Fait partie du dossier : Visite d'État en Chine.

Du 5 au 8 avril 2023, le Président de la République était en déplacement en Chine. Il a passé la troisième et dernière journée de sa visite d'État à Canton.

Le Président Emmanuel Macron s'est d'abord rendu à l'Université Sun Yat-Sen de Canton afin d'échanger avec les étudiants. Avant de répondre à leurs questions, il a souhaité donner quelques pistes d'avenir sur ce que la France et la Chine peuvent faire ensemble pour leur peuple et le monde.

Relever le défi de la transition écologique

Face au changement climatique et aux dérèglements qui s'en suivent et afin de préserver la biodiversité, le Chef de l'État a insisté sur le fait qu'il y ait, par la recherche, l'innovation, un chemin à construire ensemble pour relever le défi de la transition écologique. 

S'engager devant les défis d'ordre stratégique

Le Président de la République est revenu sur le contexte de la montée des tensions dans le monde, notamment avec le retour de la guerre en Europe. Il a exprimé la volonté d'œuvrer aujourd'hui pour éviter toute escalade et à la fois préserver et réinventer un ordre international de paix et de stabilité en veillant au respect entre les Nations. 

Défendre l'importance des échanges humains

Le Chef de l'État a souligné l'importance de la connaissance mutuelle des langues, de l'histoire, des civilisations entre la Chine et la France dans l'approfondissment de l'amitié entre nos deux pays. Il a également rappelé la nécessité de cette connaissance, de cette ouverture dans la prévention des grands désordres et des logiques d'affrontements qui vont de pair avec un repli sur soi.

Dans la perspective de renforcer cette dynamique, le Président a exprimé le souhait d'accroître et intensifier sur les échanges humains entre la France et la Chine. Chaque année, avant la pandémie, ils ont permis à plus de 300 000 Chinois de venir en France et plus de 100 000 Français de venir en Chine.

Revoir l'échange du Président avec les étudiants de l'Université Sun Yat-Sen : 

7 avril 2023 - Seul le prononcé fait foi

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ECHANGES DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE AVEC LES ETUDIANTS DE L’UNIVERSITE SUN YAT-SEN DE CANTON.

Bonjour à tous et à toutes. Dàjiā hǎo.

Je vais essayer de partager avec vous quelques mots et surtout répondre aux questions qui sont les vôtres. Parce qu'il s'agit plus d'un échange que d'un discours. Mais je suis en effet très heureux d'être dans votre université aujourd'hui. 

Merci beaucoup, Monsieur le président, pour vos mots à l’instant. Canton a une histoire toute particulière, y compris une histoire toute particulière avec la France. Quand on se tourne vers ce passé, le premier navire français, l’Amphitrite, qui partit du port de La Rochelle pour arriver à Canton n'avait pas à son bord des soldats ou des commerçants ou des conquérants que ce soit, il avait d'abord des mathématiciens. Et c'est un peu comme la métaphore du débat que nous avons aujourd'hui ; convaincu que c'est par la connaissance et la science que l'amitié peut se nouer. Et nous, nous sommes convaincus que c'est aussi par ce biais qu'elle peut s'entretenir. En effet, pour cette voie, ce chemin un peu singulier, la connaissance, la compréhension réciproque ont joué un rôle singulier. 

Alors, après trois années de pandémie, je suis heureux de revenir en Chine. J'ai eu l'occasion de longuement discuter avec votre Président hier, à Pékin. Je le retrouverai tout à l'heure, juste après vous. Mais reprendre la conversation en quelque sorte, le dialogue, c'est également essayer de donner quelques pistes d'avenir sur ce que notre relation, ce que la Chine et la France ensemble peuvent nouer, peuvent faire pour nous-mêmes, nos peuples et pour le monde. Et fort de ce qui vient d'être dit, je voulais simplement partager trois convictions. 

La première, c'est que nous avons ensemble beaucoup à faire pour réussir à relever l'un des défis de notre siècle et de nos générations, la vôtre et la mienne, celui de la transition écologique, et de relever le défi des changements climatiques et des dérèglements qui s'ensuivent et de la protection de la biodiversité. Nos pays ont beaucoup œuvré ensemble ces dernières années pour faire avancer des textes, des traités internationaux. Mais nous avons maintenant en pratique Chine et France, Chine et Europe, beaucoup à faire pour réussir la transformation de nos économies. 
Alors, à ce titre, l'Institut franco-chinois de l'énergie nucléaire que vous avez évoqué, y travaille au quotidien. Un centre franco-chinois de neutralité carbone a été lancé lors de ce déplacement et permettra d'y travailler. Mais il y a, par la recherche, l'innovation, un chemin à construire parce qu'il y a évidemment une croissance à poursuivre. Et la Chine a réussi durant ces dernières décennies à sortir beaucoup de vos compatriotes de la précarité et ou de la pauvreté, et donc le défi d'une croissance et d'un progrès pour tous avec la décarbonation de nos économies et la protection de la biodiversité est indispensable. Ce chemin passe par la transformation de nos économies, la recherche, notre capacité à innover et à avoir cette neutralité carbone, dans laquelle nous sommes engagés pour 2050. Je crois très profondément que, comme nous avons su le faire il y a 40 ans en matière de nucléaire, tous les partenariats technologiques et les déploiements accélérés de nouveaux usages que nous pouvons ensemble développer sont clés dans cette stratégie. 

