Quelques mois après la mort de Kenzo et de Cardin, le monde de la mode est de nouveau endeuillé. Le couturier israélo-américain Alber Elbaz, qui fut le directeur artistique de la maison Lanvin durant près de quinze années, s’est éteint à l’âge de 59 ans. Il aura prolongé et enrichi cette lignée de créateurs qui ont forgé la légende de l’élégance française. 

Né à Casablanca, Albert Elbaz avait grandi en Israël, voulait devenir médecin, mais passait déjà des heures à dessiner des silhouettes de femmes et à leur inventer mille et une toilettes. Comme il mettait plus de passion à ces croquis de vêtements qu’aux dessins d’anatomie, il abandonna bientôt ses rêves de blouses blanches et de stéthoscopes pour apprendre à manier l’aiguille et les ciseaux au Shenkar College of Textile Technology and Fashion de Tel-Aviv. 

Le gousset vide, mais un diplôme en poche et plein d’idées en tête, il partit à l’assaut de New York. Pendant sept ans, il apprit les règles de son métier auprès de Geoffrey Beene, l’un des couturiers les plus en vue de l’époque. Mais c’est en France que le talent d’Alber Elbaz allait s’épanouir. La maison Guy Laroche se fia à lui pour rafraîchir son image. Après quelques saisons, l’enseigne retrouva tant de couleurs et d’éclat que Pierre Bergé décida de confier à ce jeune créateur la périlleuse mission de succéder à Yves Saint Laurent en tant que directeur artistique de la ligne de prêt-à-porter Yves Saint Laurent Rive Gauche. Le défi fut relevé de main de maître avec trois collections partout acclamées qui parvinrent à la fois à perpétuer et à renouveler un style devenu trésor national. 

C’est ainsi que Lanvin, la plus ancienne maison de couture française, qu’un siècle d’existence avait nimbée de légende mais dont l’aura, à l’aube des années 2000, commençait à pâlir, fit appel à ce prodige pour retrouver tout son lustre. Alber Elbaz sut réveiller cette belle endormie de la rue du Faubourg Saint-Honoré, en ravivant cette alchimie de la sobriété et du glamour, de la sophistication et de la désinvolture, qui avait fait sa gloire. 

A l’heure où les couturiers redessinaient la silhouette des femmes en puisant de plus en plus dans le vestiaire des hommes, Albert Elbaz préféra réinventer sans cesse les atours de la féminité. Il aimait par-dessus tout les robes, cette pièce maîtresse de la garde-robe féminine, qu’il a déclinées sur toutes les coutures : drapées, frangées, soyeuses et moirées, vaporeuses ou ajustées, toges de vestale ou fourreaux modernes, ses tuniques étaient toujours taillées dans le patron de la sensualité, et parées de détails qui faisaient sa signature, broderies de métal, zips industriels et nœuds XXL. De fil en aiguille, son style s’était entrelacé à celui de Lanvin si bien que, pendant des années, le logo de la maison fut surpiqué de son nom.

Alber Elbaz a sublimé de ses créations quelques-unes des plus grandes icônes du grand écran et des tapis rouges, de Catherine Deneuve à Natalie Portman, mais il avait toujours à cœur d’habiller toutes les femmes, petites ou grandes, filiformes ou plantureuses. Ses vêtements n’étaient pas conçus pour ne briller que sur les photos et les podiums : il voulait donner aux femmes qui les portaient le sentiment d’enfiler un peu de bonheur. 

Quelques années après avoir quitté Lanvin, Alber Elbaz avait lancé sa propre griffe, AZ Factory, son « usine à rêve » car son ouvrage, qu’il remettait chaque jour sur le métier, consistait, disait-il, à envelopper les femmes dans l’étoffe de leurs rêves. 

Le Président de la République et son épouse saluent un créateur qui a fait rayonner l’élégance française à travers le monde. Ils adressent à sa famille, à ses proches, à tous ceux qui ont travaillé à ses côtés, leurs sincères condoléances. 

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