Le Président de la République s'est rendu au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, à l’occasion de la clôture des États généraux de la diplomatie.

Annoncés le 1er septembre 2022 par le Président Emmanuel Macron, les États généraux de la diplomatie ont donné lieu à un large travail de consultation des agents sur la diplomatie française et son évolution. Associant également les parties prenantes de l’action extérieure de la France, le rapport final de ces États généraux dresse un tableau de notre diplomatie et formule des recommandations pour la renforcer et l’adapter aux nouveaux défis mondiaux.

Lors de sa visite, le Chef de l’État a témoigné aux personnels diplomatiques et consulaires sa reconnaissance pour leur action en France et à l’étranger, et a également formulé ses attentes pour l’avenir de notre diplomatie dans cette période tendue où les crises s’additionnent.

Le Président de la République a enfin exprimé sa volonté de réarmer notre diplomatie en donnant au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères les moyens de ses ambitions. Il a donc annoncé une augmentation de plus de 20 % des crédits du ministère, pour atteindre près de 8 milliards d'euros en 2027, et la création de 700 nouveaux ETP sur les 4 prochaines années.

Revoir le discours : 

16 mars 2023 - Seul le prononcé fait foi

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DISCOURS DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE A L’OCCASION DE LA CLÔTURE DES ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA DIPLOMATIE.

Mesdames et Messieurs les ministres, 
Monsieur le président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, 
Mesdames et Messieurs les parlementaires, 
Monsieur le rapporteur général des Etats généraux de la diplomatie, 
Madame la secrétaire générale, 
Mesdames et Messieurs les directeurs et directrices, 
Mesdames et Messieurs les ambassadrices et ambassadeurs, 
Mesdames et Messieurs, 

Je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui et il faut souvent une pandémie ou quelque évacuation massive de ressortissants pour que vous voyiez un président de la République dans ces murs. Je voulais aussi par ma présence aujourd’hui, hors situations exceptionnelles et catastrophes, venir témoigner parce qu’en effet, vous êtes les bras armés de notre action internationale et vous l’avez amplement démontré, en assurant une présence courageuse et efficace, dans des pays en guerre, de l’Afghanistan à l’Ukraine pour n’en citer que quelques-uns, en rapatriant des centaines de milliers de Français et parfois d’ailleurs d’autres ressortissants européens bloqués à l’étranger par le COVID, en négociant des accords historiques avec d'autres puissances ou en permettant des percées diplomatiques inédites, comme celle d'ailleurs il y a encore quelques jours, du Traité international de protection de la haute mer, ou en promouvant notre vision de la souveraineté européenne. 

La diplomatie est un métier, par ailleurs, dont je mesure bien la spécificité et les contraintes. Un métier d'engagement qui vit au rythme des crises et ne compte pas ses heures. Un métier de passion qui a aussi ses servitudes et où l'obligation constante de mobilité, avec ses aléas, ses destinations parfois difficiles, pèsent sur les conjoints et les familles. Mais je viens, conscient aussi des interrogations qui ont été les vôtres ces derniers mois. Il faut bien le dire, car c'est à la racine de beaucoup de choses. 

Le Ministère a aussi connu, et avant les interrogations qui ont pu naître ces dernières décennies, une profonde attrition de ses moyens, qui étaient déjà parmi les plus faibles quand on le compare avec les autres grandes puissances européennes, et tout particulièrement de sa matière humaine qui ne compte plus que 13 600 agents. Ceci s'est accompagné d'une diminution de ses emprises et même, dans une certaine mesure, de sa place dans l'État. Ce ne sont pas les parlementaires ici présents qui me contrediront, ils le savent. Permettez-moi tout de même de noter que c'est bien sous mon premier quinquennat que cette longue baisse a enfin été interrompue à partir de 2020. Je veux ici saluer le travail aussi de votre prédécesseur, Madame la ministre. Certains auraient voulu que nous adaptions, en quelque sorte, nos ambitions à la faiblesse des moyens, ou à leur attrition. Je suis très simplement venu vous dire que j'entends faire le choix contraire : mettre les moyens en conformité avec nos ambitions. 