La deuxième conviction que je voulais partager avec vous, c'est qu'en même temps qu'il y a ce défi parmi d'autres et on pourrait y revenir dans la discussion et on pourrait évoquer le défi technologique, l'intelligence artificielle, les réseaux sociaux et les changements d'usage, il y a aussi un défi d'ordre stratégique. Et au fond, peut-être serais-je aujourd'hui un jeune Chinois, je serais inquiet. Pas inquiet pour mon pays parce que vous avez un pays fort, un modèle de développement formidable, mais inquiet de la montée des tensions. Et je crois que si j'étais un jeune Européen, ce que je ne suis malheureusement plus, je le serai tout autant. 

Et devant ce défi stratégique, je crois que vos générations ont beaucoup à faire. Nous avons une montée des tensions, elle est palpable, vous l'entendez dans les discours. Cette montée des tensions, elle a un caractère stratégique entre les États-Unis d'Amérique et la Chine, on pourra y revenir aussi de manière très ouverte. Et elle s'accélère avec les grands conflits du moment et en particulier le retour de la guerre en Europe et l'agression de la Russie contre l'Ukraine. Cette guerre, c'est une violation manifeste de notre droit international, c'est un pays qui décide de coloniser son voisin, de ne pas respecter les règles, de redéployer des armes, de l'envahir. Et il vient perturber très profondément notre paix à tous, notre ordre international et elle risque de précipiter, en quelque sorte, cette tension stratégique. 

C'est pourquoi je crois très profondément que nous avons aujourd'hui à œuvrer pour éviter toute escalade. Et tout à la fois préserver, réinventer un ordre international de paix et de stabilité. Pas à tous les prix, pas en considérant que l'état de fait d'une guerre qui est illégale pourrait être accepté. En restaurant la légalité internationale, mais en veillant tous et toutes à ce qu'il y ait justement un respect entre les Nations et les différences, mais que l'ordre international que nous avons su bâtir au sortir de la Deuxième guerre mondiale, qui repose sur des principes fondamentaux, la souveraineté des peuples, leur intégrité territoriale, des valeurs universelles, continue à prévaloir. 

La défense de ces valeurs universelles, pas régionales, de ces droits fondamentaux et notre capacité aussi à relever les défis du moment, celui de la sécurité alimentaire sur lequel nous travaillons avec la Chine, celui justement de la solidarité à l'égard des pays les plus pauvres et des pays vulnérables, comme ce que nous voulons faire dans le nouveau pacte financier des pays les plus riches vers les pays les plus pauvres, est aujourd'hui un devoir si nous ne voulons pas assister à une accélération des déséquilibres et à une fragmentation de l'ordre international. 

Il y a toujours eu des conflits, et il y en a encore eu ces dernières décennies, mais nous avions une forme de stabilité internationale qui reposait sur ces principes, des institutions que nous avons fondées et une capacité à réguler nos conflits de tous types. Cet ordre international est aujourd'hui fragilisé et nous avons une responsabilité, Chine et France, de le préserver et en même temps, de le réinventer à l’aune des réalités du XXIème siècle. Et ce que nous sommes en train de faire sur les quelques sujets que je viens d’évoquer est indispensable. 

Dans ce contexte, le troisième élément sur lequel je voulais revenir devant vous pour conclure ce propos, c’est au fond l’importance de ces chemins de traverse moins officiels, moins formels, plus patients et respectueux que sont ceux qu'on appelle les échanges humains, c'est-à-dire ce que vous êtes. Les canaux de dialogue qui, par la connaissance d'une langue, de l'histoire, des civilisations, le partage aussi d'une connaissance commune, une science, permet de bâtir patiemment des routes ; soit de creuser des sillons qui existent déjà, soit de bâtir des routes nouvelles ou d'en réinventer. 

Je ne sais pas vous dire ce que sera le monde dans 10 ans, 15 ans, 20 ans. Ce que je sais vous dire, c'est que la capacité à mieux nous connaître et peut-être ce qui peut nous protéger des grands désordres et des logiques d'affrontement qui vont toujours avec un repli sur soi, et c'est ce qui permettra de restaurer les erreurs que feront peut-être nos générations ; de les réparer, en tout cas d'inventer un avenir enviable. 

