Celui qui portait avec le même talent la robe noire et l’habit vert nous a quittés mercredi, à l’âge de 92 ans. Épris de justice, Jean-Denis Bredin professait le droit, le pratiquait, le défendait, et s’en était même fait l’historien passionné. Amoureux d’histoire et de littérature, il avait aussi écrit des romans, des récits de procès et des traités sur l’éloquence, des biographies et autobiographies qui lui avaient ouvert les portes de l’Académie française. 

Né à Paris en 1929, Jean-Denis Bredin grandit dans un univers bourgeois dont ses parents lui présentèrent deux visages : la rigueur et l’austérité du côté paternel, le raffinement et le goût de la culture du côté maternelle, double identité que reflétèrent sans doute les études de droit et de lettres qu’il suivit avec la même ardeur. 

Docteur en droit à seulement 21 ans, reçu premier à l’agrégation de droit privé à 28 ans, Jean-Denis Bredin décrocha le barreau avec le brio d’un jeune prodige. En 1965, il s’associa à Robert Badinter pour fonder l’un des plus prestigieux cabinets d’avocats d’affaires de France, rejoint plus tard par Jean-François Prat. Le cabinet Badinter Bredin, devenu Bredin Prat, rafla quelques-unes des affaires du siècle, celle du talc Morhange, de l’héritage Chagall, de l’enlèvement du Baron Empain, du braquage de l'Aga Khan ou de la ruine Boussac. Avocat prisé, il défendit aussi bien Yves Saint-Laurent que les militants du Front de libération nationale Corse, le musée du Louvre et son conservateur en chef, Pierre Rosenberg, ou encore Michaël Levinas dans la succession d’Emmanuel Levinas. 

Derrière ces grands cas, il plaidait de grandes causes, mu par une même quête de justice et d’humanisme, qu’il s’agisse de défendre l’abolition de la peine de mort et la présomption d’innocence ou de dénoncer les dérives judiciaires. 

Animé par le sentiment du bien commun, il s’était aussi engagé en politique auprès des radicaux de gauche et avait prêté main forte à l’Etat pour définir les contours de réformes structurantes, travaillant à la réforme de l’éducation supérieure dans le sillage de mai 68 avec Edgar Faure, et dans les années 80 à la réforme de l’audiovisuel avec Jack Lang. 

Son éloquence savait se décliner de tribunaux en amphithéâtres, d’articles de presse en essais et livres d’histoire. Professeur, il enseigna à la faculté de droit de Rennes, de Lille, à Paris-Dauphine, puis à l’Université Paris-I. Ecrivain et historien, il retraça la vie de grands personnages historiques comme l’abbé Sieyès, la famille Necker ou Charlotte Corday avec le talent du portraitiste, mais diagnostiqua aussi les maux de notre société à travers les grands procès qui la divisèrent comme dans L’Affaire, toujours considéré comme le livre de référence sur l’affaire Dreyfus. 

Le Président de la République salue une haute figure du droit, de l’histoire et des lettres, et adresse ses plus sincères condoléances à sa famille, ses proches et ses pairs. 


 

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