Fait partie du dossier : Déplacement en Afrique centrale.

Du 1er au 5 mars 2023, le Président de la République est en déplacement en Afrique centrale. Sa première étape : le Gabon.

 

À l'occasion de son premier déplacement au Gabon, en amont du One Forest Summit, le Président Emmanuel Macron a tenu à s'adresser à la communauté française au Gabon. Il a rappelé les enjeux de sa visite et notamment l'impérieuse nécessité de lutter contre le dérèglement climatique et de préserver la biodiversité.

Le One Forest Summit : Premier Sommet mondial pour la protection des forêts tropicales

Réécouter son discours à la communauté française :

2 mars 2023 - Seul le prononcé fait foi

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Discours du Président de la République en l’honneur de la communauté française résidente au Gabon.

Mesdames et Messieurs les ministres, 
Mesdames et Messieurs les Parlementaires, 
Monsieur l'ambassadeur, merci de nous accueillir ici même, 
Messieurs les ambassadeurs, merci de m'accompagner et je salue la présence de l'ambassadeur Jean-Marc SIMON qui revient sur un lieu qui lui est familier. 
Mesdames et Messieurs les Officiers généraux, 
Mesdames et Messieurs les Conseillers des Français de l'étranger, 
Mesdames et Messieurs, chers amis, chers compatriotes, 

Je voudrais vous dire à quel point je suis heureux d'être parmi vous ce matin pour le début de cette tournée en Afrique Centrale et ma première visite au Gabon. 

Je tenais à débuter ce séjour en rencontrant justement celles et ceux qui font rayonner la France et qui portent et incarnent au quotidien l'amitié entre nos deux pays. Cela fait treize ans qu'un Président français n'était pas venu à Libreville pour s'exprimer devant vous. En treize ans, la France a changé, le Gabon a changé, mais nos deux pays ont conservé des liens puissants que vous faites vivre et s'enracinent très profondément au fil des générations et sont le ciment, en quelque sorte, la chair et l'âme de cette relation. Mais en treize ans aussi, de nouvelles priorités se sont imposées à nous, en particulier l'ardente nécessité de lutter contre le dérèglement climatique et de préserver la biodiversité. C'est, je dirais, la raison première qui m'amène ici au Gabon. 

En effet, nous participerons cet après-midi à un sommet One Planet sur les forêts, le premier du genre, qui sera donc consacré aux patrimoines inestimables que nous avons en partage, ces forêts, en particulier ces forêts primaires, et aux mesures que nous devons prendre pour les préserver. Et je dois dire que c’est d’abord la reconnaissance d’un travail exceptionnel qui a été ici fait au Gabon, où les autorités ont permis de préserver 88 % du couvert forestier et d'en faire un sanctuaire pour des espèces emblématiques. Mais c'est aussi la prise de conscience d'un enjeu pour le pays, la région et pour nous tous.

En effet, c'est ce que nous défendrons cet après-midi. Ces 14 % de la surface terrestre représente 75 % du carbone irrécupérable et plus de 90 % des écosystèmes des espèces vertébrées. Et donc aider à les préserver, renforcer ces comportements vertueux est absolument déterminant pour la lutte contre le dérèglement climatique et notre biodiversité. 

Grâce aux efforts faits, je dirais d'avant-garde, par le Gabon, ici, on capture l'équivalent d'un tiers des émissions de CO2 de la France, et donc on contribue à résoudre une partie des problèmes que nous créons par ailleurs. Et donc, nous aurons lors de ce sommet un travail avec tous les scientifiques qui m'accompagnent, -et je les en remercie-, ce qui a permis d'ailleurs de consolider aussi les liens CNRS, IRD, CIRAD, etc. Et nous allons encore consolider la relation bilatérale et les coopérations régionales, et permettre d'avoir une coopération à travers toute la région pour mieux connaître, mieux comprendre, mieux mesurer. 

On va aussi aider à développer les chaînes de valeur qui sont compatibles avec cette préservation, mais également aider à créer toute une économie forestière et une agroforesterie. Je remercie tous les acteurs, justement, du bois, de la forêt, de l'exploitation raisonnée de la forêt et de l'agroforesterie qui m'accompagnent et qui vont aussi aider à nourrir la relation bilatérale à ce titre. 

Et puis, nous avons la volonté de lancer aussi des initiatives internationales pour mobiliser des financements internationaux. On va lancer là des méthodes nouvelles, les crédits biodiversité, mais aussi ces partenariats pour la conservation positive, pour mobiliser parfois ces milliards dont vous entendez parler dans les grands sommets internationaux dont on voit rarement les millions arriver sur le terrain, parce qu'on aura une mesure commune basée sur la science des comportements vertueux et partenariats. Voilà une partie de ce qu'on fera cet après-midi. 

