Le Président de la République s'est rendu, ce mercredi, au salon VivaTech.
L’arrivée récente de l’intelligence artificielle (IA) au cœur de notre quotidien a révélé le potentiel de cet outil numérique. Les bouleversements technologiques et sociaux qui en découlent prouvent que la bataille pour notre souveraineté passe aujourd'hui par la maîtrise des algorithmes.
Stratégie nationale pour l'intelligence artificielle
Dès 2018, la première phase de la stratégie nationale pour l’IA a permis la consolidation d’acteurs français en parallèle de travaux de régulation. Aujourd’hui, nous devons faire face à de nouveaux défis :
- Accélérer la démultiplication des talents français sur la scène internationale ;
- Renforcer nos formations ;
- Définir une régulation adaptée pour protéger des dérives tout en favorisant l’innovation.
Gagner la bataille de notre souveraineté numérique
Plus largement, le Président de la République a abordé les enjeux de la technologie et de l’innovation en France, en évoquant notamment les leviers de financements et les moyens de mieux accompagner les acteurs émergents, qui sont au cœur du plan France 2030.
Il a ainsi annoncé les 125 lauréats French Tech 2030, sélectionnés dans des secteurs stratégiques, qui bénéficieront d'accompagnements dédiés.
Ils innovent et portent des projets d’avenir, prometteurs et responsables. Pour le pays, leur rôle demain sera clé.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) June 15, 2023
Voici les 125 lauréats French Tech 2030.
Nous allons les soutenir avec force. pic.twitter.com/JeWMEndiz2
Le Président Emmanuel Macron a également participé à une table-ronde durant laquelle il a échangé avec quatre chefs d’entreprise et lors de laquelle il a annoncé de nouveaux investissements :
- 500 millions d'euros de financement pour la création de 5 à 10 IA-Clusters permettant de doubler le nombre de formations en IA ;
- Un investissement massif pour renforcer nos capacités de calcul et accélérer le développement de l'IA générative ;
- 7 milliards d'euros mobilisés auprès des investisseurs institutionnels dans le cadre du Fonds Tibi 2 ;
- 200 millions d'euros consacrés à la culture immersive et au métavers.
Revoir les échanges de la table ronde :
15 juin 2023 - Seul le prononcé fait foi
Intervention du Président de la République au salon VivaTech 2023.
David BARROUX
Bonjour à toutes et à tous ! Je vais demander aux quatre startuppers qui m'accompagnent de bien vouloir me rejoindre sur scène : Tatiana JAMA, Laurence GRAND-CLÉMENT, Gilles MEYER et Arthur MENSCH.
La règle du jeu n'a pas changé depuis la première édition de Viva Tech. L'idée, c'est que le Président de la République est prêt à répondre à des questions qui ne sont pas posées par un journaliste, mais qui vont être posées par des startuppers qui sont le symbole de la réussite de la French Tech.
Arthur MENSCH
Les nouvelles méthodes d'intelligence artificielle s'apprêtent à révolutionner la productivité dans l'entreprise. Elles nécessitent des énormes investissements à la fois sur le plan matériel et logiciel. On ne peut pas se permettre en France et en Europe de dépendre trop de nos partenaires sur une technologie aussi importante. Alors, j'ai une question et une remarque. La question, c'est comment la France et l'Europe envisagent de permettre l'émergence de champions européens ? Et la deuxième, c'est que nous, on aimerait beaucoup faire émerger un champion européen. On a un sujet de régulation, on pense qu'il faut réguler, mais on pense qu'aujourd'hui, en l'état des discussions au Parlement européen, la régulation qui est faite à un risque fort de gêner l'innovation et on aimerait savoir comment ça peut évoluer dans le bon sens.
Emmanuel MACRON
Vous m'avez offert l'occasion de parler en effet d'un continent. Il y a cinq ans, on lançait la première stratégie sur intelligence artificielle qui reposait sur le rapport remis par Cédric VILLANI. On avait décidé l'investissement d'1,5 milliard d'euros. On a déployé ce plan, et la France s'est positionnée. Alors, si j'essaie d'être le plus direct possible et le plus lucide possible, on est, je pense, en bonne position en Europe continentale. Quand je dis « on », c'est nous tous collectivement. On est, je pense, leader en Europe continentale. On est un peu décroché par les Britanniques qui ont justement réussi à avoir eu quelques grands champions, en tout cas, qui sont un peu devant nous, mais ce n'est pas irrattrapable. Par contre, c'est clair que les Etats-Unis d'Amérique, de très loin, même la Chine, qui est quand même aujourd'hui un peu derrière les Américains, vont beaucoup plus vite que nous Français et que nous Européens.
Pour moi, la priorité, c'est vraiment de faire du en même temps. C'est-à-dire qu'il faut faire en même temps de l'accélération pour la recherche, l'innovation et la création d'un écosystème très puissant, et participer à une régulation, mais dont le périmètre doit être le plus large possible. Et plus le périmètre est étroit, plus on crée de la rigidité à l'innovation. Et au fond, le pire des scénarios, c'est une Europe qui investirait beaucoup moins que les Etats-Unis ou les chinois, qui n'arriverait pas à créer les grands champions, mais qui déciderait de commencer par la régulation. Ce scénario est possible. Ça n'est pas celui que nous défendons et ça n'est pas celui que je soutiendrai. Il y a un autre scénario qui serait de dire, on essaie de mener cette compétition, mais on n’est pas assez coordonnés et on ne régule pas. Ce scénario serait aussi mauvais, parce que l’on voit aujourd'hui beaucoup de peurs qui naissent, surtout d'une partie des applications et plutôt de l'IA générative. Donc la question, c'est comment, au fond, on se resynchronise et comment nous, on va beaucoup plus vite et beaucoup plus fort en Européens pour investir ; comment on crée un cadre qui permet de penser les débouchés de l'IA et ses conséquences sociétales, sociales et économiques ; comment on crée un cadre de régulation intelligent. Ce sont cela les trois piliers de la deuxième génération du plan IA que l’on veut faire.
