Le Président Emmanuel Macron s'est rendu à Bruxelles dans le cadre du Conseil européen extraordinaire des 17 et 18 avril 2024. 

Ce Conseil européen était consacré aux enjeux de compétitivité de l'Union européenne.

Le Président de la République a salué la remise du rapport de l'ancien Premier ministre italien Enrico Letta sur l'avenir du marché intérieur de l'UE.

Il a également appelé à la concrétisation d'une union de l'épargne et de l'investissement

Les chefs d’État et de gouvernement ont enfin échangé sur les différents dossiers d’actualité internationale

  • le soutien de l’Union européenne à l’Ukraine,
  • la relation entre l’Union européenne et la Turquie,
  • la situation au Proche-Orient, notamment suite à l'attaque de l'Iran contre Israël.

Revoir la conférence de presse : 

18 avril 2024 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse du Président Emmanuel Macron à l'issue du Conseil européen.

Emmanuel MACRON

Mesdames et Messieurs, merci pour votre patience. Nous avons donc tenu, aujourd’hui et hier, plusieurs échanges et je veux avant tout remercier Sa Majesté le Roi des Belges pour l’accueil qu’il nous a réservé hier, lors de ce moment de Conseil extraordinaire.

Nous avons ensuite pu tenir ce Conseil qui était le dernier avant les élections européennes de juin. Hier soir, nous avons concentré nos échanges sur les grands enjeux internationaux.

D'abord, pour ce qui est de l'Ukraine, nous restons plus que jamais unis et déterminés dans notre soutien aussi longtemps qu'il le faudra et aussi intensément que nécessaire. La priorité est très clairement celle du soutien militaire à l'Ukraine et c'est ce qui ressortait de nos échanges avec le président ZELENSKY. Concrètement, il s'agit de mettre en œuvre ce sur quoi nous nous sommes engagés ces derniers mois et qui a été re-précisé et densifié le 26 février dernier.

En particulier : fourniture de munitions, production conjointe de matériel militaire, cyberdéfense, déminage, sécurisation des frontières avec un axe aussi particulier pour renforcer, vous savez, la coalition qui est menée par l'Allemagne et la France sur la défense sol-air.

Nous avons chacun une responsabilité de faire mieux avec nos capacités pour que nous soyons collectivement efficaces en soutien de l'Ukraine. Et au-delà, et compte tenu des enjeux stratégiques pour notre Europe, nous devons aussi nous doter sans attendre d'instruments européens pérennes pour renforcer nos capacités de défense, y compris en recourant à des voies de financement innovantes. C'est tout le sens des travaux qui ont été confiés à la Commission et au Haut Conseil en vue du Conseil européen de juin prochain.

Nous sommes, par ailleurs, unanimes pour intensifier nos sanctions à l'égard de la Russie et continuer d'entraver la machine de guerre russe en donnant la priorité au renforcement de la lutte contre tout contournement. Nous devons aussi cibler ceux qui, à l'initiative de la Russie, soutiennent les actions de déstabilisation en Europe, notamment en matière de manipulation de l'information et d'ingérence dans le contexte électoral qui est le nôtre. Nous renforcerons à cet égard notre capacité à nous défendre et riposter, et c'est tout le sens de la proposition que la France a faite avec plusieurs partenaires : Pays baltes, Pologne, Pays-Bas, de créer un nouveau régime européen de sanctions contre les acteurs de ces déstabilisations. Nous souhaitons son adoption le plus rapidement possible.

Pour ce qui est du Moyen-Orient, le Conseil européen a condamné avec la plus grande fermeté l'attaque directe menée par l'Iran dans la nuit du 13 au 14 avril dernier vers le territoire israélien. Cette attaque marque une escalade dangereuse et une menace grave pour la stabilité de la région comme pour les intérêts de sécurité européens, de la part d'un pays qui contribue aussi à la guerre de la Russie contre l'Ukraine. Nous en avons donc tiré les conséquences et décidé de sanctionner l'Iran, en particulier pour viser la production et le transfert de missiles et drones iraniens vers le Moyen-Orient et la Russie.