J'ai entendu aussi les préoccupations concernant la réforme de la fonction publique et de la haute fonction publique qui sont venues sur ce terreau propice, celui du doute, parce que les moyens étaient de plus en plus réduits. Je veux ici le redire avec beaucoup de clarté : je pense que cette réforme est bonne pour l'État et je pense qu'elle est en particulier bonne pour votre Ministère et pour ses agents. Je veux ici être très clair : aussi vrai que je reconnais l'existence d'un métier, un métier n'a pas besoin de corps pour exister. Je vous parle avec beaucoup de simplicité, moi qui, sortant de l'ENA, ai rejoint un métier et un corps, j’ai totalement assumé de supprimer ce même corps. Ça n'a rien à voir. Et dans toutes les meilleures diplomaties du monde où le métier est reconnu et existe, il existe dans une filière professionnelle avec un jugement des pairs, des carrières qui doivent être sanctuarisées, ça ne veut pas dire pour autant qu'il faille pour cela un corps, c'est différent. Donc oui au métier, non au corps, en d'autres termes mais le métier, nous le défendrons bien. 

Je pense que cette réforme va permettre d'affirmer et de mettre en lumière la position déjà d'ouverture de ce Ministère. Et étant un des ministères les plus ouverts, vous avez un grand intérêt à cette réforme. D'ores et déjà, j'ai été informé que plus de 60 % des agents éligibles ont manifesté leur intention de rejoindre justement les administrateurs de l'État, ce qui est un signe encourageant d'inscription dans cette interministérialité. J'ai demandé à la ministre d'enrichir encore la réforme et il sera nécessaire, en particulier, de pérenniser les perspectives de progression de carrière décidées l'an dernier au bénéfice des secrétaires des Affaires étrangères. 

Mais cette réforme n'est qu'un des aspects de la réflexion plus large sur l'avenir de notre diplomatie. C'est pour cela qu'il m'a semblé si nécessaire, au fond, comme je vous l'avais dit à la fin de l'été dernier, de conduire des États généraux, ce travail d'introspection et de projection vers l'avenir qui a été conduit sous l'autorité de la ministre et dont nous avons suivi avec attention les travaux, c'est un exercice inédit auquel vous vous êtes livrés. 

J'aimerais remercier tout particulièrement la ministre, l'équipe des États généraux, à commencer par son rapporteur général, Jérôme BONNAFONT, et toutes celles et ceux qui ont œuvré avec lui. Vous avez, au fond, toutes et tous, mener cet exercice avec le bon esprit, je le crois, et avez fait un bilan sans complaisance, une réflexion solide et des propositions crédibles. Le futur ministère que vous esquissez ainsi doit être profondément rénové. Je crois que c’est une nécessité et chacun de nos déplacements le montrent. Si l’on se projette, quelle est la diplomatie dont notre pays a besoin à l’horizon de la décennie ? Je ne vais pas ici revenir sur, au fond, la doctrine et ce que j’ai pu déployer en particulier lors du dernier discours que j’ai pu faire à la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs. Je voudrais simplement souligner quatre traits dominants qui relèvent de ces convictions établies ces dernières années, des grands travaux poursuivis à vos côtés ces dernières années et des Etats généraux. 

Le premier, c'est un cœur de métier profondément rénové. Le monde change, personne ne nous attend, la géopolitique de notre siècle sera un système contradictoire, fait de coalitions mouvantes et d'inévitables polarisations, un monde au fond querelleur et tenté par la renationalisation. Alors nous devrons y rivaliser tout à la fois de cohérence et d'agilité pour trouver notre place. Nous devrons être sans cesse sur le qui-vive, capable d'assembler des cercles de solidarité : l'Europe, bien évidemment, et cette autonomie stratégique que nous avons imposée dans le paysage ces dernières années, et l'alliance bien entendu, mais l'Indo-Pacifique aussi pour être au pivot, pour assurer notre souveraineté, notre liberté de manœuvre, et beaucoup d'autres alliances que nous sommes en train de rebâtir aussi dans des cadres régionaux totalement rénovés. Notre diplomatie devra donc s'équiper pour cela. 