Premier point, la priorité c’est comment on crée plus de champions, on consolide notre position, on innove davantage et on fait mieux. On va continuer à investir, beaucoup plus que ce qu’on a fait sur le premier plan, et je veux qu’on puisse avoir cette même stratégie qu’on décline ensuite au niveau européen. Je veux simplement donner quelques axes ici devant vous.
D’abord, on doit accélérer les formations. Plusieurs d’entre vous me l’ont dit, on a une chance dans cette bataille sur l’IA, c’est qu’on a en France plutôt les talents et les compétences fondamentales dont on a besoin, vous en êtes une bonne illustration, ce n’est pas vous qui allez me dire le contraire. On a des bons organismes de recherche, des bonnes universités. Simplement, on doit faire beaucoup plus et donc il faut qu’on se donne comme objectif de doubler le nombre de formations, mais surtout en même temps de faire émerger cinq à dix IA clusters à hauteur de 500 millions d’euros, pour avoir au moins parmi eux deux à trois références mondiales. Ce n’est pas moi qui l’ai sorti de ma poche, c’est le fruit des concertations, du travail qui a été fait avec l’ensemble de l’écosystème pour être crédible.
Deuxième sujet, c'est les capacités de calcul. C'est une énorme contrainte. On avait déjà investi dans le premier plan là-dessus. Et quand j'ai vu les principaux acteurs français, vous m'avez tous édifiés avec les besoins en termes de calcul que vous aviez. Et très clairement, on a un retard sur ce sujet. Et donc on a une réponse de court terme et puis on va bâtir tous ensemble une réponse beaucoup plus forte encore de moyen terme. A court terme, qu'est-ce qu'on va faire ? On va investir 50 millions pour quadrupler les capacités du supercalculateur Jean Zay. On a déjà investi 40 millions. Ce supercalculateur, c'est quelque chose qui nous permet d'être dans la partie. On peut faire fois quatre à assez peu de frais. C'est 50 millions d'euros, mais compte-tenu de la nature des investissements ce n'est pas colossal. Ensuite, on a le calculateur Exascale pour 2025 où on a investi 250 millions d'euros. L'Europe, et ça se décide je crois aujourd'hui, devrait normalement faire pareil. Donc c'est 500 millions d'euros d'investissements. Et là, c'est déjà un changement de nature ; on commence à être plus compétitif. On peut aller plus loin encore, j'ai compris ça. On va bâtir tout de suite, avec l'ensemble des acteurs, l'identification des besoins. Et nous, on est tout à fait prêt à avoir un gigacalculateur, de s'en donner les capacités, ce qui veut dire derrière aussi travailler sur la question de l'énergie. Et on sait que c'est un des facteurs qui est dimensionnant pour les capacités de calcul, pour aller beaucoup plus vite et beaucoup plus fort. Il faut donc avoir les capacités technologiques, mettre le bon montant et fournir l'énergie qui va avec au coût le plus compétitif et de la manière la plus décarbonée possible. Et là, on a quand même un avantage avec le nucléaire. Et je le dis par rapport à beaucoup d'autres en Europe. C'est moins facile de le faire quand on rouvre des usines à charbon. Et donc, il faut y aller et il faut foncer. On va le construire avec vous sur les financements, sur la crédibilité et la décarbonation. Et puis on va renforcer aussi les initiatives public-privé, défendre une politique d'ouverture des supercalculateurs européens aux initiatives d'entraînement de modèle fondationnel pour pouvoir, là aussi, travailler un peu en modèle ouvert.
Troisième sujet, c'est évidemment le développement de l'IA générative et développer les modèles propres. Alors là-dessus, très clairement, on croit dans l'Open source, on croit dans la transparence. On va accélérer sur les grands modèles pour qu'il y ait d'autres MistralAI, LightON, etc, et qu’il y ait des acteurs comme vous, qui avez d'ailleurs à un moment hésité entre modèle Open source et un modèle plus business, que vous puissiez avancer. On va aller plus vite sur les grands modèles. On va amorcer avec 40 millions d'euros de fonds publics. L'idée, c'est d'entraîner beaucoup d'acteurs privés qui sont prêts à nous suivre et qui seraient prêts à investir beaucoup plus pour lancer un grand challenge sur l'IA d'usage général, pour attirer justement les meilleurs en France. On cherche l’effet d'entraînement avec cet investissement : créer ce grand challenge, utiliser l'écosystème entrepreneurial, avec les grands groupes et le réseau académique, attirer les meilleurs projets et avoir un effet accélérateur, être capable, côté public comme privé, de mettre de très gros tickets sur ces sujets.
