Le Président Emmanuel Macron s'est rendu à New Delhi pour participer au Sommet du G20 de la présidence indienne, les 9 et 10 septembre 2023.

Le Sommet du G20 a permis au Chef de l’État de poursuivre le dialogue constant qu’il entretient avec ses homologues de tous les continents, afin de lutter contre les risques de partition du monde.

Il s’agissait également d’avancer dans la mise en œuvre des réponses conjointes aux grands défis mondiaux qui ne peuvent être combattus efficacement que par une action multilatérale : paix et stabilité, lutte contre la pauvreté, préservation du climat et de la planète, sécurité alimentaire ou encore régulation du numérique.

Ce G20 a également été l’occasion d’assurer le suivi du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial qui s’est tenu à Paris en juin dernier. Celui-ci a permis d'établir le Pacte de Paris pour les Peuples et la Planète, offrant un cadre d’action collectif pour faire en sorte qu’aucun pays n’ait à choisir entre la lutte contre la pauvreté et la protection de la planète.

Revoir la déclaration du Président à l’issue du G20 de New Delhi :

10 septembre 2023 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse du Président Emmanuel Macron G20 New Delhi.

Je suis heureux de pouvoir ici dire quelques mots à l’issue de ce G20. Je tiens d’abord à remercier le Premier ministre Narendra MODI. L’Inde, fidèle ses principes, a tout mis en œuvre pour cette présidence du G20, et pour qu’elle serve d’unité, qu’elle envoie un message, justement, de stabilité alors que la Russie continue de mener sa guerre d’agression en Ukraine.
Je remercie et félicite le Premier ministre MODI et veux ici rappeler que la France se tient aux côtés de l’Inde. 

Avant de commencer à rendre compte de nos conclusions et de l’analyse que j’en fais, je veux ici avoir un mot tout particulier pour le Maroc et le peuple marocain qui a connu, hier, une tragédie qui nous touche tous. L’ensemble du G20 a affirmé sa solidarité.
La France a eu l'occasion de le faire dès les premières heures, j’ai envoyé à sa Majesté le Roi Mohamed VI un message directement. Nous avons mobilisé l’ensemble des équipes techniques de sécurité pour pouvoir intervenir quand les autorités du Maroc le jugeront utile. 
Nous sommes mobilisés et les échanges se font entre ministres et techniciens et nous avons ce matin mobilisé la Banque mondiale, le FMI, l’Union Européenne et l’Union africaine pour, ensemble, avec la France justement, marquer aussi un engagement fort de soutien au Maroc, au peuple marocain pour la reconstruction et l'aide financière dans ce contexte. 
Je veux aussi avoir une pensée pour le Brésil, qui a connu un cyclone important ces dernières heures. 

Je souhaite avant toute chose, en commençant ce compte-rendu du G20, féliciter l'Union africaine qui a été consacrée comme nouveau membre de notre G20. C'était une nécessité. Vous le savez, la France a fait partie des premières à pousser à cette candidature. Elle a demandé à officialiser notre soutien à Bali l'année dernière, alors que Macky SALL était là pour représenter cette présidence de l'Union africaine. Le président AZALI a pu, aujourd'hui, réaliser ce qui était jadis un vœu. L'Union africaine aura une place autour de la table des décisions et je me réjouis que la proposition que nous avions portée à Bali ait emporté l'adhésion de tous. 

Ce G20 confirme d'abord à nouveau l'isolement de la Russie. Hier et aujourd’hui, l'écrasante majorité des membres du G20 condamne la guerre en Ukraine et ses impacts et nous avons largement ici traité des conséquences économiques et alimentaires de cette guerre pour justement garder l'unité de la planète. L'ensemble du G20 s'engage, par ailleurs, sur le principe d'une paix juste et durable en Ukraine, j'insiste sur ces termes conformes à la Charte des Nations-Unies, c'est-à-dire au principe d'intégrité territoriale qui a été violé par la Russie, il y a 18 mois. 

