Il avait mille passions mais n’avait qu’une maison : « Actes sud ». Jean-Paul Capitani avait lié son destin avec Arles et les arts, comme un palimpseste où toute sa vie s’était jouée. Avec sa disparition, c’est toute une ville, un pays, un univers, celui de la bibliothèque mondiale, qui se trouvent endeuillés. 

Né à Arles le 15 décembre 1944 dans une famille d’agriculteurs immigrés italiens, ingénieur agronome de formation, Jean-Paul Capitani fut, dans une première vie, éleveur de moutons et producteur du vin, avant que son amour des arts ne le fasse passer de la culture de la terre à celle des esprits. Co-fondateur en 1980 dans sa ville natale de l’espace culturel « Le Méjan », Capitani y fit la rencontre décisive d’une famille d’éditeurs, les Nyssen, à la tête d’une maison prometteuse alors installée dans la vallée des Baux : « Actes Sud ». Débuta ainsi une aventure humaine et éditoriale unique, Jean-Paul Capitani devenant l’associé en affaires d’Hubert Nyssen et de sa fille, Françoise, sa future épouse.

Sous l’impulsion résolue de Jean-Paul Capitani, passé directeur commercial et du développement en plus de ses activités d’éditeur, « Actes Sud », qui privilégiait à ses débuts la sociologie et le théâtre, en vint à se diversifier. Les succès s’enchaînèrent, jusqu’à faire de l’ombre aux grandes maisons parisiennes. Paul Auster, Imre Kertész, puis la saga « Millenium » de l’écrivain suédois Stieg Larsson furent les premiers noms d’une longue suite de succès. Puis, vinrent d’éclatantes réussites éditoriales portées par une nouvelle génération d’écrivains hexagonaux.

Ainsi l’obtention de deux Prix Goncourt pour « Le soleil des Scorta » de Laurent Gaudé en 2004, et pour « Le sermon de la chute de Rome » de Jérôme Ferrari en 2012 parachevèrent l’installation durable d’ « Actes Sud » au premier plan de l’édition française. En 2015, le Prix Nobel 2015 décerné à Svetlana Alexievitch confirma encore cette prépondérance. Ces marques de reconnaissance s’adressaient à la force, au flair, à la loyauté d’une équipe d’éditeurs où Jean-Paul Capitani exerçait tout son talent et qu’il menait aussi vers des territoires éditoriaux encore à défricher. Il lança ainsi des collections consacrées aux beaux-arts, comme « Photo poche », référence dans le domaine de l’image. En ingénieur agronome qu’il était resté, préoccupé par la nature et la crise écologique, Jean- Paul Capitani confia également en 2011 à Cyril Dion la direction d’une collection dédiée aux thématiques environnementales, « Domaine du Possible ».

Arlésien avant tout, Jean-Paul Capitani s’engagea sa vie durant, en homme du pays, en faveur du rayonnement de sa ville natale. A contre-courant du centralisme parisien, Capitani fut à l’initiative de l’installation pérenne d’« Actes Sud » à Arles, dans les locaux de Méjan dont il possédait les murs. Avec son épouse Françoise, ils avaient créé, dans cette ville chère à leur cœur, une école expérimentale parrainée par Pierre Rabhi et Edgar Morin, et cofondés le festival « Jazz in Arles ».

Jean-Paul Capitani avait, il y a quelques années, passé le flambeau de ses activités opérationnelles au sein d’Actes Sud à trois des sept enfants de la grande famille qu'ils avaient composée, ensemble, avec Françoise Nyssen.

Le Président de la République et son épouse Brigitte Macron saluent le parcours et l’engagement d’un homme de grande culture et de haute-fidélité, enraciné dans sa ville et inlassablement curieux du monde, qui œuvra pour le rayonnement de nos arts et de nos lettres. Ils adressent leurs condoléances émues et amicales à son épouse, Françoise Nyssen, à sa famille, aux équipes d’Actes Sud, et à tous ceux à qui il avait transmis une part d’émerveillement universel.

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