Dans ce moment d'incertitude, notre objectif reste la désescalade et rassembler tous ceux qui veulent et peuvent contribuer à la paix et la sécurité au Moyen-Orient. C'est la raison pour laquelle le Conseil européen demande un cessez-le-feu immédiat à Gaza. Celui-ci est encore plus important qu'hier compte tenu du nombre de victimes à Gaza. Et aujourd'hui, au-delà des victimes, tant de civils souffrent, femmes, enfants, personnes âgées, ces situations créent aussi un contexte insoutenable pour l'avenir. Cette situation nous a donc conduits à réitérer la demande et notre engagement à tous pour un cessez-le-feu ainsi que l'accélération d'une solution durable au conflit israélo-palestinien pour ne pas laisser le champ libre aux forces dangereuses qui menacent la stabilité régionale.

Les partenaires européens agissent ensemble à la fois pour répondre à l'urgence humanitaire à Gaza, lutter contre le terrorisme, ouvrir une perspective politique, c'est le triptyque que nous avions ouvert dans la région dès le mois d'octobre dernier sur lequel nous restons engagés et que l'attaque menée par l'Iran rend plus nécessaire encore. La priorité doit être de rebâtir une convergence régionale et une alliance régionale face à la menace que constitue l'Iran avant toute chose.

C'est aussi dans ce contexte qu'il nous faut veiller à la stabilité du Liban. Le Conseil européen a donc notamment décidé d'apporter un soutien renforcé aux forces armées libanaises. Une aide sera apportée pour mettre en œuvre les réponses indispensables à l'économie du Liban et pour prendre en charge les réfugiés syriens. À ce titre, je recevrai à Paris demain, le premier ministre MIKATI et le chef d'état-major des armées AOUN, pour justement préciser cette feuille de route.

Aujourd'hui, le Conseil européen s'est concentré sur les enjeux de compétitivité. D'abord avec la présentation du rapport remis par Enrico LETTA sur l'avenir du marché intérieur. Et je tiens ici à remercier ce dernier, à le féliciter pour la qualité du travail qui est fait, pointant aussi très clairement le risque de décrochage industriel et technologique de l'Europe. Nous avons depuis plusieurs années identifié et commencé à répondre à nos vulnérabilités : dépendance stratégique, fragilité interne. Mais il est clair que nous devons accélérer le travail sur la question de la productivité et de la compétitivité européenne. Il nous faut tenir ensemble les équilibres de gains de productivité et de compétitivité, de la défense de notre souveraineté et donc, du maintien des chaînes de valeur nécessaires à celles-ci sur nos territoires, de la nécessaire transition verte et numérique que nous avons actée et sur laquelle nous avons engagé le continent et de la mise en place de règles commerciales justes et équitables. C'est autour de cet équilibre que nous avons pu avoir la discussion ensuite sur nos conclusions.

Je veux saluer les propositions de ce rapport, l'agenda très complémentaire avec celui de Versailles que nous avions bâti sur la souveraineté industrielle et technologique et notre volonté est maintenant de pouvoir le mettre en œuvre.