Ce G20 montre aussi, je le disais en félicitant le Premier ministre MODI, que nos efforts pour résorber la fracture entre le Nord et le Sud portent leurs fruits. Après le sommet que nous avions organisé à Paris, qui a abouti au Pacte de Paris pour les peuples de la planète, plusieurs de ces grands axes et de ce que nous avions lancé a été ici repris et je veux dire, c'est à mes yeux ce qui est important dans ce G20, que l'agenda que nous portons depuis plusieurs années continue d'avancer et a pu avancer lors de ce G20 en Inde. 
D'abord, ce que nous avons porté à Paris et qui a donné lieu à ce Pacte de Paris pour les peuples et la planète a été réitéré juste avant ce sommet avec de nombreux pays africains qui ont cosigné avec la France une tribune pour soutenir ce pacte dont le nombre de signataires ne cesse de croître. Je rappelle les 4 principes qui y présidaient. Nous n'avons pas à choisir entre la lutte contre la pauvreté et le combat pour la planète. Deuxièmement, chaque pays a à choisir son chemin. La communauté internationale doit le soutenir. Troisièmement, nous avons besoin d'un choc de financement public. Quatrièmement, nous avons besoin de beaucoup mieux mobiliser les financements privés sur ces objectifs. 
C'est exactement la philosophie qui a présidé à nos travaux et il y a beaucoup de réalisations qui viennent en conclusion directe de ces travaux. 

Sur l'augmentation de la mobilisation financière internationale, à la fois pour la lutte contre la pauvreté et pour le climat, ce G20 a acté des avancées importantes. Nous avons dépassé d'abord la cible de 100 milliards de dollars de réallocation de droits de tirage spéciaux. Je rappelle que là aussi, c'est un chemin français. C'est en novembre 2020 qu'avec la directrice générale du FMI, nous avons décidé d'une nouvelle émission de droits de tirage spéciaux. C'est en mai 2021, lors du Sommet pour le financement des économies africaines, que nous avons pris l'engagement de réallouer 100 milliards vers l'Afrique. Et c'est tout le travail que nous menons depuis mai 2021 qui, enfin, arrive à son terme avec 108 milliards de dollars qui sont réalloués. La France, pour ce faire, a fait plus que tenir son engagement initial puisque nous avons réalloué 40 % de nos droits de tirage spéciaux, ce qui représente environ 7 milliards et demi de dollars pour ce qui est de la France. J'invite tous les pays maintenant à continuer les engagements, mais surtout à mettre en œuvre ce sur quoi ils se sont engagés. 

Ensuite, nous allons atteindre cette année la cible de 100 milliards de dollars pour financer la transition climatique dans les pays en développement. Là aussi, les rapports ont été rendus et lors du Sommet de Paris, en juin dernier, nous avions eu le rapport qui montrait qu'on était en train d'y arriver. Engagement, je le rappelle, qui avait été pris en 2015 par les pays les plus riches. Donc on a remis la pression ces derniers mois pour qu'il soit tenu. 

Troisième élément, nous avons constaté le fait que ce qui a été mobilisé à Paris, en particulier la première réunion de finances en commun qui regroupe toutes les banques multilatérales et nationales de développement avec les institutions financières a pu conduire à des effets directs puisque nous accroissons la prise de risques de nos banques de développement et nous arrivons, ce faisant, à accroître de 200 milliards de dollars le financement public, sans augmentation de capital derrière ce chiffre ni immobilisation de crédits, mais simplement par plus de prise de risques des mécanismes existants. Ça aussi, c'est une concrétisation de ce qu'on a fait en juin dernier à Paris. Et nous avons tous endossé en G20 l'objectif que nous nous étions donné à Paris de mieux mobiliser les financements privés et donc d'avoir 100 milliards de dollars de financements privés dans les pays en développement. Tout ça est un acquis très fondamental sur lequel le G20 s'engage et qui vient consacrer en G20 les résultats du Sommet de Paris de juin dernier qui avait conduit donc à ce pacte de Paris pour les peuples de la planète. 

