Fait partie du dossier : Déplacement en Afrique centrale.

Les 1er et 2 mars 2023, à Libreville au Gabon se tenait un One Forest Summit. 

Premier Sommet mondial pour la protection des forêts tropicales, il a été co-organisé par la France et le Gabon. De cette rencontre entre chefs d'État, communauté scientifique, jeunesse africaine, chefs d’entreprises, populations autochtones, et dirigeants de l’UNESCO, de l’UICN, du Fonds pour l’environnement mondial et du Fonds vert pour le climat, a découlé le Plan de Libreville.

En bref : 

  • Un accord juste entre les pays forestiers et la communauté internationale, pour concilier ambition environnementale et développement économique.
  • Une initiative phare pour protéger les réserves les plus vitales de carbone et de biodiversité : les Partenariats de conservation positive (PCP), dotés d’un premier budget de 100 millions d’euros, et d’un mécanisme de rémunération des pays exemplaires via des « certificats biodiversité ».
  • Un projet scientifique emblématique, intitulé « One Forest Vision », pour mesurer la balance nette de séquestration du carbone et cartographier à l’arbre près les réserves les plus vitales de carbone et de biodiversité d’Amazonie, d’Afrique et d’Asie dans les cinq prochaines années.
  • Une stratégie des chefs d’entreprises des trois bassins forestiers « 10by30 » visant à créer 10 millions d’emplois d’ici 2030 dans les activités liées à l’exploitation durable des forêts tropicales, et une série de premiers engagements concrets des entreprises. 

Pour en apprendre davantage :

Revoir le Sommet :

2 mars 2023 - Seul le prononcé fait foi

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Propos conclusifs du Président de la République.

Merci beaucoup.

Monsieur le Président,

Une fois encore mesdames et messieurs,

Je voulais d’abord remercier, vous remercier d’avoir ainsi animé nos travaux. Bravo à vous. Vous pouvez l’applaudir. Merci Asha. Et je souhaitais vraiment remercier l’ensemble de nos panélistes et tous nos experts, acteurs, etc. qui ont à la fois partagé leur expérience, leur ambition, qui ont permis aussi de nous interpeller, j’y reviendrai.

Je crois qu’il y a maintenant un consensus très établi. Les chiffres ont été donnés. Les scientifiques sont intervenus sur la nécessité d’agir et le consensus est là, sur ce que représente, l'ensemble, justement, de nos forêts tropicales et forêts primaires. Sur l'enjeu que c'est aujourd'hui et le risque qu’on court à ne pas les protéger demain. Et si je reprends les derniers chiffres de 2021, juste là, chaque année, c'est quatre millions d'hectares qui sont perdus au sein des forêts primaires tropicales qui stockent le plus de carbone et de biodiversité à l'échelle de la planète.

C'est 2,5 gigatonnes d'émissions de CO2 en plus, soit l'équivalent d'une année d'émissions fossiles d'un pays émergent de la taille de l'Inde. Donc on voit en plus le coût d'opportunité. Donc, si on veut éviter la catastrophe climatique et plusieurs de nos chercheurs l'ont très bien redit, on voit l'urgence d'agir pour protéger nos forêts, de mettre un terme à la déforestation.

Urgent aussi, parce qu'on a vu le lien qu'il y avait entre le végétal et l'animal, de ne plus décimer les grands singes ou les éléphants qui tiennent avec eux ces écosystèmes forestiers. Ça m'a été là aussi très bien expliqué ce matin.

Alors pour agir vite, on a déjà pris des engagements. C'est la bonne nouvelle. Donc on n'a pas besoin de faire des grands engagements aujourd'hui parce qu'il y a déjà eu Glasgow. On s'est engagé à arrêter, inverser la déforestation d'ici 2030. Et il y a eu Montréal, la COP 15. On s'est engagé à protéger 30 % de la nature d'ici 2030. Donc j'ai envie de dire qu’il n'y a pas besoin d'engagement de Libreville, c'est la bonne nouvelle. Il y a besoin d'un plan d'action de Libreville.

