Il était l’héritier et le rénovateur d’un art français de la grâce. Directeur de sa compagnie de cirque, Alexis Gruss avait su conquérir un prénom dans une lignée au nom légendaire. Avec sa disparition, notre Nation perd un artiste total, acteur, cavalier, musicien, metteur en scène, qui multipliait les talents autant que les spectacles.
S’il fut acteur du film de Claude Lelouch, « Itinéraire d’un enfant gâté », le parcours d’Alexis Gruss fut d’abord celui d’un enfant de la balle. Né en 1944, fils de Théophile Gruss, dit Dédé, neveu de son homonyme, Alexis Gruss senior, le jeune homme était comme destiné à l’art du cirque. Infatigable travailleur, pétri de cet héritage familial, il s’essaya très tôt à l’art équestre dont il devint un maître, mais aussi à la musique et l’acrobatie. A vingt-sept ans, il créa un spectacle à l’occasion d’une exposition au Musée en herbe du Jardin d’Acclimatation. Aussitôt, Alexis Gruss impressionna par la radicalité et la modernité de sa vision du cirque, recentrée sur le cheval, au centre de la piste et des attentions des artistes. Epurée, virtuose, remontant aux sources de la discipline en lui retirant ce que le temps y avait ajouté, cette manière de voir et de réinventer le cirque fit sensation. Alexis Gruss fonda en 1974 sa propre compagnie, le Cirque à l’ancienne, avec son épouse, Gipsy, elle-même héritière d’une grande lignée de circassiens, les Bouglione, et la comédienne Silvia Monfort.
Sur les pavés de l’hôtel Salé, puis dans les anciens abattoirs de Vaugirard, la compagnie, au nom programmatique, se proposait de revisiter les techniques et acrobaties du XIXe siècle à partir d’un travail historique d’études des archives. Les numéros revenaient aux fondamentaux et s’établissaient sur les aptitudes des chevaux et leurs capacités d’apprentissage. Ainsi Alexis Gruss, accompagnés de son père, de son épouse, de ses sœurs et de son frère, rénova en profondeur les arts forains français, avec une portée qui dépassa sa discipline, irriguant le théâtre et les créations contemporaines. La compagnie comme son Ecole au Carré, première école de cirque française fondée elle aussi en 1974, exprimaient cette ambition artistique aux créations annuelles, à la fois guidée par la pureté et combinant les époques et les disciplines. Alexis Gruss créa également la Biennale du cirque de Lyon en 1995.
Devenue le Cirque National en 1982, installée définitivement à Boulogne dans une enceinte de trois mille places, la compagnie put célébrer cette année 2024 ses cinquante ans de création avec « Les Folies Gruss » réunissant cinquante chevaux et vingt-cinq artistes. A cet égard, Alexis et Gipsy Gruss eurent toujours le souci de la transmission, à travers d’abord leurs enfants, dont Maud, Firmin, Stéphane devenus artistes à leur tour, comme à travers leur œuvre d’enseignement. Ils partageaient également le souci des autres avec la Fondation Gruss et le soutien aux Restos du Cœur. Figure reconnue de la scène et de la création françaises, dont les spectacles voyageaient en Europe, Alexis Gruss demeurait toujours ce passionné : l’ancien jongleur, le clown, l’écuyer ne cessait de rêver et d’imaginer de nouvelles pistes aux étoiles.
Le Président de la République et son épouse saluent un artiste à la générosité et au talent uniques, un homme d’enchantement et d’engagement. Ils adressent à son épouse Gipsy, à leurs enfants, à sa famille, à ses proches et à tous ceux qui l’aimaient leurs condoléances émues.