Il faudra renforcer la capacité d'analyse des directions politiques, consolider notre culture stratégique, nous doter de capacités d'anticipation. Et pour tout cela, c'est un point cardinal, davantage valoriser l'innovation, questionner nos habitudes, revoir nos dogmes, utiliser l'intelligence artificielle et le traitement de sources ouvertes. Au fond, si je puis dire, consolider ce qui, je crois, est une force de notre modèle, c'est-à-dire l'expertise très profonde qu'il y a dans les directions et gagner sans doute en agilité et capacité à recomposer nos organisations à travers des équipes projet, des task forces comme le font peut-être certains voisins. 

Derrière tout cela, il y a notre devoir de bâtir des partenariats et en quelque sorte, d'aligner l'ensemble des opérateurs de notre action : l'Agence française de développement au premier chef mais tous les opérateurs, pour que quand on décide des partenariats, il y ait une très grande cohérence politique. Et c'est d'ailleurs cela que je vois dans l'exercice de la tutelle — je ne reviens pas sur des débats qu'on connaît par cœur et j'aperçois le directeur général ici — mais je pense que l'AFD est une force, et que c'est une force qui doit travailler en synergie avec le Quai et que la bonne tutelle est une tutelle stratégique, pas une tutelle tatillonne qui cherche au fond à faire le même métier ou à le doublonner. Par contre, on doit collectivement gagner en cohérence pour partout, redéployer des partenariats à 360° quand on décide de stratégies nouvelles. 

L'Afrique est un formidable théâtre d'opérations. Quand on décide d'une cohérence d'action au Sahel, on doit tous s'aligner dans cette même cohérence d'action et ne pas, je dirais, jouer à géométrie variable. Quand on décide de se réengager avec tel ou tel pays et de dire qu’au fond, on a un partenariat nouveau, que le sécuritaire n'est plus primo-dominant, on doit réengager plus efficacement avec toute la palette. On doit le faire et le faire vite et que ce soit visible. Cela, je crois que c'est au fond de la clarté stratégique et de la force d'exécution. Gardons les sillons d'expertise qui sont les nôtres et les cultures métiers, mais gagnons en agilité, en cohérence dans ce monde profondément rénové. C'est, je crois, ce qui nous rendra plus forts, plus lisibles pour nos partenaires et alliés, plus lisibles aussi pour les pays auprès desquels nous allons défendre nos intérêts et bâtir des coalitions. 

Le deuxième trait, c'est une diplomatie qui se structure autour de la capacité d'influence. Mon premier mandat a été marqué par un accroissement sans précédent de notre action de solidarité internationale. La cible de 0,55 % de notre PIB a été atteinte et nous avons retrouvé notre place de grande puissance de la solidarité. Et là aussi, nous avons mis fin à des années de baisse de nos investissements solidaires. De la RDC où nous étions il y a quelques jours au Vanuatu, de l'Ukraine à la Syrie, nous sommes présents, là où nous devons l'être, avec nos actions évidemment humanitaires et l'ensemble de ce que nous finançons à travers cet investissement. 

Nous sommes aussi à un point de bascule qui nécessite d'ajouter au fond à la grammaire de la solidarité, celle de l'influence. Les puissances autocratiques tentent de réécrire les principes du système international, de rallier le vaste monde à la faveur d'une certaine fatigue de l’Occident, fatigue d’ailleurs qu’on voit chez nous quand le doute s’installe. Il y a une espèce de relativisme ambiant qui s’installe, y compris dans nos propres ondes, y compris d’ailleurs parmi celles et ceux qui sont perçus comme la voix de la France parfois à l’étranger et qui viennent servir des discours de déconstruction, ou de révision de ce que serait notre propre passé et l’action des autres. Je ne m’y résous pas. Je ne crois pas, pour ma part, que l’autocratie se soit illustrée récemment. Du COVID jusqu’à l’échec de la Russie en Ukraine, ce combat ne se gagne pas que dans les faits, il se gagne aussi dans les esprits. Et dans ce domaine, nous avons encore beaucoup à faire, et je l’ai dit lorsque j’ai esquissé des principes du projet de loi de programmation militaire : nous devons organiser notre capacité d’influence, et le ministère des Affaires étrangères en est la cheville ouvrière pour l’international. Il faut maintenant en prendre toute la mesure, changer radicalement d’échelle pour notre dispositif de communication mais aussi moderniser nos outils, prendre à bras le corps la bataille des réseaux sociaux, y compris face aux manipulations en tous genres et considérer que c’est un lieu de la guerre hybride. C’est un lieu aussi au fond d’efficacité de notre propre diplomatie. Beaucoup des dirigeants regardent ce que leurs peuples croient, lisent, définissent leurs choix aussi par rapport à cela et lorsque nous perdons la bataille informationnelle, parfois nous annihilons des efforts réels et des investissements concrets. Et c'est malheureusement une réalité, et une réalité qu'on voit sur le théâtre africain et ailleurs. 

