire à un moment où la Chine et les États-Unis investissent massivement et sont en train d’attirer ces opportunités à elles - opportunités qui, si nous ne nous réveillons pas, partiront ailleurs. Donc oui, à un plan d’investissement massif dans les technologies vertes et l’industrie verte en Europe.

Le deuxième pilier c’est une Europe de l’innovation, de l’intelligence artificielle.

On a besoin d’investir beaucoup plus dans notre recherche, notre innovation. Nous sommes encore loin des 3 % de l’agenda de Lisbonne. Je le dis dans un pays qui est l’un des meilleurs d’Europe, avec beaucoup d’humilité : nous, Français, nous n’investissions pas assez, nous sommes en train de rattraper et nous l’avons quasiment fait la part publique, nous n’investissons pas assez dans notre recherche sur le plan des financements privés. Mais partout en Europe, nous devons accélérer l’investissement dans la recherche, l’innovation et en particulier dans l’intelligence artificielle et le quantique. Et je le dis dans cette Silicone Saxony - nous venons de signer un accord entre le Commissariat à l’Energie Atomique et votre Fraunhofer - c’est l’un des enjeux principaux pour notre Europe. La croissance européenne passera par passera par l'intelligence artificielle, l'innovation, la recherche, des investissements massifs pour bâtir notre avenir. Alors allons-y avec force et ambition en européen.

Le troisième axe, c'est une Europe qui doit simplifier ses règles.

La France a du travail à faire et nous devons continuer nos réformes et croyez-moi, nous n'avons pas arrêté ces sept dernières années. Mais au niveau européen, nous devons être plus simples, souvent moins bureaucratiques, davantage accompagner nos entreprises plutôt que de les contraindre par des règles qui n'existent nulle part ailleurs. Et nous avons une chance, une force, c'est la taille de notre Europe, ces 450 millions d'Européennes et d'Européens. Eh bien, nous avons aujourd'hui besoin d'aller plus loin pour notre marché unique, de le simplifier, de casser les barrières entre ces 27 économies qui existent dans tant de domaines, et permettre dans les télécommunications, l'énergie, la finance et tant d'autres, de bâtir enfin un vrai marché européen. Accélérons sur le marché unique, simplifions l'Europe. C'est la troisième urgence pour ce modèle de croissance.

Le quatrième pilier, c'est de sortir de la naïveté ; c'est un réveil stratégique.

L'Europe est le dernier endroit où nous sommes ouverts au reste du monde sans préférence européenne et sans règle. Allez en Chine, allez aux États-Unis, nous commerçons, nous voulons développer le commerce mais il y a des préférences nationales. Alors, je vous le dis, nous avons besoin d'avoir une stratégie européenne qui bâtisse une préférence européenne en matière de défense, en matière d'espace, qui bâtisse une stratégie d'achat européen et qui permette d'avoir des règles commerciales, qui bâtisse des clauses miroirs, c'est-à-dire une juste concurrence. Pourquoi imposer des règles à nos entreprises et favoriser les entreprises non européennes en leur permettant d'importer des choses qui ne respectent pas ces mêmes règles ! Et donc, il faut une Europe qui se protège mieux sur le plan commercial, sur le plan des règles, une Europe plus stratégique et moins naïvement ouverte.

Et puis enfin, le cinquième pilier de ce modèle de croissance, c'est l'investissement.

Nous avons besoin de regarder l'avenir. Et quand je regarde les défis qui sont devant nous - défense et sécurité, climat, intelligence artificielle - jamais, à l'échelle d'une génération, nous n'avons eu tant de défis à relever au même moment. Jamais, à l'échelle d'une génération, nous n'avons eu au fond un tel mur d'investissement. Si nous voulons le relever, il nous faut beaucoup plus d'audace. Il faut le faire maintenant, car c'est maintenant que les choix sont faits, c'est maintenant que nos concurrents stratégiques font ces choix. Et donc, il nous faut, en Européens et d'abord en franco-allemands, avoir beaucoup plus d'audace et porter beaucoup plus d'investissements publics communs en Européens.

