Le Président Emmanuel Macron a introduit ce mardi la « Rencontre des cadres dirigeants de l’**État », réunissant environ 700 cadres de l’É**tat.
Alors que depuis 2017, de nombreuses réformes porteuses de résultats ont été menées pour atteindre l’objectif d’une France plus forte et plus juste (réduction du chômage ; ouvertures de plus de 300 usines ; amélioration du niveau des élèves...), le Président de la République est revenu sur ce bilan, les crises et enjeux actuels ainsi que sur les priorités d’ici 2027.
Il a également abordé :
- le rôle de l’État ;
- les réformes déployées depuis 7 ans pour le transformer ;
- les nouveaux changements qui devront être engagés cette année afin de mieux répondre aux attentes des citoyens.
Plus de 9 Français sur 10 sont à moins de 30 minutes d’un espace France services.
Le travail de rapprochement des services publics continue. pic.twitter.com/cbW7gQawnH
— Élysée (@Elysee) March 12, 2024
Cette prise de parole a été suivie d’une session de questions – réponses.
Revoir l'échange :
12 mars 2024 - Seul le prononcé fait foi
DISCOURS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE – RENCONTRE DES CADRES DIRIGEANTS DE L'ÉTAT
Emmanuel MACRON
Monsieur le Premier ministre, Mesdames, Messieurs les Ministres, Mesdames, Messieurs les hauts fonctionnaires, Messieurs les CEMA, généraux, officiers supérieurs, vous toutes et tous qui formez l'encadrement dirigeant de l'État.
Je vais essayer ici devant vous de donner un cap sur le fond et aussi quelques convictions de méthode et donner à la fois au Premier ministre, aux membres du Gouvernement et aux principaux artisans de ces réformes un mandat clair pour pouvoir avancer. Et je sais que nous sommes à la fois dans cette salle, mais également en non présentiel, comme on dit maintenant avec plusieurs de vos collègues. D'abord, je vous retrouve, après la dernière réunion que nous avions tenue sous une autre forme, celle-ci, je m'en souviens, en 2021, dans un temps qui paraît si loin, nous ne sortions pas encore du Covid et nous lancions un chantier important de modernisation. Beaucoup a été fait et je voulais commencer mon propos par vous remercier, vous, l'ensemble de vos collègues, vos équipes et de l'ensemble de nos départements que vous soyez dans les administrations ou les opérateurs, un très grand travail, je ne le mésestime pas, a été fait ces dernières années et vous en êtes les artisans.
Et je veux très sincèrement vous en remercier. D'abord parce qu’un cap avait été donné. Pour le simplifier, en 2017, il y avait deux priorités : lutter contre le chômage, lutter contre le terrorisme. Des résultats tangibles ont été obtenus, tangibles, avec un niveau d'activité historique, un taux de chômage qu'on n'avait pas connu depuis 40 ans, une réindustrialisation qui a commencé, fruit de beaucoup de réformes et d'une mise en œuvre effective, et un pays plus sûr, avec beaucoup de travail sur le terrain qui a été effectué. Je ne vais pas ici dire tout ce qui a été fait. Je pourrais scander tout ce qui a été déployé en matière d'éducation, des dédoublements de classes aux premières réformes en matière de santé, avant le Covid et après le Covid avec le Ségur. Mais les résultats sont là et nous avons pu en rendre compte aux Françaises et aux Français. Et dans le même temps, vous avez eu à gérer un nombre de crises à un niveau historique : crise sociale avec les Gilets jaunes, Covid, qui a frappé notre pays comme beaucoup d'autres et était un véritable défi organisationnel que vous avez relevé, retour de la guerre en Europe avec ses conséquences, inflation, sans parler des crises plus locales, qu'elles soient environnementales ou autres que nous avons eu à affronter ces dernières années, qui ont bousculé vos territoires.
Et donc, tout à la fois, ces dernières années, on a géré des crises à un niveau sans doute d'intensité inédite et on l'a encore vu ces derniers jours avec l'attaque sur notre réseau interministériel sur le plan informatique qui montre que nous allons vivre dans un monde de multi-crises et que les formes, l'hybridité aussi de nos attaques, qu'elles soient d'ailleurs réelles, informationnelles, qu'elles soient civiles ou militaires, seront là.
Et vous l'avez fait en tenant les objectifs qui sont les nôtres et je crois, en rendant la France plus forte. De cela, je veux très profondément vous remercier. C'est le fruit de votre engagement, de votre travail, de celui de l'ensemble de vos collaboratrices et collaborateurs. Et on ne le dira jamais assez, mais l'une des forces de notre pays est précisément d'avoir cette armature partout sur le territoire et ce sens de l'engagement. Ces résultats sont aussi le fait que le cap n'a pas varié et je pense qu'il est très important que les objectifs ne changent pas tous les 6 mois. C'est pour ça ici que je veux clarifier quelques-uns, qu'il y a eu ensuite une équipe totalement mobilisée, avec cette volonté d'affronter les crises, mais de garder cette capacité à se focaliser sur le moyen long terme. Et c'est, je crois, la force qui a pu être la nôtre. Les choses ne vont pas se simplifier dans les années à venir. Le réchauffement climatique, les dérèglements climatiques et leurs conséquences vont s'intensifier. Le contexte économique est moins favorable dans notre Europe. La priorité qui est donnée aux réformes ne doit pas nous faire oublier la gestion des finances publiques de manière responsable. Et la géopolitique ne va pas se simplifier. Nous rentrons dans une zone de plus grande turbulence. Nous l'avons encore vu ces derniers mois. C'est pourquoi il nous faut, si je puis dire, redoubler d'efforts. Et je viens devant vous ce matin, donc le Premier ministre, les ministres et l'ensemble de celles et ceux qui sont prévus pour le travail de cette conférence managériale ne viennent détailler ces chantiers avec une conviction chevillée au corps.
C'est que le moment que nous vivons, je l'évoquais, les crises multiples et qui se superposent est aussi celui d'une crise des démocraties. On le voit dans notre pays, on le voit encore plus durement dans beaucoup de pays européens, on le voit outre-Atlantique, aucune démocratie n'est épargnée. Et cette crise est avant tout une crise de l'efficacité de l'action publique. C'est pourquoi votre rôle est essentiel. C'est une crise de l'efficacité de l'action publique parce qu'au fond, nous avons un mouvement divergent. Nos compatriotes s'habituent de plus en plus à l'immédiateté des réseaux sociaux et ils ont l'habitude que des tas de gestes qui, parfois, prenaient du temps, supposaient des démarches physiques qui pouvaient être longues, elles se règlent avec simplement un doigt sur un écran. Formidable innovation d'usage de nos temps. Mais du coup, le même rapport à l'immédiateté est attendu de nous collectivement. Il n’est pas toujours possible, il faut en faire la pédagogie. Enfin, on nous demande d'aller plus vite. Et dans le même temps, notre action publique, on le voit bien, est parfois tétanisée par des objectifs qui viennent annihiler l'un l'autre.
On veut aller plus vite et simplifier, mais on multiplie les contraintes parce qu'on veut tout à la fois faire de l'économie, préserver notre environnement, faire droit aux requérants et donc nous avons une action publique qui s'est alourdie, qui prend plus de temps, qui s'est sans doute, pas sans doute, à coup sûr complexifiée. Et cet écart fait que les gens nous disent : vous êtes inefficaces. On l'a encore vu récemment avec la crise agricole. Les gens me disent, ceci doit être plus simple, il doit être réglé maintenant ; je dois le voir, je ne vous crois plus. Si ce n'est pas tangible chez moi, c'est que ça n'existe pas. C'est une crise de confiance qui se porte aux politiques, mais à l'ensemble de l'administration. Et donc, je crois que le défi principal qui est le nôtre, c'est d'avoir quelques objectifs clairs, je vais revenir sur le fond, mais surtout de changer drastiquement notre méthode pour être au service de ces objectifs et réussir à gagner en efficacité, en rapidité et en intelligibilité de l'action publique collectivement, car sinon, c'est la confiance même dans la vie démocratique et chez nous dans l'État, qui va continuer de s'affaiblir. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose, car on le voit dans les temps de crise, là où l'action publique, par hyper simplification de ce qu'elle fait, devient tangible, elle est plébiscitée. Malheureusement, quand un attentat revient, quand un drame survient sur le territoire, lorsque le Covid était là, l'action publique est plébiscitée parce qu'elle devient très simple, très tangible, parce que ce qui sont des barrières de chaque jour et des procédures trop lentes sont suspendues et nous avançons. C'est exactement le même état d'esprit qu'il faut avoir si je puis m'exprimer ainsi, par temps de paix.
Alors, pour ce faire et sur le fond, cette action du Gouvernement soit tout entière tendue autour de 4 objectifs très simples et que vous vous y inscrivez : le Premier ministre, les ministres qui y reviendront. J'ai eu l'occasion d'y revenir dans ma conférence de presse et tout ça est un élément de continuité. Au fond, pour moi, l'objectif est de continuer à rendre notre pays plus fort, donc plus souverain et plus juste. Se libérer, protéger, unir, demeure totalement d'actualité. Ce cap de 2017 est toujours là et pour moi, il faut le décliner autour de 4 chantiers. Le premier, c'est atteindre le plein emploi et poursuivre la réindustrialisation. C'est le premier parce que si on ne crée pas de richesse, on ne peut pas la distribuer. Pardon de ce propos de bon sens, mais on l'oublie trop souvent, on l'a trop souvent oublié. Et donc, nous devons tous être au service de cette capacité dans le pays à créer plus de richesses, à maintenir ou à localiser des capacités de production. Et là aussi, je l'ai souvent rappelé, on parle et nous allons reparler de finances publiques. Si la France avait le taux d'activité et le taux de chômage de l'Allemagne, elle n'aurait pas de problème de finances publiques. Donc nos recettes, elles sont paramétriques quand elles sont de très court terme ou de freinage d'urgence. La bonne réponse de finances publiques est une réponse en termes de réindustrialisation et d'activité à coup sûr. Alors pour cela, beaucoup de choses ont été faites. Il faut les poursuivre. Évidemment, la réforme de l'assurance chômage, la capacité à continuer à moderniser notre économie, les textes qui viendront en la matière pour continuer de simplifier, d'accompagner les entreprises, renforcer aussi tout le travail qui est en cours sur la formation avec la carte des formations de la voie professionnelle, la réforme du premier cycle universitaire, qui est elle aussi entreprise, qui sont des éléments essentiels.