J'ai vu à l'instant un tout petit échantillon des équipes qui se déploient sur ce sujet et qui décrivaient parfaitement mieux que je ne viens de le faire tout ce qu'ils font au quotidien et ce que vous allez continuer de déployer. Cela veut dire qu'il nous faut structurer des stratégies autour des effets d'influence, de l'impact, de la valeur ajoutée, définir aussi des stratégies d'alliés très concrètes sur le terrain et les réseaux sociaux à peu près dans toutes les géographies, et avancer pour être beaucoup plus efficaces. 

Enfin, l'influence ne se joue pas que dans les lieux du pouvoir. Les printemps arabes nous ont montré que les révolutions ne se détectent pas dans les palais et nous devons aussi être hors les murs, dans l'intimité de la population, dans sa vie, ses réseaux. Je sais que c'est au cœur de l'engagement de beaucoup d'entre vous. Mais ça veut dire qu'on doit partout, sur toutes les géographies, je dirais démultiplier nos efforts pour considérer que le cœur de l'action aujourd'hui est d'aller justement chercher aux avant-postes celles et ceux qui font l'action politique, mais aussi les opinions publiques, descendre plus profondément dans l'intimité des pays et de ce qui s'y joue, et peut-être mieux nous organiser collectivement. 

Je dis souvent, il y a plusieurs pays, je ne les citerai pas parce que, sinon, je créerai trop d'émotions, il y a beaucoup de pays où on investit beaucoup d'argent public et où, au fond, quand je regarde les choses, le président, les ministres, les directeurs d'agence, les ambassadeurs, les directeurs de service, les militaires, on voit tous les dix mêmes personnes. On les connaît très bien, ils nous disent tous la même chose. Mais ce n'est pas tout le pays. Alors ça fait des décennies qu'on voit les 10 mêmes personnes, on les aime beaucoup, mais cela ne suffit plus. Et parfois d'ailleurs, ce sont dans ces mêmes pays là que des coups d'État arrivent. Si nous nous sommes habitués à ne pas voir le reste, et à ne pas voir qu'au fond, travaillent en sous-main des mouvements profonds, et que certains de nos compétiteurs, car partout maintenant ce sont des théâtres de compétition, ont travaillé ces pays, les ont travaillé par le bas, en rachetant des radios locales, en retournant des services de sécurité privée, parfois des conciergeries — j’en parle très concrètement parce que c'est des cas qui arrivent et que nous voyons sur le terrain — en travaillant des réseaux sociaux, parfois en achetant évidemment des influenceurs ou des faux comptes, eh bien on se retrouve dans la même situation que ces 10 dirigeants, c'est-à-dire que nous ne sommes plus dans leur pays réel. 

Ce n'est pas comme ça que nous bâtirons notre influence et surtout l'avenir de notre présence. C'est donc un immense chantier. C'est une révolution organisationnelle, culturelle, ici et sur le terrain, mais elle est à mettre au cœur de notre action. 

Le troisième trait, c'est une diplomatie qui prend pleinement le tournant des enjeux globaux. Ce n'est pas une nouveauté, votre ministère les a déjà pris, vous avez structuré une direction générale. Mais je crois pouvoir dire que la crédibilité de notre nation, de notre Europe se jouera pour beaucoup à l'avenir sur sa capacité à trouver un contrat avec le reste du monde pour l'alimentation, l'énergie, le climat, la biodiversité, mais aussi l’éducation, la santé, les grands sujets culturels. Nous l’avons vu encore il y a quelques semaines au G20 de Bali lors du Sommet, il y a quelques jours sur les forêts au Gabon, ce seront autant de coalitions variables qu’il faudra savoir mettre en place. 

