Le politologue et ancien membre du Conseil Constitutionnel Alain Lancelot nous a quittés à 83 ans, laissant le souvenir d’un homme d’une finesse et d’une pédagogie exceptionnelles. 

Ce fils d’officier de marine qui sortit major de Sciences-Po dans la section service public en 1958 semblait avoir un avenir politique tout tracé. Mais sa passion allait à la recherche, à l’analyse, à la dissection des forces et des courants qui meuvent notre vie démocratique. Aussi délaissa-t-il la scène politique pour l’étude de ses coulisses, et plus encore pour l’interprétation sociologique du vote des Français, objet de ses deux thèses. Il sut renouveler la tradition de la géographie électorale française par les méthodes d’enquête d’opinion et de sondage venues des États-Unis, dont il devint bien vite une référence. Son expertise des urnes lui valut d’être une voix familière de nos ondes de radio et un visage régulier de nos écrans de télévision.

Fort de son double doctorat en sciences politiques et en sociologie, mais surtout de ce mélange de solidité intellectuelle et d’esprit d’innovation, allié à un humour et un talent oratoire qui le rendaient captivant, il fut durant trente un pilier de la recherche et de l’enseignement supérieur, invité d’Ottawa à Florence, adoré de ses élèves à l’IEP de Grenoble et de Paris. 

Lorsqu’il prit la tête de l’institut de la rue Saint-Guillaume de 1987 à 1999, il mena un ambitieux programme de réforme des études, assisté de Richard Descoings, pour mieux les adapter au marché du travail, y mettre en valeur les sciences humaines et sociales, et les ouvrir au monde par l’apprentissage des langues étrangères. Car cet Européen convaincu, qui s’investit à compter des années 2000 au conseil de l’Europe et à la fondation Robert-Schuman, savait l’importance d’un dialogue des peuples éclairé.

Sa polyvalence intellectuelle lui permit de siéger ausi bien au conseil d’administration de l’ENA et de Sciences Po que d’éclairer l’institut de sondage SOFRES et le conseil national du SIDA, d’assurer les fonctions de vice-président du Centre de Formation des Journalistes ou de donner de précieux avis aux décideurs économiques et politiques d’aujourd’hui. Sa nomination au conseil constitutionnel de 1996 à 2001 vint couronner ce riche parcours et consacrer son statut de grand sage de notre République.

Le Président déplore la disparition d’un fer de lance de la pensée politique française aux multiples engagements et aux innombrables talents, qui manquera au monde de la recherche, de l’enseignement supérieur et des institutions publiques.

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