Le reste du Conseil a été, justement, dédié à cela et à la nécessité de répondre aux besoins de financement. Si nous voulons réussir les enjeux de la transition climatique numérique, renforcer les investissements dans l'innovation pour notre productivité, répondre aux besoins en matière stratégique de sécurité et faire face à l'élargissement qui est une nécessité géopolitique, il y a un besoin d'investissements européens. Ces investissements doivent être pour partie publics. C'est tout le sens de ce que nous avons commencé à faire et nous aurons à aller au-delà. C'est pour partie ce que nous discuterons en juin. Mais il faut aussi mieux mobiliser les financements privés. Et c'est pourquoi nous avons, à notre niveau, ouvert une nouvelle page aujourd'hui de l'Union des marchés de capitaux ou Union de l'épargne et de l'investissement. C'est comment mieux faire circuler l'épargne que nous avons sur le sol européen, et comment mieux la faire investir dans l'économie européenne ? Aujourd'hui, parce que nous n'avons pas un marché qui est suffisamment intégré, il y a énormément de coûts de transaction, une mauvaise allocation de l'épargne, et donc, ce qui fait que l'épargne se concentre, et l'Europe a plus d'épargne que les États-Unis d'Amérique. Mais cette épargne se concentre, aujourd'hui, dans certaines régions et auprès de certains acteurs. Elle n'est pas bien allouée. Et chaque année, c'est environ 300 milliards d'euros de cette épargne qui vont financer l'économie américaine, parce que les mécanismes y sont plus aboutis, et parce qu'il y a une rentabilité supérieure de certains produits. Face à cela, nous devons faire évoluer nos règles parce que nous avons aujourd'hui trop de contraintes, pardon, sur nos investisseurs institutionnels qui les ont, post-crise, écartés du risque. C'est aussi pour ça que nous avons là une véritable convergence pour aller vers davantage de titrisation des actifs et permettre d'utiliser l'argent qu'il y a dans les investisseurs institutionnels pour aller financer en fonds propres nos acteurs industriels et notre innovation.

Mais nous avons aussi avancé vers des mécanismes, justement, de supervision unique, vers des mécanismes là aussi de règlement des difficultés financières des grands acteurs d'épargne, et donc des mécanismes de faillite et d'organisation de ces derniers, et vers des mécanismes de convergence de nos fiscalités pour pouvoir les financer. Cette cathédrale nouvelle, si je puis dire, que va être cette union des finances, de l'épargne et de l'investissement, est un complément indispensable à l'union bancaire sur laquelle nous travaillons depuis 10 ans et qui a déjà largement avancé et que nous sommes en train de parachever. Et elle est la clef pour pouvoir mobiliser les financements privés sur nos priorités et celles que je rappelais à l'instant. Et donc, c'est un travail de simplification, c'est un travail de mobilisation de notre épargne.

Il y a eu un très long débat parce que nous avons des positions de départ qui sont divergentes. Mais c'est aussi un combat essentiel si nous voulons réussir les prochaines étapes. Et cela rejoint d'ailleurs les conclusions du rapport Letta qui rappelle à juste titre que Jacques DELORS avait jeté les bases de ce marché unique et que nous avons, ces dernières décennies, travaillé sur le marché unique, mais en laissant à l'écart quelques rares secteurs, dont celui de l'énergie, des télécommunications et précisément des marchés financiers. Cette union des marchés de capitaux est celle qui permet d'y répondre et de bâtir un véritable marché unique en termes d'épargne et d'investissement, qui est une condition clé pour mieux mobiliser les capitaux privés autour de nos priorités. Aujourd'hui, nous avons donc acté une méthode, des principes, ceux que je viens d'évoquer, mais également un calendrier. Et dès juin, nous reviendrons sur ce sujet avec les premiers retours de la Commission et des formations compétentes du Conseil.

Voilà, je ne veux pas être, ici, plus long. On pourrait parler plus longuement de l'importance de la formation, des compétences, des éléments de simplification, mais j'y reviendrai, si vous avez des questions sur ces points. Je vais maintenant plutôt répondre à vos interrogations.

Journaliste

Quand Volodymyr ZELENSKY prend en exemple la défense du ciel israélien contre l'attaque iranienne pour dire à quel point l'unité de défense peut être efficace quand elle repose sur une volonté politique suffisante. Est-ce que vous comprenez la frustration qui est la sienne aujourd'hui ? Par ailleurs, il exhorte aussi les autres pays occidentaux à suivre l'exemple de l'Allemagne qui annonce l'envoi d'un système patriote supplémentaire. Qu'est-ce que vous lui répondez ? Enfin, comptez-vous toujours vous rendre en Ukraine, et si oui, à quelle date ? Merci beaucoup.