J'ai entendu les interpellations de Tamarah et Hindou tout à l'heure. Mesdames, merci beaucoup. Je crois qu'on a tous compris qu'il fallait le cash sur la table et les actions concrètes maintenant tout de suite, avec enthousiasme et impatience. Cher Lionel, c'est le “en même temps” de Libreville.

Alors d'abord, je voudrais essayer de récapituler la philosophie qui nous rassemble tous. Derrière le combat pour la protection des forêts, plus largement de la nature, il y a cette question de confiance. Ça a été très bien dit tout à l'heure. Et au fond, ce qu'il faut, c'est un accord juste entre la communauté internationale qui, légitimement, s'intéresse à la protection des grands puits de carbone et les pays forestiers et avec eux, les populations locales, les populations autochtones qui sont là depuis des siècles, voire des millénaires, et qui savent faire et qui veulent aussi réussir leur développement économique. Et c'est ça la base de cet accord juste.

Je pense à ce qu’il faut poser, à nous écouter tous et toutes au premier plan. Et il me semble qu'il y a trois fondamentaux derrière ces accords justes qu'on peut passer. Premièrement, la communauté internationale n'est pas fondée à exiger en quelque sorte la mise sous cloche des forêts tropicales. Et qu'il s'agisse du Congo, du bassin du Congo, de l'Amazonie ou des forêts asiatiques, elles ne peuvent pas devenir des grands parcs nationaux en totalité qui sont interdits à l'homme.

Et donc, très clairement, on doit aussi se regarder nous-mêmes. Dans l’Union européenne, -les chiffres d'ailleurs ont été très bien rappelés tout à l'heure-, la forêt produit trois à quatre millions d'emplois. Donc ces grandes forêts peuvent produire avec une gestion harmonieuse, raisonnée, maîtrisée, plusieurs millions d'emplois. Et elles peuvent aussi, et c'est tout le travail qui doit être fait, permettre de sortir de l'économie informelle pour aller vers une économie à plus grande valeur ajoutée. Parce qu'il faut respecter les peuples autochtones et le savoir de votre grand-mère ou de votre tante Hindou, mais il faut leur permettre de sortir bien souvent de ce dans quoi elles ont vécu, et avant elles leurs propres mères et grand-mères, qui est une économie informelle insuffisamment rémunérée, pour aller vers des modèles que vous nous décrivez pour Veja et que d'autres font, qui est de bien rémunérer ses services et les services adjacents et donc d'avoir des emplois stables et reconnus.

Et donc, une forêt protégée qui maintient, voire qui augmente, son taux de séquestration du carbone, ce n'est pas uniquement une forêt fermée à l'homme, c'est une forêt exploitée durablement et justement rémunérée. Ça, c'est le premier terme.

Le deuxième, je viens de l'évoquer. Protéger la forêt n'est pas contraire aux intérêts économiques des pays forestiers. C'est même tout l'inverse. Ils sont les premiers intéressés et on a très bien décrit, d'ailleurs, les revenus tirés des forêts du bassin du Congo estimés aujourd'hui à 450 millions de dollars, qui pourraient augmenter drastiquement en exploitant les opportunités extraordinaires de transformation locale de bioéconomie avec des mesures comme celle que vous avez commencé à prendre, Président, ici-même.

Et puis, troisième point, certaines réserves vitales de carbone et de biodiversité, par exemple les mangroves, les tourbières, certaines zones très protégées avec des espèces particulières et le ministre me le rappelait ce matin, méritent là un niveau de protection plus élevé parce que leur dégradation aurait des conséquences irrémédiables pour la régulation du climat ou parce que pour des raisons d'écosystèmes, il faut le faire. Et donc là, il est légitime que ces pays gardent intacts et nous demandent une rémunération pour les services écosystémiques qui sont rendus par cette super protection.