Et donc, oui, je vous le dis, aujourd'hui, avec conviction et forte, doublons, doublons notre budget européen, soit par la taille du budget, soit par des stratégies d'emprunt commun, soit par des instruments qui existent déjà, deux fois plus d'investissements publics dans notre Europe ensemble. Et bâtissons ce marché commun des capitaux, de la finance et de l'investissement pour multiplier l'investissement privé. Il faut en Europe un choc d'investissement massif pour relever ce défi !

Et donc, oui, vous l'avez compris, ce modèle de croissance européen nouveau repose sur ces 5 flèches, ces 5 axes ; mais au fond, c'est une ambition redoublée. Ne doutons pas, n'ayons pas peur de l'avenir, il y a à inventer un nouveau modèle de prospérité. C'est maintenant, avec force, avec confiance dans notre avenir. Alors allons-y ensemble, en Européens.

Et puis, il y a la démocratie, enfin, la démocratie et la liberté.

Alors tout ça nous semblait si évident. Rappelez-vous, après la chute du Mur, quand l'Europe enfin se réunissait, grâce à votre courage, quand nous nous retrouvions entre Européens, famille désunie pendant des décennies, la démocratie et la liberté étaient une évidence. Oui, partout en Europe, cela allait s'étendre ; ce vent allait souffler, il allait séduire partout, se répandre à travers le monde. Et regardons-nous aujourd'hui, regardons. Regardons autour de nous la fascination pour les régimes autoritaires. Regardons en Europe le moment illibéral que nous vivons, où beaucoup regardent et se disent, finalement - à quelques kilomètres d'ici, finalement : prenons l'argent de l'Europe mais oublions l'indépendance des juges. Prenons l'argent de l'Europe, mais oublions la liberté de la presse. Prenons l'argent de l'Europe, mais oublions la diversité de la culture. Prenons l'argent de l'Europe, mais oublions l'autonomie des universités et la liberté académique. Cette tendance n'est pas une tendance, c'est une réalité en Hongrie ; cela a été une réalité jusqu'à l'élection formidable en Pologne. Et partout dans nos démocraties, ces idées prospèrent, poussées par les extrêmes, et en particulier l'extrême droite. Ce vent mauvais souffle en Europe, c'est une réalité. Alors réveillons-nous  !

Notre Europe n'est pas un supermarché ; notre Europe n'est pas juste un endroit où on se donne des règles communes. C'est un socle de valeurs, de culture, de libertés individuelles et politiques. C'est ce sédiment des siècles qui nous tient. Alors, il nous faut retrouver la force, l'engagement, de le défendre partout et de le faire dans chaque pays face à ce vent mauvais et aux extrêmes. Ne soyons plus des habitués, soyons des engagés de l'idée européenne et de la démocratie.

Face à ce vent mauvais, regardons d'où vient cette colère. Elle vient du ressentiment de beaucoup qui se sentent en marge du chemin de la mondialisation, d'un sentiment d'être humiliés par ce qui s'est passé ces dernières années, de ne pas être compris dans les préoccupations qui sont les leurs, d'être bousculés dans leur mode de vie, le sentiment d'être les laissés pour compte d'une Europe qui s'est ouverte au commerce, qui s'est libéralisée, le sentiment aussi que la culture, les modes de vie auxquels ils ou elles étaient attachés est bousculée par une Europe qui ne serait que, au fond, un train d'homogénéisation, de simplification.

Alors face à cela, il nous faut répondre par une Europe du respect, de la diversité, de la force culturelle. Cette Europe des universités que nous avons bâtie ces dernières années - 50 universités qui se sont mises en réseau et continuons, allons plus loin. Une Europe où, grâce à Erasmus, mais démultiplié, on apprend la culture des uns et des autres, où le Pass culture devient européen, où le chemin des écrivains passe d'un pays à l'autre, où l'on se découvre mutuellement, loin des habitudes.

