Le Président de la République Emmanuel Macron s'est rendu à Pau à l’occasion de l’inauguration du Foirail, centre culturel pluridisciplinaire dédié au cinéma Art et Essai, à la musique et au spectacle vivant. 

Revoir le discours conjoint du Président et du maire de Pau François Bayrou : 

30 septembre 2022 - Seul le prononcé fait foi

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Discours du Président de la République à l’occasion de l’inauguration du Foirail à Pau.

Madame la ministre, 
Mesdames et Messieurs les parlementaires, 
Merci Monsieur le maire,
Monsieur le ministre, 
Monsieur le président du conseil départemental,
Madame la représentante du président du conseil régional, 
Madame la préfète de région. 
Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités. Je suis très heureux, je peux le dire avec beaucoup de spontanéité et de sincérité, d'être avec vous ce matin. Je suis très heureux d'être là parce que c'est un moment heureux, celui où l'on découvre le fruit d'un travail de plusieurs années de projets qui pouvaient paraître insensés. Je suis très heureux parce que parler de culture et de tout ce que cela signifie dans une actualité si chargée, c’est une occasion rare, et un moment qui prend tout son sens. J'essaierai d'y revenir. 

Je suis très heureux, parce que je crois que l'une des fonctions du Président de la République est de pouvoir, quelquefois par sa présence et ses mots, dire la reconnaissance du pays pour ce que font des femmes et des hommes sur notre sol pour changer la vie. En étant là aujourd'hui, je veux vous dire l'importance de ce que vous avez fait, de ce qu'aujourd'hui nous faisons advenir en inaugurant ce lieu, et surtout de ce que vous allez y faire. Je m'inscris dans les pas de Monsieur le maire pour féliciter tous les acteurs. Et en effet, vous en avez ici rappelé l'importance, avec les trois salles de cinéma, cette salle de 600 places, ce lieu est ainsi transformé pour en faire un espace culturel avec l'orchestre, le cinéma Le Méliès, la scène Espaces Pluriels, le jazz, le théâtre, tous ici rassemblés. 

Je le dis devant les jeunes de l’orchestre El Camino qui feront partie de celles et ceux qui auront à faire vivre ce lieu. Parce qu'au fond, et ça rejoint des discussions que j’avais peut-être avec certains d'entre vous avant d'entrer ici, on voudrait toujours nous assigner un camp, on connait ça. Il faudrait choisir. Moi, j'ai choisi de ne pas choisir sur certains sujets, pas par indécision, mais parce que je pense que le choix est idiot. C'est ce fameux « en même temps » que j'ai assumé moi-même d'adopter avec une forme d'ironie, si je puis dire, ou d'autodérision. C'est cela qui nous rassemble aujourd'hui. Il faudrait choisir entre les grandes salles qui seraient réservées à la capitale et puis ce qu'on fait sur notre sol. C'est faux cette opposition. Vous allez ici faire passer les plus grands artistes. Je voyais la programmation tout à l'heure avec la ministre, Monsieur BOUJENAH, Monsieur MAALOUF. Les meilleurs vont venir et vous avez un chef qui est une de nos gloires et qui a rayonné de l'autre côté de l'océan. On me dit, il faudrait choisir entre le local et l'international. Monsieur me dit tout à l'heure : « défendez la culture locale et pas cosmopolite ». J'ai le droit de défendre les deux. Parce que la culture cosmopolite, - je n'adhère pas ce terme d’ailleurs - n’est pas assignée à résidence. 

Il y a ce qui nous bouleverse, il y a d'ailleurs ce qu'on pourrait appeler de la culture locale qui vient du fin fond de la Mauritanie ou du Liban et qui peut me bouleverser même si je ne comprends pas forcément un mot. Vous l'avez parfaitement rappelé, la culture, c'est un accès à l'universel. Et c'est ce qui, précisément, en nous, refuse l'assignation à résidence : « Ah, tu habites là ? Ou tu appartiens à cette classe sociale-là ? Ou tu n'as pas le droit d'accéder à ceci ou cela ». On voudrait opposer, vaste débat, la transmission à la création. Il y a beaucoup de théories. Il ne faudrait pas transmettre pour donner confiance. Non, c'est un lieu que vous allez créer, et où vous allez transmettre des films magnifiques comme celui qu'on a entraperçu dans notre cheminement puisqu'on nous a permis de refréquenter l'espace d'un instant, GABIN, SCHREINER, STROHEIM et quelques autres, pour venir jusqu'à vous. Il n'y a pas de création qui prenne sens et qui ne s'inscrive pas dans une histoire de transmission. Et c'est pourquoi, pour moi, ce lieu symbolise ces passages. 

