Le journaliste, patron de presse et essayiste Jean-Louis Servan-Schreiber s’est éteint hier à l’âge de 83 ans. Digne représentant d’une tradition familiale du verbe et de la plume, il avait contribué à écrire l’histoire de la presse française de son époque. 

L’épopée journalistique de son père, qu’il a relevée avec son frère, et que leurs enfants poursuivent après eux, a fondé la dynastie Servan-Schreiber. Son père, Émile, avait créé Les Échos, et son frère aîné, Jean-Jacques, L’Express. C’est dans le premier, le quotidien économique, que Jean-Louis affute d’abord ses mines, dès 1960. Quatre ans plus tard, il rejoint son aîné au sein de l’hebdomadaire. En auriges fraternels, « JJSS » et « JLSS » tirent alors l’attelage de L’Express vers de nouvelles hauteurs, au rang de premier magazine d’actualité de France. Le Nouvel Observateur, Le Point ou Marianne s’inspireront de ce succès qui définit pour longtemps le modèle des hebdomadaires français. 

JLSS déploie ensuite ses propres ailes. Il n’a pas encore trente ans lorsqu’il crée avec Jean Boissonnat le magazine économique L’Expansion qu’il dirige durant près de trois décennies, le déclinant en lettres et tribunes (L’Entreprise, La Lettre de l’Expansion, La Vie financière, La Tribune…) qui hissent le groupe Expansion sur la première marche des groupes de presse français, et dont les titres charpentent encore notre vie intellectuelle et institutionnelle. 

À la fin des années 90, Jean-Louis Servan-Schreiber a le flair de racheter un mensuel féminin moribond, Psychologies magazine. Il en fait rapidement l’un des fleurons de la presse magazine, comme un psychologue à la portée de toutes les bourses : en moins de 10 ans, le titre passe de 70 000 à 350 000 exemplaires vendus. Depuis leur propre canapé, les Français y trouvent des clés pour pousser des portes intérieures, et analysent au miroir de cette lecture des méandres intimes que la presse française n’avait encore jamais explorés. 

S’il écrivait avec talent, Jean-Louis Servan-Schreiber était aussi une voix de la radio, créateur de Radio Classique, chroniqueur sur France Inter et Europe 1, et un visage de la télévision, qui anima pendant près de 10 ans l’émission « Questionnaire » sur TF1. 

Ses multiples engagements professionnels ne pouvaient empêcher ce fervent défenseur des droits de l’homme de prodiguer son temps et ses conseils à Human Rights Watch. Président du comité de soutien de l’organisation, il sonnait l’alarme auprès des ministères et des médias, chaque fois que dans le monde les droits de l’homme étaient bafoués. 

En patron de presse respectueux de l’indépendance de ses titres et de la mission de ses journalistes, Jean-Louis Servan-Schreiber avait une haute conception de sa responsabilité. Il faisait des colonnes de ses journaux le soutien de ces piliers républicains que sont la liberté d’informer, la liberté d’expression et de pensée, qui ne peuvent survivre sans pluralisme et sans débats d’idées, sans ce dialogue des points de vue et ce dissensus fécond auxquels nous sommes si attachés. Il défendait une conception bienveillante et humaniste de la presse, ne cédant jamais aux polémiques, se donnant toujours pour mission d’éclairer les esprits. 

Le Président de la République salue un homme de presse qui, sa vie durant, a défendu cette liberté et cette exigence. Il adresse ses plus sincères condoléances à sa famille, ses proches et ses lecteurs, comme aux journalistes qu’il a formés pour qu’ils écrivent et parlent en toute indépendance, ainsi qu’aux Français qu’il a informés pour qu’ils pensent et agissent en toute liberté. 

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