Emmanuel MACRON

Oui, toujours. Et oui, dans les mêmes eaux que celle déjà indiquée, je n'ai pas de date plus précise à communiquer aujourd'hui. Bien sûr, le président ZELENSKY — mais d'ailleurs, il le dit depuis le premier jour — vous vous rappelez peut-être que dès les premiers jours du conflit, il appelait à une no-fly zone, à raison de rappeler l'importance de la défense sol-air. Elle est absolument clé pour le conflit et pour faire face à l'agression russe. C'est ce qui d'ailleurs nous a conduits à déployer, seul et avec des partenaires, des systèmes comme le SAMP/T qui est l'équivalent du Patriot ou des systèmes à plus courte portée comme le Crotale ou à plus courte portée encore comme le Mistral. Donc, nous avons déployé toute la gamme, si je puis dire, de l'offre qui est la nôtre et il est très important qu'on déploie justement l'ensemble de ce sur quoi nous pouvons livrer. Et au fond, pour aider l'Ukraine à se défendre, il faut faire plusieurs choses.

D'abord, d'avoir ses batteries. Ensuite, les missiles de moyenne et longue portée pour neutraliser les réserves russes sur sol ukrainien et les points de départ de ces attaques. Et également, les systèmes de Défense air-air et c'est pourquoi vous avez aussi une coalition qui s'est montée avec des systèmes de F-16 en particulier qui est coordonnée par les Pays-Bas. Sur cette gamme, nous apportons tous une réponse.

Alors, le système en effet beaucoup plus complet est celui d'Israël, qu'Israël s'est construit ces dernières décennies, s'est financé à travers le temps. Et il est impossible de construire exactement le même système qui d’ailleurs ne répondrait pas totalement aux besoins de l'Ukraine parce que c'est le fruit de décennies d'investissement d'efforts et parce qu’aussi, nous tous, nous pouvons mobiliser ce que nous avons de disponibles, ce que nous pouvons produire. Et donc, c'est pourquoi nous sommes en train de continuer à mobiliser chacun selon nos compétences, nos disponibilités, nos capacités, mais de manière complémentaire, c'est le sens des coalitions que nous avons forgées et précisées le 26 février dernier. L'Allemagne a plus de systèmes Patriot et donc, c'est pourquoi elle en a livré un troisième et c'est une décision très importante. Et je remercie l'Allemagne et le chancelier pour cela. Et c'est un système qui est beaucoup plus partagé par les alliés et il y a donc une profondeur pour fournir les missiles qui sont compatibles avec ce système. La France, l'Italie ont un autre système SAMP/T qui est utilisé par moins d'acteurs, il y a moins de profondeur justement de fourniture de missiles, mais surtout que compte tenu de nos spécificités, nous utilisons très différemment. La France ayant la dissuasion nucléaire, elle a beaucoup moins de systèmes pour elle-même qui sont disponibles auprès et nous, nous avons des systèmes qui sont là pour sécuriser justement nos emprises nucléaires sur le sol français.

Donc, c'est une autre approche, c'est aussi pour ça qu'on a déployé ce qu'on pouvait déployer en Ukraine et sur le front oriental, puisque je vous rappelle que nous en avons un qui est en Roumanie et que nous, par contre, nous avons déployé davantage de Crotale et que nous sommes en train de continuer à travailler sur ce système qui était un peu plus de courte portée. À l'inverse, nous avons un système de missiles dans la profondeur, qui sont nos fameux SCALP, complémentaires des Storm Shadow britanniques. Et ceux-là, nous les avons fournis, là où l'Allemagne n'a pas pu fournir ses Taurus pour des raisons tactico-politiques. Et donc c'est exactement là où l'Europe est utile, c'est que nous sommes complémentaires. Et donc, l'Allemagne livre ce qu'elle a en plus grande capacité et nous nous livrons ce sur quoi nous avons plus de facilités. Et parce que le missile SCALP est aussi utilisé par plus de partenaires et dans ses qualités, ses spécificités est plus adapté que le Taurus à la situation sur le terrain. Donc voilà, on fait tout ce qui est utile et le plus utile et nous sommes tous dans une course de vitesse. C'est ce que j'ai rappelé il y a encore 10 jours à Bergerac pour produire davantage et pour aussi aller récupérer certaines de ces capacités chez nos partenaires, ce que nous sommes en train de faire pour le SCALP.