La France, je le crois profondément, a un rôle central à jouer car tous ces enjeux sont d’abord des enjeux internationaux qui sont des objets de négociation complexe. Par ailleurs, toutes liées entre elles ou nous avons une expertise, une crédibilité. On l'a encore montré sur les sujets maritimes. Mais ça nécessitera de monter en compétence et d'adapter l'organisation. Et là-dessus, je le dis avec clarté, nous devons, si je puis dire, remémorer la cohérence de notre action à l'international. 

Parce qu’il y a au fond deux mouvements, et on est encore dans l'ambiguïté aujourd'hui. L'idée de dire que la technicité l'emporte sur la compétence internationale. Et au fond, à chaque fois, il y aura une espèce de conflit entre deux types de métiers. Les gens qui font du climat vous diront : « c'est un métier ». À juste titre les diplomates nous disent : « c’est un métier ». Et donc la question de savoir où on met le centre de gravité est une décision politique. Alors, il y a plusieurs choix, on peut dire : on va tout interministérialiser, c’est ce qu'on a fait sur les affaires européennes, par exemple. À la fin, si on interministérialise tout, on refait un Gouvernement. Il faut accepter, et je crois que c'est la vocation de votre ministère, d'avoir une culture interministérielle et d'être cette vocation interministérielle projetée. Mais ce qui veut dire qu'il faut continuer et peut-être intensifier d'abord la cohérence et de se dire que quand on parle d'action internationale, c'est ici que ça se joue. Mais ça veut dire importer des compétences techniques beaucoup plus fortes, continuer de le faire, et votre ministère qui l'est déjà doit encore plus devenir un lieu d'accueil et de coordination des compétences interministérielles. Il devra exercer une tutelle stratégique sur les opérateurs, rayonner davantage et réussir justement à envoyer ces bons éléments en mobilité aussi sur des postes clés, pour bâtir des compétences techniques dans certaines filières. 

C'est pour ça qu'au fond, la diplomatie est un métier et sans doute des métiers. Des métiers dans des filières qui vont se structurer de plus en plus, se professionnaliser. C'est aussi pour ça qu'il faut se doter d'un instrument de formation continue et d'une académie diplomatique, comme vous le proposez au service de l'ensemble de l'Etat, ouverte aux diplomates étrangers. Je vois ici beaucoup de visages amis venant d'autres diplomaties d'excellence et je crois que cet outil serait un formidable moyen à la fois de projection et de débat, mais aussi de formation, justement au métier de diplomate et pour toutes ces filières. 

Je pense que nous avons aussi à utiliser, dans ce contexte, ce qu'on a commencé à bâtir à travers le Forum de Paris sur la Paix qui avait bâti justement des premières filières et qui doit être en synergie avec cette académie. 

Le quatrième trait, c'est une diplomatie plus proche des Français. Pour beaucoup de nos compatriotes, la diplomatie, c'est le consulaire, les passeports, les visas, c'est la gestion des crises. Et merci infiniment au travail remarquable que font les équipes et c’est vrai que je veux ici saluer votre action. Je commençais en évoquant ces crises du fait desquelles on se rend plus facilement ici, mais notre dispositif consulaire, dont je veux saluer l'engagement et l'efficacité, fait plus pour nos compatriotes que beaucoup d'autres et quand je regarde les services comparables, nous avons vraiment un service d'excellence. Mais à présent, nous devons encore faire davantage, faire mieux, simplifier, dématérialiser.

Il y a eu beaucoup de très grandes réformes ces dernières années qui ont été lancées et je veux vraiment saluer tous ces chantiers, mais nous devons poursuivre notre effort pour doubler l'enseignement français à l'étranger, pour réussir à mieux nous enraciner dans les territoires, réussir à aller au bout de ce travail de dématérialisation et de simplification, également mieux travailler avec l'ensemble des régions et de nos territoires pour en particulier, améliorer le réflexe export et les synergies avec les collectivités territoriales et d'autres. A ce titre, je souhaite qu'on puisse donc renforcer cette diplomatie au service des Françaises et des Français de manière concrète, qui vient, si je puis dire, renforcer une tendance qui a été à l'œuvre ces dernières années et à cet égard, je souhaite qu'on aille là aussi au bout de la logique, par la création d'une réserve diplomatique citoyenne qui permettra de diffuser cette culture. Là aussi, des milieux d'affaires aux engagés en matières académiques, culturels, aux acteurs de terrain, elle permettra d'avoir une plus grande proximité avec la culture du ministère, avec sa projection et c’est ce qui permettra de bâtir une intimité culturelle plus grande avec tous nos compatriotes et avec certains secteurs qui s'estiment parfois éloignés de ce qu'est la diplomatie, à mon avis à tort. 

