Avec Jean Teulé s’éteint l’un de nos auteurs les plus populaires. De bandes-dessinées en romans, il nous entrainait sur les chemins de la poésie et de l’histoire qu’il aplanissait par sa verve de conteur et pavait de son humour.  

L’écrivain aux centaines de milliers de tirages avait grandi à Arcueil, dans une famille où les livres étaient rares. Dans ce foyer d’ardents communistes, Vaillant et Pif Gadget étaient les seules bandes-dessinées à avoir droit d’étagères, et celui qui devait plus tard renouveler le neuvième art n’avait jamais lu un Tintin avant ses vingt ans.

Face aux mauvais résultats scolaires de Jean, ses enseignants le poussaient vers un domaine qui ne l’intéressait pas, la mécanique automobile. Son orientation se joua à une rencontre plus profonde que les autres, comme l’école en offre parfois :  celle de son professeur d’art, qui avait remarqué son coup de crayon, et qui le persuada que le dessin pouvait infléchir son destin. 

Grâce à ce regard d’estime posé sur lui à un moment décisif, Teulé réussit le concours de l’école d’art de la rue Madame et se fraya une place à l’Écho des Savanes en 1978. Il y imposa son style propre, à partir de photos qu’il retravaillait, colorait, hachurait, gommait. Pour la revue Zéro, il signa des reportages sur des hommes et des femmes doucement fêlés ou parfaitement loufoques, rassemblés dans deux albums teintés de cruauté et de tendresse à la fois, Gens de France en 1988 et Gens d'ailleurs en 1990. 

Le prix qu’il reçut au festival d'Angoulême pour sa « contribution exceptionnelle au renouvellement du genre de la bande dessinée » le fit frissonner comme un hommage posthume ; il préféra tirer un trait sur les cases et les bulles. On le vit un temps sur les plateaux d’émissions télévisées culturelles. Puis, repassant à sa table de travail, troquant les crayons pour la plume, il se mit au roman. Tout l’inspirait : les quotidiens ordinaires dans lesquels il décelait l’extraordinaire, l’histoire, avec Le Montespan ou tout récemment Azincourt par temps de pluie, ou les trésors de notre littérature. Rainbow pour Rimbaud, Ô Verlaine !, Je, François Villon et CrénomBaudelaire ! se ressentent de cette ivresse qu’il éprouva, adolescent, quand les chansons de Léo Ferré lui ouvrirent grand les portes de la poésie. À son tour il fut un passeur, distillant sa vision rieuse de l’existence à travers les vers et les siècles.

Le Président de la République et son épouse saluent un écrivain triplement doué pour la bande-dessinée, la télévision et la littérature, qui nous lègue des histoires pleines de fantaisie et de lucidité. Ils adressent à sa compagne Miou-Miou, à sa famille, ses proches, et ses lecteurs, leurs condoléances émues. 
 

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