Journaliste

Oui, bonjour. Charles MICHEL dit : « Il faut arrêter la commission géopolitique, faire une commission économique pour la prochaine commission. » Les 27, je n'ai pas encore lu les conclusions, mais j'imagine que c'est resté appel à un pacte pour la compétitivité à la suite du Pacte vert. Est-ce que ça veut dire qu'on a une Union européenne aujourd'hui dont la priorité des priorités est l'économie ?

Emmanuel MACRON

Alors que nous vivons une situation géopolitique qui est celle que j'ai évoquée, je crois que non. Mais par contre, je pense que quand on parle de géopolitique, tout se tient. Et qu'est-ce que c'est qu'une Europe géopolitique ? C'est une Europe qui sait sécuriser ses frontières et peser comme une puissance de stabilité dans les grands conflits du monde. C'est ce que nous voulons faire en Ukraine et au Proche-Orient. C'est une Europe qui construit une grammaire des équilibres et de ses intérêts au grand large. C'est ce que nous avons fait avec la stratégie Indo-Pacifique européenne, que nous avons beaucoup poussée. C'est aussi une Europe qui construit sa propre souveraineté, c’est-à-dire sa capacité à peser. C'est tout l'agenda de Versailles. Et c'est là où c'est un continuum, ce sont nos capacités de défense, mais aussi nos capacités technologiques et les briques essentielles de nos chaînes de valeur. Et c'est pourquoi, quand on se dit qu'on défend un agenda de compétitivité et un agenda économique, c'est aussi une question géopolitique. Parce que la géopolitique se joue aussi par l'économie. Regardez aujourd'hui les décisions qui sont prises par la Chine d'un côté, par les États-Unis de l'autre. Ce sont des décisions très géopolitiques, celles de sécuriser sur leur territoire la capacité à produire des solutions technologiques pour faire face à la transition énergétique, celles de sécuriser la capacité à produire des éléments clés pour leur défense, celles de sécuriser la capacité à produire des briques technologiques. Nous, Européens, si nous voulons être géopolitiques au sens le plus politique et diplomatique ou militaire du terme, nous devons l'être sur le plan économique, sinon nous ne pourrons pas décider pour nous-mêmes. Et donc, il faut une Europe qui soit plus autonome, sans être autarcique, pour produire ses solutions face à la transition digitale et la transition verte, qui produise ces solutions de financement et qui produise les éléments clés de sa souveraineté économique. Enfin, cette souveraineté passe aussi par l'ambition climatique. Et moi, j'en suis très profondément convaincu, il ne faut pas les opposer, c'est la capacité à bâtir sur notre sol des réponses qui nous permettent de baisser les émissions tout en continuant à créer des emplois et à avoir une offre industrielle. Et c'est exactement l'articulation entre le Pacte vert et le Pacte compétitivité. Donc, il n'y a pas que l'économie, c'est — avoir une Union européenne géopolitique, c'est avoir une Union européenne qui regarde les défis du monde que nous avons autour de nous ; c'est la paix et la sécurité ; c'est la compétitivité et les dépendances et c'est la transition numérique et climatique. Face à ces trois défis, si on veut avoir une Europe qui pèse, il faut avoir une Europe qui sait apporter ses propres réponses pour elle-même.

Journaliste

Concernant la prochaine commission, elle ne sera pas économique, elle restera géopolitique…

Emmanuel MACRON

Elle doit être géopolitique, car l'économie est dedans. Et je vois mal comment on pourrait faire fi des questions de paix et de guerre au moment où nous nous parlons. Donc les trois seront dedans. Par contre, ce qui est clef et qu'on voit monter dans tous nos débats dans nos pays, c'est que nous avons un besoin d'investissement et de simplification là où nous avons, et pour de bonnes raisons, eu une phase plutôt de normes et de standardisation durant les cinq années qui viennent de s'écouler. Sur les questions, par exemple, climatiques, on a posé les règles et les jalons. Là, maintenant, on a besoin de donner les flexibilités pour les mettre en œuvre dans chaque pays. Mais surtout, on a besoin d'investissements pour accompagner les efforts de normes qui ont été faits.