Et donc il faut accepter là aussi d'avoir des réponses qui sont un peu différenciées selon l'analyse scientifique qui est faite. Si on vous a bien le suivi de ces différents écosystèmes, il y en a qu'on va protéger totalement. Il y en a qu'on peut exploiter de manière soutenable et durable et on doit réussir à en dégager des revenus, des emplois durables et bien rémunérés dans ces pays. Ça, c'est la philosophie de ces accords justes, il me semble, qui nous rassemble et qui découle à la fois de l’expertise accumulée ces dernières années et des discussions d’aujourd’hui.

Alors, pour y arriver, si on se donne un cap, il me semble que c’est replacer le capital naturel au cœur de nos économies. Et la question centrale c’est comment justement on replace le capital naturel qu’on a tous évoqué, au cœur de différents modèles et autrement dit comment on passe d’une économie qui tend à, au fond, mal évaluer le carbone parce que c’est ce qu’on est en train de faire collectivement, j’y reviendrai, qui n’évalue pas ou sous-évalue la biodiversité et donc, qui conduit à la dégrader, à une économie qui redonne toute sa valeur au trésor naturel et qui garantisse la stabilité de la planète. Et c’est ça au fond le grand chantier transformationnel qu’on a à faire.

Alors, le premier temps c’est celui de l’engagement politique. Celui-là, j’ai dit, déjà fait. COP15 Montréal avec les 30 % et ce qu'on a pris à Glasgow. Il y a une alliance qui est très importante et je veux ici en rappeler l'importance à toutes et tous. C'est la Coalition pour la haute ambition pour la nature et les peuples qui permet justement d'engager chaque pays derrière ces objectifs. Et donc on a besoin que tous les pays représentés rejoignent cette alliance.

Ensuite, on a besoin pour concrétiser cet engagement politique — c'est au fond ça qui a été dit : on a des grands mécanismes internationaux, on a beaucoup de choses qui existent, mais la difficulté, c'est que, ça a été très bien dit, l'action est hyper locale, les mécanismes sont totalement globaux, internationaux et multilatéraux et donc il manque une étape. C'est celle d'engagements concrets, de contrats politiques avec les pays, avec des objectifs clairs qui sont fixés par les États forestiers en toute souveraineté, impliquant leurs populations locales, les populations autochtones qui ont cette connaissance, cette expertise, cette légitimité basée sur la science et avec derrière, des étapes qui soient mesurables et justifiables. Et en échange de ces engagements, il nous faudra dégager beaucoup plus de financements.

Alors, il y a une bonne nouvelle, c'est que ça, c'est exactement ce qu'on a fait ces dix-huit derniers mois sur la partie climat, en voyant exactement les mêmes problèmes avec ce qu'on a appelé « les JETP », qui sont donc ces partenariats qu'on a mis en place pour la transition énergétique et qu'on a déployé avec des pays comme l'Afrique du Sud et plusieurs autres. On se donne un objectif, il est porté par le pays, il y a des étapes concrètes et du coup, on mobilise beaucoup plus.

C'est ça qu'on va faire pour la biodiversité. Et c'est le cœur de l'initiative qu'on a lancée avec le Gabon à la COP 27 de Charm el-Cheikh, avec un objectif qui est de bâtir ces Partenariats de Conservation Positive, dite PCP. Alors, ces contrats devront inévitablement reposer sur la science. C'était le premier pilier et donc je remercie à cet égard la communauté scientifique qui a été ici réunie pendant plusieurs jours à Libreville. Et donc, il va y avoir le détail de la feuille de route qui a été travaillée.

Mais d'ores et déjà, on a le One Forest Vision qui est le document que vous avez mis sur la table et qui, je pense, doit être la base de ces contrats pour les pays du bassin du Congo, avec des objectifs très clairs. Ils ont été évoqués tout à l'heure, cartographiés à l'arbre près, les réserves les plus vitales de carbone et de biodiversité. Et donc pour cela, il faut des technologies de pointe satellitaire et autres. On va mettre aussi des financements européens. La France en mettra aussi avec plusieurs entreprises ici présentes. Mais il faut, cela a été très bien dit aussi, des scientifiques et des équipes sur le terrain travaillant d'ailleurs avec les populations pour pouvoir faire ces mesures qui sont des mesures parfois hebdomadaires ou plus, et de faire dans le temps long. Et puis mesurer la balance nette de séquestration des trois bassins forestiers et leur évolution dans le temps. Ça, c'est la première étape, la science. Donc on va mettre le paquet, l'argent, sur ce One Forest Vision. On a un document de référence et il va être précisé dans les prochains jours et semaines avec la road map.