Ensuite, c'est de créer, là aussi, ces clés pour ce que vous êtes en train de faire et ce que font certains de vos concurrents et collègues, c'est de créer des bases de données en langue française. Plusieurs d'entre vous, dont vous, m'avez interpellé sur ce sujet. On a un modèle où on ouvre moins nos bases de données que les anglo-saxons, ce qui fait qu'on a des bases de données de moins bonne qualité et ensuite, en qualité de référence, de développement des modèles, c'est moins performant. Et surtout, on vend moins aussi notre soft power, je le dis en bon français, notre capacité à avoir nos références dans les modèles. Donc là, on va lancer très vite une approche flash entre la culture et l'économie pour réfléchir sur le modèle de la propriété intellectuelle de l’ouverture. Sur ce qui ne fait pas de question, on va ouvrir toutes les bases de données disponibles sur lesquelles il n’y a pas de difficulté de réflexion pour pouvoir les intégrer. Et sur tout ce qui est formation et modèle de formation d’IA permettre d’aller beaucoup plus vite et beaucoup plus fort. On va soutenir aussi les acteurs les plus émergents avec un fonds d’amorçage de 50 millions d’euros opéré par Bpifrance qui sera justement à destination de cet écosystème pour pouvoir avancer.
Le deuxième axe, c'est comment l'Etat et la collectivité en tirent tous les bénéfices. On voyait il y a quelques instants certaines startups justement d'État. L'idée, c'est qu'on puisse avoir un rapprochement achats publics, usage interne de l'État et intelligence artificielle.
Je suis très impressionné de ce que font déjà certains Européens. Je voyais les Estoniens qui ont commencé avec de l'intelligence artificielle à faire traiter le petit contentieux civil. Tout ça, évidemment, il ne faut pas que ça crée de conflits d'usages et de tensions, mais il y a des tas de choses qu'on peut rendre beaucoup plus efficaces. On a des débats quotidiens sur l'immigration dans notre pays. Quel est le principal problème qu'on a sur l'immigration ? C'est très peu un problème de principe. C'est un problème de capacité de traitement de données. On a beaucoup de gens qui arrivent, on a des règles qui sont anciennes et on les traite comme au début du XXème siècle. Utilisons l'intelligence artificielle et les technologies pour traiter beaucoup plus vite les données. Il y aura beaucoup moins de fraude, on embauchera beaucoup moins de gens et on ira beaucoup plus vite. On doit s'approprier, du côté de l'action publique, ces nouveaux usages qui pourraient être beaucoup plus efficaces, faire des économies et permettre un meilleur service. Et donc là, on va lancer l'innovation et je salue le rôle de la DINUM (délégation interministérielle du numérique), des différents Ministères, des directions d'Etat, etc.
On va lancer une mission qui aboutira à la fin de l'année pour regarder les impacts économiques sociaux des technologies d’IA. On sait qu'on peut avoir dans notre pays de la réticence ou des craintes, ce qu'il faut d'ailleurs savoir entendre, sur le changement. Moi, je n'oublie pas les positions historiques qu'a pris la France face aux OGM ou même face à la robotisation. Nous sommes un pays qui a robotisé beaucoup moins que nos voisins parce qu'il y a eu cette peur sociétale, sociale, d'usage, économique. Il faut surtout éviter ça sur l'intelligence artificielle. Donc il faut du débat public ouvert, nourri par la recherche et le monde académique, mais qui soit aussi un débat de société. Qu'est-ce que c'est que l’IA ? À quelles règles on est prêt à ce que ça se diffuse ? Comment on veut que ça se diffuse, dans quels secteurs ? Et expliquer que si ça va peut-être bousculer certains emplois existants, ça va peut-être préserver sur notre sol des emplois qui sinon iraient à l'autre bout du monde, etc. Ça, c'est une question clé. Je n'ai pas les réponses aujourd'hui, mais il faut qu'il y ait un grand débat nourri.
Le troisième et dernier axe, c'est celui de la régulation. Qu'est-ce qu'on doit faire sur ce plan ? On doit d'abord réfléchir avec les acteurs. Les académiques, nous, on a créé le Global Tech Think Tank qu'on fait venir à Paris autour du Forum de Paris sur la paix au mois de novembre. On a les meilleurs académiques et talents industriels ou parmi les meilleurs sur tous ces sujets. L'idée, c'est d'ici novembre, d'essayer de bâtir une doctrine en étant très humble. Nos doctrines sur le sujet seront mouvantes, parce que l'innovation est mouvante. Mais je pense que le rythme, en particulier de régulation qu'on a en Europe n'est de toute façon pas adapté. On est trop en retard en termes d'innovation et on régule trop lentement pour pouvoir avoir quelque chose qui est pertinent. Au moment où on va le sortir, on aura régulé sur des présupposés. Donc, je suis très prudent là-dessus. C'est un très bon débat et c'est tout à fait normal qu'il existe au niveau européen, au Parlement et ailleurs, mais je ne voudrais pas qu'on fige trop vite des positions trop fermées. Qu'est-ce qu'on doit faire sur ce sujet ? Avoir une doctrine, savoir l'adapter en permanence. Associer le monde académique, nos régulateurs et les acteurs. Je trouve que c'est une très bonne approche qu'ont fait les Britanniques : pour travailler avec les grands acteurs, ils ouvrent leurs livres à nos régulateurs et on travaille ensemble. C'est l'esprit qu'on avait lancé il y a cinq ans avec Tech for Good. Et c'est ce qu'on a fait d'ailleurs sur la régulation des plateformes sur beaucoup de sujets.