A côté de ça, nous souhaitons, nous, aller plus loin en termes de représentativité et d'efficacité. Et c'est l'engagement qui a aussi été pris à Paris et qui est pour le pacte. D'abord, nous soutenons une réforme en profondeur de la gouvernance mondiale, du Conseil de sécurité, mais également de la Banque mondiale et du FMI. Elles doivent mieux représenter la réalité géopolitique contemporaine, les réalités démographiques et économiques. Et ensuite, nous souhaitons accroître la mobilisation de ces instruments. C'est pourquoi la France défend l'idée d'une recapitalisation de la Banque mondiale qui permettra de donner plus de places aux émergents, mais qui doit aussi donner plus de place au climat. Et la contrepartie, en quelque sorte, que nous portons derrière cette recapitalisation, c'est un engagement très clair des émergents pour sortir au plus vite du charbon. 
De même, nous sommes pour une revue de quotas au FMI. Nous attendons d'avoir plus d'engagement, là aussi, des émergents sur la restructuration des dettes en Afrique. C'est en quelque sorte la contrepartie, mais nous sommes tout à fait favorables à aller plus loin. Nous l'avons réitéré aujourd'hui. 

C'est ce même agenda d'une plus grande mobilisation financière internationale que nous poursuivons d'abord à l'échelle nationale. Je rappelle que la France a rehaussé ses engagements nationaux et que nous avons atteint les 0,55 % de notre revenu national brut pour l'aide publique au développement, l'investissement solidaire, et c'est celui que nous voulons aussi poursuivre dans l'agenda international. C'est pour ça que nous nous sommes engagés pour, justement, reconstituer les fonds du Fonds International pour le Développement Agricole, le FIDA, qui se tiendra en décembre prochain, je remercie son directeur général, cher Alvaro LARIO, d'être à mes côtés. Nous avons pu ici commencer cette campagne qui vise à lever 2 milliards de dollars de financements pour le FIDA. Nous en avons besoin parce qu'il se bat justement pour améliorer les systèmes agricoles et productifs dans beaucoup de pays en particulier touchés par les conséquences de la guerre.

Enfin, dans ce G20, nous avons aussi pu réitérer notre soutien des initiatives lancées à Paris et poursuivies ensuite, en particulier à Nairobi, parce que ce choc de financement que nous défendons exige des ressources complémentaires. C'est pourquoi, nous devons lever des ressources internationales nouvelles. Nous avons convenu avec le président RUTO, que je remercie pour son sommet de Nairobi il y a quelques semaines, et avec nos partenaires, de monter un groupe de travail commun sur la fiscalité internationale qui devra rendre des premiers résultats dès la COP 28. Je soutiens l'initiative prise par le président RUTO de complètement changer les mécanismes de taxe carbone pour qu'elle soit plus efficace et que le signal prix existe véritablement. C'est ce même agenda que nous avons poursuivi, au-delà des questions financières, sur la question climatique. 
Le bilan mondial de l'accord de Paris a été publié vendredi : nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire et pour ça, il faut multiplier les engagements. Le G20 est à ce titre un acteur clé. Nous avons acté aujourd'hui un objectif de triplement de production des énergies renouvelables. Nous avons la même ambition sur les technologies bas carbone, dont le nucléaire. Et nous nous sommes également engagés à développer un grand projet de corridor par le rail entre l'Inde, l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et l'Europe, qui devra permettre de transporter de l'hydrogène vert et d'accélérer le verdissement de nos économies. 

Mais à cet égard, je veux dire que c'est insuffisant. Et je suis pour, ma part, très préoccupé de l'esprit qui commence à régner, y compris d'ailleurs au sein des membres du G20 sur la question du climat. Il y a d'abord un discours trop facile qui s'installe chez certains émergents pour dire que seuls les pays les plus riches auront une responsabilité. Nous prenons notre responsabilité, nous Européens, nous avons les seuls engagements internationaux crédibles avec le Green Deal et le Fit for 55. Nous sommes les seuls à avoir défini des instruments réglementaires, une régulation nouvelle pour atteindre la baisse substantielle d’émissions pour 2030, mais surtout la neutralité carbone 2050. Je me félicite que beaucoup d'autres nous aient rejoint dans ce club de la neutralité carbone 2050. Jusqu'à présent, ils n'ont pas encore crédibilisé leur propre stratégie. Les Européens, oui. Nous sommes au rendez-vous de nos engagements financiers et des 100 milliards, ça a été signifié par le rapport piloté par Nick STERN et plusieurs collègues en juin à Paris et réitéré ici même. 

