Le Président de la République Emmanuel Macron a dévoilé cette semaine une oeuvre de Daniel Buren en Jardin d'Hiver du Palais de l'Élysée.
En présence de l'artiste, le Président a salué « une oeuvre résolument patriotique, profondément éphémère et éminemment libre », Daniel Buren « créant à nouveau un lieu d'observation de la lumière et poursuivant ce cheminement dans l'histoire de l'art et cette liberté ».
Cette oeuvre, que le public pourra découvrir à l'occasion des Journées du Patrimoine, est installée jusqu'en février 2022.
13 septembre 2021 - Seul le prononcé fait foi
Discours du Président de la République à l’occasion de l’inauguration de l'exposition de Daniel Buren.
Monsieur le Président,
Madame la ministre,
Mesdames Messieurs les ministres,
Mesdames Messieurs,
Merci beaucoup d’être là pour Daniel BUREN et cette exposition « Pavoisé ». Tout a été dit sur l’œuvre à l’instant par Donatien GRAU et merci beaucoup de ces mots.
Tout cela naît d’une idée folle qui n’est pas du tout une idée qui est celle de mon épouse ou de moi-même, je dois rétablir la vérité, c’était une certitude déjà établie de Daniel BUREN - mais comme tous les grands artistes, il finit par vous faire croire que c’est la vôtre. Donc je vais essayer ici de rétablir la vérité : c’est d’abord la sienne. Avec Ora-ïto, ils sont venus un 5 avril dernier, innocemment, pour discuter de la situation, de la vie artistique, de ce qui fait votre quotidien et vos convictions. Il a demandé à cheminer dans les lieux, il est arrivé ici et, l’air de rien, comme souvent avec lui, il a dit « J’ai peut-être une idée ». J’ai compris très vite que les choses étaient déjà écrites et pensées. Puis chaque étape s’est ainsi révélée avec une forme de mécanique précise de la création. Il est ensuite venu, il a ensuite proposé, et comme par hasard, le chiffre tombait juste, ce qui a été rappelé à l’instant, c'est-à-dire ces séries de 4 couvraient parfaitement, parfaitement, ce Jardin d’hiver. Cette idée folle est devenue réalité à travers cette œuvre, ce « Pavoisé ». C’est votre œuvre et nous sommes très heureux et fiers avec mon épouse de vous accueillir aujourd’hui dans ce lieu qui a été réinventé, comme vous le voyez, il y a maintenant plus de 2 ans par Isabelle STANISLAS qui est avec nous ici, et dont je salue le travail dans la Salle des fêtes, le Jardin d’hiver et le Salon Napoléon III, parce que tout cela vient s’inscrire dans un travail profond qui a ici été fait.
Au fond, ce que vous avez su faire, cher Daniel, est aussi je crois un moment qui correspond à la création contemporaine. Je dis que c’est un moment parce que cela correspond à ce que l’on ressent tous et ce que vous avez voulu signifier, qui est un moment à la fois de liberté retrouvée, de besoin de voir le jour et peut-être le retrouver d’une autre façon ; ensuite d’assumer un moment patriotique parce qu’en effet c’est le drapeau, ça a été dit, et le « Pavoisé » signe et assume, si je puis dire, la chose, et de le faire dans cette référence artistique, en effet, au MONET et à La Rue Montorgueil du 30 juin 1878 qui est le moment patriotique et républicain d'avant le 14 juillet retrouvé, mais qui est celui qui signe cette réconciliation de la Nation avec elle-même, avec la République, avec sa stabilité. Par cette référence, je trouve qu’il y a un double clin d'œil parce que vous faites passer du Salon des refusés au Jardin d'hiver, une forme de référence artistique en la mettant au cœur d'un lieu républicain. Alors, je sais qu'il y a une crainte - qu’il n’avouera pas aujourd’hui - qui serait de devenir, ce faisant, une forme d’artiste officiel, ce qui serait peut-être la pire des choses. Mais par cette œuvre et par sa fugacité, je pense que Daniel BUREN signe une œuvre résolument patriotique, profondément éphémère et éminemment libre. Vous êtes dans un lieu de la République, ce Jardin d'hiver, ce Palais de l'Elysée, mais vous l'êtes profondément fugace et libre, créant à nouveau un lieu d'observation de la lumière dont vous avez plusieurs fois parlé et poursuivant ce cheminement dans l'histoire de l'art et cette liberté.