Donc un, on doit avoir ce travail partenarial. Deux, nous devons, et j'en fais un instrument de régulation, accélérer l'Open source, accélérer justement tous les grands modèles et avoir des LLM européens qui nous permettront de toute façon de réguler. Parce que la question de la régulation par l'Europe, s'il n'y a pas de LLM européen qui est compétitif, on peut l'oublier. Elle est complètement théorique et on doit travailler avec ces acteurs pour qu'en quelque sorte, il y ait un design natif des grands modèles qui corresponde à nos préférences collectives. Et ça, c'est un vrai débat politico-juridique, mais qui consiste à dire comment on veut dessiner les usages à venir de l'intelligence artificielle. Il y a des limites qu'on veut mettre de manière hâtive. On ne veut pas que ce soit utilisé dans certains usages de défense. On ne veut pas que ça devienne une arme de destruction massive. On ne veut pas la prolifération d'un mauvais usage de l'intelligence artificielle. Il faut le faire avec les acteurs dès maintenant.
Troisième chose, il faut qu'on arrive ensuite à régler des cas critiques. On veut pouvoir savoir quand on a un film, une création culturelle, une photo, une vidéo si c'est de l'IA ou pas. On doit pouvoir l'imposer. On veut être sûr par des stress-tests que c'est biaisé ou pas en termes de genre. Ce n'est pas nos valeurs. On ne peut pas avoir justement des innovations qui vont aller dans ce sens. Ça, c'est des cas très concrets qu'on doit lister. Et sur ces cas-là, on doit mettre en place une régulation. Et puis enfin, pour moi, le bon cadre, il ne doit pas concerner que l'Europe continentale puisque sinon on va créer un biais avec les Britanniques. Et il doit embarquer les Américains. On a créé un pacte franco-canadien dans le G7, le Partenariat mondial pour l'intelligence artificielle, qui est adossé à l'OCDE. Il se trouve qu'avec l'OCDE et avec l'Unesco, qui sont toutes deux à Paris, on a deux organisations internationales qui réfléchissent sur ce sujet, avec des approches qui sont très différentes, l'une plus technico économique, l'autre plus principe culturel, scientifique. C'est une formidable chance. Et l'OCDE sait bâtir des approches de coopération internationale. C'est exactement ce qu'on a fait sur la fiscalité. On a créé une taxation minimale, on a lutté contre l'optimisation fiscale, réflexions d'experts au sein de l'OCDE et on a bâti des coalitions beaucoup plus larges d'ailleurs que celles des pays membres de l'OCDE. Pour moi, c'est cette approche qu'il faut avoir sur l'IA si on ne veut pas créer de biais géographique.
Laurence GRAND-CLEMENT
Aujourd'hui, grâce au gouvernement, il y a énormément de licornes mais encore très peu qui sont industrielles. Nous voulons devenir une licorne industrielle. Et on vous pose la question : pouvez-vous nous donner les raisons de croire que la France est le bon pays pour nous (face aux Américains, IRA, hydrogen hubs) ?
Emmanuel MACRON
On est dans la ligne des objectifs qu'on s'est donné sur les licornes. On sait que ce n'est pas simplement maintenant l'objectif, on veut encore plus gros. La question que vous posez, en fait, on l'a ouverte il y a deux ans sur notre écosystème d'innovation : startup, French Tech, etc. C'est de dire : on voit bien que la nouvelle frontière, c'est d'aller plus loin, plus vite, plus fort. Mais c'est en effet les startups industrielles et c'est tout le secteur qui est beaucoup plus capitalistique, où les tickets sont beaucoup plus importants.
Sur la question du capital et des talents, on a commencé à le faire avec la mission 2030, avec la BPI, avec tous les instruments qu'on a mis en place. C'est la réconciliation de la French Fab et de la French Tech. On a treize nouveaux sites qui ont été lancés, partout en France d'ailleurs, qui sont des tickets de plus de plusieurs dizaines de millions d'euros que l'on met pour accompagner le développement très accéléré de sites industriels qui dans l'hydrogène, qui dans telle production dans le recyclable, etc. Cet écosystème commence à se déployer, les instruments sont là. A côté de ça, on a lancé tout le travail sur les talents dans le cadre de la mission France 2030, où on a plusieurs centaines de millions d'euros, on va dépasser le milliard pour aller financer, si je puis dire, les briques de formation de talents qui nous manquent, en particulier dans les startups industrielles. Donc, c'est le virage qu'on doit prendre. Certains sont en train de le faire. J'espère que vous serez de la partie et j'ai l'impression qu'avec votre volonté, il n'y a aucun doute.
Maintenant, ce qu'on a voulu faire, c'est accélérer et permettre à des startups comme la vôtre d'avoir un effet accélérateur spécifique et en fond multifactoriel. Parce qu’on aura cette année une cinquantaine de projets Deep Tech qui seront financés avec des usines de start-up qui sortiront. C'est plutôt des gens qu'on accompagne de Insect à d'autres depuis plusieurs années, qui ont déjà fait leur parcours et qui là sont dans la phase d'industrialisation. Mais il y a ces gros tickets. On veut essayer de faire gagner du temps et des étapes à des acteurs comme vous. Donc, en plus de ce qu'on a fait avec Mission France 2030, en plus de ce qu'on a fait avec la BPI et les tickets deep tech et France 2030, sur les 50 milliards que j'annonçais à l'automne 2021, on a déjà 18 milliards quasiment d'engagés. Cela va très vite et très fort, partout sur le territoire, dans tous les domaines. On a déjà créé plusieurs dizaines de milliers d'emplois et ces 2 800 projets qui sont sortis.