Journaliste

Mr. President, could you tell me what's the reason behind still the Iranian regime army not in the list terror organization? Yesterday, we know the European Union, most of the country decided to sanction against Iran, but still the Iranian regime revolution army not in the list. So this is the first question. And the second question, USA military right now, they are building the defense system, Patriot in Erbil, the capital of the Iraqi Kurdistan region. They try to protect their soldiers, but also, you have a soldier in Iraq, in Kurdistan region. Don't you think the French also, you have to think about building the defense system, Patriot ? Thank you.

Emmanuel MACRON

Nous avons nos propres systèmes et nous avons…

Journaliste

Could you, in English, please?

Emmanuel MACRON

Sure.

Journaliste

Thank you.

Emmanuel MACRON

So for your first question, as you mentioned, so this is an open debate, as you know, between member states, the question you raised and the legal question of classification. But there was and there is a strong consensus to sanction, which is largely the most important issue and to take clear decision to sanction, not just the officials and the army, but all the key players and industrials and finances being involved in production of missiles and drones. And we will follow up. And I think it's very important, it's to rebuild and strengthen the coalition in order to contain regional destabilization, ballistic activities and nuclear activities of Iran. And you know it's my priority. And if you remember what France advocated in 2018, when the US just decided on its solid basis to clearly withdraw from the JCPoA, advocated not to kill JCPoA, but to enlarge it and have a broader view. It's still the case. As for Erbil and Kurdistan, you know how much attached we are to the security of our armed forces, but as well to the security of our key partners in the whole region. So we remain very committed. And we do have our own systems being deployed there. We don't have the Patriot system, but we have adapted and our own systems, they are deployed with our soldiers and special forces being there to secure our own capacities, but secure as well our friends.

Journaliste

Une question sur l'union des marchés de capitaux. Enfin, que vous avez rebaptisé l'Union de l'investissement et de l'épargne. Comment est-ce que vous comptez convaincre et qu'est-ce qui vous donne espoir de convaincre les 14 États qui s'y opposent encore aujourd'hui ? Et Paris accueille déjà l'ESMA. Est-ce que c'est aussi l'occasion, au passage, de renforcer le rôle de Paris dans l’attractivité financière de l'Europe, mais aussi dans la régulation de ces activités-là ?

Emmanuel MACRON

Sur le deuxième point, le but n'est pas celui-là. Parce que d'ailleurs, nous allons préserver beaucoup de systèmes sectoriels qui existent déjà dans d'autres capitales. Donc, ce n'est pas l'objectif de cette approche. L'objectif, c'est d'avoir un système qui fonctionne mieux avec des acteurs dont le marché domestique est tout de suite européen. C'est toujours ça le but du marché unique. Et ça fait que vous avez des acteurs qui sont plus forts, plus rentables, plus compétitifs, qui attirent ce faisant plus d'épargne.

Aujourd'hui, nous avons des acteurs dont le marché domestique est multiplié par 27, du nombre de marchés européens, quand ils veulent opérer en Europe. C'est sous-efficace. Je voulais insister sur le point que plusieurs Etats membres avaient émis des remarques. Ça ne veut pas dire qu'ils sont tous les 14 opposés pour les mêmes raisons. Et c'est ce que la discussion a bien éclairé aujourd'hui.

C'est pour ça que je voudrais ici, peut-être, clarifier le débat tel qu'il est apparu et tel qu'il nous a permis d'avoir un consensus qui était loin d'être acquis au début de notre échange et qui, pour moi, est un vrai acquis de cette discussion collective. C'est que d'abord, on a vu que pour plusieurs pays, et pas des moindres, la priorité était, avec beaucoup d'ambiguïtés et peut-être d'incompréhensions, de lutter contre des éléments d'harmonisation fiscale.