Là où je suis très heureux, en ce moment, de vous accueillir, c’est d’abord que ce lieu va constamment changer en votre présence, par aussi le miroir que Daniel a voulu mettre au bout de cette salle et la démultiplication à l’infini des reflets ; il va changer et il traduit quelque chose de ce que je voudrais que nous puissions réussir à faire collectivement dans le moment que vit la Nation. Nous avons tous résisté pendant ces 18 derniers mois. Je veux vraiment saluer le travail de tous et toutes, parce que vous avez continué à créer et à recevoir au maximum du public à chaque fois que c'était possible, à mener les projets. Je veux saluer le travail de la ministre et de son ministère parce que nous avons continué à accompagner la création avec un effort sans précédent et qui était légitime pour permettre d'aider les artistes comme les institutions. Mais dans ce moment où la vie va reprendre tous ses droits, cette œuvre s'inscrit dans une volonté non seulement de faire de l'Elysée un lieu de la créativité contemporaine, mais de demander à chacune et chacun d'avoir cette part d'insolence, de liberté et de réinvention de notre pays. Parce que je crois que c’est profondément le rôle des artistes.
Nous avions passé une commande à Messieurs KIEFER et DUSAPIN au Panthéon, c'était la première fois qu’on passait une commande depuis plus 100 ans au Panthéon. Ils ont, là aussi, contribué à réinventer ce lieu en faisant rentrer GENEVOIX. Il y a aujourd’hui cette exposition qui va durer plusieurs mois, ici même, et qui est un temps important. Nous aurons ensemble à inaugurer Christo à l’Arc de Triomphe, qui est un projet que l'artiste avait commencé plusieurs années avant de disparaître. Il y a les commandes que nous avons assumées de repasser, cher Bernard, avec « les mondes nouveaux » et ce groupe baroque que vous avez constitué autour de vous, et qui a vocation à assumer, non pas là encore de faire de la commande publique, mais de continuer à faire travailler des artistes de toutes générations pour inventer ces mondes nouveaux qui vont sortir.
Et puis, il y a également le renouvellement profond de beaucoup d'institutions culturelles que les visages ici présents incarnent, et que nous allons continuer de penser, auquel nous allons continuer d’œuvrer avec vous. Tout ça constitue, si je puis dire, les soubassements de quelque chose qui vous appartient, mais qui est, je crois, profondément une énergie créatrice qui doit s'emparer de notre pays dans les temps qui viennent. Parce que je pense que les formes de création, quelles qu'elles soient, et tous les arts convoqués, contribuent de ce que notre pays, ce que notre Nation, a à dire dans cette sortie de crise. Je ne sais pas quand elle adviendra véritablement, je ne sais pas si elle se fera en un beau jour, je suis convaincu qu'elle a déjà commencé, et que la vocation de la France est de pouvoir assumer avec beaucoup fierté ce qu’elle est, cette œuvre le montre ô combien, de savoir assumer, de réadmirer, mais de savoir aussi assumer de recréer et d'inventer, y compris les lieux qui peuvent paraître comme étant les plus intimidants. A cet égard, Daniel, merci d'avoir dans ce lieu, cédé avant tout à l'esprit de liberté et à la volonté d'avancer et de créer. C’est de cela dont a besoin, et c’est cela qui est souhaité, attendu de chacune et chacun d'entre vous là où vous êtes.
Merci infiniment, et merci à Daniel et à Ora-ïto.