Le doyen de la Gironde Marcel Barbary était aussi l’un des vétérans de la mémoire nationale.
Son décès, à 109 ans, nous renvoie à ces pages d’histoire qu’il a contribué à écrire, comme soldat de la Seconde Guerre mondiale et des Forces Françaises libre.

Fils d’un entrepreneur et d’une modiste, il naquit en 1914, à une époque où, rappelait-il, les fiacres passaient sur les quais de Bordeaux ; l’époque aussi où les trognes cassées qu’il croisait dans la rue, les chants militaires que son instituteur leur enseignait en classe, lui faisaient redouter l’éclatement d’un nouveau conflit. Il ne se croyait pas le courage ni la vigueur d’un soldat, et pensait que si la guerre se déclarait, il chercherait sans doute à se faire réformer.

Le destin se chargea de le détromper. Sa mobilisation en 1939 lui révéla sa propre trempe physique et morale. Fait prisonnier sur la ligne Maginot, envoyé en Allemagne, il tenta de s’évader trois fois, avec deux camarades. La troisième fois fut la bonne ; il rejoignit Bordeaux, puis l’Espagne et le Portugal, traversa le détroit de Gibraltar, avant de s’engager en 1943 dans la première Division Française Libre. Sous le soleil de Tunisie le plus ardent ou la soif la plus dévorante, quel que soit le danger, Marcel Barbary relevait le courage de ses camarades en plaisantant ou en chantant. Bien peu se doutaient que celui qu’ils surnommaient « Monsieur Sourire » riait pour ne pas trembler, et que sa grandeur n’était pas d’ignorer la peur, mais de la dépasser. Il fut du débarquement de Naples, puis, en août 1944, du grand débarquement de Provence, des combats des Alpes, de Nîmes, de Toulon, libérant la France, pas à pas, pied à pied.

Il revint de guerre avec des blessures au genou, à l’œil, à l’omoplate, dont la douleur ne partit jamais, pas plus qu’il ne parvint à exorciser les cauchemars qui entrecoupèrent ses nuits jusqu’au bout. Mais rien n’altérait son sourire. Il devint décorateur tapissier, eut cinq enfants, des petits-enfants, des arrières puis des arrières-arrières-petits-enfants. Dans son salon décoré de casques, de médailles, de baïonnettes, de ses croquis de vieux Touaregs, il leur racontait inlassablement ses trois condamnations à mort, ses trois tentatives d’évasion, et l’épopée de ceux qui n’avaient jamais voulu ployer le col face à la barbarie, pour rendre la France à ce qu’elle ne doit jamais cesser d’être.

Plus que centenaire, il participait encore aux commémorations aux monuments aux morts, devenant le plus ancien porte-drapeau de notre pays.

Le président de la République adresse ses condoléances attristées à sa famille, à ses proches, à ses camarades, et salue la mémoire d’un homme de valeur profonde dont le courage restera un enseignement pour notre temps. Nous reprendrons, après lui, le flambeau de la mémoire qu’il avait attisé sa vie durant.

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