Ensuite, ces contrats devront aussi reposer sur les savoirs et les pratiques locales. Ça a été très bien dit et donc il faut ici l'ancrer dans la méthode. Je me félicite à ce titre du lancement qui a été effectué dans le cadre du sommet d'une coalition sous le patronage du Gabon, de l'Ouganda et de l'Unesco, pour inscrire justement les savoirs traditionnels au sein de la liste du patrimoine de l'humanité d'ici à 2024. Cet engagement, la directrice générale le rappelait, est la clé pour préserver, pour sanctuariser, ces savoir-faire et le fait que nos méthodes seront basées sur ces savoir-faire.

Ces contrats devront évidemment avoir une dimension économique graduée selon le degré de protection qu'on veut avoir et la radicalité de la protection qu'on veut mener sur une base scientifique. Comme je le disais, protéger la nature, c'est commencer par changer les modes de production. Réduire parfois totalement, au moins en partie, la pression sur les écosystèmes. Et donc, je veux vraiment remercier tous les entrepreneuses et entrepreneurs et chefs d'entreprise du Nord comme du Sud qui se sont retrouvés autour du One Forrest Business Forum avec des recommandations très claires et donc qu'il faut appliquer dans ces contrats : mieux exploiter les ressources, mieux rémunérer les populations à travers un modèle centré sur la transformation locale.

Plusieurs annonces ont été faites en ce sens dans le cadre de ce business forum. Avec au fond, un enjeu simple. Nous, on a décidé d'apporter notre contribution en tant qu'Européens. Frans TIMMERMANS était avec nous et a porté beaucoup de ce sujet. On l'a fait aussi en franco-français. On a interdit les produits de déforestation importés. Donc nous, on l'a d'abord fait en France en disant « partout où il y a des productions qui sont le fruit, au fond, de modèles qui sont très brutaux à l'égard des forêts, on dit non, on ne les importera plus ». Puis l'Europe a eu la même approche.

Beaucoup de pays, et je peux le comprendre, sont venus vers nous en disant : “vous êtes d’une brutalité, avec nous, incroyable. Vous nous empêchez de nous développer.” Donc, la contrepartie de cette mesure qui était nécessaire pour protéger nos forêts, c'est que nous, on redouble d'efforts pour aider les pays à qui on dit d’arrêter le mauvais modèle de déforestation. On ne prendra plus qui de telle ou telle matière agricole. Je ne veux pas stigmatiser personne, telle ou telle pratique qui reposait sur de la déforestation non contrôlée. Il faut, en contrepartie, que quand on a une stratégie, donc un contrat qui préserve la forêt ou qui a une approche raisonnée de son exploitation, eh bien on redouble d’effort pour l’aider à structurer des filières sur le terrain et créer de la valeur ajoutée et des emplois. C’est ça le cœur de la stratégie. Et il se trouve que c’est maintenant qu’il y a une petite révolution économique et industrielle qui est en train de se faire, en agroforesterie, en valorisation de toutes les pratiques forestières et de toutes les filières aval et au fond, du biosourcé. Donc, on a besoin aujourd'hui de redoubler d'efforts dans le cadre de ces contrats pour justement bâtir des chaînes de valeur autour de produits biosourcés et à faible impact carbone — ça a été très bien dit dans les exemples tout à l'heure — une économie forestière structurée, derrière du bâtiment et le développement de villes qui reposeront sur une telle approche, et réussir aussi à produire pour l'industrie des matériaux et des composantes biosourcés avec des entreprises qui aideront à le transformer, etc, etc. Donc, c'est cette valeur ajoutée qu'on veut pouvoir développer dans ces contrats.

