Le Président Emmanuel Macron a clôturé la conférence humanitaire internationale pour le Soudan et les pays voisins ce lundi à Paris, que la France copréside avec la République fédérale d’Allemagne et l’Union européenne.

Un an jour pour jour après le déclenchement du conflit soudanais, cette conférence a eu pour ambition de remettre ce conflit en haut de l’agenda international et de renforcer la réponse humanitaire. La conférence a ainsi rassemblé des représentants de nombreux États et d’organisations internationales et acteurs humanitaires qui opèrent au Soudan aux côtés de Stéphane Séjourné, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères.

À l’issue de la conférence, le chef de l’État a rencontré des représentants de la société civile soudanaise afin de discuter de la situation sur le terrain et des aspirations démocratiques du peuple soudanais.

Revoir le discours :

15 avril 2024 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Clôture de la Conférence humanitaire internationale pour le Soudan et les pays voisins.

Monsieur le ministre,
Mesdames, Messieurs les ministres,
Monsieur le représentant,
Monsieur le Commissaire,
Mesdames et Messieurs les dirigeantes et dirigeants des organisations internationales, intergouvernementales et non gouvernementales,
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs, les représentants de la société civile soudanaise,
Chers amis,

Le 15 avril est une date tragique pour le Soudan. Depuis un an, en effet, jour pour jour, le conflit imposé à sa population par les forces armées soudanaises et les forces de soutien rapide ne produit que chagrin et souffrance. Je veux ici avoir une pensée pour toutes les Soudanaises et tous les Soudanais qui sont éprouvés dans leur chair par la cruauté de cette guerre. Et faut-il le rappeler ici et aujourd'hui pour conclure vos travaux, mais ce conflit a provoqué l'une des pires crises humanitaires au monde.

Plusieurs millions d'enfants, de femmes et d'hommes ont été contraints de quitter leur foyer pour se réfugier dans d'autres régions, dans d'autres pays. 27 millions de Soudanais et de Soudanais sont aujourd'hui dans une situation d'extrême précarité, plus d'un tiers de la population soudanaise souffre d'insécurité alimentaire aiguë, ce qui est un niveau insoutenable et jamais atteint dans le pays avec un risque bien réel de famine. Les rares hôpitaux et centres de santé encore fonctionnels sont débordés, ne disposent pas des équipements nécessaires pour les soins indispensables à la population civile.

Dans cette épreuve, une fois encore, et c'est ce qui, je dois le dire, nous oblige, la population soudanaise fait preuve d'un très grand courage. Elle se mobilise, elle agit. Et c'est en particulier vrai de la jeunesse qui s'organise dans les zones du conflit qui sont les plus difficiles d'accès et en première ligne pour apporter de l'aide humanitaire. Cette force et ce courage obligent chacun d'entre nous, et cette jeunesse, et à travers elle, l'ensemble de la population, doit savoir que nous sommes très clairement à ses côtés.

Alors, en ce sinistre anniversaire, notre devoir, collectivement, était d'agir et de nous réunir pour nous engager. Je voulais vraiment vous remercier d'avoir été présents tout au long de cette journée, d'avoir tenu cette conférence ici et d'avoir pris des engagements au nom de vos pays, en même temps qu'une conférence se tenait entre les différentes composantes de la société civile à l'Institut du monde arabe. J'aurai l'occasion tout à l'heure de revenir avec les parties prenantes de cette conférence. En effet, il nous semblait absolument indispensable d'affirmer la force d'une action collective en faveur de la paix et du droit international humanitaire en ce jour. Et même s'il y a aujourd'hui beaucoup trop de conflits et des conflits qui parfois occupent davantage la presse, le temps diplomatique, notre devoir était de bien signifier que nous n'oublions pas ce qui se passe au Soudan, que nous restons mobilisés et qu'il n'y a en quelque sorte pas de double standard.

C'est pourquoi la France, membre du Conseil de sécurité et amie du Soudan, avec l'Allemagne et l'Union européenne, a pris l'initiative de cette conférence pour signifier notre volonté et notre détermination à faire cesser cette crise dont un peuple souffre et attend de retrouver l'espoir et pour nous engager aux côtés des Soudanaises et des Soudanais.

Alors notre premier engagement est de soutenir les populations civiles affectées par le conflit. Aujourd'hui, d'importants moyens ont été mobilisés grâce à vous. Et au total, nous pouvons annoncer que plus de 2 milliards d'euros seront mobilisés en faveur des femmes et des hommes du Soudan. Avant cette conférence, nous avions 190 millions d'euros d'engagements. Nous sommes ce soir à 2 milliards d'euros pour le Soudan. Ce soutien, le vôtre — et je vous en remercie infiniment, et ces applaudissements sont la marque de notre engagement — va permettre de répondre aux besoins les plus urgents dans les secteurs de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, de la santé, de l'eau, de l'assainissement, de l'éducation, de la protection des populations les plus vulnérables.