Je remercie toutes celles et ceux qui sont là aussi pour permettre ce sommet qui mobilisera plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement de la région, les organisations internationales et que nous poursuivrons l'effort lors du sommet pour le nouveau partenariat Sud-Nord qui se tiendra le 23 juin prochain en France. 

Alors, au-delà de ce sommet, c'est évidemment la relation entre nos deux pays que nous venons ici célébrer, reconnaître et consolider. Cette relation, elle est ancienne ; et une partie de notre histoire de France s'est aussi écrite et scellée ici. 

Nous nous trouvons sur ce qui a été le premier territoire de la France libre du général de Gaulle, et le Gabon est le premier endroit où les Français de la France libre se sont battus contre les forces du régime de Vichy. Le Gabon a donné pour la France les meilleurs de ses fils. Et permettez-moi d’avoir une pensée émue pour le Capitaine N’Tchoréré qui a donné sa vie pour la France, qui restera pour nous un des plus forts symboles du courage et de la dignité face à la barbarie nazie et le ministre des Armées lui rendra hommage cet après-midi. 

Notre histoire ici au Gabon, ne nous le cachons pas, c'est aussi celle de la Françafrique. Et cet âge de la Françafrique est bien révolu. Mais j'ai parfois le sentiment que les mentalités n'évoluent pas au même rythme que nous quand je lis, j'entends, je vois que l'on prête encore à la France des intentions qu'elle n'a pas, qu'elle n’a plus. On semble encore aussi attendre d'elle des positionnements qu'elle se refuse à prendre et je l'assume totalement. 

C'est pourquoi je préfère être très clair et explicite en vous retrouvant aujourd'hui au Gabon comme ailleurs. La France est un interlocuteur neutre, qui parle à tout le monde et dont le rôle n'est pas d'interférer dans des échéances de politique intérieure. Et donc, si je suis au milieu de vous aujourd'hui, avec le plaisir de vous retrouver, c'est précisément pour bâtir un partenariat équilibré sur les sujets de climat et de biodiversité, sur les sujets économiques, industriels, etc., de défendre nos intérêts, de porter des causes communes. Mais je ne suis venu investir personne. Je ne suis venu témoigner que mon amitié et ma considération à un pays et un peuple frère. 

Mes chers compatriotes, chers amis, nous savons à quel point entre le Gabon et la France, ces liens sont puissants, dynamiques, passionnés, créatifs, innovants, entreprenants et en constante recomposition. Et vous êtes les premiers artisans de cette relation. Vos représentants de proximité, les conseillers consulaires qui sont avec nous aujourd'hui et dont je veux saluer le rôle, ainsi que vos élus à l'Assemblée nationale et au Sénat, portent votre voix et défendent vos intérêts au quotidien. 

Parmi vous, certains sont issus, je le sais, de familles installées depuis longtemps. Nombreux sont ceux qui sont également binationaux et vous illustrez ainsi cet attachement, votre attachement profond à nos deux pays. 

Je crois profondément en la force de ces liens que vous représentez. Ce sont des liens économiques, des partenariats positifs des deux côtés. Et ici plus qu'ailleurs, les entreprises françaises issues de la communauté d'affaires françaises jouent un rôle de premier plan. Vous employez directement ou indirectement le quart des travailleurs du secteur formel privé dans ce pays. Vous investissez fortement pour le développement du Gabon. Aujourd'hui, vous financez, par exemple, la première autoroute du pays, les deux plus gros projets de barrages, la rénovation du chemin de fer et construisez le premier terminal de liquéfaction de GNL. 

Et donc, des hydrocarbures aux infrastructures, la présence de nos entreprises, de ce que vous représentez, de la communauté est absolument clé. Vous investissez également pour accompagner le Gabon à se maintenir au sommet mondial de la production de manganèse, un des métaux ô combien importants de la transition énergétique. Entreprises citoyennes, vous contribuez aussi aux ressources fiscales de l'Etat et à travers vos programmes de responsabilité sociale et environnementale, vous êtes parfaitement intégrés dans le tissu économique et social gabonais dont vous êtes des acteurs centraux. Et à cet égard, la récente visite du Medef, la première depuis plus de dix ans, en est une belle illustration. 

Je veux ici vous redire combien l’ambassade, avec les conseillers du commerce extérieur, est à vos côtés. Et notre objectif est de poursuivre ce travail, de l’intensifier, de le renforcer sur des secteurs nouveaux, là aussi que certains d’entre vous portent déjà et que nous voulons développer à travers l’Afrique toute entière. 
La relation historique entre nos deux pays a aussi une dimension très clairement liée à la sécurité et la présence de plusieurs de nos militaires ici même en témoigne. Les éléments français au Gabon, et je salue la présence de leur Commandant parmi nous ce midi, sont présents dans ce pays à la demande des autorités gabonaises dans le cadre d’un traité qui définit notre partenariat de défense. Leurs missions sont accomplies au bénéfice des armées gabonaises mais aussi des autres pays de la région

Ce sont des missions de formation aux enjeux du maintien de la paix, de la lutte contre le terrorisme, contre la piraterie maritime ou, plus récemment, au rétablissement de l'autorité de l'Etat dans la lutte contre les crimes environnementaux. 