Puis enfin, il y a la rémunération qui va avec ces contrats. Le contrat ne peut pas aller que dans un sens. Si les pays s'engagent, la communauté a la responsabilité de mettre davantage d'argent. Donc les modèles économiques plus durables doivent être aussi plus rémunérateurs pour les populations et pour les pays. Donc les pays forestiers en voie de développement qui rendent un service à l'humanité en gardant leur forêt intacte ou en reforestant, très légitimement, ils nous disent — et ils ont raison — « on veut être rémunérés pour cela ». Et c'est là aussi tout le sens de l'initiative PCP que nous portons et qu'on installe lors de ce sommet de Libreville. Ce que nous souhaitons mettre en place, c'est vraiment un mécanisme de rémunération pour services écosystémiques rendus en nous inspirant de ce qui a été fait par des entreprises depuis plusieurs années ou par des financiers depuis quelques années.

Et si on regarde les choses, ça a été très bien dit par le dernier panel, on a un modèle qui est défaillant aujourd'hui à deux titres. Premièrement, il est défaillant parce que le marché carbone, qui était initialement pensé pour financer des réductions d'émissions dans le cadre de l'accord de Paris, a dérivé ces dernières années. Il a dérivé sur un marché volontaire. Et dès lors qu'il permet d'échanger de la déforestation évitée sans véritable régulation claire, en manquant de vrais standards suffisamment mordant, si je puis dire, il a déprécié le prix du carbone et il l'a déprécié beaucoup trop, on le sait bien. Ce qui fait qu’aujourd'hui, on a des phénomènes de greenwashing. Le grand risque, si on s'arrête là, c'est qu'il y ait une défiance qui s'installe à l'égard des crédits carbone. Il y a eu plusieurs travaux scientifiques et journalistiques ces derniers temps qui l’ont très bien montré. Donc ça, c'est une défaillance. Il faut qu'on la corrige très vite. Vous l'avez très bien décrite, mais sinon on est à risque.

Et puis notre système est défaillant aussi, parce que paradoxalement, dans ce système, les pays qui ont des stocks intacts et qui souhaitent les préserver n'ont pas de réelles incitations économiques à le faire. Ce qui est un peu absurde parce qu'on a un marché qui ne reconnaît pas à sa juste valeur, la valeur des stocks. Donc on met parfois beaucoup d'argent pour réparer les bêtises qui étaient faites ou pour aller dans le sens inverse mais on ne met pas du tout d'argent pour aider à conserver les trésors qu'on a déjà. Ce qui est un peu absurde. Donc ça, c'est quelque chose qu'on doit corriger. Au fond, l'enjeu qui est le nôtre dans ce système de rémunération qui est encore un travail à bâtir - on n'a pas la réponse aujourd'hui, il faut être assez humble - mais l'enjeu, c'est que nous devons compléter la finance carbone par des mécanismes plus complets qui intègrent la notion de stock, qui marient le carbone et la biodiversité et qui soient plus solides et régulés du côté de la finance biodiversité et carbone. Ça c'est la clé. Il faut que ce soit plus solide, un peu plus dur et plus régulé.

Et donc c'est aussi pour ça que ce sera une entreprise mariant en quelque sorte les deux COP. Parce que ma conviction profonde, c'est qu'on ne peut plus séparer le sujet carbone et climat du sujet biodiversité. Ils sont complètement jumeaux et on l'a bien vu dans les discussions d'aujourd'hui. Alors comment faire ? Donc je l’ai dit, on n'a pas toutes les réponses aujourd'hui. Mais l'initiative PCP sur cette partie rémunération, c'est une première expérimentation. Et sur la base des engagements politiques des pays, l'objectif, c'est de permettre demain la création de « certificats biodiversité » qui pourront ainsi attester des politiques exemplaires des pays qui protègent leurs stocks vitaux de carbone et de biodiversité et être échangés soit avec des États souverains, soit avec le secteur privé au titre de contribution à la protection de la nature. Donc là, on va avoir, à travers ces contrats, des mécanismes assez qualitatifs. C'est plus simple que des critères universels et uniques. Ça ne se substitue pas. Mais on va avoir ces mécanismes de certificat qui vont permettre des échanges et des engagements monétaires et c'est ce qui permettra de mettre plus d'argent et de les rémunérer.