Et puis, toutes les lois de souveraineté industrielle et numérique ou de simplification en faveur des entreprises qui vont arriver dans les prochains mois. Ce travail, qui est législatif, réglementaire, qui va vers la simplification, l'accélération, la poursuite de ce que nous avons commencé se complète donc par un pilier encore renforcé sur la formation qui est essentielle et l'innovation. Et donc, c'est tout le travail aussi du SGPI de France 2030. Il doit se décliner territorialement, là aussi par un accompagnement de ces réformes.
Et je voulais insister sur ce premier chapitre, sur quelques points. Nous devons continuer d'aller plus vite et de réduire les délais par des procédures intégrées et très groupées. L'exemple de ce qui a été fait, par exemple, à Dunkerque, je pense, c'est le bon ou ce qui a été fait pour nos Jeux olympiques et paralympiques. Et donc, il est possible, j'y reviendrai, de regrouper et d'aller plus vite quand on anticipe et qu'on simplifie les procédures. Et puis, il y a l'accompagnement de la réforme France Travail et au fond, là aussi, une capacité à intégrer tous les acteurs pour mieux former, accompagner et résoudre en quelque sorte les problèmes qui séparent du retour à l'activité. Ça pour moi, c'est le premier axe. Le deuxième, c'est d'améliorer les services publics, notamment de proximité. Sur ce volet, beaucoup de choses ont été faites. Il y a un réinvestissement historique de la puissance publique qui est faite sur nos grands services publics et qu'il s'agisse d'ailleurs des deux LPM, mais également ce qui a été fait sur le ministère de l'Intérieur, la Justice, l'Éducation, la Santé. À un niveau historique, en réinvestissant à la fois évidemment sur les fonctionnaires et les collaborateurs, mais sur la force d'investissement de ces grandes politiques.
Et donc à ce titre, il faut avoir des objectifs simples. Pour l'éducation, c'est améliorer le niveau des élèves et faire que chaque enfant dispose des clés pour choisir son destin. C'est tout ce qui a été déployé avec les réformes du premier quinquennat, complétées par le choc des savoirs, le pacte enseignant, l'orientation et la découverte des métiers, la réforme du lycée professionnel et de l'Enseignement supérieur et de la recherche, et tout ce qui va ensuite se dérouler sur lesquels la ministre aura l'occasion de revenir. En matière de santé, c'est permettre à chacun d'avoir accès aux soins. Et nous savons le double défi de la crise hospitalière et des déserts médicaux. Et il n'y aura pas de miracle dans les trois ans qui viennent. Nous n'allons pas avoir davantage de médecins malgré l'ouverture des formations, parce que ce sont des résultats qui arriveront en 2028. Et donc, l'effort sur lequel nous devons redoubler, c'est celui de libérer du temps médical, créer des communautés professionnelles territoriales de santé, déléguer des actes, continuer aussi d'avoir des praticiens diplômés hors de l'Union européenne qui s'installent sur notre territoire. Et là aussi, gagner le virage de la prévention et de la meilleure coordination entre la ville et l'hôpital. La ministre aura l'occasion d'y revenir. Mais plus largement, ce qui est attendu de nous, c'est de pouvoir accéder au service public partout, avec une condition d'égalité réelle. Les Français nous demandent des délais plus courts, ils ne veulent pas être envoyés d'une administration à l'autre et ils veulent de l'humain, que ce soit au téléphone ou physiquement. C'est là une transformation managériale sur le terrain qu'on a réussie — J'y reviendrai avec les maisons France Services — mais qu'il nous faut systématiser et qui va avec justement cette capacité à améliorer nos services publics. C'est tout l'effort qui est aussi fait pour ne citer qu'un exemple en matière de justice de proximité et qui nous a conduits à réinvestir beaucoup de personnels sur le terrain.
Le troisième axe, c'est planifier, accélérer la transition écologique. Je l'avais dit dès 2022, c'était un engagement. Nous avons réorganisé nos travaux. Un très grand travail a été accompli et je remercie le ministre, les ministres mais aussi le secrétariat général de la Transition écologique auprès du Premier ministre et nous avons véritablement, nous sommes le premier pays à avoir cette planification qui permet d'expliquer in concreto comment atteindre nos objectifs. Et c'est un travail qui s'est fait par une maïeutique avec l'ensemble des services et qui articule d'ailleurs notre action nationale et européenne et internationale. Ce continuum est très important pour notre crédibilité et notre compétitivité, parce qu'il ne s'agit pas d'avoir un déphasage entre ce que fait la France et ce que font nos voisins. En matière de transition écologique, nous avons maintenant un défi, qui est d'accélérer la mise en œuvre et au fond, c'est une maîtrise de passages, secteurs et territoires. On va devoir décliner, secteur par secteur d'économies ce que nous avons planifié et c'est en cours, avec parfois des textes avec des incitations, des mécanismes fiscaux, des financements de France 2030, pour d'autres fois des éléments réglementaires européens ou nationaux et puis une approche par territoire et un dialogue de gestion.
Et les COP régionales ont commencé à se faire. Les ministres les annonçaient il y a plusieurs semaines, plusieurs mois. Mais maintenant, et ils vont nous permettre de décliner les choses. Votre rôle est essentiel à cet égard. Il sera celui de guide, de médiateur qui permet justement d'accompagner, de bâtir des solutions. Et c'est cette écologie à la française à laquelle nous croyons. Et puis, le quatrième axe d’action, c'est de renforcer l'ordre civique et républicain. Les Français demandent de l'ordre à juste titre, un ordre au service de nos lois, de nos valeurs. Et c'est le sens d'ailleurs des moyens que nous avons mis, dans nos armées pour garder l'ordre à nos frontières et avoir des missions aussi qui contribuent à celui-ci en nos frontières. Réinvestir, je le disais dans notre justice. Nous aurons d'ici la fin de ce mandat augmenté de 60 % le budget de la justice, ce qui est inédit dans notre histoire. Renforcer les moyens aussi du ministère de l'Intérieur, qu'il s'agisse de nos policiers, de nos gendarmes, de notre sécurité civile, avec un réinvestissement là aussi très important qui est à décliner sur le terrain. Mais il nous faut maintenant réussir de nouveaux défis en matière justement d’ordre civique et républicain. La meilleure prise en charge des mineurs en rupture avec la société, c'est l'un des enjeux essentiels et un des axes que j'ai fixés au Premier ministre. Il y reviendra pour les mois à venir, qui est aussi notre réponse aux émeutes vécues l'été dernier. L'accroissement de la lutte contre le trafic de stupéfiants, c'est le deuxième acte de ce que nous avons lancé dès 2018, avec une réorganisation nationale et internationale de notre action qui porte ses premiers résultats, mais que nous sommes en train d'intensifier, la lutte contre la radicalisation et le communautarisme qui elle aussi, depuis la stratégie des Mureaux en 2020, produit des résultats mais que nous allons intensifier.
Et puis, le déploiement des Forces d'action républicaines ou de la Border Force, qui font partie des engagements que nous avons prises. Tout cela, évidemment, nous allons continuer de le décliner. Mais tels sont là les quatre grands axes de l'action que je demande au Gouvernement et à l'ensemble de nos administrations et les priorités. Et tout cela s'inscrit dans un environnement européen international, évidemment de plus en plus complexe où notre vocation sera de continuer à avoir une Europe plus souveraine, plus unie, plus démocratique. C'étaient les axes fixés à la Sorbonne sur lesquels nous avons eu des résultats. Mais les mois et les années qui viennent vont nous demander d'avoir une Europe encore plus souveraine. Nous le voyons en termes de défense, mais également en termes technologique et économique et les défis de notre industrie de défense, de nos capacités à protéger nos propres frontières, mais aussi nos capacités à développer notre propre intelligence artificielle. Nos solutions numériques sont là et une Europe plus pragmatique. Il nous faudra, à l'échelle européenne, réussir la conversion de méthodes que je vous demande au niveau national pour pouvoir justement avoir un meilleur accompagnement de notre action et une plus grande simplicité pour nos compatriotes. Voilà les objectifs de fond.
Mais pour réussir une telle transformation et répondre à la crise de confiance démocratique que j'évoquais, il nous faut une transformation de l'État qui était indispensable. L'agenda est dense, vous le savez, et je souhaite qu'on porte ces réformes jusqu'au bout. Et je pense que ceci doit s'inscrire aussi sur des changements de méthode et d'organisation qui sont les nôtres. Là aussi, depuis 2017, beaucoup a été fait et je veux vous en remercier très sincèrement et défendre ce bilan. D'abord, on a commencé à remettre l'État au cœur des territoires. Nos concitoyens ont besoin de cette présence. C'était l'engagement que j'avais pris au sortir de la crise des gilets jaunes. En avril 2019, nous avons collectivement inventé les maisons France services en disant les gens demandent de la présence tangible. J'ai pris l'engagement qui paraissait désuet chez certains, de dire il faut une maison France services par canton. Moi, je pense que ce n'est pas du tout désuet, parce que le canton est une échelle humaine, intelligible, réelle pour les gens, qui correspond à l'intimité des territoires. Nous avons fait plus que cela puisqu'il y a aujourd'hui 2 700 espaces France services. Plus de 9 Français sur 10 sont à moins de 30 minutes d'un de ces espaces. C'est essentiel. Il faut continuer ce travail, continuer d'innover, de mettre des maisons France service dans les sous-préfectures, de réussir justement à faire le lien encore davantage avec notre justice et partout sur le territoire, d'enrichir, de densifier ces maisons France services et d'avoir une offre complète. Ça a été, je crois, une avancée de ces dernières années. Il faut la renforcer et ne pas considérer que c'est acquis.