D'abord, je pense que le débat a permis de clarifier. On ne parle pas ici d'harmoniser l’impôt sur les entreprises pour tous les secteurs. L'un des points clés qui va avec le régime de faillite, c'est l'harmonisation progressive ou la convergence des taxations des principaux acteurs et mécanismes qui sont impliqués dans les marchés de capitaux. C'est très technique, mais c'est des fonds d'investissement, des mécanismes d'arbitrage, des opérations techniques. Donc, je pense que ce débat a permis de lever des incompréhensions qui existaient parce que vous le savez, pour beaucoup de pays, la capacité à avoir des impôts qui reste bas est un élément d’attractivité. Donc, c’est d’ailleurs quelque chose qui, dans la durée, devra être traitée parce que ça fait partie d’une meilleure convergence aussi de notre Europe. Mais, je pense qu'on a écarté ce débat.

Ensuite, on a tous acté que la question de la convergence fiscale n'était pas la plus urgente. Par contre, on a consolidé le fait qu’aller vers une supervision unique était important. C'est pour ça qu'on a précisé le mandat qu'on donne à la commission. Puis donné un rendez-vous tous ensemble en juin et indiqué très clairement que le but, c'était d'aller vers une supervision unique, mais avec des critères d'efficacité. Parce que pour plusieurs voix qui s'étaient élevées ou qui avaient douté, j'avais peur que ce soit un système de supervision unique qui vienne s'ajouter au système de supervision nationale, qui recrée de la bureaucratie, de la lourdeur, ce qui n'est pas du tout l’intention, elle est même contraire. L’intention c'est d'avoir progressivement un système unique, ce qui réduit les coûts de coordination, ce qui allège justement les choses et permet d'avoir une bonne circulation. C'est ce que nous avons clarifié dans le texte, ce qui a permis d'avoir leur accord.

Puis, sur le droit des faillites, on a pu préserver, c'était pour moi très important parce qu'il y avait eu beaucoup de divergences. Là, cette fois-ci plutôt entre les ministres de la Justice de notre continent on a pu faire converger les choses. Donc, au total, je crois que là, on a consolidé un texte qui a permis de lever les inquiétudes des 14 pays membres. Après, il y a des modèles économiques qui reposent beaucoup sur l'attractivité de ces acteurs financiers. Et donc, ça, il y avait forcément des réticences. Mais je pense que ce qui est important, c'est qu'on a consolidé ce triptyque supervision unique, droit des faillites et convergence progressive de la fiscalité en lui donnant plus de temps.

On a acté que c'était un point pour répondre aux 300 milliards d'euros par an d'épargne européenne qui sont investis aux États-Unis et donc c'est cette fuite. Il y a eu un consensus total sur la titrisation et les produits d'épargne, ce qui est une très bonne chose. Et après, on a donné des garanties en disant que c'est une union qui doit bénéficier à tous, qu'elle préservait aussi les marchés nationaux. Parce que, et ça, c'est un point qu'il faut bien tous avoir en tête. On ne traite ici que des acteurs systémiques comme on l'a fait pour les banques. C'est aussi un point, je le dis pour tous les confrères, à vous qui êtes dans cette salle et qui viennent de pays pour qui c'est un sujet très sensible, c'est exactement comme pour la supervision unique bancaire, ce qu'on fait. C'est-à-dire tous les acteurs qui ne sont pas systémiques, resteront dans des systèmes de régulation nationale et les acteurs systémiques passeront à la régulation européenne. Ça, ça a levé aussi beaucoup d'ambiguïtés.

Puis, c'est aussi permettre l'accès de tous aux capitaux levés et qu’il n’y ait pas des mécanismes, d'effet d'éviction sur des Etats membres ou par exemple les PME. Et ça, on l'a consolidé dans le texte. Donc, voilà, pardon, c'est très technique, mais le sujet l'est. Mais je crois, ce faisant, qu'on a pu lever des ambiguïtés, réduire les inquiétudes, bâtir des convergences et surtout avoir un vrai consensus sur l'intérêt profond d'aller dans cette direction.