Au fond, vous l'avez compris, ce que nous proposons à Libreville, c'est plus d'engagement politique des pays et en échange, plus de financements. Alors pour délivrer rapidement des premiers résultats - parce que j'ai entendu, « cash sur la table » - on a pris ici quelques décisions. D'abord, nous allons mettre 100 millions d'euros additionnels à disposition des pays qui souhaitent accélérer leur stratégie de protection des réserves vitales de carbone et de biodiversité dans le cadre des Partenariats de conservation positives. Donc, dans le cadre de ces Partenariats de conservation positive, on va mettre au moins ces 100 millions. Ils viennent en plus de tout ce qui a été fait. Mais là, c'est très vite, très rapide, c'est traçable puisque ce sont la fondation Walton pour 20 millions d'euros, Conservation International pour 30 millions d'euros, et la France mettra 50 millions d'euros. Tous les autres sont les bienvenus. Mais l’engagement qu’on a c’est aller très vite, s’accrocher aux engagements objectivables des pays.

On veut débloquer rapidement ces financements pour développer l'analyse scientifique dont nous avons besoin, parce que c'est la base, je l'ai dit, et pour accompagner ce qui est déjà mature dans le cadre de ces partenariats. Une partie de ces financements viendra aussi renforcer l'initiative pour les forêts d'Afrique centrale, pour laquelle la France doublera sa contribution annuelle. Et je souhaite qu'à travers cette initiative, on puisse faire un effort particulier pour soutenir les pays africains qui s'engagent donc à protéger leurs stocks de forêts, et qui ont appelé la communauté internationale à Libreville à les aider davantage.

Ensuite, on va opérationnaliser les recommandations faites par le Fonds pour l'environnement mondial sur les certificats de biodiversité. Et là, je veux remercier à nouveau Carlos MANUEL et le FEM pour le rapport qui a été préparé après la COP27. Donc c'était ce qu'on avait demandé à Charm el-Cheikh ensemble, on a besoin d'un rapport, d'avancer sur la méthode, il a été rendu. On voit qu'on avance bien. Maintenant, il y a encore du travail, vous l'avez très bien dit tout à l'heure. La France et le Royaume-Uni piloteront une coalition sur le sujet avec l'appui du Fonds pour l'environnement mondial et tous les partenaires qui souhaitent travailler avec nous. Et l'idée, c'est que d'ici à la fin de l'année, on puisse finaliser une méthodologie unique et qu'au-delà de nos PCP, on ait vraiment une méthodologie sur ces, justement sur cette approche universelle des certificats de biodiversité qui nous permettent d'avancer.

Mais en même temps, on doit être lucide. Il nous faut accélérer les déboursements. Hier, j'étais encore avec le Président. La première question que son ministre nous a posée, c'est : « on a eu très peu d'argent par rapport à ce que vous nous avez demandé ». Donc c'est vrai que j'ai toujours cette question-là et je sais que beaucoup des ministres ou autres, à chaque fois que je les vois, nous disent : « ne prenez pas de nouveaux engagements, il nous faut l'argent ». Donc nous, on le fait ensemble, on va le faire et on sera là pour débourser notre part bilatérale. Mais on a besoin d'accélérer les sorties de crédits et le déboursement très concret pour être crédible sur tous ces projets.

Pour conclure, les prochaines étapes parce qu'on est là pour avancer - et je l'ai dit, comme ce n'est pas un sommet de déclaration ou d'ambition, on prend des engagements, une méthode, celle que je viens d'essayer de récapituler - mais du coup, il faut prendre des rendez-vous. Donc l'ensemble de ces engagements pose les jalons de ces accords justes, ce que j'essayais de décrire, qui remet le capital naturel au centre et qui nous permet de fixer un cap pour l'action. Prochaine étape, on aura le 23 juin prochain à Paris, un sommet sur le Nouveau Pacte financier Sud-Nord. Ça doit être l'occasion de faire un point d'étape sur nos engagements et en particulier la partie financière. Cher Lionel, sur ce qui a été dit, et merci pour le fonds de 2 milliards, c'est exactement le cœur de la philosophie qu'on travaille depuis deux ans avec le FMI et d'autres qui est dérisquer les économies, en particulier les économies africaines, pour permettre aux liquidités et aux financements privés d'aller sur ces sujets.