 

Mais une Europe aussi qui bâtit, en quelque sorte, un humanisme 2.0. Parce que ce qui nous bouscule dans nos habitudes, dans nos démocraties, c'est le fait que nous sommes tous passés dans des sociétés où, plusieurs heures par jour, nous vivons sur des écrans et cela nous a changés. Et nous n'en avons pas pensé les règles, nous n'avons pas pensé que ça allait nous bousculer, nos démocraties, nos façons d'être. Et dans ce monde des écrans, nos enfants ne sont plus formés pareil, ne ressentent plus pareil. Nos jeunes et nous-mêmes, en quelque sorte, nous n'avons plus la même forge des opinions publiques. Et donc, dans cette Europe des écrans, il nous faut repenser la protection de nos enfants et de nos adolescents, un bon usage des écrans, un bon usage de l'apprentissage du monde par le numérique.

Dans cette Europe des écrans, il nous faut aussi penser la forge de l'opinion publique. Comment les idées circulent et se forment ? Aujourd'hui, elles se forment d'une manière simple, et je vais vous le dire : l'émotion négative vaut beaucoup plus que l'émotion positive, l'émotion négative vaut beaucoup plus que l'argument. Ce que je suis en train de faire dans l'Europe du numérique, si nous ne la pensons pas avec un humanisme contemporain, je n'ai aucune chance de résister. Avec des émotions négatives, j'ai beaucoup plus de chance d'être ovationné par une foule que par des arguments rationnels. C'est le risque de l'Europe que nous sommes en train de bâtir. Ce chemin est très difficile, mais c'est notre devoir.

La deuxième chose, c'est que ces réseaux sociaux, ces écrans, ces plateformes, l'usage du monde de la formation des idées, du débat démocratique dans lequel nous vivons, nous enferme dans des bulles cognitives. Vous savez, ce sont ces groupes dans lesquels nous sommes, ceux qui nous suivent sur nos comptes, et quel que soit le réseau social, c'est la discussion fermée à laquelle nous nous sommes habitués. Elle est dangereuse, car ces bulles nous enferment dans des groupes de gens qui pensent simplement comme nous. C'est l'inverse de l'agora, de la place publique, qui a fait la démocratie - endroit où nous pouvons penser de manière différente, mais où nous débattons, où nous controversons. Le monde numérique dans lequel nous sommes en train d'habiter, c'est celui de groupes qui se parlent entre eux et se radicalisent et où la tyrannie du plus extrême est celle qui emporte tout le reste du groupe.

Alors, je vous le dis avec force, le grand risque, c'est que le monde du numérique, des réseaux sociaux dans lequel nous vivons, qui forgent nos démocraties, si nous n'en bâtissons pas les règles, si nous ne le faisons pas humaniste - comme nous l'avons fait à la Renaissance puis aux Lumières - ce monde-là sera celui de la tyrannie des extrêmes, des pièges identitaires, de la dislocation de nos démocraties et de notre Europe. Le réveil démocratique européen, c'est celui d'un humanisme numérique, enfin.

Unsere beiden Länder stehen vor großen Herausforderungen, vor Veränderungen, die uns ängstigen: Klimawandel, Polarisierung der Gesellschaft, ein Erstarken der Extreme, wieder Krieg auf unserem Kontinent, Angriffe auf unsere Demokratie, auf unsere Werte, wirtschaftliche Veränderungen. Nichts scheint zu sein wie vorher. Wir Franzosen stellen uns die gleichen Fragen wie die Deutschen. Bei all diesen Veränderungen gibt es aber eine Konstante: Die deutsch-französische Freundschaft.

Nos deux pays sont confrontés à des défis majeurs, à des changements qui nous font peur : le changement climatique, la polarisation de la société, la montée des extrêmes, le retour de la guerre sur notre continent, les attaques contre notre démocratie, contre nos valeurs, les changements économiques. Rien ne semble être comme avant. Nous, Français, nous posons les mêmes questions que les Allemands. Malgré tous ces changements, il y a une constante : l'amitié franco-allemande.