Journaliste

Selon des sources russes qui sont confirmées par notre correspondant à Moscou, la France est le pays européen qui importe, depuis février dernier, le plus de GNL russe. La presse russe ne se prive pas de le dire pour critiquer Paris. Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction entre ce soutien affiché à Kiev et le fait de continuer à acheter le gaz, Monsieur le Président ?

Emmanuel MACRON

Non, parce que vous savez, aujourd'hui, d'abord, ça fait partie largement des intoxications qui sont véhiculées. Aujourd'hui, le GNL russe est acheté par des traders, par le monde entier, y compris, d'ailleurs, je vais ici aussi lever l’ambiguïté, le pétrole russe, puisqu'il est raffiné en Inde et il est acheté à peu près par le monde entier. Il se trouve que la France, grâce à son modèle, est sans doute celle qui est la moins dépendante du gaz. Donc, on peut reprocher beaucoup de choses à la France, mais franchement, s'il y a un pays qui, avant la guerre, n'a pas financé la Russie et la préparation de l'agression en Ukraine avec le gaz et son financement, et qui aujourd'hui importe, d'où qu’il vienne, peu de gaz, c'est la France. Précisément parce que nous avons un modèle qui repose essentiellement sur le nucléaire puis sur le renouvelable.

Donc, je crois que ces attaques, qui ne m'étonnent pas venant de la Russie, devraient être regardées avec un peu plus de recul pour ce qui est de nous-mêmes. Parce que la France, aujourd'hui, est l'un des pays qui est le moins dépendant du gaz d'où qu'il vienne. Et qu'après, c'est tout à fait vrai, je l'ai dénoncé à plusieurs reprises ici même, il y a du gaz et du pétrole russe qui est revendu par des intermédiaires, des pays qui le transforment ou qui aujourd'hui ont des contrats. C'est tout le but de ce que nous voulons faire à travers la lutte contre les mécanismes de contournement.

Mais je le redis, la France est très clairement l'un des pays d'Europe, avec quelques pays du Nord, qui dépend le moins du gaz, quel qu'il soit. Et donc, ce faisant, nous sommes loin d'être ceux qui ont le plus contribué au financement de l'économie russe, hier comme aujourd'hui. Nous y sommes attachés. C'est d'ailleurs pourquoi, aussi, nous continuons de réduire ces dépendances, d'où qu'elles viennent, pour aller vers des mécanismes où nous accroissons et le nucléaire et le renouvelable.

Journaliste

Je voudrais vous demander si vous avez vu les débats diplomatiques entre l'Italie et l'Espagne sur l'interruption volontaire de grossesse. Il y a un peu un souci en Italie parce que c'est le cas des associations pro-vie. Il y a la possibilité qu'elles entrent dans les cliniques. Donc, souhaitas savoir si pour vous, les droits de l'interruption volontaire de grossesse doivent être un sujet européen ?

Emmanuel MACRON

Alors, pour ce qui est de la France, comme vous le savez, nous avons la chance d'avoir des prédécesseurs qui se sont battus : associations féministes, responsables politiques… pour que ce droit soit dans notre loi, qu'il soit consolidé, précisé, et d'avoir des dispositions fortes en la matière. Nous avons décidé de le faire entrer dans notre Constitution par une réforme constitutionnelle qui a été scellée le 8 mars dernier. Ça, c'est pour la France. Nous sommes fiers d'avoir ce modèle qui, quelles que soient les jurisprudences à venir du Conseil constitutionnel, a mis ce droit des femmes dans la Constitution.

Maintenant, pour ce qui est de l'Europe, la France défend l'entrée dans la charte des droits fondamentaux de ce droit pour les femmes. Donc, je pense que c'est un débat qui est très important et que c'est un combat qui est à mener à l'occasion de ces élections. J'ai pris cet engagement le 8 mars et je pense que pour toutes les femmes en Europe, vivre sur notre continent doit signifier avoir, justement, ce droit, pouvoir être libre de l'exercer et que ça fait partie de notre socle de valeurs fondamentales et c'est essentiel.

Merci beaucoup ! Merci à toutes et tous ! Bonne soirée !

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