A ce titre, je veux ici avoir un mot pour justement défendre ces échanges. La France a accueilli avant la pandémie plus de 30 000 étudiants chinois chaque année et la Chine plus de 10 000 étudiants français. Nous sommes en train de relancer cette dynamique, mais il faut aller beaucoup plus vite et beaucoup plus fort. Je veux ici dire à toute votre génération que vous êtes les bienvenus en France pour étudier et étudier le français qui, je le crois très profondément, est une langue d'avenir. Ne le négligez pas. C'est d'abord comprendre notre culture, notre civilisation. C'est un point d'entrée formidable pour l'Europe, mais c'est aussi un point d'entrée formidable pour toute la francophonie. Et le français est une langue de tous les continents et c'est une langue qui n'appartient pas qu'à la France. Elle est la principale langue du continent africain et d'ailleurs celle qui fait son unité. Elle est une langue très diffusée à travers le continent américain. Elle est présente par son histoire sur le continent asiatique et c'est une des grandes langues du Pacifique. Et donc, accéder au français, c'est accéder aussi à un truchement universel. J'en fais ici devant vous la promotion. 

Mais je souhaite aussi que nous accueillons plus d'étudiants chinois. Parce que je pense que c'est aussi pour nous une chance et je souhaite — j’en parlais avec celles et ceux qui font vivre justement à la fois la langue chinoise, la culture et civilisation chinoise dans notre pays — nous allons nous-même beaucoup investir pour envoyer plus de chercheurs, plus de scientifiques, consolider cette filière d'excellence qui est une grande école française. Mais nous voyons bien qu’à la fois l'histoire ancienne, moderne et contemporaine mais la recherche contemporaine est absolument indispensable pour continuer de se comprendre et d'avancer. Et elle ne s'épuise pas à travers, si je puis dire, les liens diplomatiques ou économiques. 

Il y a un besoin de lien académique, d'une compréhension, d'un échange, d'une conversation des intelligences et des apprentissages. Et dans ce monde où tout va de plus en plus vite, où les jugements définitifs peuvent tomber comme des couperets, reprendre ce chemin patient de la connaissance réciproque est indispensable. Et donc je vous y invite aussi avec beaucoup de force. Et c'est, je crois, ce que fait le président et beaucoup de vos partenaires français, l'Université Paul-Valéry Montpellier 3, Sorbonne Université, KEDGE Business School et plusieurs autres continuent de faire. 

Pour y parvenir, il faut évidemment développer la connaissance de nos langues. Il y a environ 80 000 apprenants du mandarin en France et 100 000 apprenants du français dans l'enseignement secondaire et supérieur en Chine. Nous devons de part et d'autre faire beaucoup plus et beaucoup mieux. Ça ne se décrète pas, ça ne se fait pas par, si je puis dire impératif, devoir, mais par attraction réciproque, et je crois qu’il y a une attraction réciproque entre la Chine et la France, une fascination, une amitié, un chemin un peu singulier et en étant là devant vous, je voudrais aussi que vos générations conscientes de cette histoire aient ce même désir de France en même temps que les jeunes Françaises et les jeunes Français puissent l'avoir à quelques milliers de kilomètres d’ici pour votre langue et votre culture, votre civilisation. 

À ce titre, nos Alliances françaises avec nos grands instituts de recherche continuent de se développer. Notre ambassadeur en ouvrira encore une demain. On a 14 villes chinoises qui les déploient et nous continuerons d’avancer. Le rôle de l’INALCO évidemment est indispensable et je remercie le président de sa présence aujourd'hui. Nous continuerons aussi dans l'enseignement à le développer, cher Nicolas, pour l'avenir. 

Voilà les quelques mots que je voulais dire. Je ne vais pas être plus long. Et vous l'avez compris, je suis convaincu qu'en respectant les différences qui peuvent être les nôtres, en étant d'ailleurs curieux de ces différences parce qu'il n'y a rien de plus ennuyeux que d'être semblable. En les cultivant de manière respectueuse et amicale, nous avons une capacité à relever les grands défis du siècle qui est devant nous et à conjurer les fatalités qu'on veut déjà écrire pour nous. Et ça, c'est un peu le devoir aussi de votre génération. Maintenant, je veux surtout répondre à vos questions. 

À la suite de son déplacement à l'Université de Sun Yat-Sen, le Président de la République s'est rendu à l'Institut des Arts d'Orient. Il s'est alors entretenu avec Tang Jiexiong, président du groupe Wencen ainsi qu'avec Jiang Long, directeur général de XTC New Energy Materials.

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