Ce qu'on va faire, et c'est ce que j'annonce aujourd'hui, c'est qu'on va aller chercher des start-ups de notre grande maison French Tech pour leur permettre d'avoir un coup de booster et d'accélération. Contrairement à l'approche qu'on avait eue quand on avait fait le Next 40, le FT120 ou autre qui était une approche très bottom up (où on regardait qui faisait les plus grandes levées, qui réussissait, on les aidait à aller plus vite), on a une approche très sélective. On a dit : on a des priorités sectorielles dans la mission France 2030, l'hydrogène en fait partie. Et donc, sur nos priorités, et c'est le travail qu'a fait la mission France 2030, on crée et on labellise des entreprises qu'on a identifiées. Aujourd’hui, je peux vous dire qu'on a 125 lauréats du programme French Tech 2030 qui sont autant d'acteurs de pointe dans des domaines de France 2030, qu'on a identifiés et qui vont bénéficier d'un accompagnement spécifique de l'Etat, c'est-à-dire de financements extrêmement importants, d'accompagnement de croissance. C'est un système extrêmement large qui s'inspire d'ailleurs de ce qu'on a développé là aussi avec BPI, SGPI et autres ces dernières années. Ces entreprises, ces 125 lauréats sont dans la France entière. Ils nous aident à commencer à un peu mieux féminiser l'écosystème parce qu'il y a quasiment un tiers de femmes qui sont dirigeantes alors que dans le pays, on est plutôt à parité, donc on n'est quand même pas au bon niveau de représentation. L'idée, c'est de faire des leaders technologiques pour aller sur de la techno de rupture qu'on industrialise. Donc voilà comment on répond au défi que vous me posez pour faire des licornes.
Tatiana JAMA
Monsieur le Président, vous avez fait de l'égalité entre les femmes et les hommes la grande cause du quinquennat. Et effectivement c'est un enjeu majeur. Sur les 10 dernières années, la part totale des fonds levés par des femmes entrepreneurs est de 2 %. En parallèle, près de deux tiers des fonds levés par des start-ups en Europe le sont auprès de fonds américains. Il y a quelques années, ils investissaient beaucoup dans ce qu'on appelle le gross, à partir de la série C, et aujourd'hui ils investissent de plus en plus tôt dans ce qu'on appelle l'early stage. Ils ont donc une emprise plus importante sur notre économie. Cette attractivité est une excellente nouvelle et en même temps, si j'ose dire, ça pose un certain nombre de questions sur notre indépendance et notre souveraineté. Alors j'ai deux questions en une. La première, comment est-ce que vous allez faire pour que notre tech soit financée massivement par des fonds français et européens, et ça, à toutes les étapes de croissance des entreprises, de l'early au gross ? Et comment faire pour que les fonds, mais aussi les LP investissent de l'argent dans les femmes entrepreneurs ?
Emmanuel MACRON
Non, alors d'abord l'écosystème, mais je dirais qu'il n'y a aucune fatalité. Le fait qu'il n'y a pas assez de parité et pas assez de diversité est multifactoriel. Et le paradoxe, c'est que l'écosystème qui est le plus innovant de France traduit de manière encore plus exorbitante ce qui est une caractéristique de notre monde économique en général. Parce que ce que je vous dis là, c'est une des faiblesses qu'on essaie de corriger. Mais c'est encore plus fort dans le secteur. La Première Ministre sera avec vous sur ce sujet en particulier, ce qui montre toute notre sensibilité. Mais ensuite, c'est aussi le fait que dans beaucoup de secteurs qui sont clés et qui nourrissent l'écosystème de la tech, on n’a déjà pas suffisamment de féminisation : dans le monde des ingénieurs, dans le monde de la science aussi plus largement. Et donc ça, c'est tout le travail qu'on est en train de faire aussi avec les ministres sur ce sujet. Et il y a des biais d'orientation de notre propre système, et il y a aussi des biais culturels qui créent de l'autocensure contre lesquels il faut lutter. C'est pour ça qu’en parler, mettre en avant des exemples de chercheuses, d'ingénieures et d’entrepreneuses comme vous l'êtes qui montrent que ça bouge, c'est une façon de le pivoter. C'est la transformation qu'on fait de l'écosystème. Il ne faut pas lâcher, il faut continuer d'avancer, d'accélérer et il faut ainsi sensibiliser. Et moi, je pense que dans les critères de responsabilité sociale des fonds, il faut leur demander des comptes là-dessus. Et il faut leur demander quel est le taux de féminisation aussi de leurs entreprises et des dirigeants et dirigeantes d'entreprises, non pas pour en faire d'abord des éléments qui sont bloquants, mais des éléments qu'on valorise.
