Il avait enluminé les très riches heures de la télévision française en faisant redécouvrir Molière, Marivaux ou Beaumarchais à des millions de Français, tout en inventant des programmes et des formats qui ont façonné l’histoire et le visage de la petite lucarne. Le réalisateur et metteur en scène Marcel Bluwal s'est éteint à l'âge de 96 ans. 

Né à Paris en 1925 de parents juifs polonais, Marcel Bluwal partage son enfance entre des séances de cinéma, des heures de lectures et des soirées d’artistes. Dans l’inconscience de ses dix ans et les espérances du Front populaire, il ne voit pas s’amonceler les nuages dans le ciel français : la montée de l’antisémitisme, l’invasion allemande et la débâcle française, l’Occupation et l’étoile jaune. L’orage qui éclate alors sonne le glas de son enfance : après la rafle du Vel d’Hiv, sa mère et lui doivent se cacher durant plus de deux ans chez son professeur de piano, dans une pièce exiguë qui lui donnera à tout jamais le goût de l’action et de l’aventure dont il fut si longuement privé.

Après la Libération, il fait ses gammes de réalisateur à l’Ecole technique de la photo et du cinéma de la rue Vaugirard, puis entre dans la foulée à la télévision. Tout est encore à inventer et il s’y donne à cœur joie, tournant d’abord quelques émissions pour enfants avant de devenir le maître incontesté des adaptations de chefs-d’œuvre de la littérature et du théâtre. 

Son art atteint un premier sommet avec Dom Juan en 1965. Donnant à Michel Piccoli le rôle-titre et à Claude Brasseur celui de Sganarelle, il estompe les facettes comiques de l’œuvre et en fait saillir les aspérités les plus tranchantes. C’est un requiem qu’orchestre Marcel Bluwal, la cavalcade funeste d’un homme qui veut mourir comme il a vécu, sans dieu ni maître. Suivront un chapelet d’adaptations pleines de panache du Jeu de l’amour et du hasard et de La Double Inconstance de Marivaux, des Frères Karamazov de Dostoïevski ou encore des Misérables de Victor Hugo qui le consacrent hussard noir du petit écran. Donner à comprendre et à aimer au plus grand nombre les plus grandes œuvres : c’est la haute mission qu’il s’était fixée et qu’il a accomplie durant plus de six décennies sur les ondes du service public français, mais aussi sur le grand écran, en signant trois films de cinéma, et sur les planches, en mettant en scène Molière et Cervantès au théâtre, Mozart à l’opéra. 

Marcel Bluwal était aussi un pionnier de ce qu’on appelait jadis le feuilleton et qu’on appelle aujourd’hui la série. Il inaugure ce genre avec L’Inspecteur Leclerc et lui donne déjà ses lettres de noblesse avec Vidocq, l’histoire de ce bagnard devenu policier au début du XIXe siècle, dont les 13 épisodes de 25 minutes ont tenu toute la France en haleine aux premiers mois de 1967.
 
Du film à la série, de l’adaptation à la création, des émissions de variétés aux phénomènes de société comme « L’Ecole des vedettes », « Discorama », « Tête bêche » ou « Si c’était vous », il expérimente tous les formats et modèle de ses mains exigeantes ce média encore neuf. 

En 2008, enfin, il revint sur le petit écran pour réaliser la courte série À droite toute sur la montée de l’extrême droite en France au cœur des années 1930 : il posait alors son regard octogénaire sur ce passé qui l’avait frappé enfant, comme dans un dernier appel à la vigilance lancé aux nouvelles générations. 

Le Président de la République et son épouse saluent un artiste qui a apporté le meilleur de la culture dans des millions de foyers français. À son épouse, Danièle Lebrun, à ses enfants, à tous ceux qui aimaient ses films et ses pièces, ils adressent leurs condoléances les plus respectueuses. 

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