Ensuite, c'est la transformation de la fonction publique. Les lois dites DUSSOPT ont permis de simplifier et de déconcentrer, dans le texte, les ressources humaines et leur gestion. C'est très hétérogène entre les ministères. J'ai fait donner par le ministre la grille. Il y a des ministères qui n'ont absolument pas appliqué, je ne suis pas ici pour désigner les mauvais élèves, c'est public. Le ministre des Transformations publiques peut le partager, les ministères, c'est comme si on n'avait pas pris la loi ; c'est-à-dire que tout est resté au niveau central. Il y en a d'autres qui se sont appropriés la loi. Les textes ne valent que pour autant qu'ils sont utilisés. Et l'administration a cela de beau, c'est qu'au fond, si une administration centrale décide de ne pas appliquer à elle-même ce qui a été voté, elle stérilise assez bien ledit texte. Donc je félicite ceux qui l'ont fait. Je ne pensais pas que c’est une bonne méthode. Donc je demande au ministre d'appliquer pleinement ce qui n'a pas été fait aujourd'hui, c'est-à-dire de déconcentrer la gestion des ressources humaines, de pleinement utiliser les leviers qui sont donnés aux managers publics parce que je pense que c'est une bonne chose. Mais ça a été un premier temps de réforme. Il y a eu ensuite modernisation qui a été portée par la ministre DE MONTCHALIN. Et puis maintenant, un troisième temps de réforme se prépare, il est en train d'être finalisé par le ministre GUÉRINI et permettra d'avoir un texte qui, là, réforme très profondément aussi notre fonction publique.
Mais cette transformation s'est faite, et en assumant que la haute fonction publique soit la première touchée. C'est un élément de crédibilité, de légitimité de notre réforme. Et donc la refonte de l'ENA avec la création de l'INSP, la suppression du classement de sortie, et merci à tous les managers qui ont à gérer justement cette transition qui, je crois, est en train de se passer et va nous permettre de nous améliorer collectivement, la création de plus d'une centaine de prépa-talents pour attirer de nouveaux profils, la fusion des corps et la création de la DIESE qui a permis justement d'installer un encadrement supérieur de l'État et sa gestion. Et au fond, pour le redire ici, j'avais eu l'occasion de le dire devant plusieurs ministères, et pour lever ce qui n'a jamais été dans mes yeux un malentendu, j'ai toujours tenu à la professionnalisation de tous. Mais le corporatisme n'a jamais servi aucune professionnalisation. Il est quelque chose qui bloque la circulation des talents et donc je suis pour les fonctions, la professionnalisation, me l’étant appliqué à moi-même, je suis contre le corporatisme. Je pense que ça ne sert aucun talent, aucune forme de reconnaissance et aucune reconnaissance de mérite. Et donc cette réforme, concernant notamment aussi les corps techniques, devra être finalisée cette année, et elle sera complétée. Et ce sont également les mêmes objectifs de décloisonnement, de mobilité, de valorisation des compétences et des métiers que nous mènerons à toute la fonction publique autour du projet de loi qui est en train d'être préparé par le ministre de la Transformation et de la Fonction publique. Avec un maître mot, pour moi c'est le plus important, faire confiance à ceux qui sont au plus près du terrain. Et j'y reviendrai dans un instant, mais c'est la clé : il faut inverser la pyramide. Inverser. Et à cet égard, je veux vraiment remercier la DIESE que j'évoquais et la DITP qui ont été deux fers de lance de cette transformation. Et je sais combien le Premier ministre sait pouvoir compter sur ces deux administrations fortes, aux côtés de son ministre et de l'ensemble des membres du Gouvernement, pour continuer d'appuyer ces transformations indispensables. Et puis, depuis 2017, on a simplifié, amélioré la qualité de service, en France comme à l'étranger. On a pris beaucoup de lois. Elles ont toutes des acronymes, ASAP, ESSOC, etc.. En tout cas, il y a eu le plan « Dites-le nous en une fois », le chantier de simplification de 250 démarches essentielles les plus utilisées par nos concitoyens, notamment pour les rendre plus accessibles aux personnes en situation de handicap. On a beaucoup simplifié aussi sur le plan consulaire. Merci aux services qui contribuent à tout ce chantier qui est en train d’achever son déploiement. Et puis, il y a le projet « 10 moments de vie » qui est très important, très concret. La dématérialisation de l'état civil, je le disais, pour les Français de l'étranger. Et c'est la bonne logique, il faut la continuer. Mais au fond, en matière de simplification - je défends notre bilan, je suis très heureux de ce qu'on a commencé à faire - mais enfin, la lucidité me conduit à dire que la perception générale n'est pas qu'on a massivement simplifié. Je crois que si on faisait un sondage d'ambiance dans le pays, même hors du Salon de l'Agriculture où j'ai pu essayer de plaider cette théorie, ce n'est pas perçu. Donc, ça veut dire qu'on n'a pas totalement réussi. Alors, je dois dire que quand on se plonge dans le détail, c'est la difficulté pour un président de la République, on dit quelque chose puis après — et c'est normal, c'est la séparation des pouvoirs et autres — à chaque étage, on met des freins et à la fin, là où vous avez mis 100 en force, y arrivent à 5 ou 10.
Et donc, j'ai dit, on va faire un truc qui est formidable, le droit à l'erreur, parce que je crois que c'était une bonne idée. Les gens étaient d'accord d'ailleurs. Puis après, il y a eu loi ; la loi a mis déjà plein d'exceptions sur le droit à l'erreur. Puis, après la loi, le règlement en a remis d'autres. Et puis après, il y a des administrations qui l'ont fait, d'autres non. Et donc, le droit à l'erreur, il y a des endroits où ça marche. Très bien, alors, on m'a fait un dossier collaborateur, comme je dis ce que je pense et ce que je vis sur le terrain. Chaque fois que je vois des gens, je leur dit : le droit à l'erreur, ça a quand même changé votre vie. Je l'avais dit en 2017, on l'a fait. On a passé une loi. Soit j'ai des gens qui sont en colère et qui me disent « ils nous prennent pour des imbéciles » ; soit j’ai des gens qui me disent ailleurs : « il vit ailleurs », « il est déconnecté » comme on dit parfois. C'est ça la réalité. Alors, c'est « Bibi » qui paye. Mais c'est notre travail collectif et ce n'est pas bon, et ce n'est bon pour personne parce que ça veut dire qu’on a laissé le président de la République dire quelque chose et prendre un engagement, et on s'est accommodé, on a dit : on va faire comme on a toujours fait, c'est quand même plus simple et donc à chaque étage, on en a un peu enlevé. Il y a des endroits où il y a du droit à l'erreur. Il faut bien les chercher. Ces endroits-là, ça marche à peu près. Il y a quand même beaucoup d'endroits de l'action publique où il n'y a pas de droit à l'erreur. Donc, je ne peux pas vous dire que la simplification, en général, soit une grande victoire des dernières années, même si je la défends comme étant une partie du bilan. À côté de ça, vous avez aussi, et je parle, donc, des 5 années qui viennent de s'écouler, pour défendre ce qu'on a fait et le mouvement qui est en cours : adapter aux grands enjeux numériques, écologiques et sociaux vos administrations, avec un très grand changement et vraiment beaucoup d'éléments qui ont été conduits et je vous en remercie. Qu'il s'agisse de la politique d'achat, qu'il s'agisse justement de l'organisation, de l'adaptation de nos services, ça a été un mouvement qui a commencé, qu'il faut accélérer parce que c'est un des axes clés de ce que nous sommes en train de conduire. Alors, maintenant, fort de ce bilan, en termes de méthode, qu'est-ce que j'attends de vous collectivement ?
Je pense que toutes les intuitions, tout ce qu'on a commencé à lancer : transformation de l'État, simplification, responsabilisation des managers territoriaux, remettre l'État au cœur de territoires, ce sont des bonnes directions. C'est-à-dire que je ne pense pas que, ces dernières années, on ait fait des choses qui aillent dans le mauvais sens. Si je pensais le contraire, je vous le dirais et je le rectifierais. Donc je pense que tout ce qui a été fait, l'intention est bonne, le mouvement est bon. Simplement, il manque en intensité, il manque en force, il manque en radicalité pour pouvoir être perceptible. Et j'en reviens à cette crise de confiance que j'évoquais : Si les gens ne le voient pas, si les choses ne changent pas radicalement, elles ne sont pas considérées comme réelles et c'est une course de vitesse parce que sinon, c'est « l'aquoibonisme » qui revient. Si vous ne changez pas les choses, les gens disent : À quoi ça sert de faire tous ces efforts ? Et ça se mêle en quelque sorte au magma, et donc à la défiance. Et donc, gagner en intensité, c'est prendre quelques mesures claires en termes de méthodes qui viennent au service, donc, des 4 objectifs que je viens de présenter.
Premier élément, c'est mener la déconcentration à son terme. De là où je suis, il faut apprendre à être, ou patient ou entêté. Et je crois que je disais à peu près ça aux Préfets, à l'Élysée, en septembre 2017. C'est comme la simplification, donc il y a des choses qui ont été faites, mais enfin pas tout. Donc là, je ne vous lâcherai pas collectivement, il faut déconcentrer. Et quand je dis déconcentrer, la bonne maille est départementale. Parce que la déconcentration régionale dans les grandes régions n'est pas perçue comme une déconcentration par nos compatriotes. Ce n'est pas vrai. Quand on a mis, par exemple, les politiques de logement et qu'on les a mises au niveau régional, dans notre discours à nous, on dit : « c'est déconcentré, au niveau régional ». Allez demander à quelqu'un qui instruit. Parce qu'au niveau du département, on demande à la Région. Les services de la Région mettent parfois autant de temps qu'à Paris, puis ça redescend. Là où vous n'avez pas la possibilité de répondre à vos interlocuteurs de premier ordre, un maire, un entrepreneur et vous dites : « je vais demander l'autorisation au-dessus ». La décision est perçue comme lointaine. Nos procédures sont lentes, parce que tous les systèmes sont thrombosé. Et donc, je veux véritablement qu'on aille au bout de cette déconcentration territoriale et qu'on donne beaucoup plus de force à nos départements. Je le dis parce qu'ils ont été anémiés et vous le savez très bien. Quand la RGPP s'est faite, je parle d'un temps que vous connaissez, que nous connaissons, qui remonte à une dizaine d'années, le principal effort sur la fonction publique a été fait sur les territoires et il a été fait dans les départements. Prenons les chiffres, entre 2008 et aujourd'hui, préfectures ou des services départementaux, c'est là que l'effort a été demandé. Il l’a été beaucoup moins en central, c'est une réalité. Or, qui est au service, qui demande, qui innove, qui est dans la mobilité ? Et ce qui fait qu'on a continué à avoir des administrations centrales qui parfois produisent un à deux textes d'instructions par jour ouvré. C'est une réalité ce dont je parle. Qui parle à des services déconcentrés qui ont été anémiés avec des concitoyens qui sont de plus en plus exigeants et qui demandent de la vitesse d'exécution. Vous ne demandez pas pourquoi les gens sont frustrés. Et dans le même temps, quelques années plus tard, on a fait ces grandes régions qui ont éloigné les centres de décision du département. Ce double mouvement est terrible pour la capacité à avoir une action publique qui est tangible pour nos compatriotes. Nos compatriotes, pouvant être des citoyens de bonne foi, mais surtout, ceux qui sont nos relais, c'est-à-dire les maires, c'est-à-dire les entrepreneurs, les décideurs locaux et vous le savez comme moi. Et donc, je veux qu'on redonne de la force, à la fois de la cohérence d'action et de la force à nos départements.