Mais beaucoup de pays doivent faire leurs efforts. Et il est faux de dire qu'on pourrait ralentir les efforts pour la sortie du charbon en 2030 et la sortie du pétrole au plus vite. Je sais que beaucoup de pays ont besoin du charbon et du pétrole pour leur modèle productif aujourd'hui. Notre devoir est de les aider à en sortir le plus vite possible. C'est d'ailleurs le cœur de la stratégie que nous avons développée avec nos partenariats pour une transition juste sur le plan énergétique, les fameux JETP. Signé avec par exemple l'Afrique du Sud, l'Indonésie, le Sénégal ou beaucoup d'autres. C'est sur cette dynamique que nous voulons nous engager également avec l'Inde et c'est ce dont nous avons parlé avec le Premier ministre MODI. Mais plus largement, nous devons tous, dans les pays émergents et dans tous les pays clients, sortir le plus rapidement est beaucoup plus vite que du charbon et nous devons accélérer sans hypocrisie la sortie des hydrocarbures. 
Je vois naître un discours qui consisterait à dire qu'on pourrait continuer à vivre très durablement au-delà de 2040-2045 avec le pétrole et réussir la transition climatique, c'est faux. Je sais que ça vient contrarier plusieurs modèles productifs chez quelques émergents, on doit les aider justement à cette transition. Mais nous ne devons pas céder un discours qui n'est en rien établi par la science. 

Enfin, je voudrais vous dire que nous avons pu parler aussi de technologie. Sur l'intelligence artificielle, la France poursuit un objectif double dans ce cadre : développer les investissements et l'innovation et être sûr qu'il n'y a pas de fracture numérique et technologique qui s'installe sur la question de l'intelligence artificielle et que tous les pays, autour de la table au G20, puissent y avoir accès pour leur développement. Et dans le même temps, penser dans le cadre le plus large dès le début, la régulation indispensable qui va avec cette technologie pour justement éviter la manipulation dans les démocraties, les fausses informations, mais aussi ce qui viendrait perturber le fonctionnement, je dirais, constitutif de nos pays. 
À ce titre, nous défendons l'idée d'une régulation internationale qui puisse se faire comme d'ailleurs nous l'avons fait sur la fiscalité numérique ou la fiscalité minimale adossée à l'OCDE. Et il se trouve qu'en 2019, nous avons développé, en lien avec le Canada, ce partenariat mondial pour l'intelligence artificielle, il existe, nous l’avons créé, il est adossé à l'OCDE. Je pense que c'est sur cette base qu'il nous faut construire la bonne régulation internationale parce que c'est l'OCDE qui a cette capacité, largement au-delà de ses membres, à réunir la communauté internationale sur l'indispensable régulation de l'intelligence artificielle. Le G20, sur tous ces sujets, a montré son importance. 

Je veux à nouveau féliciter la présidence indienne. La présidence brésilienne prendra donc le relais avec toute notre confiance. Nous travaillons d'ores et déjà très étroitement sur la question de la protection des forêts, de la souveraineté alimentaire, de la justice sociale. J'ai pu parler tout à l'heure avec le président LULA. Ce G20 ouvrira aussi un nouveau chapitre sur la coopération fiscale internationale que nous défendons, vous le savez, depuis 2018, avec beaucoup de force d'efficacité, mais avec encore beaucoup de chantiers devant nous. Je ne serai pas plus long. Je vais maintenant répondre à vos questions.