Vous avez décidé non pas d'inventer quelque chose qui s'inscrivait dans un lieu neuf ayant éradiqué toute chose, mais de réinventer un marché ; un lieu de commerce, de vie au sein de votre ville pour en faire un lieu à nouveau de transmission de culture. Vous l'avez réinventé, et je veux vraiment féliciter avec vous tous, tous les architectes qui ont fait ce travail remarquable parce que vous avez projeté un imaginaire dans un lieu qui avait une histoire et un passé et vous ne l’avez pas effacé et c'est tout le défi de notre pays. Vous savez, on passe notre temps à savoir quelle est notre identité et le je le dis dans des terres ou cette question peut parfois prendre un certain tour. Notre identité, elle ne signe pas une assignation à résidence. Elle ne s'inscrit pas dans une entité, qu'elle soit béarnaise ou basque. Nous sommes un grand récit qui s'inscrit dans des paysages, des mythes profonds et des gens qui ont été, à travers les époques, capables de les réinventer, de les raconter en langue française et dans nos langues. De les réinventer chaque jour sur des formes contemporaines. C'est ça la France. C'est un récit qui continue et c'est une capacité à réinventer le monde et à parler au monde à chaque instant. Pour moi, ce lieu est très important et c'est pourquoi dans ce moment où la guerre revient, où les esprits sont bousculés où le trouble est là, je voulais être parmi vous, pour vous dire que ce que vous avez fait est essentiel et ce que vous allez y faire est essentiel. 

Beaucoup de maires, d'élus ici présents, de proviseurs, d'enseignants qui sont aussi dans cette salle le disaient tout à l'heure : « c'est vous qui allez faire vivre avec les artistes ce lieu ». Je crois à ce mariage de l'éducation et de la culture. Dès cette rentrée, nous avons généralisé le pass Culture auquel je tiens infiniment. Idée folle que nous avions lancée il y a cinq ans en regardant nos voisins italiens et qui va permettre encore davantage à nos enseignants de faire qu'il y aura moins de barrières pour les enfants et les familles quand on leur dit allons tous au théâtre, faisons des sorties culturelles. Le rôle que jouent nos enseignants avec le rôle que jouent les associations culturelles, les orchestres, les compagnies de théâtre, de cirque, de danse, toutes celles et ceux qui font la culture partout sur notre territoire est essentiel parce que c'est la promesse de la République. Ni plus ni moins. C'est celle qui consiste à dire : peu m’importe ton prénom, ton nom, où tu es né, ceci t’est offert, c’est-à-dire la possibilité de partager le rêve d'un autre, toi aussi d'inventer, de jouer d'un instrument qui va te permettre de faire, peut-être dans quelques années, à ton tour, quelques notes de DVORAK, de découvrir une pièce de théâtre, de danser, peut-être, demain d'écrire. 

Et vous savez, c'est su, je viens des Pyrénées, d’à côté pour une partie de moi. Ma grand-mère, qui était de Bagnères-de-Bigorre et vivait dans un petit village pas si loin, est la seule qui n’ait jamais fait des études dans sa famille. Puis elle est partie, c'est comme ça que je suis né, pour ma part, en Picardie. Mais je suis toujours revenu, ici, dans les Pyrénées. C'est une salle de théâtre et un professeur de philosophie qui ont changé sa vie, parce que des portes se sont ouvertes, et des gens ont regardé cette petite fille dont aucun des deux parents ne savait lire et qui, au pied de nos montagnes, pensaient que sa vocation était d'y rester, et lui ont fait découvrir quelques pages de FLAUBERT, du Paul VALERY, les premières pièces de MOLIERE, et tout s'est ouvert. Elle a appris, elle est devenue elle-même enseignante, elle a passé sa vie à faire cela avec d'autres jeunes filles, puis d'autres jeunes garçons. Ce combat est le plus important. Le plus important, c'est celui des âmes et des esprits. Et au moment où la guerre revient, elle se nourrit toujours du rétrécissement des âmes. Elle se nourrit toujours d'une forme d'aspiration au néant, à la négativité. 

La culture, elle, c'est ce qui rend possible, et donc tout ce que vous faites est essentiel parce que vous permettrez à d'autres petites filles, d'autres petits garçons de votre ville ou d'ailleurs, d’où qu'ils viennent, juste de choisir leur vie. Pas de la choisir pour eux parce qu'il n'y a pas un modèle, de ne rien leur dicter, de la choisir. Et c'est ce que nous leur devons : leur permettre d’être libres. Parce que c’est ça notre promesse à tous, d’être émus, d’inventer à leur tour, et d’être au fond ce que MALRAUX quand il ouvrait ces maisons de la culture disait de manière formidable : « La France est une puissance, mais une puissance de rêve et d’imaginaire ». Ne l’oubliez jamais. Cette puissance-là, elle est invincible parce qu’elle a 68 millions d’âmes qui cherchent le beau, le grand, l’ouverture à l’autre, la réinvention, chaque jour. 68 millions d’âmes qui sont fières de leur passé, qui portent leur présent et qui aspirent à des rêves absolument fous comme celui que vous avez conduit ici. Juste pour essayer d’être un peu plus libres, un peu plus égaux et un peu plus fraternels. Pour celles et ceux qui cherchent ce qu’est la France, je crois que c’est beaucoup cela. Alors merci de m’offrir ce moment et merci à toutes et tous pour les mois, les années qui viennent de continuer de faire vivre ce lieu et de le rendre encore plus grand que ces murs par ce que vous y créerez, ce que vous y transmettrez et ce que vous y ferez vivre. 

Vive la République et vive la France !

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