L'Union européenne prend toute sa part de cet effort et je vous en remercie. Ensemble, les États membres et la Commission ont mobilisé à hauteur de 900 millions d'euros. À titre national, la France apportera en 2024 une aide humanitaire de plus de 110 millions d'euros pour le Soudan, portant à plus de 150 millions d'euros la réponse française depuis le début du conflit. Je veux également souligner devant vous le rôle indispensable joué par les pays voisins du Soudan. Je pense à l'Egypte, l'Éthiopie, la Libye, la République centrafricaine, le Soudan du Sud et le Tchad qui agissent au quotidien pour l'accueil des réfugiés soudanais face à une crise dont les effets ne connaissent pas de frontières. Les populations hôtes déjà fragilisées par des crises successives, des chocs climatiques, économiques, font preuve d'une générosité sans faille en accueillant chez elles plusieurs centaines de milliers de réfugiés soudanais fuyant le conflit. Et nous devons les soutenir. Je veux ici redire à tous les pays qui le peuvent, la nécessité pour nous d'aider dans la durée ces pays du voisinage et de la région qui subissent les conséquences directes de ce qui se passe au Soudan. Je salue l'engagement des Nations Unies, de ses agences spécialisées, et celui de l'ensemble des acteurs humanitaires sur le terrain, soudanais et internationaux, qui travaillent dans des conditions extrêmement dangereuses et difficiles.

Aujourd'hui, par cette mobilisation, notre présence à tous, c’est un message clair que nous passons aux belligérants en les appelant solennellement au respect du droit international humanitaire et de la protection des civils. Nous les exhortons à instaurer sans délai un cessez-le-feu afin de permettre aux acteurs humanitaires d'atteindre l'ensemble des Soudanais dans le besoin. Nous appelons à la réouverture de tous les points de passage frontaliers pour permettre un acheminement et une distribution efficace de l'aide. Aucune zone ne doit rester isolée. L'accès humanitaire ne doit pas être instrumentalisé à des fins militaires. Nous condamnons sans réserve les attaques menées contre les populations civiles, contre les infrastructures de base, contre les centres de santé et les travailleurs humanitaires dont la protection doit être garantie.

Et je veux ici m'adresser aux parties au conflit. Les crimes de guerre ne resteront pas impunis parce que ce sont vos concitoyens qui en souffrent. C'est la vie, aujourd'hui et celle de demain, qui est ainsi compromise. Cet appel très clair, cette défense du droit international humanitaire dans son effectivité, c'est celle que nous passons au Soudan avec la plus grande force. Mais là aussi, il n'y a pas de double standard et c'est celle que nous passons partout, sans exception, quand sur la planète, elle est remise en cause ou bafouée.

Notre deuxième engagement est de soutenir un règlement négocié du conflit. La France soutient toutes les initiatives de paix internationales et régionales pour contribuer à la résolution de la crise. Chacune d'elles participe à la construction de la paix. Nous avons réuni ce matin les États et les organisations internationales et régionales impliquées dans ces initiatives pour contribuer à la coordination de ces efforts. Les belligérants ainsi que leurs soutiens sont clairement responsables de la poursuite des combats et sont les seuls à pouvoir y mettre un terme. Je veux ici vraiment très clairement appeler à l'esprit de responsabilité. Il nous faut coordonner tous les efforts qui se sont multipliés, mais il nous faut aussi stopper tous les financements qui sont faits par des proxys parce que malheureusement, le montant que nous avons mobilisé aujourd'hui reste inférieur vraisemblablement à celui qui a été mobilisé par plusieurs puissances depuis le début du conflit pour aider les uns et les autres à s'entretuer.

Il y a un cynisme terrible derrière cette guerre où des puissances régionales sont en train de financer ceux qu'elles croient être des alliés du moment ou de demain pour essayer d'avoir une influence, mais ce faisant, entretiennent la guerre. Et je crois que l'appel à la fin de cette politique est indispensable.

Notre troisième engagement est de soutenir l'aspiration du peuple soudanais à la démocratie. Au peuple soudanais, à ce grand peuple aux trop longues souffrances depuis l'indépendance, je veux ici redire notre soutien à tous, notre admiration, notre détermination. Personne n'a oublié la révolution de 2018. Cette révolution de la jeunesse, très féminine, de poésie, où les armes s'étaient tues de manière incroyable, et qui avait soulevé tant d'espoir. Cette révolution de 2018, nous devons lui être fidèles, tous, parce qu'elle a été gâchée par le cynisme, par les intérêts prédateurs, par certains qui n'ont pas tenu la promesse qui avait été alors solennellement scellée.

Je n'oublie pas ce que nous avions, ensemble, fait en mai 2021 pour appuyer l'action du gouvernement civil de transition alors conduit par le Premier ministre Abdallah HAMDOK, que je remercie pour sa présence parmi nous aujourd'hui. Et je veux le dire, nous n'avons rien cédé de notre volonté d'aider le Soudan et de notre volonté de bâtir cette paix dans la durée.

Le séminaire qui est rassemblé aujourd'hui, en parallèle de cette conférence humanitaire des acteurs de la société civile soudanaise, que je veux aussi saluer chaleureusement, a été un premier espace de dialogue. Il faut poursuivre ce dialogue. Je sais que plusieurs d'entre vous ont la volonté de donner du temps, que celui-ci se poursuive. Et j'aurai la chance de vous écouter dans quelques instants. Mais cette espérance nous oblige par l'exemple qu'elle a su donner en décembre 2018, par celui qui avait ensuite été scellé par un engagement de la communauté en mai 2021. Il faut effacer cette dernière année, si je puis dire, de guerre civile, de trahison et revenir à l'essence même de la révolution de décembre 2018, celle de la paix et de l'espérance. Nous ferons tout pour cela.

Aux Soudanaises et aux Soudanais, je veux dire très solennellement : nous ne vous oublions pas. Et fidèles à notre message universel, nous porterons cet engagement tous ensemble.

Je vous remercie infiniment du temps que vous avez pris, de l'énergie passée aujourd'hui et des engagements que vous avez pris. Nous y arriverons.

Merci à tous.

À consulter également

Voir tous les articles et dossiers