Mais à mesure que le monde change, que nos partenariats évoluent, nous devons également nous adapter. C'est pourquoi j'ai eu l'occasion de m'exprimer il y a quelques jours depuis Paris sur ce sujet. J'ai décidé d'une stratégie nouvelle pour l'ensemble de nos bases en Afrique et j'ai demandé au ministre des Armées et au chef de l’'Etat Major des Armées de travailler avec leurs homologues pour adapter nos dispositifs militaires. Il ne s'agit en l'espèce ni d'un retrait ni d'un désengagement, mais d'adapter un dispositif pour qu'il repose sur une reformulation des besoins. Nous avons eu l'occasion d'en parler hier avec le Président et le ministre de manière très claire. Les besoins sont là : la piraterie maritime s'intensifie, l'orpaillage clandestin se multiplie, les crimes environnementaux liés au trafic de stupéfiants dans la région, lié aux mouvements terroristes dans la région du lac Tchad qui menacent la stabilité du pays et tous les efforts qui sont faits. 

Donc il nous faut redéfinir les besoins, adapter notre présence, pas simplement par une présence de forces françaises, mais plus de coopération, plus de formation, ici, en France, au niveau régional, plus de présence de militaires gabonais et régionaux sur nos bases pour mieux partager et cogérer ces bases militaires et avoir en quelque sorte une stratégie militaire au service de cette philosophie et pas un dispositif posé comme nous en avions historiquement. C'est donc ce que nous allons construire dans les prochains mois : plus former, plus équiper, cogérer, parfois avoir une stratégie régionale, dans l’optique de répondre aux besoins contemporains. 

L'avenir de la relation entre nos deux pays, c'est également la jeunesse gabonaise. Elle a déjà démontré sa force et sa vitalité en amont du sommet One Forest, un forum rassemblant près de 300 jeunes pendant deux jours. 

Mais l’entrepreneuriat, l’économie numérique, l’innovation sont des secteurs dont plusieurs d’entre vous portent ces sujets ô combien importants. Ce sont des secteurs, je l'évoquais, très prometteurs au Gabon. Grâce à l'initiative Choose Africa, nous finançons des dizaines de milliers d'entreprises africaines, parfois de très petite taille. À travers Digital Africa, qui est une plateforme que nous avons lancée il y a maintenant près de 5 ans, nous soutenons les projets d'innovation de start-up africaines. Notre volonté est d'intensifier cet effort en aidant les entrepreneuses et les entrepreneurs gabonais, mais aussi de la région, parfois les binationaux, à travailler ensemble, à se développer, pas simplement à l'échelle du pays, mais de la sous-région. Nous cherchons également à multiplier les liens à travers tout le continent et à nous aider en quelque sorte à fertiliser cet entrepreneuriat africain, parfois aussi porté par les diasporas depuis la France afin de créer des opportunités nouvelles. 

C'est la même chose que nous voulons faire en matière culturelle avec les industries culturelles et créatives, qui sont un formidable réservoir de croissance. Je veux ici remercier les jeunes du comité de suivi du nouveau sommet Afrique France, ici au Gabon, qui a été force de proposition à nos côtés sur ces questions notamment celle de l'employabilité. Cette jeunesse, vous l'avez compris, je souhaite que nous soyons encore davantage à ses côtés pour libérer ses énergies, parce qu'elle sera aussi celle qui permettra de rebâtir les termes nouveaux d'un partenariat entre l'Afrique et la France, entre l'Europe et l'Afrique. C'est pourquoi je suis aussi très fier que l'Agence française de développement, ici même, a son plus grand projet d'éducation au monde. Ce qui montre d'abord la force et les investissements accrus que nous avons décidés. Le gouvernement et le Parlement ont décidé une ré-augmentation historique de notre aide publique au développement et de notre investissement solidaire il y a maintenant un peu plus de deux ans et nous le déployons, notamment dans le champ prioritaire de l’éducation. Et ici, le pays est fer de lance. 