On a, au fond - ça a été très bien et tout à l'heure - sur la lutte contre les inégalités et le climat, exactement le même problème. Des tas de gens nous disent : « c'est super, on est prêt à mettre de l'argent », mais ils ne veulent pas en mettre parce qu'il y a des risques pays qui demeurent et parce qu'en quelque sorte on n'arrive pas à avoir des mécanismes de garanties. Donc, il y a un énorme fossé entre l'argent public sous forme de subventions et les financements privés qui peuvent arriver, qui sont tous les pays, toutes les zones de pays qui sont à peu près tous les vôtres, qui sont trop riches pour avoir que de la subvention et où il y a encore trop de risques pays pour pouvoir avoir suffisamment de capitaux privés. Et là il faut qu'on mobilise. Pour moi, c'est au cœur de ce qu'on doit faire le 23 juin prochain. Public, privé, organisations internationales, et c'est au cœur de la réforme de la Banque mondiale qui doit être accélérée et sur laquelle on travaille avec les États-Unis d'Amérique et quelques autres ; du réengagement du FMI, et la directrice générale fait un travail formidable sur ce sujet et des partenaires privés, c'est qu'on doit réussir à mettre en place des mécanismes pour combler cette faille de marché qui, sinon, ne nous permettra pas d'avoir un maximum de crédits sur les sujets biodiversité et climat. Ça, c'est le 23 juin.

Ensuite, on aura la COP28 à Dubaï, où donc le Premier ministre de Papouasie-Nouvelle-Guinée viendra avec moi directement - on ira tous les deux ensemble, mon ami - pour bâtir une stratégie parce qu'on le fait ensemble dans toute la région Indo-Pacifique et évidemment plus spécifiquement Océanie, Mélanésie et autres. Il fait un travail formidable. Donc on ira à la COP28 et là, il nous faudra tirer les premiers résultats de cette stratégie, et je pense qu'il faut se donner, au moment de la COP, l'objectif de pouvoir signer les premiers contrats pays pour justement cette conservation positive et faire un point sur les crédits biodiversité suite au rapport qui a été remis aujourd'hui. Voilà les deux étapes qu’on a, rien que pour cette année. Ce qui veut dire qu'on peut début mars, se dire rendez-vous en juin et rendez-vous en décembre.

Puis, je pense qu'il nous faut faire de manière très, je dirai, pragmatique, mais organiser un One Forest Summit chaque année peut-être en tournant entre les pays de la région, puis en tournant vers d'autres régions, il faut aller en Amazonie, en Asie. Et de faire un point d'étape à chaque fois de la méthode, des contrats signés, des résultats obtenus, de ce qui marche, de ce qui ne marche pas pour, aussi continuer à être interpellé sur l'argent qui n'arrive pas ou les impatiences qui s'expriment légitimement. Donc avec ça, il faut des clauses de rendez-vous pour qu'on puisse rendre compte des engagements qu'on prend aujourd'hui.

Voilà, j'ai déjà été trop long, je ne le serai pas davantage. Mais vous l'avez compris, il y a une vision scientifique à Libreville, c'est le boulot que vous avez fait. Mais il y a surtout une coalition d’acteurs et un plan d'action accéléré pour pouvoir accompagner, investir aux côtés des pays et des États forestiers qui ont déjà fait un travail formidable. Je ne dis pas aider parce qu'ils n'ont pas besoin de notre aide, ils ont déjà fait beaucoup. Et je ne dis pas aider parce que ce sont eux qui nous aident dans la bataille pour la biodiversité et contre le dérèglement climatique. Je dis donc : Investir en partenaire pour réussir. Merci à toutes et à tous.

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