Je demande qu'un mouvement massif sous la supervision du Premier ministre soit fait pour déconcentrer. Donc, je vous demande dans tous les ministères de regarder comment pousser, de l'administration centrale et des opérateurs. Parce que le sujet qu'on a dans plusieurs ministères, c'est que vos capacités d'action sont faibles, parce que beaucoup de ces fonctionnaires sont chez les opérateurs. Mais ça vaut pareil. Et ce mouvement a encore accru ce que j'évoquais, parce qu'en plus, quand dans les préfectures de département ou dans les services départementaux, vous avez des appels d'offres qui viennent d'opérateurs nationaux qui vous passent au-dessus de la tête, bon courage. Donc, je vous demande de faire ce mouvement, de redonner des moyens. Ensuite, le préfet doit être le pilote effectif de l'ensemble des services publics de l'État, opérateurs et agences comprises, au niveau départemental parce qu'il faut de la simplicité de commandement. C’est pourquoi les préfets donneront un avis dans le processus de nomination, la fixation des objectifs et des priorités d'actions, l'évaluation et la construction de la part variable de la rémunération des directeurs et délégués territoriaux. Je pense que c'est un mouvement important et le Premier ministre donnera la liste complète dans son intervention. Et pour ce qui relève de l'accès aux services publics et sa cartographie, je souhaite que les préfets donnent un avis conforme au projet d'évolution porté par les services de l'État : offres de soins, carte scolaire, implantation des centres des impôts. Le préfet de département doit être à cet égard un patron de l'État. Et qu'on soit bien clair, ce préfet n'a pas vocation à traiter de la fiscalité ou de l'action pédagogique ou de la gestion des hôpitaux. Par contre, il a toute légitimité en matière d'organisation spatiale des services. C'est ce distinguo qu'il faut faire, mais c'est celui qui permet là aussi d'avoir une action de l'État qui est un peu remembré, si je puis dire, au niveau départemental et qui - ce faisant - est plus cohérente pour tout le monde.
Les services et opérateurs de l'État devront aussi associer les préfets aux financements accordés sur leur ressort territorial. C'est en partie déjà prévu dans les textes. Il faut maintenant l'appliquer et aller plus loin. Ce droit de regard doit permettre une plus grande cohérence des choix d'investissements de l'action de l'État, pour aboutir, cela peut conduire à revoir et modifier l'organisation des opérateurs ou des services concernés — et c'est ce travail que je souhaite qu'on conduise — et limiter au maximum les appels à projets nationaux que j'évoquais en les réservant aux politiques publiques qui ont besoin de faire émerger les projets les plus innovants, des thématiques encore mal traitées qui justifient pleinement d'être traitées au niveau national, sinon tout doit être traité au niveau déconcentré.
Cette autorité renouvelée doit se traduire par une évolution managériale et opérationnelle sur le terrain, et je demande expressément aux préfets de bâtir concrètement ces nouveaux collectifs de travail élargis et garantir une vision à 360 degrés de l'action de l'État sur le territoire. De même, au niveau central, j'invite tous les ministres à considérer que les préfets sont à tous, si je puis dire, et également leurs préfets, ce qui est d'ailleurs la logique initiale de notre organisation, ce sont des représentants dans chaque département. Ils travaillent à mettre en œuvre toutes les politiques qui sont confiées au quotidien par le Premier ministre et, à cet égard, en lien avec le ministre de l'Intérieur. Les ministres, dans leurs domaines, sont tout à fait à même de solliciter ou mobiliser à tout moment les préfets pour la cohérence de cette action. Au-delà des moyens donc, il faut déconcentrer au niveau départemental, au-delà de cette clarification des responsabilités et du commandement, la déconcentration des moyens RH et budgétaires doit être achevée. Je l'ai évoqué tout à l'heure. Le Gouvernement précisera les modalités, mais cela se traduira par exemple par une simplification de l'architecture budgétaire, la réduction du nombre de programmes, une possibilité de renforcement de la fongibilité des enveloppes, une limitation du fléchage des crédits déconcentrés, une possibilité d'engagement pluriannuel pour les préfets pour financer les projets structurants au-delà de l'année civile, un pilotage de la masse salariale et des décisions de gestion, etc. et une intégration dans les objectifs des administrations centrales des enjeux de déconcentration. L'ensemble de ces éléments sont clés pour aller au bout de ce qu'on a annoncé, fait de manière très hétérogène, c'est-à-dire une déconcentration effective de notre action. Elle est essentielle et elle permettra d'ailleurs de lever souvent un malentendu. Je vous le dis ici, parce que quand on entend parler de décentralisation chaque jour, c'est que nos compatriotes veulent surtout de l'action sur le terrain, quand on rentre dans le détail. D'ailleurs, quand on voit les retours d'expérience, que ce soit de la décentralisation ou la déconcentration, c'est très peu lisible pour la plupart de nos compatriotes. Et l'amour de l'égalité qu'ont les Françaises et les Français fait que d'ailleurs ce qui va avec la décentralisation, qui peut être de l'hétérogénéité territoriale, ne leur plaît pas toujours. Par contre, une vraie déconcentration avec un pouvoir d'initiative, une capacité à répondre et une responsabilité sur le terrain, c'est ce qu'ils demandent et c'est ce que nous leur devons. Je le crois très profondément et donc c'est ce que je vous demande. Les modalités techniques seront travaillées sous l'autorité du Premier ministre par le Gouvernement. Les textes nécessaires seront pris dans les prochaines semaines et des points réguliers seront faits sur la mise en œuvre de cette déconcentration, en plus tous les trimestres autour de la table du Conseil des ministres. Ça, c'est pour moi en méthode le premier axe au service de l'action que je vous ai demandé.
Le deuxième, c'est d'aller beaucoup plus vite et plus fort en termes de simplification et bien au-delà de ce qu'on a fait depuis 2017. Alors, pour réussir cette simplification, il y a plusieurs éléments. D'abord, produire moins de textes. C'est ce que nous sommes en train de faire au niveau gouvernemental. C'est ce que nous allons poursuivre dans le dialogue avec, justement, les Chambres. Et c'est une discipline du législateur. Elle est indispensable. Ensuite, c'est de faire la même chose au niveau des administrations centrales, c'est-à-dire : vous vous fixez comme objectif de faire beaucoup moins de textes - et je vous invite à regarder par ministère la fréquence des textes que vous produisez en central - qui conduisent, si on se dit les choses, à une taylorisation des agents sur le terrain, c'est-à-dire que quand vous recevez chaque jour 1 à 2 instructions, vous ne vous pouvez plus réfléchir à ce que vous faites. Vous êtes dé-responsabilisé. Et donc je souhaite que les administrations, c’est un deuxième élément de simplification, se fixent des objectifs clairs et précis : diminuer les délais, réduire la paperasse, diminuer le nombre de contrôles, et interroger la pertinence de toute instructions qui part d’en bas. Mieux vaut une réunion où on partage des objectifs, mais on laisse de la liberté au terrain, plutôt qu'un texte qui n'est accompagné d'aucune explication, qui sort et arrive sur une boîte mail, ce qui malheureusement, est quand-même beaucoup trop souvent la manière dont les choses procèdent. Élément de simplification : se mettre au côté de l'usager final, comme dans la consultation réalisée par Bercy auprès des entreprises ou autour des moments de vie du ministère de la Transformation et de la Fonction publique. Cette capacité à nous mettre au niveau du particulier, de l'entreprise, de l'agriculteur, de la collectivité est, je crois, la bonne manière de faire de la bonne simplification. Ensuite, c'est faire confiance a priori. C'est pourquoi je veux qu'on rouvre le droit à l'erreur et qu'on aille au bout dans les champs de l'action publique où ça n'a pas été pris. Ce qu’on fait de manière beaucoup plus systématique. Je pense par exemple à la fiscalité, il y en a d'autres où ça a été beaucoup moins fait. Il faut être lucide. Et donc je souhaite que partout où c'est possible, on supprime les autorisations préalables et proposer de manière facultative des rescrits réglementaires, qu'on multiplie justement l'accès à ces procédures pour sécuriser ceux qui le souhaitent. Qu'on remplace une autorisation par une déclaration, ce qui fait déjà gagner du temps et que les premiers contrôles soient aussi des contrôles d'accompagnement et de correction, quitte à durcir ensuite les sanctions lors du deuxième ou troisième contrôle, si les fautes sont reproduites. Mais cette capacité à faire confiance, c'est aussi un autre visage de l'administration qui accompagne une simplification effective. C'est prendre aussi le réflexe du numérique pour toutes les procédures et aller le plus loin possible dans la simplicité avec les déclarations préremplies, la suppression des pièces jointes ou justificatifs, etc, etc. Dans ce volet, l'intelligence artificielle est à mes yeux aussi un des éléments qui va nous permettre de simplifier.
C'est un enjeu d'attractivité économique de la France, vous le savez, une des manières de construire aussi la confiance de la société civile envers l'intelligence artificielle, c'est que le secteur public s'en saisisse. C'est que nous puissions élaborer des projets permettant à l'intelligence artificielle d'œuvrer pour le bien commun et, ce faisant, d'aller vers beaucoup plus de simplicité. Parce que sur les petites procédures, les petites tâches, l'intelligence artificielle est un élément qui peut simplifier la vie de nos concitoyens et des usagers, la vie aussi de nos agents en évitant les tâches très répétitives. Et donc, il nous faut embrasser l'intelligence artificielle et son utilisation, comme vraiment un levier de transformation de l'État et de sa simplicité.
Il faut échelonner par avance les bouleversements. Lorsqu'un acteur est touché par de multiples normes ou qu'il doit mettre en œuvre une nouvelle réglementation exigeante, une bonne pratique est de négocier un agenda d'évolution permettant d'anticiper et de réguler dans le temps les évolutions à mener. C'est aussi un élément de simplicité. Et puis, appliquer à nos propres agents ce qu'on leur demande d'appliquer vis-à-vis des usagers et donc simplifier nos procédures internes qui, sinon, ancrent nos agents dans la culture administrative de la complexité.
