Il avait contribué à délivrer la France avant d’aller libérer le camp de Buchenwald. Le résistant Raymond Savoyat nous a quittés le 26 décembre, à l’âge de 96 ans.
Il en avait 16 en 1940 lorsque les Allemands battirent victorieusement le pavé de sa ville de La-Tour-du-Pin en Isère. Indigné par la défaite, plus encore par le défaitisme, le jeune Raymond multiplia les petits gestes de bravade contre l’occupant. Avec son frère, il voulut transformer ces initiatives individuelles en efforts collectifs : il entra alors dans la Résistance, rejoignit l’Armée secrète, prit la tête d’un groupe du 4e bataillon des francs-tireurs et partisan. Il mena tous ces combats qui ne se livraient pas dans la lumière des champs de bataille mais dans l’ombre de la clandestinité, assurant des liaisons entre les membres de son réseau, réalisant des sabotages, arrêtant des miliciens, faisant évader des camarades. Raymond Savoyat était de ceux qui retinrent à bout de bras l’honneur de la France, son destin de Nation libre.
Après le Débarquement, son réseau redoubla d’audace, prit tous les risques, si bien que le jeune homme frôla la mort à plusieurs reprises. Pourtant, il ne lâcha rien, participa à la libération de sa ville, puis de Bourgoin et enfin de Lyon. Refusant de s’arrêter en si bon chemin, il s’engagea ensuite dans l’armée pour poursuivre la lutte en Allemagne, jusqu’au jour de la victoire, mais aussi pour se lancer sur les traces de son père, raflé et déporté en mai 1944.
Enrôlé dans les troupes américaines du général Patton, le jeune chef de peloton faisait route vers Nuremberg lorsqu’il reçut l’ordre d’aller libérer un camp de prisonniers près de Weimar, dans un lieu qui ne figurait sur aucune carte. C’est ainsi qu’il arriva, mi-avril 1945, dans le camp de Buchenwald. Il découvrit alors une cohorte de 20 000 spectres hâves, des hommes et des enfants enfermés là parce qu’ils étaient juifs ou dissidents. Parmi eux, aucun ne pesait plus de 40 kg, beaucoup n’avaient même plus la force de tenir debout ou de parler. Raymond Savoyat décrivit ces jours étranges et muets où les survivants avaient le sentiment de vivre un miracle dont ils avaient longtemps rêvé, tandis que les soldats, découvrant l’horreur, avaient l’impression de vivre un cauchemar. Il apprit bientôt, abasourdi, qu’il existait des centaines de camps comme celui-ci, véritables usines à broyer les êtres, et que son père était mort du typhus dans celui de Mauthausen, au moment même où lui sauvait les survivants de Buchenwald.
Enfouis durant des décennies sous le poids de la douleur, de l’incompréhension, de sa modestie aussi, ses souvenirs ressurgirent il y a une dizaine d’année, un jour où ses petits-enfants le questionnèrent sur la Résistance. Depuis, et à l’heure où tant de témoins disparaissaient, Raymond Savoyat s’était fait un devoir de témoigner, quand bien même sa voix s’étranglait immanquablement chaque fois qu’il évoquait son arrivée à Buchenwald, sa découverte de l’horreur dont des hommes s’étaient rendus coupables, comme de la résilience dont d’autres s’étaient montrés capables.
Le Président de la République s’incline devant la mémoire de ce Résistant qui participa jusqu’au bout à la Libération de la France et à la victoire sur le nazisme. Il adresse à sa famille, ses proches et ses anciens camarades de combats ses plus respectueuses condoléances.