Le Président de la République s'est rendu à Bordeaux ce vendredi, à l’occasion de la prestation de serment de la nouvelle promotion de l’Ecole Nationale de la Magistrature.

Cette nouvelle promotion qui compte 459 nouveaux auditeurs de justice est la plus grande de l’histoire de la Vème République illustrant l’ambition fixée par le Chef de l’Etat de réarmer notre justice.

Depuis 2017, un effort considérable a été mené pour renforcer les moyens et les effectifs de la justice, avec 11 milliards d’euros de budget d’ici 2027 pour revaloriser les salaires des agents, renforcer les effectifs et améliorer l’efficacité du système judiciaire (simplification de la procédure pénale, renforcement de la justice des mineurs, réductions des délais de jugement, déploiement d’une justice de proximité, modernisation de l’ensemble des pratiques).

A cette occasion, le Président de la République a assisté à la prestation de serment de cette nouvelle promotion et a prononcé un discours. 

Il a insisté sur le fait que le service public doit regagner en rapidité, en efficacité et en responsabilité pour réconcilier nos concitoyens avec l’autorité judiciaire et être à la hauteur du moment que nous traversons.

Il s'est rendu également dans un commissariat bordelais pour un temps d'échange avec des policiers, notamment autour du dispositif de la plainte en ligne actuellement expérimenté en Gironde, qui permettra un gain de temps considérable pour les enquêteurs, pour les victimes tout en désengorgeant les commissariats lors des pics de fréquentation.

Revoir le discours :

9 février 2024 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Discours du Président Emmanuel Macron lors de la prestation de serment des nouveaux auditeurs de justice.

Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires, 
Monsieur le Préfet, 
Monsieur le premier président de la Cour de cassation,
Monsieur le procureur général près la Cour de cassation,
Monsieur le haut membre du Conseil supérieur de la magistrature,
Madame et monsieur les chefs de cour de Bordeaux, qui ont permis l’organisation de cette audience de recueil de prestation de serment,
Monsieur le Maire,
Madame la directrice de l’Ecole nationale de la Magistrature,
Mesdames et messieurs les personnalités en vos grades et qualités, 
Chers auditeurs de justice de la promotion 2024, 
Chères familles des dits auditeurs de justice,
Mesdames et messieurs,

En ce jour où je suis venu, à Bordeaux, parler de justice, en ce jour où vous, auditeurs de justice, venez prêter serment, la Nation – vous l’avez rappelé à l’instant- a appris la disparition de Robert Badinter. Ce jour, dont vous vous souviendrez toute votre vie, sera a jamais marqué par l’empreinte de cet avocat de caractère et de profession, qui combattit sa vie durant pour les Lumières, pour la justice, pour la France, ce qui était pour lui trois fois le nom de son idéal. 

Avocat, il se porta auprès des réprouvés, des accusés, des condamnés, avec cette même soif ardente de justice. Garde des Sceaux, il abolit la peine de mort et œuvra pour la rénovation de notre autorité judiciaire. Président du Conseil Constitutionnel, il fut le gardien des lois dans toute leurs forces et leur grandeur. Il savait dans sa chair ce que l’injustice, l’iniquité, les lois vidées de leurs principes humanistes signifiaient. La Nation a perdu un grand homme ; un hommage national lui sera rendu.

Oui, ce jour, vous vous souviendrez toute votre vie, toute votre carrière de magistrat. Cette prestation de serment parachève des années d’étude, de travail, de sacrifice – vous l’avez parfaitement rappelé. Elle est l’aboutissement d’un élan, elle scelle une passion. 

Après le temps de l’espoir, et avant celui de la carrière, au centre de ce qui vous réunit tous, votre vocation à servir la justice, notre justice, celle de notre République, de notre nation. Rien, ensuite, ne sera acquis, le métier est devant vous, dans sa rigueur, dans ses bonheurs, avec son exigence mais aussi la part de jugement, d’éthique, de déontologie, d’humanisme – cela fut rappelé à l’instant. Mais d’ores et déjà, cette vocation s’est concrétisée. 

Et à voir vos familles, avec vous, je sais leur fierté légitime. Un fils, une fille, une compagne, un mari, un parent magistrat, ce n’est jamais anodin. C’est savoir que celui qu’on aime va passer ses jours, quelque fois ses nuits, dans une œuvre souvent obscure pour nombre de nos compatriotes mais déterminante. Il est, désormais, pour tous ceux qui viendront placer entre ses mains un litige, une douleur, un chagrin, le visage de la République.