Je suis frappé de voir que si on habitue nos propres agents à passer leur journée à remplir des circulaires, du contrôle de gestion, des choses impossibles, on conditionne nos agents à faire la même chose avec les usagers. Il y a une forme de maltraitance administrative collective, que nous nous infligeons à nous-mêmes. Mais je le dis vraiment avec beaucoup de sérieux, parce que j'ai pu le constater sur le terrain. Nous avons collectivement créé une forme d'absurdité du quotidien avec les meilleures intentions du monde, à chaque étage. Donc, il faut véritablement aller au contact, comme je le disais, inverser la pyramide, c'est comme ça qu'on construira cette simplicité.
Le dernier point en termes de simplification, auquel je crois beaucoup, c'est la facilité qu'on doit donner, encore accrue, au pouvoir de dérogation. Aujourd'hui, les préfets ont ce pouvoir de dérogation. Ils y recourent encore trop peu et c'est très hétérogène. Ça s'explique en partie par la lourdeur de la procédure. Un champ d'application encore trop restreint. Je souhaite que, d'abord, ils se saisissent tous davantage de cette capacité qui leur est offerte, peut-être des formations, que de la bonne information soit partagée sur ce sujet, et que la procédure soit simplifiée et accélérée et les domaines d'intervention élargis.
Sur l'ensemble de ces principes, des travaux seront engagés par le gouvernement dans la perspective du prochain comité interministériel de la transformation publique. C'est un point clé. Déconcentrer, simplifier, associer. C'est pour moi le troisième levier en termes de transformation. Et associer, je vais être très simple, c'est aussi un changement de culture administrative, c'est le CNR, ce fameux Conseil National de la Refondation, auquel je crois beaucoup. J'ai un défaut, je crois à ce que je dis et à ce que j'entreprends, donc je suis là aussi entêté. Ce Conseil National de la Refondation a produit des petits miracles dans beaucoup de territoires, pas dans d'autres. C'est normal d'ailleurs, parce que quand on innove, il faut accepter que ça marche, ça ne marche pas. Il a été embrassé par certains, d'ailleurs dès qu'on a lancé, parce que ça a commencé avec “Marseille en grand” en septembre 21 — je vois ici Monsieur le Recteur, il a été vraiment accompagné avec le Recteur, le préfet de région et beaucoup, de manière remarquable. Et on a commencé cette innovation.
C'étaient mes engagements de 2022 avec le “Avec vous”. On a dit : on va essayer de le démultiplier. Il y a des endroits où on y a cru, il y a des endroits où on y a moins cru. Ce n'est pas une perte de temps le CNR, et je parle devant le Haut-Commissaire au Plan qui a la responsabilité de la coordination nationale, c'est un gain d'efficacité et de sens. Nos compatriotes demandent à être associés. Et là aussi, ce n'est pas une promesse en l'air, c'est une promesse qu'on ne doit pas trahir. Ils ne demandent pas à participer, ils ne demandent pas à être vaguement consultés. Ils ne demandent pas à ce qu'on les invite à une réunion où on les écoute pour n'en tenir aucun compte, et puis on repart en faisant comme si on ne l’avait jamais fait.
Ils veulent participer, et parfois faire avec nous. Et je pense que c'est très bon. Parce que la mobilisation de la Nation, c'est ce pacte entre son administration, ses élus de terrain et les forces vives.
Le Conseil National de la Refondation et ses déclinaisons territoriales, c'est ce principe-là : écouter, être au service des initiatives locales, parce que beaucoup de gens sur le terrain, fonctionnaires, associations, élus locaux, font et ils font bien et ils innovent. Ils font parfois beaucoup mieux que notre organisation collective parce que sinon, nous, on veut innover, mais on fait des textes en central qui descendent sur le terrain. C'est d'abord trop homogène. Et puis parfois, les gens qui font ces textes en central n'ont jamais été sur le terrain.
Vous savez, j'ai été jeune inspecteur des finances, je contrôlais des gens. Je n'avais jamais été sur le terrain. Alors, c'était à l'époque la grammaire. Mais, on a — ça existe et c'est la réalité de notre organisation collective — bon, on a des gens qui font des textes qui n’ont jamais été sur le terrain. Est-ce que vous pensez que c'est la meilleure manière d'innover ? Il n'y a aucune structure qui veut innover qui fait comme ça dans la vie, en vrai. Et donc, regardons l'innovation où elle est. On a le même objectif, on veut que nos enfants soient bien formés, on veut résoudre le problème des déserts médicaux, désengorger les urgences, avoir une justice plus rapide, etc. Le CNR, c’est mettre les acteurs autour de la table et construire de la décision collective. Et donc, je demande la systématisation de ces CNR, au moins pour l'école et pour la santé, et j'invite tous les autres ministères à s'en saisir. Ces CNR ont vocation à mettre les fonctionnaires autour de la table, de pouvoir être aidés par des équipes “projet national” de la DITP - et autres d'ailleurs - qui viennent en appui pour les aider à structurer, d'avoir les élus et tous les acteurs d'un champ public. Et il doit en sortir un plan d'action qui peut être pluriannuel, avec des moyens sur lesquels on s'engage.
On ne résoudra jamais le problème de l'école inclusive si on ne fait pas ça, pour vous donner un exemple. Et je le dis en connaissance de cause. Ces 6 dernières années, nous avons augmenté de 60 % le budget de l'école inclusive. On a créé une politique publique, on y met 3 milliards d'euros. Pour autant, il n'y a pas un département où je vais me déplacer où on me dira : « vous avez dit que vous paierez correctement les AESH, donc les accompagnements pour les enfants en situation de handicap, ce n'est pas vrai, vous ne le faites pas. » Pourquoi ? Parce qu'on a encore des endroits où on n'arrive pas à se mettre d'accord entre le Rectorat et le périscolaire, parce que vous n'avez pas un temps complet pour un accompagnement si vous ne prenez que le temps scolaire. Ce n’est pas le Président qui va le régler, ce n'est pas le Ministre qui va le régler, ce n'est pas une circulaire qui va le régler. C'est une forme de bon sens de l'action sur le terrain.
Pardon de dire des choses qui peuvent sembler être des truismes et amener des sourires. Je ne plaisante pas. C'est une chose essentielle et c'est aussi une manière de responsabiliser les acteurs de terrain. Mettez autour de la table les élus, les acteurs du périscolaire, les parents d'élèves, la communauté pédagogique. Faites-le dans chaque bassin de vie ou même chaque établissement. La vie en est changée. D'abord, le sens est retrouvé. Parce que vous avez des gens qui deviennent en possession de ce qu'ils ont à faire. Vous réglez déjà une partie de cette crise démocratique et de confiance, parce qu'ils n'ont plus une administration qui leur dicte d’en haut ce qu'ils doivent faire pour leur bien, en disant : vous avez un problème, je vais vous administrer une solution. Ils sont respectés et participent à la solution. Et cette conversion de notre action collective, elle est essentielle et c'est ce que je vous demande parce qu'elle vous rendra plus fort et elle va vous permettre de donner du sens à vos partenaires, de gagner en intimité, en confiance avec eux, et de gagner en efficacité collective.
Il y aura toujours des endroits où les gens n'ont pas envie de coopérer. Je ne suis pas naïf. Il y a des endroits où ça marchera moins bien, mais on sera, vous serez d'autant plus légitimes à ce moment-là pour intervenir, pour expliquer que tout a été tenté. Mais il y a des tas d'endroits où on ne le suspecte pas, où ça va marcher beaucoup mieux et où vous allez surtout démultiplier votre énergie parce qu'on sortira d'une forme de défiance qui a été un peu collectivement celle du réflexe naturel de l'État qui est « je sais mieux que vous ». Les gens ne veulent pas simplement être entendus, ils veulent être associés, ils veulent participer, ils veulent faire. Et on l'a vu formidablement pendant la période du Covid, où beaucoup de nos compatriotes ont innové. Ils ont créé des applications pour savoir où étaient les doses, comment on pouvait mieux se faire vacciner. Innovation formidable, on a eu de la chance. Là aussi, il faut le continuer par temps de paix. Donc je vous demande de systématiser...
On a, au fond, sur notre territoire, 1 200 bassins de vie, ce sont plus ou moins nos intercommunalités. Pour moi, c'est la bonne maille territoriale. Dans ces 1 200 bassins de vie, il faut qu'on organise une action publique totalement repensée où les méthodes changent avec des permanences régulières, mais avec aussi ces CNR qui sont démultipliés et qui nous permettront d'avoir une action, je le crois, qui associe davantage, et ce faisant, sera plus légitime et plus efficace. Et puis, le quatrième élément que je vous demande en termes de méthode, c'est d'avoir des résultats efficaces, clairs, tangibles. Cette culture du résultat est indispensable. Et je le redis ici avec beaucoup de force. Pour moi, le bon résultat, ce n'est pas un résultat de l'administration pour elle-même, c’est-à-dire ce que j'attends des agents, des services, de chaque unité de décision, ce n'est pas de remplir des indicateurs qui sont faits pour la centrale ou pour la région et qui consiste à dire : « j'ai bien travaillé pour l'étage du dessus ». L'objectif final, le seul qui compte, c'est la vie des gens.
C'est pourquoi, dès 2017, nous avons mis en place, justement, ces objectifs et ces objets de la vie quotidienne par lesquels nous avons mis les priorités du Gouvernement qui sont maintenant justement devenues ces politiques prioritaires du gouvernement.
On a mis en place un système d'application qui permet de le rendre tangible et visible et je demande à tous les ministres sur le terrain d'aller justement mesurer ces résultats qui doivent nourrir le dialogue de gestion. Le dialogue de gestion doit être nourri par : « est-ce que vous répondez aux priorités qu'on s'est fixées au niveau national dans le cadre de ces quatre grands chantiers que j'évoquais tout à l'heure ? Est-ce que la vie des gens a changé ou pas ? Si elle n'a pas changé, pourquoi ? Est-ce que c'est un manque de moyens, un problème d'organisation ? Pourquoi, dans le département d'à côté, elle a changé plus vite ? » Et là, je peux vous nourrir de ces éléments.
Je demande, très fortement, à ce que cette culture du résultat se diffuse partout au travers de ces politiques prioritaires du Gouvernement. Des revues sur le terrain, de l'utilisation des instruments qui ont été mis en place de suivi. Et je reprendrai les points trimestriels en Conseil des ministres à cet égard, avec un pilotage par le résultat aussi au plus haut niveau, de même qu'une partie du complément d'indemnités annuelle des préfets doit être indexée sur la réalisation des résultats.