Journaliste
Monsieur le Président, Bonjour. Nous allons revenir sur le G20 avec ce compromis qui paraît en retrait par rapport aux positions françaises. Alors tout d'abord sur l'Ukraine, Kiev a exprimé sa déception et Moscou sa satisfaction. Alors, est-ce que ce compromis ne reflète pas la prise de pouvoir des pays émergents ? Et puis, concernant le climat, vous venez à l'instant de vous dire préoccupé, vous appelez à aller plus loin. Alors est-ce que là, pour le coup, ce compromis n'est pas un mauvais signal à moins de trois mois de la COP 28 ? Je vous remercie. 

Emmanuel MACRON
Alors d'abord, si nous sommes honnêtes avec nous-même, le G20 n'est pas un forum de discussion politique. Il a été réinstallé et recréé en quelque sorte à l'occasion de la crise financière internationale de 2008-2010, et il a surtout pour vocation - ce qui d'ailleurs explique les présents autour de la table, parce que nous sommes beaucoup à ne pas partager les mêmes valeurs, le même agenda - a d'abord parlé des sujets économiques et financiers, mais aussi des sujets climatiques. Donc je pense qu'il ne faut pas bloquer, en quelque sorte, le G20 sur le reste de l'agenda. 

Nous savons qu'il existe des désaccords avec certains membres sur la question ukrainienne puisque nous savons que dans le G20, il y a la Russie. Maintenant, la réalité, c'est que les choses ont été dites. Le G20 a très clairement dit qu'il soutenait une paix juste et durable qui est l'inverse de ce que propose la Russie, qui propose un cessez-le-feu et donc une paix non durable et non juste ; et que nous avons réitéré en G20 notre soutien à la Charte des Nations unies, laquelle est violée en ce moment même par la Russie. Donc, il n'y a pas d'ambiguïté. Par contre, ce n'est pas le lieu où vous aurez des avancées massives à date, surtout quand nous sommes sur le terrain avec la situation que nous connaissons. Je veux simplement rappeler ici le rapport de force qui existe : 16 membres du G20 ont voté toutes les résolutions qui sanctionnent et condamnent la Russie ; trois se sont abstenus, un seul a voté contre. Devinez qui ? La Russie. Je n’ai pas le sentiment que ce soit une victoire diplomatique massive, ni autre chose qu'une réalité d'isolement et de situation très minoritaire. C'est ça le G20, mais ce n'est pas le lieu où vous aurez des progrès diplomatiques sur cette question. 

Sur le climat, je pense qu'un des points très importants qui a avancé ici, c'est la question du financement. C'est pour moi ce qu'on a bien consolidé dans ce G20 et qui est un succès auquel nous avons collectivement contribué et j'espère que la France, par son sommet et son Pacte de Paris pour les Peuples de la Planète, a été utile à la présidence indienne. Ensuite, il n'y avait pas un rendez-vous à proprement parler climatique, il va arriver avec la COP 28, mais moi, j'alerte tout le monde : nous n'y sommes pas et je sens une forme de discours trop facile qui s'installe chez beaucoup. Nous devons être exigeants et en particulier nous devons, avec les grands émergents, avoir un discours de vérité. 

Les pays les plus riches doivent faire l'effort. Nous, nous sommes en train de le faire. Ça nous coûte, c'est très compliqué. On va dans les prochaines semaines en France déployer et développer cette planification écologique. On sait ce que cela emporte : des investissements publics, des changements de vie pour beaucoup de gens, des contraintes, des peurs que ça fait naître. Mais nous le faisons. Et c'est légitime et normal que nous ayons justement ce rôle. Mais dans le même temps, nous devons absolument réengager avec les grands émergents de la planète pour sortir en 2030 du charbon et le plus vite possible du pétrole. Et tous les agendas qui sont en train de s'installer en expliquant « non, non, en fait, on s'est trompé, on pourra aller plus lentement parce qu'on fait beaucoup d'argent avec le pétrole en ce moment », ce n'est pas une bonne idée. Le gaz est une énergie de transition. Il faut un peu plus de temps, c'est l'objectif 2050. Mais bien avant 2050, il faut sortir du pétrole et du charbon. Et donc là-dessus, j'alerte tout le monde. Pas d'hypocrisie à l'horizon de la COP 28. Ce n'était pas le lieu aujourd'hui, mais les prochains mois seront déterminants.

