Parce qu’il était un Breton enraciné, un élu local aux prises avec les réalités agricoles, et un Européen de cœur, Louis Le Pensec marqua la vie politique de sa région comme celle de la Nation. Celui qui fut le premier ministre de la Mer de plein exercice s’est éteint le 10 janvier à l’âge de 87 ans. 

Son parcours fut celui d’une véritable méritocratie républicaine. Né le 8 janvier 1937, à Mellac dans le Finistère, issu d’une famille modeste, Louis Le Pensec s’éleva par le travail, devenant attaché de direction dans l’industrie aéronautique puis chef de personnel dans la construction automobile. Figure émergente du socialisme breton, marqué par la modération et l’humanisme, il fut élu maire de sa ville natale en 1971 puis député du Finistère en 1973. A l’approche de l’élection présidentielle de 1981, le talent et la ténacité de Louis Le Pensec lui firent intégrer la direction du Parti Socialiste comme délégué national aux régions, puis délégué auprès du premier secrétaire, François Mitterrand.

Ces attaches bretonnes, comme ses qualités personnelles, faites d’habileté, de diplomatie et de bonhommie, lui valurent d’être appelé au gouvernement en 1981, comme ministre de la Mer, le premier de plein exercice. Là, pendant deux ans, il tenta de concilier le soutien au secteur, l’ambition maritime de la France, et la construction d’une « Europe bleue ». Proche de Michel Rocard, dont il goûtait le credo girondin et contractualiste, il retrouva le gouvernement lorsque ce dernier devint Premier ministre en 1988. Porte-parole du gouvernement, et simultanément ministre des départements et territoires d’Outre-mer, Louis Le Pensec fut l’indispensable relai de Michel Rocard pour dénouer la crise en Nouvelle-Calédonie. Les accords de Matignon de 1988, fondateurs pour la paix dans le territoire, furent aussi l’œuvre de ce négociateur inlassable, interlocuteur passionné, au sens de l’humain précieux. Il quitta la rue Oudinot après cinq ans, un record de longévité, et au terme d’une action largement saluée au-delà des clivages partisans.

Mais celui que les Cornouaillais appelaient « le grand Louis » était un enraciné, et son talent politique vite remarqué ne le détourna jamais longtemps de ses terres natales. Maire de Mellac sans discontinuer, député traversant les revers électoraux du socialisme au pouvoir en 1993, jamais battu dans les urnes, il accepta de redevenir ministre dans le gouvernement de Lionel Jospin. En charge de l’agriculture et de la pêche, il prépara la loi d’orientation agricole de 1999, votée à l’unanimité, qui inscrivit la dimension sociale et environnementale de notre agriculture, et apporta des progrès concrets pour les agriculteurs, revalorisant les retraites et jetant les fondations d’un statut du conjoint. Ses racines familiales – son père fut journalier agricole – prédisposait en effet Louis Le Pensec à une attention particulière pour le sort du secteur, des femmes et des hommes de l’agriculture. Le ministre œuvra aussi, face à la multiplication des crises et aux préoccupations croissantes sur la sécurité alimentaire, à la création d’une agence de la sécurité sanitaire des aliments. Mais, élu sénateur en 1998, Louis Le Pensec choisit son mandat parlementaire, qu’il occupa pendant dix ans. Fidèle à son engagement européen, il fut, aussi, le président de l’Association française des conseils des communes et régions d’Europe.

Retiré peu à peu de la vie politique nationale, Louis Le Pensec était un nom, une figure, une autorité, en Bretagne, en socialisme et au-delà. Le Président de la République et son épouse saluent le destin d’un homme de dialogue et d’idéal, un serviteur désintéressé et précieux de son territoire et du pays. Ils adressent à sa famille, à ses proches, leurs condoléances émues.

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