Je souhaite que nous fassions pleinement vivre cette doctrine à l'égard des cadres dirigeants qui contribuent à l'atteinte de ces 10 résultats. Il faut veiller à la qualité des services rendus, quelle que soit l'administration, l'agence, l'institution. Vous devez renforcer l'évaluation des services publics, Services publics + aide à cela. Un service rendu, mais qui est mal perçu, est un service non rendu. Et donc, il y a l'effectivité - c’est cette culture du résultat - qui va être, je pense, renforcée par la déconcentration, la simplification de l'association. Mais il faut à la fin que le dernier kilomètre soit fait.
Ce fameux dernier kilomètre qui fait que le changement est effectif. Tant que le dernier kilomètre n'est pas fait, le changement n'est pas effectif, il n'existe pas. 99 kilomètres sur 100, ça n'existe pas. C'est ingrat, mais c'est comme ça. Et dans le même temps, il faut qu'il soit perçu. Et donc, c'est pour ça qu'il nous faut redoubler d'attention pour accompagner les entreprises et les plus petites d'entre elles dans toutes leurs démarches, comme par exemple “France expérimentation”, qu'il nous faut favoriser la pédagogie, qu'il nous faut rendre notre action lisible et qu'il faut, ce point peut paraître mineur, mais remembrer et simplifier la communication. L'État est là.
Je demande, sous la supervision du Premier ministre, avec une coordination assurée par le service d'information du Gouvernement, que la communication de l'action publique soit beaucoup plus simple, claire et lisible. Quand sur un territoire, tout le monde communique, plus personne ne communique. Quand la communication est trop institutionnelle, elle existe peu. Mais quand en plus, chacun fait sa communication pour sa crèmerie, entre opérateurs, services déconcentrés par services déconcentrés entre eux, bon courage pour comprendre ce qu'on est en train de faire.
Moi, j'ai essayé de donner 4 objectifs clairs. Ils sont déclinés en politiques prioritaires du Gouvernement. L'action doit être claire, la communication doit être claire pour que ce soit tangible. Tout ça évidemment - et cette culture du résultat - passe par une culture et un accompagnement de la responsabilité. Je terminerai sur ce point qui est essentiel, et le Premier ministre y reviendra. Je l'ai dit d’ailleurs devant les maires et je vous le dis de la même manière, car c'est le même combat : je veux faire confiance au terrain. Je crois à la feuille de route que je viens d'évoquer. Et donc, tout ça va donner beaucoup plus de responsabilité aux décideurs de terrain. Ceci ne peut fonctionner que si le régime de responsabilité des fonctionnaires permet plus de prise de risque et de droit à l'erreur. Et quand je dis “des fonctionnaires”, c'est aussi des principaux décideurs publics et ça vaut pour les élus. On l'a vu après le Covid, on le voit aussi dans les enjeux liés aux aléas climatiques et la transition écologique, par exemple, dans les Hauts-de-France ou ailleurs.
On a besoin d'un renforcement de la protection fonctionnelle, formation, assistance juridique. On a besoin d'un cadre de responsabilité qui soit clarifié et qui permette de décider plus simplement et de prendre des risques plus simplement, parce que ce qui inhibe aujourd'hui une bonne partie de l'action publique de la capacité à déroger ou à prendre ses responsabilités, c'est le régime de responsabilité pénale. C'est le sens de la mission confiée cette semaine à Christian VIGOUROUX pour expertiser les nouveaux enjeux et proposer de nouvelles mesures. Des décisions seront prises à l'été et le Premier ministre y reviendra dans le détail dans un instant, mais ça accompagne cette culture des résultats et c'est indispensable.
Voilà, Mesdames, Messieurs, ce que je voulais, ce matin, vous dire, vous remercier d'avoir, durant toutes ces années, conduit l'action collective avec force, sens des responsabilités et dévouement. Et je voulais vous redonner, pour les 3 ans qui viennent, et jusqu'au dernier quart d'heure, là aussi, les priorités de fond et la méthode, la transformation en termes de méthode qu'il faut conduire.
Il y a beaucoup de travail et il y aura beaucoup de résistance à cela. Elle n'est parfois pas forcément individuelle, elle est collective. Elle est par l'habitude et par, en quelque sorte, le déséquilibre que crée un tel changement. Je vous demande de l'assumer avec moi. Je vous le demande parce que — et je conclurai là-dessus — ce que je suis en train de poser là, la raison de ma présence ce matin, c'est que je crois que nous avons collectivement dans nos mains une part importante de la réponse à la crise démocratique de confiance que traverse l'ensemble des démocraties occidentales et paradoxalement, je pense que la France, par la qualité de sa structure étatique, par le goût naturel malgré tout, que nos compatriotes ont pour l'État et les réponses qu'ils apportent. Si nous savons nous réformer nous-mêmes, si nous savons nous transformer et changer cette culture que j'évoquais, en particulier avec les axes de méthode que je viens de détailler, nous pouvons être un des premiers pays à répondre à cette crise de confiance. En tout cas, c'est ce que je crois, c'est ce que je veux. Et pour cela, je vous fais confiance. Je serai là pour vous accompagner, donner les moyens. Le Premier ministre et son Gouvernement seront là pour impulser et mettre en œuvre les grands axes que je viens d'évoquer. Et je serai constamment sur le terrain pour venir m'y frotter à vos côtés. Merci pour votre attention.
Vive la République et vive la France !
Animatrice
Merci Monsieur le Président. Merci également d'accepter de prendre un temps d'échanges. Comme convenu, ce sera un échange pour commencer avec la salle. Vous posez vos questions en vous signalant auprès des hôtesses et surtout pensez bien à décliner votre fonction avant d'adresser votre question.
Anne BLONDY-TOURET
Monsieur le Président de la République. Anne BLONDY-TOURET, je suis la secrétaire générale des ministères Économiques et Financiers. Merci déjà de nous offrir la possibilité de cet échange et je voulais revenir sur ce que vous disiez du dernier kilomètre, du dernier kilomètre pour les gens, pour que les gens voient l'efficacité de l'action publique. Et je faisais le parallèle avec le dernier kilomètre pour les agents publics. Parce que ce sont les agents publics qui sont les artisans des politiques que nous mettons en œuvre et parfois l'élan de réformes que vous appelez de vos vœux et que nous partageons tous, est vécu comme une remise en cause de métiers, de pratiques, voire de compétences. Ça prend du temps de faire changer la culture administrative. Et ma question, c'est comment gérer justement cette temporalité dans le changement de la culture, de l'administration et le besoin de résultats rapides ? Je vous remercie.
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. Vous avez raison. C'est d'ailleurs un peu le paradoxe que j'évoquais tout à l'heure en parlant de cette divergence souveraine. Un monde qui va plus vite, des concitoyens qui veulent qu'on aille plus vite. Et puis une action publique avec sa complexité. Moi, je crois que le changement, c'est une pratique managériale et embarquer les agents pour qu'ils y participent, c'est la clé du succès. Sinon, il y a ces résistances qui sont là, voire des frustrations et du ressentiment. Et donc, moi je pense que les bons instruments : 1), c'est d'expliquer ; pas à vous que je vais le dire, et tous les managers que vous êtes qui avaient à conduire des changements, parfois sur des administrations importantes, si on n’explique pas, qu'on ne partage pas d'abord les constats et les objectifs, on n'embarque pas les gens. Et donc ça rejoint que je disais, c'est que moi, je crois qu'il faut quand même qu'on sorte quand même d'une culture qui est encore trop une culture de l'écrit, de l'instruction, de la verticalité pour, sur les changements qui sont demandés dès le début, embarquer les administrations qui sont concernées pour partager les constats, la transformation et les embarquer sur des objectifs très simples auxquels ils s'associent. 2) c'est rendre visible le changement. Je pense qu'il n'y a rien de pire quand on engage une stratégie de changement. Si on sait que les résultats finaux ne seront pas tout de suite là. Mais c'est très important d'avoir des résultats intermédiaires et de montrer qu'il y a un progrès. C'est pour ça que je crois que les applications qu'on a mis en place doivent être des instruments dont vous devez vous saisir. Peut-être parfois d'ailleurs, avec des déclinaisons qui sont fait pour les agents eux-mêmes. Certaines d'ailleurs, ça existe pour certains points, mais qui montrent que le changement dans lesquels vous les avez engagés leur permet d'être plus efficaces. Et donc rendent visible par un système qui rend tangible l'action publique, soit des rendez-vous managériaux réguliers, soit le système d'application qu'on a mis en place pour ces politiques prioritaires et avant les objets de la vie quotidienne, ça permet embarquer les gens parce qu'il faut que les choses changent au quotidien. 3) Valoriser. C'est-à-dire que je suis convaincu, vous avez parfaitement raison de dire, un changement, ce n'est pas une remise en cause des gens qui font l'action en cours parce que c'est simplement reposer les priorités qui sont les nôtres collectivement, c'est qu'on est au service de priorités et d'objectifs et de nos compatriotes. Si on met en quelque sorte la préservation de métiers, d'agents, etc, c'est là où on peut tomber dans le corporatisme et dans la préservation d'un existant. Et donc il faut expliquer cela, mais valoriser leurs compétences et c'est aussi ça.
C'est comme ça qu'on réussit à convertir et à amener le changement. Et par exemple sur des équipes qui ont été habituées à faire du contrôle systématique ou de l'autorisation a priori, valoriser leur expertise et leur montrer que celle-ci n'est pas déconsidérée, si on leur demande de faire du rescrit, de faire de l'accompagnement plutôt que du contrôle immédiat, etc. Et donc voilà, associer sur le constat et les objectifs au début, avoir des points réguliers et rendre transparentes les avancées, y compris ça peut être un dialogue de gestion avec vos ministres ; c'est-à-dire de pouvoir justement permettre de faire voir aux agents que les choses avancent et qu'ils participent d'un destin plus grand qu’eux. Et trois, valoriser pleinement ces métiers, je dirais, d'autant plus qu'on leur demande de changer la pratique.
Animatrice
Nous allons pouvoir prendre une deuxième question dans la salle avec pas mal de mains qui se lèvent. Je vous en prie, Monsieur.