Journaliste
How do you see the overall trajectory of India-France strategic partnership in the context of the fragmented geopolitical environment? India has decided to procure RAFALE fighter jets for the Indian Navy. When can we expect announcement of a deal in this regard? And lastly, in fact, how do you see the overall presidency of India? Thank you. 

Emmanuel MACRON
Thank you so much. Tout d'abord, nous avons un partenariat stratégique extrêmement dynamique. Nous avons un partenariat de défense très fort. Nous l'avons renforcé ces dernières années. La visite qu'a effectuée le Premier ministre indien à Paris le 14 juillet était un moment essentiel dans ce partenariat. Le peuple français a été très fier de cette visite. Les Français ont ressenti cette amitié et ce respect pour votre pays et nous avons signé de nouveaux contrats et également adopté une feuille de route. Nous allons nous déployer sur tous les secteurs de la feuille de route en matière de défense, des contrats additionnels dans les mois et les années à venir sur l'espace. Nous avons également adopté un nouveau partenariat sur les activités et les industries nucléaires. Il existe d'ores et déjà une feuille de route, nous avons ajouté quelques étapes cruciales sur les actions que nous allons mener ensemble sur les infrastructures, l'économie, les startups, la technologie, les transports et de très nombreux autres secteurs, sans oublier la culture. Il va y avoir un suivi de ce qui se fait. 

À mon avis, ce partenariat est stratégique et est en train d'être enrichi dans tous les secteurs. C'est pour cette raison que ce partenariat n'est pas uniquement un partenariat bilatéral et il y a une plus grande intimité, si je peux m'exprimer ainsi, pour la région et pour le monde. Nous devons préserver les équilibres dans l'environnement mondial actuel. Nous devons résister à la fragmentation du monde et nous devons travailler ensemble pour trouver des solutions, pour proposer des solutions au monde sur ce qui fait sens. 

C'est exactement la philosophie qui nous inspirait lorsque nous avons lancé l'Alliance solaire avec le Premier ministre indien. L'Alliance solaire internationale est l'une des meilleures incarnations de cette philosophie. Il en va de même pour ce que nous avons fait hier ensemble avec les Emirats arabes unis, l'Arabie saoudite et les États-Unis avec d'autres collègues sur ce corridor qui part de l'Inde et qui arrive sur les côtes de la Méditerranée, un corridor de transport. Et c'est exactement de cette façon que nous avons travaillé avec votre Premier ministre pour préparer cette présidence, avec le sommet de Paris et cette présidence pour instaurer une dynamique sur un certain nombre de sujets allant du climat au financement. 

Je pense que cette présidence, dans l'environnement actuel et dans ce monde fragmenté et toutes ces difficultés que nous voyons donne une impulsion extrêmement importante et enrichissante, c’est pour cela que je voudrais remercier le Premier ministre indien et je m’engage à l’égard de cet agenda bilatéral. Merci. 

Journaliste
Juste une question à propos du Niger. Je voulais savoir comment vous réagissiez aux accusations de la junte qui accuse la France de préparer une intervention militaire contre le Niger, d’une part ; et d’autre part, savoir où en sont les discussions, les réflexions du côté français sur un redéploiement des troupes française dont la junte exige le départ. Est-ce que c’est un redéploiement à l'intérieur des frontières du Niger ? Est-ce que c'est un rapatriement de certaines forces ? Si vous pouviez donner des précisions. Merci.

Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. Les forces françaises ont été mises en place sur le sol du Niger à la demande du Niger. Et nous sommes là pour lutter contre le terrorisme à la demande du Niger et de ses instances démocratiquement élues, à savoir le président BAZOUM, son gouvernement et son parlement. Nous avons d'ailleurs eu une action efficace qui a drastiquement réduit les attaques terroristes sur le sol du Niger, et nous l'avons fait au prix de la vie de plusieurs soldats français. J'ai une pensée pour la mémoire de ces derniers et de leur famille à chaque fois que j'évoque ce sujet. 