Oui, vous vous souviendrez de ce jour toutes vos vies car vous avez prononcé ces mots du serment, vous avez juré, la main droite levée « de garder le secret professionnel et de vous conduire en tout comme un digne et loyal auditeur de justice ».  C’est un serment fait au peuple français, que vous servez désormais. 

Un serment fait au nom de la conception républicaine de notre justice : autorité qui applique les lois que le peuple s’est choisies, dans le respect des principes fondamentaux de notre droit, à la lumière de nos traditions et de nos valeurs. 

Et c’est aussi un serment à vous-même : être fidèle à l’auditeur de justice que vous êtes en cet instant avec sa part de doute, ce supplément inentamé d’idéal, d’envie de servir, délesté de tout préjugé, de toute lassitude, de tout accommodement, résolu à œuvrer, à penser parfois contre soi-même, indépendant vis-à-vis de tout, esprit de corps, passions publiques, sentiments personnels, seulement guidé par le sens de votre fonction.

J’ai tenu à me trouver parmi vous aujourd’hui pour vous dire tout cela. Et parce qu’il s’agit, aussi d’un jour majeur pour la Nation. Vous constituez en effet la promotion la plus importante de l’histoire de notre République. Tel est le sens de cette promotion : réarmer notre justice, depuis trop longtemps sous-dotée. 

C’est un effort massif, inédit. Et dans une institution où il est courant de dire que l’on manque de place, en effet, la justice a dû pousser les murs et tenir cette prestation de serment ici, dans le Palais des Congrès plutôt qu’à la Cour d’appel de Bordeaux, tant cette promotion de l’Ecole nationale de la Magistrature est importante, la plus importante donc depuis la création de l’école en 1958.

Vous voilà 459, quand certaines années - il n’y a pas si longtemps - les promotions ne comptaient qu’une grosse centaine d’auditeurs de justice. Ceci est le fuit de vos travaux - et nombre d’entre vous les ont nourris et je vous en remercie – ceux des Etats généraux de la Justice, qui ont conduit ensuite à des engagements que j’ai pu prendre – parole tenue. Autant de futurs substituts du procureur de la République, de juges qui épauleront les magistrats du parquet et du siège dans toutes les juridictions de France d’ici trente mois. 
Cet effort de la Nation représente sans aucun doute une opportunité, mais aussi pour vous une responsabilité : constituer l’avant-garde de cette transformation de notre justice que porte la Nation.

Ce réarmement est la traduction concrète de notre volonté de redonner à la justice les moyens dont elle manquait cruellement. Depuis 2017, les moyens de la justice ont augmenté de moitié et en 2027 nous aurons augmenté le budget de la justice de 60%. En sept ans, nous avons déjà recruté 1 000 magistrats et 1 050 greffiers. Depuis 2020, nous avons recruté 2 400 contractuels qui viennent en soutien aux magistrats et greffiers, ces contrats sont transformés en CDI ; et nous avons créé la fonction d’attachés de justice. D’ici 2027, nous recruterons en plus 1500 magistrats, 1 800 greffiers, et au moins 1 100 attachés de justice. 

Jamais, la Nation n’avait consenti un tel effort. Nous avons mis fin à trente ans de sous-investissement et, ce faisant, d’abandons humain, budgétaire et financier. Mais, là où de manière légitime nos compatriotes demandent la sécurité, une vie tranquille, souvent il avait été oublié – il faut évidemment pour cela réarmer nos forces de sécurité intérieure, ce qui est fait en parallèle là-aussi par une loi de programmation, une loi d’orientation, mais qu’il faut dans le même temps permettre à notre justice de pouvoir instruire et juger. Point de sécurité, point de vie tranquille, sans un tel investissement.

Ce réarmement judiciaire s’est accompagné de la modernisation de notre droit pour gagner en célérité et en effectivité des peines : suppression du rappel à la loi, augmentation des moyens donnés aux travaux d’intérêt général, création du code de la justice des mineurs, et j’en passe.