D’autre part, on a massivement augmenté le financement français, massivement augmenté le financement européen, massivement augmenté le financement anglo-saxon et asiatique. Donc en fait, ce qu'on a fait collectivement ces dernières années, c'est super. Simplement, on a une limite et on ne peut pas juste ne pas vouloir être dilué parce qu'on ne va pas assez vite. L'attractivité en termes de financement est une chance et si nous n'avions rien fait en termes de l’early ou grow stage, je pourrais vous dire “je suis inquiet”. Mais on a aussi beaucoup fait, ce qui fait que je ne vois pas l'attractivité comme un ennemi de notre souveraineté, bien au contraire.
Pour qu'il y ait plus de financement français, il faut intensifier ce qu'on a fait ces dernières années. D'abord, il faut aider les entrepreneurs à réussir et à croître, à pouvoir vendre et céder une partie de leur capital pour devenir, eux-mêmes, les business angels et eux-mêmes les contributeurs de fond. Pendant des décennies, dans notre pays, on a aimé l'industrie et on a déploré la perte de souveraineté en détestant les gens qui réussissent et qui font de l'argent. On a encore des débats qui naissent aujourd'hui. Ça ne marche pas. S'il n'y a pas des gens qui réussissent et qui gagnent beaucoup d'argent pour le réinvestir, on déplorera éternellement le fait qu'il y ait beaucoup d'argent qui vienne investir dans nos entreprises et qui n'est pas français. C'est une réalité. Je sais qu'on m'a qualifié de tous les noms, mais je ne cèderai pas là-dessus. Moi, je ne suis pas pour la rente, mais je suis pour la réussite qui réinvestit dans l'économie. Je crois que depuis 2017, avec la taxation forfaitaire, avec les mesures fiscales qu'on a prises, avec les simplifications, avec l'accélération de l'écosystème de start-up, on crée un potentiel de business angel et de ré-investisseurs formidables. On a une à deux générations de retard par rapport aux anglo-saxons, ils l'ont fait beaucoup plus tôt. Mais il ne faut pas casser cette dynamique en voulant brider en quelque sorte, nos entrepreneurs quand ils sont prêts à réinvestir dans l'écosystème français. Règle numéro un.
Deux, on a un problème. C'est que le cœur de notre épargne, en France et en Europe continentale, il est dans l'assurance vie et il est dans des intermédiaires. Là où, dans les économies anglo-saxonnes, les deux tiers ou trois quarts de l'économie sont financés par les marchés de capitaux, en Europe continentale, les deux tiers sont financés par des intermédiaires de marchés que sont les banques et les assurances. Et après la crise financière de 2008, on a surrégulé ces acteurs et on leur a mis des règles qui les empêchent, en tout cas les brident, dans le financement de fonds propres. Donc on a fait l'inverse de ce qu'on doit faire. Alors, est-ce qu'on peut revenir en arrière ? Non, parce qu'il y a eu des excès, parce qu'il y a une limite de risque. Donc d'abord, nous, on pousse pour que l'épargne de nos compatriotes puisse continuer de s'investir en direct, aille vers du financement à action, aille vers des fonds d'investissement, vers des acteurs d'assets management qui sont faits pour ça. On a proposé et ça a été tout le travail fait par le professeur TIBI, de réorienter l'argent qu'il y a dans les investisseurs institutionnels pour aller dans des véhicules plus adaptés et avoir un effet démultiplicateur. C'est les fonds Tibi 1. On a mobilisé 6 milliards d'euros des investisseurs institutionnels. Ça nous a permis de mobiliser 30 milliards d'euros d'investissement qui sont allés dans des fonds sectoriels et qui, dans le HealthCare et la bio, dans justement l'énergie, dans l'hydrogène.
On est dans un univers aujourd'hui qui est très hostile, mauvais, vous le savez tous. C'est beaucoup plus difficile de faire des levées. Ça se contracte. Et donc, je veux ici vous annoncer le fond Tibi 2. On a sécurisé d'ores et déjà 7 milliards d'euros auprès des investisseurs institutionnels. Et je veux vraiment remercier tous les contributeurs, en particulier les assureurs qui ont joué le jeu. Ce qui devrait nous permettre de mobiliser au moins entre 35 et 40 milliards de financement au total. Mais on reste ouvert parce que mon objectif demeure d'aller mobiliser dans cette nouvelle enveloppe jusqu'à 10 milliards. On a des engagements un peu au-dessus de 7. On a, au moment où je vous parle, d'ores et déjà 7 milliards d'euros de financement sécurisés.
Il faut continuer dans les secteurs les plus capitalistiques et en particulier, on va créer des fonds Tibi 2 dans la Deep Tech, l'énergie, pour des projets très capitalistiques et gourmands et qu'il faut aller vite, comme on a su le faire avec les fonds Tibi 1 dans le HealthCare.
On a besoin, pour continuer d'aller vite, d'encourager les investisseurs et les entrepreneurs à aller plus vite et plus fort et lever des contraintes fiscales. Ce matin, Paul MIDI et je remercie Monsieur le député, a remis son rapport au Gouvernement en la matière. Il y a beaucoup de propositions, mais je pense en particulier que la refonte du dispositif fiscal-social qui est bien connu des JEI, des jeunes entreprises innovantes, qui consiste au fond à en faire deux fois plus et à déplafonner, est une très bonne proposition qu'il faut qu'on retienne. Elle va permettre d'aller là aussi beaucoup plus vite et de décoller beaucoup plus fort et plus largement toutes ces propositions de refondes de dispositifs fiscaux, d'investissement dans les entreprises innovantes et qui, pour justement le early stage, permet à des fonds des business angels d'être encore plus encouragés est absolument clés. Donc oui, on a déjà amélioré l'écosystème français, mais on doit encore l'accélérer et le développer. Une partie des propositions du rapport Midi va vous permettre d'avoir des encouragements fiscalo-sociaux qui permettent de le faire. On veut développer des mécanismes avec BPI pour faire du co-investissement sur le early stage.
