Rémy Julienne, le cascadeur en chef du cinéma français, est mort hier à l’âge de 90 ans. En un demi-siècle et 400 films, il aura réinventé la voltige pour grand écran et donné ses lettres de noblesse à la scène d’action. 

Dans les grandes équipées qui font le cinéma, il y a ceux qui apportent leur jeu, leur visage, leur voix au succès d’un film. D’autres, dans l’ombre, lui prêtent leurs mains, leur regard et leurs idées ou, comme Rémy Julienne, leur art consommé des sauts et de la chute, de la bagarre et des carambolages. 

Pour discipliner cet élève qui l’était bien peu, un instituteur lui avait confié les rênes de la section cinéma de son école. Le jeune Rémy se prit de passion pour les facéties très physiques de Charlie Chaplin, Buster Keaton, Laurel et Hardy. Mais il avait tout le mal du monde à rester assis : il ne prospérait que dans l’action, le mouvement, la vitesse. As des deux-roues, il enfourchait à 12 ans la mobylette de son père et décrocha à 27 le titre de champion de France de moto-cross. 

Pour stupéfier, pour subjuguer, le cinéma a besoin d’intrépides comme lui qui aiment, et qui savent, prendre tous les risques. Dès Fantômas, en 1964, on lui confia le soin de chorégraphier des cascades spectaculaires pour le grand écran. Il en conçut bientôt pour des centaines de films, réglant au millimètre près des cavalcades motorisées, des explosions et des tonneaux qui défiaient les lois de la raison et de la gravité. 

Réputé pour son professionnalisme et sa rigueur, il doublait les plus grands, Jean Marais, Yves Montand, Alain Delon, Jean-Paul Belmondo surtout, dont il était l’acolyte fidèle et l’ami de toujours. Leur complicité de casse-cou donna jour à plusieurs scènes mythiques, dans Le Casse d'Henri Verneuil, où Belmondo sillonne en trombe les rues d'Athènes, ou dans Le Guignolo de Georges Lautner, où il survole Venise suspendu à l’échelle d’un hélicoptère en gilet de flanelle et caleçon à pois. 

Sous sa direction, les scènes d’action se muaient en séquences d’anthologie, en moments de haute-voltige qui firent retenir leur souffle à des générations de spectateurs. La Grande Vadrouille lui doit ses courses-poursuites, mais aussi Rabi Jacob, la saga des Gendarmes, six James Bond. L’une de ses plus belles récompenses, plus belle peut-être que tous ses trophées, fut cet hommage de Roger Moore, qui le couronnait roi du film d’action : « Sans Rémy Julienne, James bond n'aurait pas existé. ». 

Inépuisable, « l’Einstein des cascades » effectua aussi des tests de sécurité routière pour démontrer l’efficacité du port de la ceinture, aida la justice à reconstituer des scènes de crime, mit en scène des films publicitaires et même un spectacle automobile pour Disneyland Paris. 

Ce trompe-la-mort avait lutté de longs jours avec elle, avant de succomber au coronavirus. Le Président de la République et son épouse saluent le parcours semé de défis de cette tête brûlée du cinéma français. Ils adressent ses condoléances à sa famille, aux deux fils et au petit-fils auxquels il a transmis son talent, à ses amis, à tous les acteurs qu’il a doublés, et à tous les cinéphiles que ses exploits ont émerveillés durant plus de cinquante ans. 


 

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