Nous traversons – vous l’avez d’ailleurs rappelé à l’instant - un moment de bascule : des grandes mutations, technologiques, géopolitiques aussi, climatiques qui créent du trouble et suscitent de plus en plus la violence dans notre société. Nous avons, plus encore que naguère, besoin de sens, de règles, de restauration de l’ordre sans lequel aucun progrès n’est possible. 
L’ordre et le progrès sont bien à la racine de notre République, de ses principes même. C’est pourquoi j’ai engagé ce réarmement de l’Etat : réarmement de nos forces de sécurité intérieures, avec la loi de programmation, réarmement de nos armées, réarmement de l’autorité judiciaire.

Nos institutions sont rongées par le doute et soyons lucides, nos compatriotes – vous l’avez là aussi rappelé - doutent de leur justice. Quand 60% des affaires ne sont pas celles qui font les gros titres des journaux, dans le quotidien du pays, la justice paraît trop longue et trop fragile. Je pense à ces dossiers du droit de la consommation, de la famille, des pensions alimentaires, de l’autorité parentale, des tutelles, de la protection des mineurs. Je pense à ces faits de délinquance du quotidien - cette délinquance qu’on dit « petite » ou « moyenne » mais dont les conséquences sont immenses pour chaque victime. Chaque fois, il s’agit du dossier d’une vie pour les justiciables, pour lesquels ils attendent une réponse de l’Etat. 

Alors pour réconcilier nos concitoyens avec l’autorité judiciaire, pour être à la hauteur aussi du moment que nous traversons, il faut que notre République rende la justice avec rapidité, efficacité et responsabilité. 

Rapidité d’abord car, dans une époque d’accélération, le temps de la justice, est, par essence, trop long. Nous devons savoir garder cette vision de long terme, elle est essentielle. Mais si la justice ne gagne pas en efficacité, en proximité, en célérité, alors, qu’on se le dise, chacun trouvera toujours d’autres moyens de juger les litiges, chacun les trouve d’ailleurs déjà : par l’opprobre médiatique, par le bannissement social, au mépris de la présomption d’innocence, dans notre vie publique ou par la vengeance, l’abus de pouvoir et la violence dans la vie quotidienne. Or notre République s’est bâtie sur l’idéal inverse – très clairement - celui des droits et des libertés, celui de services publics qui protègent et tiennent la Nation. 

Nous devons donc diviser les délais de notre justice par deux d’ici à 2027. Ce n’est pas un objectif, c’est un impératif, un impératif que porte le Garde des Sceaux. Ça n’est pas un impératif provenant du pouvoir politique, mais bien du peuple français, au nom de qui la justice est rendue. Lorsqu’autant de moyens sont attribués à un service public aussi important, notre responsabilité à tous, c’est que ces moyens soient suivis d’effets. Les citoyens français ne pourraient comprendre l’inverse et la confiance viendrait encore s’effriter davantage. 

Dans cet esprit, j’ai voulu avec le Garde des sceaux que nous progressions sur la simplification des procédures pénales ou civiles, notamment pour ces dernières avec le déploiement plus massif des procédures amiables. Nous avons aussi poursuivi, accéléré, la numérisation. Là-aussi c’est un travail – vous l’avez parfaitement rappelé – qui ne doit pas enlever l’humanité de la fonction mais tant de temps est à gagner, pour nos policiers, pour nos gendarmes, pour nos greffiers, nos magistrats, par la numérisation de la plainte, des procédures – ce que nous sommes en train de déployer avec une modernisation inédite - 50% des procédures pénales seront dématérialisées d’ici la fin de l’année en même temps que sera généralisé totalement la plainte en ligne à l’été, etc. etc. J’ai aussi fixé l’objectif qu’en première instance, à la fin de ce quinquennat, les décisions de justice soient rendues en moins d’un an de délai ; c’est déjà le cas dans plusieurs tribunaux, cela doit être le résultat bientôt partout en France. La rapidité donc, pas pour de la précipitation, pour garder le temps aux affaires les plus complexes, pour lesquelles celui-ci est légitime, mais pour garder à l’esprit que cette rapidité est source de légitimité.

Rendre la justice avec efficacité et effectivité. C’est le mot même que j’avais utilisé il y a quelques années - à Agen, quand je m’étais exprimé devant plusieurs d’entre vous - je ne parle pas évidement des auditeurs de justice, vous êtes trop jeunes pour cela- sur la peine. Une justice forte, en effet, n’est pas une justice aveuglément répressive, c’est une justice de proximité et d’efficacité, dont les peines sont effectives. 