Un coup d'État depuis juillet dernier retient en otage un président démocratiquement élu. La France a une position simple : nous le condamnons, nous demandons la libération du président BAZOUM et la restauration de l'ordre constitutionnel. Nous ne reconnaissons aucune légitimité aux déclarations des putschistes, puisque le président BAZOUM n'a pas renoncé à son pouvoir.  Donc si nous redéployons quoi que ce soit, je ne le ferai qu'à la demande du président BAZOUM et en coordination avec lui, pas avec des responsables qui, aujourd'hui, prennent en otage un président. Sur ce sujet, depuis le 1er jour, la France se coordonne avec l'ensemble des chefs d'État et de gouvernement de la région. Et nous soutenons pleinement les positions de la CEDEAO. La CEDEAO a condamné ce putsch.  Elle a pris des sanctions, tout comme l'UMOA. Et la CEDEAO continue le travail pour libérer le président BAZOUM et permettre de résoudre ce sujet. La France est à ses côtés et le soutient. Sur le reste, je n'ai pas d'intention, tant que la situation est celle-ci. Elle gèle, en quelque sorte, tout, puisque la seule personne avec qui nous avons légitimement à parler est le président BAZOUM.  

Journaliste
Monsieur le Président, nous avons vu le projet qui a été lancé sur la connectivité. Est-ce que vous pouvez nous en parler ? Et quel rôle la France va y jouer ? Quel rôle l'Inde va y jouer ? Et qu'est-ce que cela apportera à la région et au monde ?  

Emmanuel MACRON
Merci. Il est très important d'avoir un tel projet qui va de l'Inde à la Méditerranée. Nous, nous sommes engagés pour le financement. Nous sommes engagés, nous sommes en train de travailler avec la Banque mondiale, les Etats-Unis, l'Union européenne, l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, et un certain nombre d'autres acteurs pour mettre de l'argent en commun pour la réalisation de ce corridor. 

Le projet a donc été lancé hier, et il va nous falloir trouver le financement. L'idée, c'est de faire un package unique et de décider de la nature des infrastructures. Ce que nous voulons, ce sont des infrastructures zéro émission, de connectivité sur le thème du transport, connectivité en matière de communication, de technologies. Nous avons en France de très nombreuses entreprises qui travaillent dans tous ces secteurs : énergie, transport, connectivité. Et donc, elles participeront très certainement à la mise en œuvre de ces projets. Nous allons également mettre en place une structure qui va décider des diverses phases et qui va allouer les ressources à ces différentes phases et à leur financement. Les entreprises françaises en feront partie. Donc, nous l'avons lancé hier et aujourd'hui, il va nous falloir tout organiser, peut-être faciliter les choses, éviter l'excès de bureaucratie et renforcer l'implication de tout ça. 

Journaliste
Bonjour, Monsieur le Président. Vous avez dit que la France était prête à intervenir en aide au Maroc quand les autorités le jugeraient utile. Visiblement, nous sommes 36 heures après le séisme, les moyens manquent sur place. Est-ce que vous diriez qu'il y a un problème de coordination de cette aide entre la France et le Maroc ? Est-ce que vous souhaitez que l'aide française arrive au plus vite sur place ? Et avez-vous parlé personnellement avec le roi Mohamed VI en dehors du message dont nous avons eu partiellement connaissance ? Je vous remercie. 

Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. J'ai eu l'occasion d'échanger longuement avec Sa Majesté le Roi il y a quelques jours, quelques jours avant le séisme. Et il était dans l'avion et ensuite sur le terrain. Donc, nous avons échangé des messages oraux et je lui ai envoyé une lettre dans les premières heures. 

