Les amoureux du septième art sont en deuil d’une actrice qui avait illuminé les salles obscures durant plus de sept décennies. Micheline Presle nous a quittés aujourd’hui, à l’âge de 101 ans.

Toute petite déjà, elle aimait se réfugier dans la chaleur feutrée des cinémas pour s’évader, et, pour l’enfant passionnée qu’elle était, tout était prétexte à la comédie : une cabine de plage devenait un théâtre, une serviette de bain se changeait en rideau de velours sous les yeux médusés de son petit frère ou de ses camarades de pensionnat. À la supérieure exaspérée qui lui prédit un jour, comme une malédiction, qu’elle allait finir sur les planches, l’adolescente rétorqua qu’elle ne demandait pas mieux.

Son père voyant ses projets de carrière comme un déshonneur familial, il lui fallait un pseudonyme. Elle troqua son nom contre celui de la première héroïne qu’elle incarna en 1939, Jacqueline Presle dans le film Jeunes filles en détresse. Micheline Chassagne devint alors Micheline Presle, et se chargea de prouver par ses rapides succès qu’elle n’était, pour sa part, pas le moins du monde en détresse : son triomphe dans Paradis Perdu d’Abel Gance en 1940 fut le premier d’une longue série.

Son regard limpide et sa moue ingénue savaient se colorer de toutes les émotions, exprimer la superbe, la candeur, la colère, rendre le cœur de ses spectateurs lourd ou léger, incarner mille visages de l’humanité. Pour Jacques Demy, elle fut une mère bourgeoise des 7 contes moraux et l’extravagante reine rouge de Peau d’âne. Pour Sacha Guitry, elle revêtit les mousselines d’Hortense Beauharnais et les satins de madame de Pompadour. Pour Jacques Rivette, elle prit le voile d’une des religieuses de Diderot. Elle savait particulièrement donner corps aux héroïnes des chefs-d’œuvre littéraires : les courtisanes au grand cœur de La Dame aux Camélias ou de Boule-de-Suif, les amantes passionnées de Radiguet, madame de Séryeuse dans le Bal du comte d’Orgel ou Marthe dans le Diable au corps. Pour l’accompagner à l’écran, elle imposa à ses côtés un jeune acteur encore inconnu qu’elle avait découvert, un certain Gérard Philippe.

Sa carrière foisonnante, qui la conduisit de rôle en rôle au rang d’icône, connut pourtant des passages à vide et des difficultés. Partie à Hollywood en 1948 par amour, alors qu’elle était au sommet de sa célébrité, elle y conclut avec la Fox un contrat qui ne lui fournit que des rôles décevants. Son retour en France trois ans plus tard lui apprit cruellement qu’elle n’était plus la vedette de jadis. Il fallut attendre les années 60 pour que sa carrière remportât un nouveau succès populaire avec le rôle d’Ève, l’héroïne de la série télévisée Les Saintes chéries, où elle incarnait avec brio les aventures d’un couple français de la classe moyenne dont les déboires et les péripéties offraient un miroir plein d’autodérision et de drôlerie à ceux de sa génération. Sur les planches, elle affectionnait particulièrement Feydeau, et campa une inoubliable Virginia Woolf en 1966 dans une mise en scène de Franco Zeffirelli.

À travers les flux et reflux du destin, sa carrière était toujours portée par un plaisir inouï du jeu, qui perce dans chacune de ses répliques. Jouer, pour elle, c'était réaliser un conte de fée, tourner, c’était partir en vacances, monter sur les planches, c’était s’élever au paradis. Elle avait un besoin vital de vibrer à l’unisson des spectateurs auxquels elle infusait la tristesse, l’amour, le rire souvent, avec un talent comique qu’elle ne cessa d’affirmer, et ce jusqu’aux dernières années de sa vie. 

 Le Président de la République et son épouse saluent le talent d’une étoile du cinéma français qui a brillé sur nos écrans pendant plus de soixante-dix ans. Ils adressent à sa famille, à ses proches, à tous les spectateurs auquel manquera sa puissance de jeu et d’émotion, ses sincères condoléances.

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