Toute sa vie, il s’était mis en quête de nos origines. Yves Coppens, le grand maître de la paléontologie française, qui exhuma tant de nos ancêtres, découvrit Lucy, et dirigea le musée de l’Homme, s’est éteint à l’âge de 88 ans.

Né en 1934, Yves Coppens grandit sur la presqu’île bretonne de Conleau, encerclé par le mystères des menhirs et des dolmens. Fils d’un physicien et d’une pianiste, il fut longtemps tiraillé entre le monde des sciences et celui des arts. Adolescent, passionné par Bach, il est organiste à l’église Saint-Patern de Vannes, tout en se diagnostiquant très tôt une « archéologite », contractée lorsque son père, démobilisé en 1940, lui rapporte des Ardennes trois gryphées, petits fossiles de mollusques de l’ère secondaire qui eurent sur lui l’effet d’une révélation. 

Moins de deux décennies plus tard, en 1956, celui que ses amis surnommaient « Coco le Fossile » ou « Père la brique » mettait un point final à sa thèse sur les éléphants préhistoriques. Dans le même temps, il se passionnait aussi pour les monstres sacrés du cinéma, devenant pour quelques mois l’assistant d’Agnès Varda. C’est le CNRS, qu’il intègre à 22 ans seulement, qui le somma de choisir entre les fouilles et les films. Aux vertiges des studios cinématographiques, il préféra les vestiges des sites archéologiques, et s’envola en 1960 pour sa première mission en Afrique. 

Yves Coppens ne cessa dès lors de parcourir la terre et de la creuser à la recherche de traces du passé. Du Tchad, où il découvre son premier crâne préhistorique en 1961, il se rend aux Philippines et en Indonésie, en passant par la Mauritanie et l’Éthiopie. C’est là-bas, à Hadar, à l’ouest de l’Omo, en 1967, qu’il exhume avec Maurice Taïeb et Donald Johanson le premier des 52 ossements de Lucy, première représentante d’une espèce alors inconnue, le Paranthropus aethiopicus, ainsi baptisée en l’honneur de la chanson éponyme des Beatles que les trois chercheurs d’os écoutaient en boucle au moment de leur découverte. Une vénérable dame de 3 millions d’années devenue depuis l’australopithèque la plus célèbre au monde, le visage même de nos origines. 

Nommé professeur au Collège de France, où il fut titulaire de la chaire de paléoanthropologie et de préhistoire de 1983 à 2005, Yves Coppens réalisa son rêve dans la foulée, lorsque en 1985 les portes de l’Académie des Sciences s’ouvrirent à son talent. Quand il n’était pas sur le terrain ou ne remplissait pas les amphithéâtres du Quartier Latin, ce pédagogue hors-pair enchainait les conférences et les séminaires aux quatre coins du globe, en passeur passionné qui avait fait sien ce proverbe rapporté de fouilles au Sénégal : « Si tu ne sais plus où tu vas, arrête-toi, et regarde d’où tu viens ».

Le Président de la République salue le parcours de ce pionnier, scandé d’inestimables découvertes qui permirent à la paléontologie française d’éclairer d’une lumière nouvelle les origines de l’humanité tout entière. Il adresse toutes ses condoléances à sa famille et à ses proches.

À consulter également

Voir tous les articles et dossiers