Le résistant Henri Becker nous a quittés, à 98 ans. Cet été encore, il avait participé au défilé du 14 juillet, pour commémorer l’esprit français de Résistance, et l’héroïsme de tous ceux qui, au milieu de la défaite des courages, refusèrent le joug du fatalisme.
Dans la famille Becker, servir l’histoire de France est une tradition. Le frère cadet d’Henri, Jean-Jacques Becker, était un historien spécialiste de la France du XXe siècle. Sa sœur Annie Kriegel étudia l’histoire du Parti communiste, tandis que sa nièce Annette Becker est une référence de l'étude de la Première Guerre mondiale et de ses représentations culturelles.
Henri, pour sa part, n’étudia pas l’histoire. Dans les tempêtes du siècle, il participa à l’écrire. Pendant l’occupation allemande, sa famille, d’origine juive alsacienne, se trouva en butte aux persécutions nazies. La Rafle du Vel’ d’Hiv les décida à quitter Paris pour Grenoble en juillet 1942. En classe préparatoire au lycée Champollion, Henri devint militant communiste, et chercha bientôt à s’engager davantage.
L’occasion lui en fut donnée par une rencontre. Un jour de mars 1943, son père assista au procès, au palais de justice de Grenoble, de l'étudiant Gérard Guérin, accusé d’avoir saboté une manifestation pétainiste. Les deux hommes se lièrent d’amitié. Gérard Guérin se révéla résistant, proche du réseau Combat, et fit d’Henri son agent de liaison avec Louis Richerot, le futur directeur du Dauphiné Libéré.
Commencent alors des mois périlleux de destructions d’infrastructures allemandes à l’explosif, de braquages de gendarmeries, d’allers-retours à vélo de Grenoble à Lyon, cachant sur lui des plis confidentiels, ou d’attaques de mairies : les résistants y pénétraient vêtus en policier, pour endormir la vigilance, avant d’exiger sous la menace des armes des cartes de rationnement destinées à nourrir les maquisards.
Le 20 août 1944, Henri Becker fut arrêté, amené au cours Berriat, siège de la Gestapo, battu et interrogé. Des quatre résistants avec qui il fut arrêté, il fut le seul à réchapper à la mort, grâce à l’arrivée des forces alliées à Grenoble. Sitôt libéré, il reprit son combat, au grand jour cette fois, au sein d’un régiment d'infanterie marocaine de la première armée, sous le commandement du général de Lattre de Tassigny, avec qui il vécut la campagne d’Alsace.
Devenu ingénieur des Mines après la guerre, il continua de mettre ses talents au service de l’intérêt général, et prit part aux chantiers urbains majeurs de l’époque, la Grande Halle de la Villette, la gare de la Part-Dieu à Lyon, ou encore le palais des festivals de Cannes.
Le Président de la République salue la mémoire d’un combattant de la liberté qui sut défendre debout les valeurs de la France, et qui resta fidèle, toute sa vie d’homme, à la même droiture morale. Il adresse à sa famille, ainsi qu’à l’Ordre de la Libération, chargé de veiller sur tous les médaillés de la Résistance française, ses condoléances émues.