Avec le décès de Maria Nowak, la France perd une économiste d’exception, qui avait dédié son intelligence et ses forces au combat contre la pauvreté, et avait fait du microcrédit le fer de lance d’une finance plus juste et plus inclusive. 

Née en 1935 dans la ville de Lviv, aujourd’hui ukrainienne, alors polonaise, elle avait quatre ans à peine quand son pays fut envahi par les troupes soviétiques puis allemandes.

Parce que sa famille s’était engagée dans la résistance contre les nazis, l’enfant vit sa maison incendiée par l’occupant, son père, sa mère et sa sœur emmenés en déportation, ses deux cousins adolescents tués pendant l’insurrection de Varsovie. Maria passa d’un foyer d’accueil à l’autre, et ne retrouva l’espoir qu’avec l’exil, lorsque la fin de la guerre sonna la libération de ses parents. Persona non grata à Lviv, où le régime soviétique voyait d’un mauvais œil son passé résistant, la famille Nowak s’installa à Paris, rue des Écoles, sans ressources, et sans parler un mot de français. Aussi les premières années parisiennes furent-elles difficiles ; mais la jeune fille obtint une bourse, qui lui permit d’étudier à Sciences Po Paris et à la London School of Economics.

Elle dont l’enfance avait été assombrie par la précarité dédia sa vie à la combattre. Après son voyage d’études en Guinée et sa thèse sur l’économie rurale, elle fit ses armes à la Caisse centrale de coopération économique, future Agence française de développement.

C’est alors qu’elle fait une rencontre décisive, celle de Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank au Bangladesh et « banquier des pauvres », qui recevra en 2006 le prix Nobel de la paix. Maria Nowak en est convaincue : ce système de micro-crédits à grande échelle a toute sa place en France. En 1989, elle fonde l'Adie, l’association pour le droit à l'initiative économique, pour permettre aux exclus du système bancaire traditionnel, allocataires des minima sociaux et chômeurs, de créer leur propre entreprise grâce au microcrédit accompagné. Deux ans plus tard, elle est détachée à la Banque mondiale à Washington pour élargir ce système à toute l’Europe centrale. Consciente qu’un prêt, même modeste, peut ouvrir des portes, redessiner des trajectoires, redonner des perspectives d’avenir, elle fonde et préside deux réseaux de microfinance : le Centre de la Microfinance (1996), pour l’Europe et l’Asie Centrale, et le Réseau Européen de la Microfinance (2003) qui couvre les pays membres de l’Union européenne.

Pour elle, la notion de capital comportait trois volets, « humain, naturel et financier », et il n’était pas question de rogner sur les deux premiers au profit du troisième. Elle porta cette conviction sa vie durant, y compris au ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, comme conseillère spéciale de Laurent Fabius de 2000 à 2002. 

Le Président de la République salue la carrière d’une femme de cœur et de tête qui fit vivre l’égalité des chances dans le secteur de la finance, et déjoua les déterminismes économiques et sociaux. Il adresse à ses proches ses condoléances sincères, ainsi qu’à tous ceux auxquels elle donna un jour les moyens concrets de réaliser leur rêve. 

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