Nous avons pour cela supprimé les remises de peine automatiques, et nous avançons aussi à marche forcée pour la livraison du programme de construction de 15 000 places, que nous avons même porté à 18 000, avec la livraison, depuis 2017, de 19 établissements pénitentiaires - l’un d’entre eux est tout prêt d’ici. C’est tout le sens aussi du colossal travail engagé sur les travaux d’intérêt général, dont le nombre de places a doublé. Une sanction doit s’appliquer, une peine, s’effectuer, un jugement, rétablir l’ordre républicain et démocratique. 

Et à voir la réponse pénale apportée aux émeutes de l’été dernier, notre justice a été à la hauteur de cette exigence de fermeté et d’efficacité. Les chiffres sont là qui le démontrent, les faits sont là qui le démontrent ; et il ne faut laisse aucun commentaire fallacieux s’installer. Cette exigence doit nous pousser à aller encore plus loin, en particulier en termes de restauration de l’autorité chez les mineurs délinquants et plus largement en continuant de réformer, de transformer l’administration pénitentiaire, les travaux d’intérêt général – et le Garde des Sceaux aura l’occasion dans les semaines à venir de revenir sur ces sujets.

Une justice forte, ce n’est pas une justice figée dans des formes ou des idées du passé, c’est une justice qui sait se moderniser, nous l’avons fait, au gré des préoccupations et des aspirations légitimes de l’époque. 

D’abord en engageant un effort de proximité : en créant au cours du précédent quinquennat les tribunaux de proximité, c’est-à-dire en réouvrant des sites judiciaires fermés autrefois, afin de rapprocher la justice des citoyens et en demandant aux magistrats de multiplier les audiences foraines. Ensuite en simplifiant le traitement des demandes d’aide juridictionnelle auxquelles il sera bientôt partout répondu en moins de cinq jours. 

Nous avons su nous saisir des enjeux qui traversent notre société, avec l’accent que j’ai voulu porter sur les violences faites aux femmes, la lutte contre le trafic de stupéfiants, les atteintes commises contre les élus.

Enfin, moderniser la justice, c’est l’ouvrir à tous les talents.  Les magistrats doivent être à l’image du pays, dans la diversité de leurs origines sociales, géographiques ou professionnelles. C’est un effort d’ouverture qui va s’amplifier avec la simplification et la diversification des modes de recrutement. 

Rendre la justice avec des grandes responsabilités. Je ne confonds pas l’indépendance et l’irresponsabilité. En République, le peuple est souverain, et vous rendrez bientôt la justice en son nom.  Or le serment de magistrat oblige ce dernier à « remplir ses fonctions avec indépendance, impartialité, humanité » et à se comporter « en tout comme un magistrat digne, intègre et loyal » et de « respecter le secret professionnel et celui des délibérations ». Cette exigence dans le passé, même si les cas sont marginaux, n’a pas toujours été respectée scrupuleusement et le Conseil supérieur de la magistrature joue et doit jouer à cet égard un rôle essentiel de gardien du respect du serment.  Se joue là-aussi la confiance que tout en chacun doit avoir en l’impartialité des magistrats, mais aussi en leur strict respect de leur devoir de réserve, gage de leur indépendance d’esprit et de jugement. 

La liberté d’expression des magistrats est une liberté constitutionnelle et nul ne songe à remettre en cause. Elle doit avoir pour corollaire un « déport » systématique de leur part pour juger un dossier dès lors que leur parole publique antérieure fait légitimement douter le justiciable concerné qu’il va être jugé par un juge impartial. Sur la question de l’expression publique individuelle ou collective mais aussi du droit de grève, le Garde des sceaux a engagé une réflexion, dans le cadre aussi de l’élaboration de la charte de déontologie des magistrats, prévue par la récente loi organique du 20 novembre 2023. Je souhaite que cette réflexion se poursuive et s’amplifie pour aussi adapter notre cadre à la société médiatique et technologique qui change profondément les usages. Tout cela aussi est le fruit des Etats généraux de la justice, lancés à Poitiers.