Cet engagement éducatif, s’incarne aussi dans les deux établissements d'excellence de l’AEFE, le lycée Blaise Pascal et celui de Port-Gentil. Mais ce sont aussi les 11 établissements homologués au Gabon et en particulier la formule des écoles publiques conventionnées qui est le fruit d'un partenariat unique entre nos deux pays, qui fait que des écoles primaires gabonaises suivent le programme de l'éducation nationale française. C'est une force et nous allons continuer de renforcer cette méthode grâce à tout ce qu'elle permet de produire. A travers ce réseau exceptionnel d'établissements français à l'étranger, nous assurons une éducation de qualité à nos enfants, mais nous permettons aussi de faire rayonner les méthodes pédagogiques françaises, la langue française, ce qui est à la fois bon pour l’éducation des jeunesses africaines, et en particulier gabonaise, mais ce qui permet aussi de créer une intimité sur le plan économique, sur le plan stratégique, avec toutes les vertus que nous connaissons à cette méthode. 

Je veux ici donc remercier vraiment toutes celles et ceux qui y contribuent et les équipes de ces établissements au Gabon qui font un travail absolument remarquable. Je sais également que nos partenariats universitaires et scientifiques sont denses. Nos ministres de l'Enseignement supérieur, qui sont venus aujourd'hui pour approfondir ce sujet, en témoignent. Le ministre signera justement des partenariats, j'évoquais le CIRAD, il y en a beaucoup d'autres. Nous n'avons en France jamais accueilli autant d'étudiants étrangers. Et quand on a changé la méthode, j'ai été souvent décrié. Mais il se trouve que nous avons 400 000 étudiants étrangers en France, la barre a été franchie l'an dernier. Et parmi eux, 5 700 étudiants gabonais, ce qui, là aussi, est un record qui montre la vitalité de ces partenariats. 

Mais ce qu'on veut faire, c'est aussi renforcer l'offre éducative et l'offre en formation professionnelle et en enseignement supérieur ici. Et j'ai toujours défendu cette philosophie, les liens ne doivent pas être des substituts. On ne doit pas expliquer à la jeunesse gabonaise ou provenant d'autres pays africains que dès que vous voulez rentrer dans le supérieur, il faut quitter le continent. Non, on doit renforcer nos offres en matière de supérieur, en matière de formation professionnelle sur le plan agricole, sur le plan de l'économie de la mer, sur le plan des métiers forestiers par exemple. C'est ce qu'on va faire dans les prochains mois et prochaines années. Mais on doit permettre aussi sur les cycles, en particulier universitaires, dans certaines disciplines ou au-delà du premier cycle, d'avoir des coopérations et de permettre à des étudiants de rejoindre la France. 

Mes chers compatriotes, mes chers amis, vous le voyez, nous avons encore plein de beaux défis qui reposent sur la force de tout ce qui a été fait, de votre communauté qui est l'une des plus importantes du continent et qui a cet ancrage historique, à travers nos aides sociales, nos bourses scolaires. L'Ambassade et le Consulat général sont à vos côtés. Nous aidons nos concitoyens les plus vulnérables et les services d'état civil s'efforcent à cet égard d'assurer leur mission au plus proche des Français, où qu'ils soient. Je veux remercier Monsieur l'Ambassadeur et toutes ses équipes. C'est pourquoi, avant de conclure, je suis très heureux aujourd'hui d'inaugurer à vos côtés cette nouvelle ambassade. Ce bâtiment qui, d'ici deux mois, pourra accueillir l'ensemble des équipes et dans lequel vous pourrez, pour beaucoup d'entre vous, travailler. Ce sera la première Ambassade de France à bénéficier du label haute qualité environnementale et avec la certification FSC. Voulue et pensée il y a maintenant plus de 15 ans, réalisée et accélérée ces dernières années. 

Je salue une fois encore M. l’Ambassadeur SIMON : je vous félicite pour l'accomplissement de ce travail qui permettra de regrouper toutes les équipes dans une situation de sécurité et d’efficacité bien supérieures mais aussi avec un geste architectural et une cohérence environnementale qui correspond exactement à ce que nous voulons. Et je souhaite que ce beau bâtiment que l’on doit à l’architecte française, Fabienne BULLE, soit précisément à l'image de notre relation : ancrée dans son temps, tournée vers l'avenir, au service des Français autant que des Gabonais et en réconciliation avec notre planète. Je souhaite en quelque sorte que cette ambassade soit la maison de la France, votre maison, et qu'elle porte aussi tout le sens de cette relation et son universalisme. 

Je voulais donc, pour conclure, vous remercier très profondément pour ce que vous faites, vous remercier pour ce que vous êtes dans votre immense diversité, entrepreneurs, étudiants, retraités, acteurs du développement, employés, chercheurs, fonctionnaires, enseignants, artistes, militaires. Je n'oublie pas à quel point vous portez si profondément, si intimement, si quotidiennement, la relation entre nos deux pays. 

Vive l'amitié entre la France et le Gabon ! Vive la République et vive la France ! 

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