Benoît ELLEBOODE
Monsieur le Président. Bonjour Benoît ELLEBOODE, directeur général de l'Agence régionale de santé de Nouvelle Aquitaine. Vous avez insisté à plusieurs reprises sur l'importance d'associer les élus locaux aux politiques publiques portées par l'État. Vous avez également plusieurs fois insisté sur l'importance de construire des politiques de santé à l'échelle des bassins de vie. Or, il s'avère que malgré le fait que l'accès au médecin traitant et au premier recours est la première préoccupation de nos concitoyens en matière de santé, relayée presque quotidiennement par les élus locaux auprès des agences régionales de santé et même des préfets, eh bien, c'est le seul domaine de politique de santé où il n'existe aucun espace réunissant l'ensemble des protagonistes : les élus, les professionnels de santé, les usagers, l'État et l'Assurance maladie. Pour la prévention, on a les contrats locaux de santé, mais les professionnels de santé libéraux ne se sentent pas responsabilisés parce que, et donc on y traite surtout de prévention. Pour le médico-social, on comporte les politiques avec les conseils départementaux. On a donc une garantie que les élus locaux y participent. Et pour les hôpitaux, on a les conseils de surveillance des hôpitaux qui sont présidés par les maires. Mais pour le premier recours, il n'existe rien du tout. On a bien essayé, et vous en avez parlé avec les CNR locaux, mais sans fondement juridique sur leur composition, leurs missions et le rôle spécifique des élus, on voit qu’on a du mal à les faire participer ou en tout cas il y a un essoufflement. Il y a bien aussi les conseils territoriaux de santé ou les CNR territoriaux, mais vous en avez parlé, l'échelle départementale n'est pas très propice pour les élus locaux parce que c'est trop loin du terrain.
Je sais, Monsieur le président, que ce n'est pas la création de nouvelles instances qui résout les problèmes, ça se saurait. Mais quand il n'existe rien du tout sur un sujet si important, ne croyez-vous pas qu'il serait nécessaire de nous outiller pour nous permettre de répondre à vos exigences légitimes de travailler à l'échelle des bassins de vie, avec les élus locaux, sur un projet de santé associant les principaux que sont les professionnels de santé ? Il s'agirait d'espaces de discussion, à l’échelle des CPTS qui correspondent en fait aux bassins de vie, qui ont été choisis par les professionnels de santé pour s'organiser, qui seraient présidés par des élus locaux, avec des représentants des professionnels de santé, des usagers, l'hôpital, l'Ehpad, et qui pourraient discuter projets de MSP de CPTS ou tout autre projet qui permettrait d'améliorer l'accès au médecin traitant ou, plus globalement, les parcours de santé. Ça ferait un peu plus de réunions pour les agents des agences régionales de santé, mais je pense qu'on y survivrait. Merci beaucoup, Monsieur le Président.
Emmanuel MACRON
Moi, je suis tout à fait d'accord avec vous, mais je pense que vous venez méthodiquement de décrire ce que j'ai demandé pour les CNR. Donc, je suis à fond d'accord avec vous. Je pense qu'il ne faut surtout pas prendre un texte, il faut le faire. Et je pense que nous-mêmes, ici dans cette salle, il faut sortir de cette culture de la norme. Vous avez cité des dizaines d'instances de concertation qui existent par des textes et qui sont déjà des lettres mortes.
Et donc on peut en créer une 101ᵉ, 102ᵉ. Nous nous épuisons collectivement à créer de la norme au niveau central, à faire vivre les deux premières réunions, et à bureaucratiser la troisième, et en fait à en faire ensuite une langue morte qui n'est plus utilisée. Ce que vous avez décrit est exactement, précisément ce que je demande. Je vous demande dans chaque bassin de vie de le faire pour la santé et pour l'école. Vous savez, quand j'ai voulu le faire pour les écoles, on m'a dit « Ça ne va jamais marcher ce truc-l ». Première semaine.
Deuxième semaine, on m'a dit « Mais c'est un âne, ça existe déjà, ça s'appelle le projet de l'école », je ne sais plus quoi, ça a un nom plus savant que ça. Ça existait tellement que personne ne le savait la première semaine. Parce que, en effet, il y en a un dans chaque école. Mais interrogez une communauté pédagogique pour savoir si elle le connaît, le projet de sa propre école. Parce qu'ils ne l’ont pas fait eux-mêmes, parce que c’est une espèce de truc qui s'est ritualisé. Ce que vous avez décrit, c'est exactement ce que je veux. Pourquoi ? Parce que la solution en santé, pour désengorger nos urgences comme pour faire face au problème des déserts médicaux, c'est d'attirer des médecins nouveaux, c'est peut-être de répartir nos internes et nos externes différemment. C'est de déléguer des tâches entre les médicaux et paramédicaux. C'est de mieux faire travailler l'hôpital avec les médecins libéraux, mais aussi les paramédicaux libéraux qu’il ne faut pas oublier. Tout ça, il n'y a aucune instance qui permet de bien faire, ni le GHT, ni le CPTS — on n'a que des acronymes, et en plus, c'est affreux — faites une réunion de territoire.
Ne faites pas de textes. La seule chose, les gens ne veulent pas un texte, ils veulent être pris au sérieux. Et pour vous aussi. Donc moi, ce que je vous demande, c'est de le faire à l'échelle d'un bassin de vie, de prendre le temps qu'il faut quelques semaines, d'en sortir une feuille de route et que celle-ci donne lieu à une contractualisation qu'on respecte. Les moyens et la parole tenue valent tous les textes. Les gens viendront à une réunion s'ils pensent que derrière, il y a du sonnant et trébuchant, il y a des vrais engagements et qu'on ne va pas leur enlever ceci ou cela derrière. Si vous vous engagez à maintenir tel service, tel équipement dans un bassin de vie où l'ARS aura participé à des travaux où il y a un engagement de la collectivité médicale et des élus pour faire telle ou telle action, je peux vous dire qu'ils viendront à la deuxième réunion, beaucoup plus que si on a pris un texte national. Et en fond, votre question, elle est très juste. J'y adhère totalement, mais le fait même que vous la posiez dit quelque chose de ce que je décrivais tout à l'heure. Il y a une inhibition collective à faire et il y a une attente collective à l'égard de la norme. Faites-le, vous avez mandat, je vous le donne ! Faites, c'est CNR territoriaux dans chaque bassin de vie ! Pour l'école et la santé au moins. Si des par ailleurs sont prêts à s'en saisir, faites-le partout. Je veux un bilan systématique, mais faites-le en prenant les gens au sérieux, c'est-à-dire en en sortant 4-5 engagements dans chaque territoire sur 2 à 3 ans que vous allez tenir et vous engagerez les gens. Vous transformerez la vie du pays, je vous le promets, vous le transformerez.
Préfet
Monsieur le Président, d’un mot, vous avez insisté sur le dernier kilomètre et effectivement, c'est là que l'on voit le résultat, l'efficience de l'action publique. A cet égard, l'échelon départemental, je le dis avec d'autant plus d'aisance en tant que préfet de région, est vraiment essentiel. Si l'on veut, je dirais, réussir, transformer un peu l'essai de ce dernier kilomètre, nous avons néanmoins besoin, par-delà les évolutions que nous menons des revues de mission, être attentif à l'adéquation mission/moyen, ça me paraît être tout à fait essentiel. Je vous rappelais que pour prendre simplement le périmètre ATE, administration territoriale de l'État, c'est un petit réseau, réseau des préfectures, réseaux des trois DDI, je cite toujours ce chiffre, environ 52 000 agents, l'équivalent de la ville de Paris pour situer, qui constitue véritablement la colonne vertébrale de l'État. Donc, je crois que si on veut vraiment que ce service, ce dernier kilomètre soit assuré, que ce soit à l'échelon départemental et infra départemental, notamment les bassins de vie, beaucoup de choses se règlent à cette échelle. Il y aura sans doute, dans les temps budgétaires difficiles que nous allons devoir vivre et auxquels nous devrons évidemment participer, être, je crois, attentif à ce sujet très particulier de l'adéquation mission/moyen. Je tenais simplement à signaler ce fait Monsieur le Président.
Emmanuel MACRON
Alors, je partage totalement et c'est pour ça que je vous demande de massivement déconcentrer les moyens, massivement. C'est-à-dire je pense qu'il faut mettre des fonctionnaires qui sont aujourd'hui en centrale ou dans les opérateurs en centrale, sur le terrain, remettre des agents qui sont dans les capitales régionales sur le terrain, je pense que c'est indispensable. On a souvent refait de la reconnaissance, d'abord parce que je le dis, on a porté les efforts budgétaires et de réduction de moyens sur l'échelon départemental et on l'a fait souvent pour faire des pôles d'expertise. Au fond, on a eu tendance à utiliser le numérique et les transformations d'usage du numérique d'un seul moyen et il a accru la métropolisation chez nous. Je pense que ce n'est pas cohérent, on peut tout à fait avoir des agents qu'on remet sur le terrain qui d'ailleurs souvent vivent mieux en termes de qualité de vie et de budget. On sait très bien la difficulté qu'on a parfois, pour certains agents de nos administrations, agents territoriaux, à bien vivre dans des métropoles où le prix de l'immobilier a flambé, où c'est beaucoup plus compliqué. Je pense donc aussi qu'il faut le valoriser pour nos agents. Mais aller les remettre, c'est une politique d'aménagement du territoire et de vie aussi dans nos villes périphériques. Rien n'empêche d'avoir des agents qui seront dans le département, dans la région, parfois même dans les sous-préfectures, qui participent à un pôle d'expertise régionale et qui, par l'utilisation du numérique et des usages qu'on a déployés, ont cette compétence ; plutôt que d'avoir tous ces gens concentrés dans un service à la région, ou qui plus est la capitale uniquement, c'est ce qu'on a fait ces dernières décennies. Ce qui fait que sur beaucoup de sujets où on instruisait le dossier, je pense, par exemple, aux questions de logement au niveau départemental, on l'a remonté au niveau de la Région, j’y souscris à 100 %. C'est pour ça que je vous demande une révolution en termes de moyens et je le dis d'autant plus que j'ai donné beaucoup de responsabilités au préfet et au ministère. Mais ce que j'ai demandé au ministère de l'Intérieur en 2017, on ne l'a pas fait sur la déconcentration et en interministériel, on ne l'a pas fait. Je vous le dis, j'ai dit les mêmes phrases en 2017, donc à vous là maintenant de faire le travail, il faut pousser. Ça a été commencé sur les sous-préfectures, les gendarmeries, ça a été commencé sur les trésoreries, mais il faut y’aller bien plus massivement et dans tous les ministères, vous avez parfaitement raison.