Gilles MEYER
Monsieur le Président de la République, comment est-ce que la France peut-elle protéger les avancées très importantes que certaines de ces industries ont face aux problématiques de temps, d'argent, de difficulté d'exécution, etc. ?
Emmanuel MACRON
Très concrètement, pourquoi vous êtes allé produire à l'étranger ?
Gilles MEYER
Monsieur le Président. Justement, c'est une très bonne question parce qu'en fait, en France, on trouvait dans ces savoir-faire peu d'entreprises qui pouvaient répondre à nos besoins. Aujourd'hui, le hardware à un prix correct. On a un problème assez important de disparition de compétences.
Réussir à faire du textile à un coût compétitif qui puisse nous permettre de revendre a été un problème assez important, afin de ne pas se faire copier et à arriver rapidement à nos objectifs. Et donc nous avons été obligés d’aller à l’étranger, d’essayer d’avoir des stratégies qui nous permettaient de ne pas être copié ou de garder disons le meilleur pour nous le temps qu’on arrive à se retourner et justement à aller vers une production qui soit française.
Emmanuel MACRON
Il y a deux sujets en un : le sujet de l’industrialisation et de notre compétitivité et le sujet de réussir à sécuriser de la souveraineté sur les industries culturelles et créatives et le métavers.
La première question, c'est l'histoire de trois décennies de désindustrialisation dans notre pays. Comment on y répond ? On y répond par les réformes macroéconomiques qu'on a faites et le fait qu'on est en train de retourner le pays en termes de réindustrialisation. Là où on avait fait disparaître entre 2008 et 2016, 600 entreprises industrielles, on en a déjà recréé 300, en net. Là où on avait détruit 1 million d'emplois industriels depuis le début du siècle, on a recréé 1,7 million d’emplois. Donc il n'y a pas de fatalité. Simplement comment on doit faire ? On doit réussir à réconcilier notre sujet des coûts de facteurs de production. On doit être compétitif sur les énergies, travail et capital. Capital, on s'est réalignés. Travail, on l'est si on a un certain niveau de qualité. Et on doit réussir à faire innover par la décarbonation. Les textiles dont vous parlez, on a des stratégies de relocalisation, mais ça suppose de repenser un peu le modèle et la chaîne. J'étais hier dans une entreprise en Ardèche, qui fait des chaussures. Elle est en train de se développer avec des partenaires. Plus personne ne pensait qu'on pouvait refaire des chaussures en France. Comment ils font ? Mais ils ont simplement retourné une entreprise qui faisait du textile et ils ont fait un textile plus intelligent, plus complexe. C'est le parfait exemple. Le patron le dit : on n’était plus compétitifs, et on rouvre deux lignes avec France 2030. On va faire des chaussures de sport avec des partenariats Salomon, Babolat, Miller, de grands acteurs du secteur qui vont revenir les produire en France parce que vous avez quelqu'un qui a retravaillé le textile différemment. Textile intelligent, collage, nouvelles matières, beaucoup plus décarbonées et on reproduit. J'étais hier matin dans une entreprise qui fait des produits pharmaceutiques, du fill and finish. On avait totalement désindustrialisé la même entreprise, Aguettant, fermé une ligne de production dans cette même ville, Champagne, en Ardèche, il y a 20 ans. On faisait du plasma à l'époque, des poches, c'était plus compétitif. Elle est allée en Chine, comme les gens de votre secteur faisaient comme vous. Elle revient, pourquoi ? Parce que le conditionnement est différent. On fait des seringues, c'est plus technologique. On l'a financé avec France 2030, elle rouvre. On a déjà créé 50 emplois, on va en recréer d'autres, mais surtout on sécurise. Pourquoi ? Parce qu'on a raisonné la chaîne de valeur. On a dit : on veut sécuriser. Après le Covid, on ne veut plus dépendre. On a des chaînes critiques, des médicaments critiques, on est prêt à investir, on sécurise, les acteurs repensent la chaîne. On relocalise de l'emploi, on décarbone ce faisant, parce que je peux vous dire qu'on réduit par 10 les déchets. Votre secteur doit raisonner avec nous pour réindustrialiser et on a mis en place tous les guichets pour ce faire et permettre de relocaliser les intrants dont vous avez besoin. On ne va pas tout reproduire. Il y a une partie de vos composants qui seront toujours faits à l'autre bout du monde. Il faut vous aider à diversifier, mais on peut relocaliser une partie. Ça, c'est la réponse industrielle, c'est le cœur de notre stratégie. C'est décisif, mais on a toutes les raisons d'y croire parce qu'à chaque fois qu'on remet de la valeur ajoutée, qu'on raisonne en chaînes de valeur, on y va.