Tout ceci - et vous avez compris que j'étais à dessein parcellaire, mais je voulais simplement dégager ces grands axes - tout ceci doit s'appuyer sur une gestion renouvelée. Le Ministère est un Ministère de ressources humaines et doit donc placer les agents au cœur de sa gestion, qu'il s'agisse des catégories A, B, C, des contractuels ou des agents de droit local. C'est pourquoi je pense que dans cette réforme et sa mise en œuvre, il va falloir, et c'est un impératif, grâce aux moyens, et je vais y venir, donner de la visibilité aux contractuels, beaucoup plus qu'ils n'en n'ont et permettre de bâtir des perspectives de carrière pour tous et toutes.

Rénover les carrières, professionnaliser la fonction RH, anticiper les nominations et nous y prendrons notre part avec la ministre, en entamant dans les jours prochains un mouvement d'ambassadrices et d'ambassadeurs. Mais il nous faudra aussi assurer les recrutements, y compris avec un nombre suffisant d'agents issus de l’INSP. Et je le disais tout à l'heure, vous êtes un Ministère beaucoup plus ouvert qu'on ne le dit parfois et peut-être que vous ne le pensez vous-même. Vous devez continuer à vous adjoindre des talents venus d'ailleurs avec, si je puis dire, un esprit de conquête qu'il vous faut, vos qualités d'organisateurs, de négociateurs, de gestionnaires de crise, de communicants, là aussi, doivent permettre de mieux projeter tous les agents du Ministère aussi à l'extérieur, dans le secteur privé, mais aussi dans l'État. 

Et je l'ai dit, c'est la demande que j'ai faite aux différents ministres, à la DIESE et à l'ensemble des directions compétentes, c'est de pouvoir nommer plus d'ambassadrices et d'ambassadeurs préfets, rectrices et recteurs, directrices et directeurs d'administration centrale ou à la tête d'établissements publics. La confiance s'installera par ces mouvements réciproques.

Comme vous le voyez, c'est une vaste tâche qui nous attend et pour moi, elle est indissociable du renforcement régalien de notre pays. J'ai ainsi décidé, dès 2017, de renflouer les moyens de nos armées, puis cette année, de les renforcer très nettement avec la LPM. Et je pense que nous devons avoir une approche cohérente avec notre diplomatie. Donc, je le dis très solennellement devant vous aujourd'hui, je souhaite un réarmement complet de notre diplomatie, un réarmement au service de la paix, dans la défense de nos intérêts et de nos valeurs, mais en cohérence aussi avec l'ambition qui est la nôtre.

Sur la base des éléments que je viens d'esquisser, s'inscrivant dans le droit fil des éléments de doctrine que j'ai pu déployer ces derniers mois, j'ai donc décidé de répondre favorablement aux demandes formulées par la ministre, et en particulier celle d'une augmentation sur quatre ans des effectifs du Ministère de 700 ETP. J'ai également décidé d'augmenter les crédits du Ministère de plus de 20 % pour cette période et de le porter à 7,9 milliards d'euros en 2027. Nous devons assumer, pas simplement de mettre fin à des décennies de baisse et d'affaiblissement, ce que nous avons fait depuis 2020, mais à nous donner les moyens de réengager des capacités nécessaires, de pouvoir déployer des compétences nouvelles et au fond, au moment où la guerre est revenue sur le sol européen, où des réarticulations profondes sont à l'œuvre, de pouvoir nous donner les moyens, de servir nos intérêts, de défendre nos priorités, notre influence et de nous donner les capacités au rayonnement de notre pays. 

Ces moyens, je sais que vous les mesurez en période de sobriété où nous devons réformer sans cesse. Si besoin en était, la seule journée d'aujourd'hui permet de montrer que, par ailleurs, faire des économies intelligentes de finances publiques n'est pas un mouvement spontané, ni de la nation, ni des administrations, et suppose des choix que j'assume par ailleurs.