Écoutez, moi, je souhaite faire ce qui est utile pour le peuple marocain. D'abord, je veux dire notre émotion, notre solidarité pour le peuple marocain. J'ai une pensée toute particulière pour les millions de binationaux, de Françaises et de Français qui sont d'origine marocaine ou qui ont de la famille là-bas. Cela nous touche, je dirais, dans notre intimité, notre chair, nous-mêmes. 

Ensuite, nous avons mis en place tout ce qu'il convient de faire, avec le centre de crise au Quai d'Orsay, le ministère de l'Intérieur, le ministère des Armées. Tous les contacts bilatéraux ont été établis au niveau technique. Les autorités marocaines savent exactement ce qu'on peut livrer, la nature et le timing, si je puis dire. Donc maintenant, c'est à leurs mains, parce que, comme à chaque fois, ce sont les autorités locales qui savent ce qui est utile et qui peuvent coordonner. Donc, nous sommes à disposition, et on a fait tout ce qu'on pouvait faire. À la seconde où cette aide sera demandée, elle sera déployée et nous nous tenons prêts. Maintenant, c'est évidemment aux autorités marocaines d'en décider en fonction de leur évaluation sur le terrain et pour que ce soit fait en bon ordre, parce que tout ça n'arrive jamais en ordre dispersé. Ils ont raison de bien organiser cela. 

À côté et en parallèle, nous avons souhaité un peu organiser et mobiliser plus largement, c'est pourquoi ce matin, j'ai eu un échange avec le président de la Banque mondiale, la directrice générale du FMI, et que nous avons eu cet échange aussi avec la présidente de la Commission européenne et le président de l'Union africaine, pour tout de suite mobiliser une aide plus large financière à l'international pour tout de suite préparer les choses pour une reconstruction rapide. Je crois qu'on fait le maximum de ce qu'on peut faire là où nous sommes en nous tenant à disposition. Et j'ai pleine confiance dans les autorités marocaines pour avoir l'organisation, évidemment, la plus efficace. Mais je veux ici redire notre soutien et notre amitié. On va prendre une dernière question. 

Journaliste
Bonjour, Monsieur le Président. Je voudrais savoir combien a-t-il fallu à tous les membres du G20 pour parvenir à un consensus sur la déclaration de New Delhi ? Vous avez également dit que la Russie ne n'a pas sa place au G20. Est-ce que vous pourriez nous en parler un peu ? Donc vous avez dit que le G20 était une plateforme économique, mais vous dites que ce n'est pas sa place. 

Emmanuel MACRON
Pardon, il y a peut-être eu une question de traduction. Tout d'abord, la déclaration, eh bien, il a fallu un certain temps à nos sherpas, mais c'est magnifique quand on parvient à un résultat. Alors, je ne veux pas exagérer le rôle que nous avons joué pour le texte auquel nous sommes parvenus. Il y a eu un consensus entre nos sherpas et entre les capitales, et il était assez facile de parvenir à ce texte dans le cadre des discussions entre les capitales. J'ai insisté sur les succès, et j'ai également dit où nous pouvions encore faire des progrès, mais je ne vais pas m'attarder là-dessus. 

Sur la Russie, en fait, j'ai dit effectivement que le cœur du travail de ce forum, c'était l'économie et la coordination sur les affaires du monde. Bien évidemment la finance, le climat et l'économie, pas forcément les aspects politiques, donc. C'est bien d'avoir ces discussions de temps en temps, mais il ne faudrait pas que nos discussions trébuchent ou bloquent sur un point. Deuxième observation, ils sont de facto un membre du G20. Le président POUTINE n'est pas là parce qu'il fait l'objet de sanctions par un certain nombre d'entre nous, et pour de bonnes raisons, parce que je crois que ce qui se passe est extrêmement grave, et c'est un sujet d'inquiétude pour de très nombreux pays. Mais en fait, je ne voulais pas dire que nous devrions exclure quelqu'un du club maintenant, ce serait contre-productif. 

Merci beaucoup Mesdames et Messieurs. Nous allons continuer maintenant vers le Bangladesh. Je tiens à remercier, en tout cas, le Premier ministre MODI et le peuple indien pour leur hospitalité. Merci.
 

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