C'est exactement ce qu'on veut faire en termes d'industrie culturelle et créative, et en particulier de metavers. Moi, je suis convaincu et je le plaide depuis 6 ans : notre culture est un trésor immatériel, c'est ce qui nous fait vivre et c'est ce qui donne du sens à notre vie, mais c’est aussi un formidable levier d'attractivité du territoire, de développement, de création d'emplois et d'expériences, d'exportation et d'écosystèmes, de métiers et d'innovation. Les industries culturelles et créatives, elles vont des métiers d'art et de savoir-faire ancestraux qu'on va exporter de mieux en mieux. Mais ce sont des trésors humains, jusqu'aux métaux et aux technologies immersives que vous développez. On a les plus beaux musées du monde, on est le pays de la culture, on a tout pour réussir. Il faut maintenant l'imbriquer.
Et donc c'est pour ça qu'on va lancer un appel à projets. Je le l'annonce et je l'officialise aujourd'hui. Ça fait partie de France 2030 pour la culture immersive et le métavers qui va permettre d'investir 200 millions d'euros/ 150 millions d'euros sur les pratiques de culture immersive et de métavers, 50 millions d'euros pour les briques technologiques. L'idée autour de cet appel à projets qui va piloter avec les ministères et l'ensemble des acteurs France 2030, c'est dire sur quoi on veut garder des briques de chaînes de valeur et c'est d'avoir une approche en termes de culture et de souveraineté. Un de ceux qui a été très innovant et avant-gardiste sur ce sujet est par exemple Jean-Michel JARRE qui, très tôt a fait des concerts sur métavers. Il est venu d'ailleurs en faire un à l'Élysée. L’innovateur culturel qu'il est l'a poussé à cela en se disant : mais moi, je ne veux pas demain me retrouver à faire des concerts dans le métavers où toutes les briques technologiques et toute la valeur seront capturées par des acteurs chinois ou anglo-saxons et qui d'un seul coup m’expliqueront que je n'ai plus de droits ou régiront en quelque sorte mes concerts, mes prestations culturelles, ce que j'invente, ce que je fais sans respecter les règles de mon pays ou celles auxquelles je crois. C’est ça ce qui est en jeu si on laisse se développer des technologies immersives et tout ce qui va avec le métavers, et donc une nouvelle expérience d'accès à la culture, au grand monument, au site archéologique, à des concerts, à la création des nouvelles interactions culturelles, à réinventer les lieux et nos usages du monde. Si on laisse les briques de valeurs technologiques être développées par des non-français, des non-européens, on prend le risque de ne plus avoir le luxe de Beaumarchais ou de Malraux, c'est-à-dire d'inventer le droit d'auteur et de complètement déposséder nos artistes parce qu'ils seront dépendants d'un univers technologique qui n'est plus du tout le nôtre. Mais surtout, on perd une occasion d'avoir des champions qui se développent sur ce sujet, qui développent des technologies en hardware, en software ou en usage et en déploiement.
Cet appel à projets va être un début de réponse pour aider des acteurs comme vous à aller beaucoup plus vite et beaucoup plus fort. Ce qu'il faut qu'on ait collectivement, c'est une approche stratégique qui est de se dire, dans la chaîne de valeurs, qu'est-ce qu'on doit sécuriser en français ou en européen ? Et qu'est-ce qu'on doit faire nous, parfois tout seul, ou qu'est-ce qu'on veut faire avec des partenaires allemands, même non-européens britanniques, pour justement développer cette stratégie de souveraineté ? Voilà comment on va faire sur les industries culturelles et créatives et le métavers à travers justement cet appel à projets, ce nouveau programme culture immersive et métavers qui, à mes yeux, est un point absolument clé.
Pour conclure, beaucoup des entreprises du secteur vivent un moment qui est un peu plus difficile qu'il y a un ou deux ans, parce que le contexte est plus dur à tous égards. C'est dans ces moments-là qu'il faut tenir, redoubler d'énergie et de capacité à innover. Parce qu'au fond, les crises nous obligent à raisonner sous contrainte. Mais les entrepreneuses et les entrepreneurs, comme les grands chercheurs, chercheuses, sont faits pour ça. Et c'est dans ces moments-là qu'on fait la différence.
On a eu une phase, il y a quelques années, d'expansion formidable. La phase dans laquelle on rentre est une phase qui va tester notre capacité à nous réinventer, parfois à résister, à savoir concentrer nos efforts. Elle est tout aussi importante et nous avons les moyens de réussir. Et je le dis en rendant hommage à cette 7ème édition de Viva Tech, vous avez réussi quelque chose de formidable, et merci à Maurice LEVY, à toutes les équipes et aux partenaires.
J’ai été le premier ministre français à aller au CES à Las Vegas. Après la deuxième fois, j'ai dit à quelques-uns “Pourquoi je suis obligé d'aller aussi loin sur ces sujets, vous ne pouvez pas faire quelque chose en Europe ?” Il y avait des forums qui existaient. Vous avez fait quelque chose de formidable qui s'est appuyé sur la vitalité de l'écosystème français, mais ouvert. L'Afrique est là, l'Asie est là, les Amériques, c'est formidable, le Pacifique aussi. Il faut continuer, intensifier, mais bravo pour cette 7ème édition.
Et aujourd'hui, c'est aussi le 10ème anniversaire de notre French Tech, ce qui est une formidable réussite. Et donc je voulais vous féliciter tous et toutes. On est à un moment de croissance qui n'est pas sans défis. On a tout pour le relever et le gagner. Et les quatre annonces que j'ai essayées de faire aujourd'hui, et qui s'appuient sur tout votre travail, doivent nous permettre en partie aussi d'avoir ce coup d'accélérateur dans cette phase.
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