Gemeinsam, nur gemeinsam, können wir diese Herausforderungen meistern. Deutschland kann auf Frankreich zählen. Frankreich zählt auf Deutschland. Europa kann auf uns zählen. Wir zählen auf Europa!

C'est ensemble, et seulement ensemble, que nous pourrons relever ces défis. L'Allemagne peut compter sur la France. La France compte sur l'Allemagne. L'Europe peut compter sur nous. Nous comptons sur l'Europe !

Erlaube mir, lieber Frank-Walter, Dich zu zitieren: „Das Grundgesetz ist keine Bilanz, sondern ein Auftrag. Es ist nicht das Ziel, sondern der Kompass.ˮ Ich möchte noch hinzufügen: Unsere Demokratie, unser Europa ist keine Bilanz, es ist ein Auftrag. Europa ist nicht das Ziel, sondern der Kompass.

Permettez-moi, cher Frank-Walter, de vous citer: « la loi fondamentale n'est pas un bilan, mais une mission. Ce n'est pas un objectif, mais une boussole ». Je voudrais ajouter quelque chose : notre démocratie, notre Europe n'est pas un bilan, c'est une mission. L'Europe n'est pas un objectif, mais une boussole.

Europa zu schaffen, das ist eine beständige Aufgabe. Wir sind dessen fähig, Sie sind dessen fähig, denn Sie sind die neue Generation, die das Europa von Morgen errichten wird. Ich zähle auf Sie, genauso wie Sie auch auf mich zählen können.

Construire l’Europe est une mission permanente. Nous en sommes capables. Mais surtout, vous en êtes capables, car c’est vous, la nouvelle génération, qui bâtirez l’Europe de demain. Je compte sur vous, tout comme vous pouvez compter sur moi.  

Ich zähle auf Sie, dass Europa seine ihm eigene Stimme erhebt. Es ist die Stimme des Humanismus, der bekennenden Macht in einer Welt der Unordnung, die Stimme der Solidarität mit den Schwächeren, die Stimme des Teilens und der Verantwortung gegenüber unseren Verbündeten. Ich zähle auf Sie, dass Humanismus weiterhin uns erhalten bleibt. Er macht unser Europa zu einem Kontinent der Zivilisation und des Friedens. Ich zähle auf Sie, nicht der Versuchung der Spaltung und der Hegemonie zu erliegen, sondern sich für Freundschaft und Zusammenarbeit zu entscheiden. Ich zähle auf Sie, unsere Zukunft zu prägen. Ergreifen wir diese Chance gemeinsam, stützen wir uns auf die Komplexität unserer Vergangenheit, auf die Komplementarität unserer Stärken, stützen wir uns auf unsere enge Verbundenheit.

Je compte sur vous pour choisir une Europe qui fait entendre sa voix singulière, celle de l’humanisme et de la puissance assumée dans le désordre du monde, de la solidarité avec les plus vulnérables et du partage des responsabilités avec nos alliés. Je compte sur vous pour garder ce cap de l’humanisme, qui fait de notre Europe un continent de civilisation et de paix. Je compte sur vous pour choisir l’amitié et la coopération, et refuser la tentation de la division comme de l’hégémonie. Je compte sur vous pour forger notre avenir. Saisissons cette chance ensemble, appuyés sur l’enchevêtrement de nos liens, sur la complexité de nos passés, sur la complémentarité de nos forces.

Errichten wir ein mächtiges, ein souveränes und ein humanistisches Europa. Ganz nach unseren Devisen: Einigkeit, Recht, Freiheit : liberté, égalité, fraternité.

Bâtissons une Europe puissante, souveraine et humaniste. Conformément à notre devise : liberté, égalité, fraternité.

Zählen Sie auf mich. Ich zähle auf Sie.

Vous pouvez compter sur moi. Je compte sur vous.

Es lebe Deutschland ! Es lebe Frankreich! Es lebe die deutsch-französische Freundschaft! Es lebe Europa!

Vive l‘Allemagne ! Vive la France ! Vive l’amitié franco-allemande ! Vive l’Europe !

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