Je l’ai dit, aujourd’hui est un jour que vous n’oublierez pas, un jour que la Nation n’oubliera pas : celui où s’est levée une nouvelle génération de magistrats. Mais à votre tour, vous serez, pour beaucoup de nos concitoyens, les acteurs et les témoins que chaque justiciable n’oubliera jamais. Une audience, celle d’aujourd’hui, dont il aura été une des parties, le règlement de leur divorce, un témoignage qu’ils auront trouvé le courage de vous livrer, une conciliation où leur tourment financier et leur destin se décideront - comme je le disais tout à l’heure - oui, à chaque fois, dans chaque dossier, c’est la question de ce que nous sommes, c’est-à-dire une République, qui se joue. 

Et en République, force doit rester à la loi, expression de la souveraineté du peuple. La loi qui protège contre la violence, l’abus, l’empire du plus fort sur les plus faibles ; la loi qui civilise, sanctionne et remet dans le droit chemin ; la loi comme rempart du droit pour protéger les libertés face à la calomnie ou la rumeur, qui ne frappe qu’après un jugement. La loi, rien que la loi, mais toute la loi. Le droit, rien que le droit, mais tout le droit, dans ses procédures, dans ses garanties, dans son exigence et ses scrupules. 

Notre justice est placée sur ce fil, qui tresse le sens de votre métier : service public dont nos concitoyens attendent beaucoup et vite, autorité qui ne saurait laisser prospérer l’anomie et le désordre, institution qui oppose la rigueur aux passions, l’espérance de réinsertion à la vindicte, la vigueur des principes face aux emportements des foules.

Cette contradiction féconde ne se résoudra qu’avec une justice plus efficace, plus effective, plus proche et rapide. La confiance de nos concitoyens sera donc, pour vous, pour nous tous, un combat permanent et sans cesse recommencé.

Moyens historiques dans l’histoire républicaine de la France, responsabilité historique d’efficacité et de proximité, menaces historiques sur l’Etat de droit du fait de raidissement autoritaire ailleurs et de délitement dans la trame de la société chez nous. Voilà, en quelques mots, les défis et les chances de votre génération de magistrats. 

Et puisque nous sommes à Bordeaux, je reprendrai un mot de François Mauriac : « la civilisation d’un peuple se mesure à la situation de sa justice ». Une justice forte est la fierté de notre peuple. Je crois aussi, pour compléter le théorème, que la confiance du peuple dans sa République se mesure à la situation de sa justice. Confiance dans un service public qui rend bien, vite, et au miroir de nos valeurs, une justice du quotidien. La République a confiance dans sa justice et les moyens qui lui sont accordés le montrent ; et j’ai confiance en vous car je sais que vous serez à la hauteur de ces choix. 

Les vents mauvais reviennent et vous aurez à vivre dans cette époque, où, dans notre Europe, il existe des régimes qui remettent en cause l’Etat de droit. Vous aurez à vivre, comme magistrats, dans une époque où des voix s’élèveront pour dire que la justice est la source de tant de problèmes et chercher à saper votre légitimité. Vous vivrez dans une époque où certains chercheront à expliquer que ne pas respecter une décision de justice serait en fait vraiment respecter le peuple souverain. Vous aurez à vivre dans une époque, oui, où les vents mauvais se sont à nouveau levés et où, s’installant sur le doute, certains chercheront à vous bousculer, et ce faisant à nous bousculer.

Alors, il vous appartiendra en tant qu’autorités, institution - mais chacune et chacun d’entre vous comme magistrat – de rester loin de ces vents et de ces passions tristes, de douter toujours mais de porter cette part d’espérance de notre République et de notre Nation, celle qui a besoin d’une justice, de ses rituels, au service de notre loi, celle qui a besoin d’une justice indépendante, forte, pour continuer à croire et à vivre ensemble. Car c’est cela une République, c’est cela notre République et notre Nation.

Et en ce moment précis, pour ces raisons mêmes, je suis fier de l’investissement que la Nation a consenti ces dernières années dans notre justice, je suis fier que vous toutes et tous l’incarniez aujourd’hui à travers votre promotion. Et je sais que chacune et chacun d’entre vous relèvera l’un de ces défis, celui de votre génération : tenir ferme au service de la République française, au service de la France.

Vive la République. Vive la France.

À consulter également

Voir tous les articles et dossiers