Et je souhaite que, vous mesuriez le prix de cette confiance. Je demanderai à la ministre de me faire tous les six mois un bilan de la transformation du Ministère. Mais au fond, pour moi, c'est un investissement au service d'une transformation. Ça n'est pas plus de moyens pour rebâtir ou en quelque sorte, être au service d'une nostalgie. Non. C'est pour nous donner les moyens d'une action nouvelle au service d'une doctrine que j'ai déjà élaboré et des quelques quatre grands traits que je viens ici d'esquisser. 

Donc, il y aura, avec cette ambition de ma part, beaucoup d'exigences, mais je sais que je peux compter sur chacune et chacun d’entre vous pour être à la hauteur des réformes à mener. Et d’ailleurs, beaucoup d’entre elles, ce sont des chantiers interministériels et je remercie toutes celles et ceux qui sont engagés sur la modernisation de l’Etat et la transformation de l’action publique. Vous devrez en faire la démonstration dès les grands jalons des prochains mois, et nous la ferons tous ensemble. Les grands déplacements de printemps, en Chine notamment, les évolutions de la guerre en Ukraine, le sommet sur le financement du climat et la lutte contre les inégalités en juin, l'OTAN en juillet, le G20 en septembre. 

Mais nous aurons, surtout, dans les mois et les années qui viennent des points de bascule et de vérité pour notre pays. L'année 2024 sera une année décisive. La France recevra les Jeux Olympiques et les Jeux Paralympiques. Ce sera sans doute une année clé sur le conflit en Ukraine. Nous aurons des élections européennes, des élections américaines et nous aurons, au fond, des questions essentielles parce que beaucoup de tout ce qui se joue derrière — et c'est aussi pour cela que je fais ce choix profond — c'est la question de la force des démocraties dans un monde, vous le voyez bien, qui est en train de se recomposer pour savoir si les autocraties ou les puissances régionales autoritaires ne sont pas plus efficaces que nous. C'est la summa divisio qui est en train de structurer les choses. Et donc, nous n'avons pas le droit de perdre ce combat. 

Ensuite nous, nous avons un combat pour savoir comment en Européens, nous sortons plus fort, dans un contexte qui est beaucoup plus difficile pour nous que nombre d'autres démocraties. Parce que cette guerre est sur notre continent, parce qu'elle affaiblit plus notre modèle économique et qu'une guerre qui dure est plus difficile à assumer pour nous. Elle peut être porteuse de divisions, je ne l'espère pas et nous ferons tout contre. Et donc, vous voyez bien que les mois, et en particulier les toutes prochaines années qui viennent, vont être décisives pour le cœur même de ce que nous sommes. 

La démocratie est sa force d'influence et d'attraction dans le monde, notre Europe est son autonomie stratégique et donc, la capacité aussi de notre pays à garder une diplomatie indépendante et cohérente. Et c'est au service de cet objectif que je vous demande ces transformations et que j'ai décidé d'allouer ces moyens, que nous puissions, parce que c'est notre devoir, continuer de savoir, de comprendre ce monde par nous-mêmes et de faire nos grands choix par nous-mêmes et pour nous-mêmes, en décidant d'avoir des partenaires et des alliés, de bâtir des coalitions. Mais jamais par nécessité, toujours par choix. Parce que c'est ainsi, je crois, que la France, y compris pour nos compatriotes, se pense, se vit dans le monde et se vit pour elle-même. 

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que j'étais venu vous dire aujourd'hui. Ce jour a quelque chose de symbolique et le faire en cette journée, c'est aussi la manifestation de ma considération et de ma confiance et de vous dire que, peut-être, plus que naguère encore, tout est lié. Et la force d'une nation, c'est sa capacité à tenir des choix cohérents pour elle-même et à se dessiner un destin, mais à les faire comprendre au reste du monde, à défendre ses intérêts, sa politique à l'étranger, et à bâtir des coalitions fortes parce qu'elle est un partenaire stable et responsable.

C'est tout cela ce que nous allons faire ensemble et qui est en quelque sorte le résultat de vos travaux des derniers mois. Et donc, vous l'avez compris, nous continuerons de moderniser et de transformer l'action publique et l'État, mais en ayant une diplomatie plus forte au service de ses ambitions. 

Vive la République et vive la France ! 

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