Animatrice
On en revient cette fois à la dernière question qui nous vient en visioconférence depuis la préfecture de l'Isère. Les fonds France 2030 ont vocation à être investis rapidement. Certains porteurs de projets se positionnent sur des enjeux stratégiques majeurs via le recouvrement de la souveraineté industrielle. Comme tout projet d'aménagement du territoire, le préfet met en place un mode projet optimisant les différentes procédures en fonction du droit commun et de nombreux recours contentieux qui lui sont liés. Le processus demeure long et complexe en raison des procédures environnementales. Quelles adaptations de l'application de la norme pourraient être envisagées pour conjuguer un enjeu exceptionnel et un délai optimal ?
Emmanuel MACRON
C'est évidemment une bonne question. Elle revient sur les tensions que nous avons évoquées tout à l'heure. D'abord, il n'y a pas de fatalité et j'ai un bon exemple. J'étais la semaine dernière aux côtés de plusieurs d'entre vous pour inaugurer le village olympique. Tout le monde nous disait impossible : on a créé le plus grand projet d'aménagement d'Europe des dernières années. On l'a fait malgré tout ça, on l'a fait en 5 ans, on a créé des milliers de logements, des milliers de mètres carrés de bureaux dans un des endroits où ce n'est pas le plus simple de bâtir, en Seine-Saint-Denis, déjà très dense et ce sera pérenne. Il y a eu un texte qui est passé, ce qu'on peut faire pour les J.O, on peut le faire pour 2030 donc il n'y a pas de fatalité ; on la fait. C'est d'ailleurs tout le sens de ce que nous allons et ce que nous sommes en train de faire sur ces grands projets. C'est ce qu'on a fait pour les 22 opérations d'intérêt national en matière de logement : simplifier, changer les procédures et unifier. Et ça fait partie des simplifications qui vont être posées et portées par le Gouvernement dans le cadre de notre souveraineté industrielle et environnementale pour de nombreux projets.
Ensuite, je pense qu'en méthode, on peut le réaliser collectivement, quand on anticipe et qu'on agrège. Moi, ce qui m'a frappé en parlant aux acteurs du village olympique et ceux qui ont un peu d'expérience de ces projets, on a utilisé quelques éléments de normes qu'on avait bougés, mais pas tant que ça. Les dérogations qu’on avait posées dans la loi olympique n'ont pas été tellement utilisées par les équipes, ce qui a été un facteur clé, c'est d’avoir un opérateur qui unifie l’action publique, c'est la leçon que j'en ai retenue et j'en parle pour nous tous. La SOLIDEO, avec l'aide du délégué interministériel, du préfet de région, des préfets de département et des élus, a agrégé toutes les procédures et assemblé les acteurs, architectes, aménageurs. On est sorti du jeu qu'on connaît par cœur sur ce type de projet qu'on connaît pour 2030 qui est : l'un va voir l'autre. Les autorisations en quelque sorte s'accumulent et on a une gestion séquentielle des projets et qui fait que quand on a fini l'urbanisme, on commence l'environnement, etc., etc., etc., et c’est ça qui prend du temps. Donc interlocuteur unique, procédures qui sont toutes parallélisées et responsabilité d'une seule personne ; ça ressemble quand même à ce qu'on se dit depuis tout à l'heure : on déconcentre, on simplifie, on responsabilise et on défait la complexité administrative. Ça a marché, il y a très peu de dérogations. C'est exactement ce qu'il faut faire pour tous nos grands projets. France 2030, mais au-delà de ça, c'est une très bonne méthode et ça va dans le sens de ce que je viens de dire pour la déconcentration. Je suis très attaché à cette méthode-là. Et donc, responsabilité rôle d'assembler, c'est ça qu'il faut systématiser. On va le faire pour les 22 opérations, pour le logement, je souhaite qu'on le fasse au maximum.
Dernier point sur France 2030, c'est l'anticipation, c'est très juste sur les terrains qu'on doit libérer les sites. C'est pour ça qu'on a lancé, dans le cadre de France 2030, une mission pour pré-identifier les terrains, avec la Caisse des dépôts, la banque des territoires et justement les préfets, on fait un peu le travail qui a été fait — je prenais l'exemple de Dunkerque. Pourquoi ça marche très vite à Dunkerque ? Parce qu'il y avait eu de l'anticipation sur les friches industrielles, vous aviez eu des élus, des préfets, des services de l'État qui avaient anticipé. On avait des terrains qui étaient prêts à bâtir et donc, tout le délai préalable était comprimé. Et ça, je pense, c'est une très bonne méthode. Donc là, on est en train d'identifier pour France 2030 les friches qui peuvent être éligibles — et ça, je vous remercie collectivement de ce travail sur le territoire — et d'épuiser toutes les procédures qu'on peut épuiser, si je puis m'exprimer ainsi, avant d'avoir le projet final, quand il est sélectionné par les équipes de France 2030 pour qu’ils puissent arriver avec quasiment du « clé en main. »
Intervenant
Merci Monsieur le Président. Je crois pouvoir parler pour beaucoup d'entre nous pour dire qu'on est très sensibles à ce que vous vous penchiez sur l'administration. Vous avez évoqué l'expression de « Il faut renverser la pyramide et faire confiance au terrain ». Et il me semble que pour permettre ça, il y a aussi une question de grammaire. Je crois que c'est une expression que vous utilisez souvent, c'est-à-dire finalement sur le piano de l'administration, il y a peut-être des nouvelles touches aussi à inventer. Vous avez évoqué effectivement les CNR et je trouve que ce serait intéressant de mobiliser toute l'intelligence qui est ici, tout le savoir-faire, les nouveaux outils, les manières de s'adapter à cette nouvelle manière de faire à laquelle vous nous invitez. C'est vrai qu'on a tous été biberonnés à des instruments peut-être un petit peu ancien parfois et moi, je trouverais ça utile que cette invitation au terrain, finalement, on puisse aussi l'incarner par le terrain, et que nous sommes, nous, finalement, sur l'administration et les politiques publiques, force de proposition pour imaginer des nouvelles manières de faire et d'alimenter une sorte de doctrine d'action. Enfin, je ne veux pas être excessivement restrictif dans cette manière de faire, mais il faut qu'on puisse s’agréger sur les bons exemples. Vous avez parlé, par exemple, de l'action territoriale, tout ce qui a été fait à l’ANCT, sur les programmes Actions Cœur de ville, Petite ville de demain, le New Deal Mobile. On voit bien qu'il y a tout un tas de pratiques sur lesquelles on pourrait finalement thésauriser pour développer une nouvelle manière d'agir sur laquelle on pourrait s'appuyer. Voilà, c’est une proposition.
Emmanuel MACRON
Je souscris totalement à ce que vous venez de dire et vous avez eu raison de souligner l'importance de ces innovations collectives. Elles sont d'ailleurs venues du terrain : Action Cœur de ville, c'est une proposition faite par une équipe de hauts fonctionnaires qui avait proposé ça au ministre MÉZARD à l'époque, qui a ensuite été mise en place par le ministre MÉZARD puis GOURAULT dans le mandat précédent et qui a permis en effet de faire émerger de l'action de terrain qui venait des élus ; ça a été un rôle d'assembler et c'est une très bonne illustration de ce changement de méthode. Je souscris pleinement à ce que vous avez dit « Oser », prenez l'initiative si vous avez des idées, que ça soit l'utilisation d'outils, d'ailleurs je parlais d'intelligence artificielle, d'une meilleure capacité à associer nos compatriotes, de transformer l'action au quotidien, moi, j'y suis très favorable. Je considère que notre responsabilité, c'est de permettre de mutualiser ces bons exemples et d'en faire profiter les collègues, bien sûr. Je pense que ce changement de méthode vaut pour tout le monde donc la grammaire, j'y souscris, c’est celle que vous avez évoquée. Mais vraiment, pour moi, les quelques éléments qu'on a partagés ce matin sont très importants et ils sont clés, au cœur de ce que nous avons collectivement à faire. Et je vous le dis vraiment avec beaucoup de force, parce que vous le voyez sans doute sur le terrain chez beaucoup de nos compatriotes, on le voit dans les crises qu'on a à gérer, la colère qu'il y a, l'impatience. Et ça vaut pour les territoires d’Outre-mer comme dans l'Hexagone, on nous fait plus de chèque en blanc, ça vaut pour moi comme pour vous. Les gens n'ont plus confiance dans la parole, ils ont un peu plus confiance dans la parole de proximité que dans la parole d’en haut parce qu'ils connaissent. Et encore, viendra un jour où ils n'auront plus confiance dans aucune parole. Et donc, vraiment notre travail, c'est que l'acte suive le plus rapidement possible la parole et qu'il soit cohérent, qu'on améliore les choses, je pense collectivement, c'est votre motivation à tous, c’est votre vocation. C'est ce pour quoi vous avez rejoint le service de l'État et c'est pourquoi je l'ai rejoint aussi et que je me suis engagé. On a un devoir qui est de nous remettre un peu en cause et en question, si je puis dire, collectivement, pour que l'on aille plus vite, qu’on soit plus perceptible et peut-être qu'on associe mieux les gens à ce travail, je ne vais pas revenir sur tout ce que j'ai dit depuis tout à l'heure. Au fond de ce message très simple, je sens une urgence parce que sinon, ils n'écouteront plus que la colère. Elle est souvent mauvaise conseillère alors que tant de choses sont faites, alors que vous faites avec l'ensemble de vos équipes, tant de choses sur tous les terrains. Je pense que ces petits éléments de méthode, au fond de culture, de grammaire, de changement, de manière de faire et d'exigence du résultat, son effectivité, sont absolument essentiels si on veut réussir à embarquer les gens avec nous, ils ne demandent que ça. Voilà, je vais finir sur cette touche pour vous dire combien, à titre très intime, je ressens la brûlure presque du message que je partage avec vous. Elle doit tous nous toucher, au fond, si on ne sent pas qu'on a une part de nous, qui est en question dans cette affaire, c'est qu'on rate quelque chose. On ne peut plus être tranquille. Donc soyez engagés, fiers de ce que vous faites parce que vous faites bien. En questionnement permanent, en bienveillance avec nos compatriotes. Et soyez tranquille avec moi. Vive la République et vive la France ! Je fais confiance.